Tariq Ramadan : Frère ou pas Frère ?

Il m’est arrivé d’entendre Tariq Ramadan nier qu’il était Frère musulman. Par exemple sur le plateau de l’émission Campus où je venais de le décrédibiliser en citant un extrait de son cours sur son grand-père. « Je ne suis pas Frère musulman ! » a-t-il esquivé juste avant la fin de l’émission. « Je n’ai aucun lien organique avec les Frères musulmans », déclare-t-il volontiers dans la presse.

Comme si les Frères étaient un parti dont on avait la carte.

Comme si cette absence de lien organique le disculpait de réhabiliter et d’enseigner la pensée de son grand-père – sans aucun recul ni esprit critique –, aux musulmans européens. « Il faut arrêter avec ces fantasmes, a-t-il déclaré au Nouvel Observateur. Je suis indépendant, j’ai des différends doctrinaux avec les Frères, même si un de mes oncles, Al-Islam al-Banna, est un des membres de la direction de ce mouvement. Mais vous savez, les Frères ne sont pas une organisation homogène. Il y a des courants, des sous-courants… »[1] Les Frères abritent effectivement plusieurs écoles en leur sein. Mais il faut bien comprendre que ces divergences concernent la méthode et jamais les objectifs.

Il est tout à fait possible que certains Frères musulmans jugent les méthodes de l’héritier un peu trop modernes à leur goût. Cela ne fait pas de Tariq Ramadan un musulman moderniste !

Tariq Ramadan diffuse l’islamisme qu’il a reçu en héritage partout où il passe. Ce qui fait de lui l’un de ses ambassadeurs, d’autant plus dangereux qu’il est insaisissable et prétend être autonome. Antoine Sfeir, fondateur des Cahiers de l’Orient et auteur de plusieurs ouvrages sur l’islamisme, l’un des premiers à avoir souligné le double discours de Tariq Ramadan, ne s’y trompe pas : « Pour moi, il ne fait aucun doute qu’il est un des personnages clefs de la confrérie ».[2] Richard Labévière, journaliste à RFI et auteur de plusieurs ouvrages sur le terrorisme islamiste, confirme. En avril 1998, lors d’un voyage au Caire, il a interviewé le chef de la confrérie, le Guide Machhour. Ce dernier lui a confirmé que l’appartenance aux Frères ne se posait pas en termes de « membre » ou « pas membre » mais d’adhésion à une pensée, avant d’ajouter à propos de Tariq Ramadan et de son frère aîné : « L’action d’Hani et Tariq s’inscrit fidèlement dans la tradition la plus pure des Frères musulmans. »

[1] Serge Raffy, « Le vrai visage de Tariq Ramadan », Le Nouvel Observateur du 29 janvier-4 février 2004.

[2] Entretien avec Antoine Sfeir, le 29 décembre 2003.

Extrait de Frère Tariq, Grasset, 2004

Ce article est également disponible en العربية.

Laisser un commentaire