DALIA MOGAHED, CONSEILLÈRE D’OBAMA

DALIA MOGAHED, CONSEILLÈRE D’OBAMA

Dalia Mogahed, conseillère d'Obama

Dalia Mogahed, conseillère d’Obama

01.12.2016 Carla Parisi

Dalia Mogahed est une universitaire américaine née en Égypte en 1974. A la fois directrice de son entreprise de conseil spécialisée dans le Moyen-Orient, Mogahed Consulting, et directrice de recherche à l’Institute for Social Policy and Understanding, elle a été recrutée en 2009 par l’administration Obama comme conseillère au Bureau des partenariats confessionnels de la Maison Blanche. Elle a auparavant travaillé en tant que directrice exécutive du centre d’études musulmanes Gallup. Mogahed a également été invitée à témoigner devant la Commission des relations étrangères du Sénat des États-Unis sur l’engagement des États-Unis auprès des communautés musulmanes et elle siège au Conseil consultatif sur la sécurité intérieure du Département des États-Unis. Elle a ainsi rejoint Madeleine Albright et Dennis Ross comme une voix de premier plan dans le projet d’engagement entre les États-Unis et les musulmans. Elle est la première conseillère voilée de la Maison Blanche.

Le magazine Arabian Business l’a désignée comme la femme arabe la plus influente dans le monde, et le Centre Royal d’Etudes Stratégiques Islamiques a inclus Mogahed dans la liste des 500 musulmans les plus influents dans le monde. Elle a également été récompensée par le prix de l’Entrepreneur social arabe de l’année par l’organisation indienne Ashoka.

Dans son rôle en tant que scientifique Gallup, Mogahed a souvent été invitée comme commentateur dans les médias et les forums internationaux. Ses analyses ont été publiées dans le Wall Street Journal, le magazine Foreign Policy, le Harvard International Review, et de nombreuses autres revues académiques et populaires. Son auditoire comprenait des chefs d’État, des parlementaires du monde entier et des leaders religieux de toutes les confessions.

Elle se fait vraiment connaître en 2007 dans le milieu universitaire aux Etats-Unis en écrivant avec le compagnon de route des Frères musulmans américains John Esposito : Who Speaks for Islam?: What a Billion Muslims Really Think. Elle y expose sa propre vision de la Charia, qu’elle décrit comme universelle : « une boussole [morale] reflétant des principes valables à toute époque, qui ne peut être changée » et de la loi islamique qui en découle : « une carte qui doit se conformer à cette boussole ».

Lorsque le Président Obama la recrute deux ans plus tard, de nombreux universitaires, comme la spécialiste du Moyen-Orient Elham Manea, s’inquiètent : « ces lois [de la Charia] perpétuent les discriminations envers les femmes dans la famille ». Elle conclue : « Obama ne veut pas ressembler à l’ancien président Bush qui avait des vues unidimensionnelles, et il adopte alors des vues opposées, mais elles aussi unidimensionnelles ».

Sur la chaîne Al-Arabiya, elle décrit sa mission dans l’administration Obama : « mon travail est d’étudier les musulmans, la façon dont ils pensent et leurs idées ». Dalia Mogahed n’a jamais peur de façonner une « communauté musulmane », de parler en son nom, ni de prêter à tous les musulmans les mêmes traits, quitte à les essentialiser et à faire perdurer les stéréotypes. Sa nomination s’inscrit par ailleurs dans la politique du gouvernement Obama de faire émerger des leaders communautaires. Aussi étonnant que cela puisse paraître, Al-Arabiya rapporte que Dalia Mogahed se donne également pour mission de chercher à « réduire le nombre d’avortements ».

Le site Islam Online, créé par le leader spirituel des Frères musulmans Youssef Al-Qaradawi ayant légitimé les attentats-suicides, parle de Dalia Mogahed comme d’une « success story aux Etats-Unis ». Interviewée sur ce site internet en avril 2009, elle affirme que le djihadisme n’a rien à voir avec l’Islam : « beaucoup ont dit que les terroristes ont détourné l’Islam. Je ne suis pas d’accord. Je pense que l’Islam est sans danger, et est prospère dans les vies des musulmans de tous les pays ».

En octobre 2009, elle est invitée au dîner annuel de l’association frèriste CAIR (pointée du doigt par le FBI car soupçonnée de liens avec le Hamas, et classée terroriste aux Emirats Arabes Unis). Elle semble avoir annulé sa participation lorsqu’il a été rendu public qu’elle partagerait son dîner avec l’imam Siraj Wahhaj, ancien partisan de Nation Of Islam, défenseur du Cheikh Omar Abdel-Rahman et de la lapidation, il considère « Allah comme supérieur à la démocratie », et est cité comme « unindicted co-conspirator » dans l’attentat du World Trade Center en 2003. Elle a toutefois participé au dîner annuel de CAIR en 2015, et est annoncée à celui du 17 décembre 2016. CAIR publie des articles élogieux sur Dalia Mogahed sur son site web, et n’hésite pas à la féliciter pour son rôle auprès du président Obama.

Toujours en octobre 2009, elle donne une interview à la chaîne anglaise Muslima Dilemna, qui appartient au parti politique Hizb ut-Tahrir (ou parti de la libération islamique). Ce parti milite ouvertement pour la mise en place d’un Califat mondial régi par la Charia. Face à deux militantes de Hizb ut-Tahrir qui défendent la Charia comme source de législation et qui affirment que la femme ne doit pas avoir de position de leadership, elle n’émet aucune contradiction, et affirme : « je pense que la raison pour laquelle tant de femmes soutiennent la Charia est parce qu’elles en ont une compréhension très différente de la perception occidentale. La majorité des femmes dans le monde associent la justice entre les sexes, la justice pour les femmes, avec la Charia ». Dalia Mogahed en profite pour dire à ses interlocutrices que son rôle est de « transmettre au Président et aux autres représentants officiels ce que les musulmans veulent ».

En 2010, elle décrit le mouvement Gülen comme un « mouvement inspirant pour les musulmans ».

En 2012, elle s’adresse sur Twitter aux soutiens de Bachar al-Assad en leur disant qu’il n’a pas de légitimité car « il ne peut pas assurer la stabilité, la protection des minorités, ni la résistance à Israël ».

En 2014, elle est l’invitée d’honneur du dîner du CCIF, aux cotés de Marwan Muhammad, Rokhaya Diallo, Houria Bouteldja, Rachid Abou Houdeyfa, Nader Abou Anas, Ahmed Jaballah, ou encore Nabil Ennasri.

Outre CAIR, Dalia Mogahed a également été intervenante pour d’autres associations reliées aux Frères musulmans :

  • Islamic Circle of North America, ICNA, (congrès de 2015)
  • Muslim American Society, MAS, (congrès de 2016)
  • Islamic Society of North America – Muslim Student Association, ISNA-MSA (annoncée au congrès de 2016 aux cotés de Tariq Ramadan)
  • Muslim Public Affairs Council, MPAC, (congrès de 2016)

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Prison requise contre Abdelfattah Rahhaoui, protégé du CCIF 

Prison requise contre Abdelfattah Rahhaoui, protégé du CCIF 

18.11.2016

Depuis l’été 2016, le CCIF a lancé une campagne de soutien sur les réseaux sociaux pour Abdelfattah Rahhaoui, imam et directeur d’école à Toulouse. Le CCIF et Abdelfattah Rahhaoui considèrent comme « islamophobe » la décision de non-ouverture par l’Inspection Académique de son école Al-Badr à la rentrée 2016. Voir notre dossier sur Abdelfattah Rahhaoui ici, et ses liens avec Sanabil (association soupçonnée de liens terroristes) : https://ikhwaninfowhoswhofr.data.blog/2016/09/07/qui-est-abdelfattah-rahhaoui-que-defend-tant-le-ccif/

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Suite à son refus de se plier à la décision de l’Inspection Académique puis à l’ouverture illégale de classe (en récidive depuis 2010), ainsi que des faits de violence et d’intimidations sur ses élèves, Abdelfattah Rahhaoui a comparu le 17 novembre 2016 au tribunal. Les faits exacts reprochés sont : « violences aggravées et répétées à l’encontre de mineurs de moins de quinze ans par une personne dépositaire de l’autorité », « ouverture illégale de classes de collège » et « refus de se soumettre à la mise en demeure ». 

Abdelfattah Rahhaoui s’est défendu en prétendant faire uniquement du soutien scolaire, des « cours à la carte » aux collégiens. Mais CôtéToulouse rapporte les interrogations de la présidente de séance au tribunal : comment expliquer les volumes horaires de 26h de cours ? sans que ces élèves de collège ne soient inscrit dans aucun autre établissement ? Cela ressemble plus à un collège clandestin, qu’à des cours de soutien scolaire en parallèle des études des jeunes élèves. 

Les enseignements ont de plus été reconnus défaillant par tous les rapports de l’inspection académique. 5 des 7 bloc du tronc commun ne sont pas correctement enseignés. Seuls les cours de langue arabe et d’étude du Coran seraient soutenus (7 heures par semaine), avec 6 professeurs sur les 13 que compte l’établissement. 

Les professeurs, dont plusieurs affirment avoir été ni payés, ni déclarés, ont même été remplacés par des parents d’élèves lorsqu’ils se sont mis en grève pendant 2 semaines. Ce qui a déclenché des contrôles de l’inspecteur d’académie, puis une saisie du Procureur. 

Le témoignage d’une jeune collégienne de 6ème est glaçant. Lors de la visite de l’inspecteur d’académie, elle rapporte avoir été obligée de se cacher avec les autres élèves du secondaire, pour ne pas être vus. Lorsqu’elle s’interroge sur cette obligation de mentir à l’inspecteur, elle sera convoquée par Abdelfattah Rahhaoui : « Il m’a alors convoqué dans son bureau et, après m’avoir crié très fort dessus, il m’a frappé au niveau de la joue, me faisant tomber par terre. Le directeur nous terrorisait, nous criait dessus, favorisait ses enfants et se moquait des enseignants ainsi que des élèves ». 

Exclue pendant 3 jours, elle change ensuite d’établissement. Tout comme ce collégien, défendu à la barre par Me Doumenc. Il dit avoir été trois fois victime de violences : « AbdelFattah Rahhaoui l’aurait, un jour, tenu dans ses bras, jusqu’à le faire devenir rouge, avant de le jeter en direction de chaises. Une deuxième fois, alors qu’il n’allait pas assez vite pour amener des tables dans une salle de classe, le directeur de l’école aurait jeté un meuble dans sa direction. Enfin, pendant la récréation, il aurait reçu de la part d’AbdelFattah Rahhaoui un ballon de basket, envoyé au niveau de son oreille. Le jeune garçon aurait fait état de maux de crâne, l’obligeant à prendre des anti-douleurs » (CôtéToulouse). 

Alors qu’Abdelfattah Rahhaoui se dit victime d' »islamophobie », la procureur requiert : 

  • 3 mois de prison avec sursis pour les faits de violence,
  • 4 mois de prison avec sursis, 5000€ d’amende, l’interdiction d’exercer une profession en lien avec l’éducation, et la fermeture du groupe scolaire, pour le non respect de la mise en demeure, 
  • et 3000€ d’amende pour l’ouverture illégale de la classe de collège. 

Le délibéré est fixé au jeudi 15 décembre, à 14 h.

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POUR LA CORDOBA FOUNDATION LA RADICALISATION ISLAMISTE N’EXISTE PAS

Pour la Cordoba Foundation la radicalisation islamiste n'existe pas

Pour la Cordoba Foundation la radicalisation islamiste n’existe pas

11.10.2016 Carla Parisi

« Circulez, y’a rien à voir » aurait dû être le sous titre du rapport publié par la Cordoba Foundation. La Fondation  a été créée en Grande Bretagne par Anas Al Tikriti est le fils du leader officiel des Frères musulmans en Irak. En 2009, David Cameron a dénoncé la Fondation Cordoba, comme étant un faux nez des Frères musulmans en Grande Bretagne. Raison pour laquelle elle apparaît sur une liste publiée par le gouvernement des Émirats arabes unis d’organisations musulmanes soutenant le terrorisme.

Malgré ce lourd contexte, Anas Al Tikriti  et la Cordoba Foundation sont régulièrement sollicités pour délivrer leurs analyses. Dernier rapport en en date, les mythes de la menaces djihadistes à l’Ouest et la radicalisation islamique ». L’auteur : Alain Gabon est professeur au Wesleyan College (Wesleyenne), institution de la grande bourgeoise wasp américaine.

En introduction, le Dr Abdullah Faliq, responsable du Forum islamique européen explique sur un ton alarmiste que des gouvernements européens ont actuellement « commencé à confisquer et interdire la littérature islamique », à « confondre les pratiques religieuses conservatives avec de l’extrémisme », à « surveiller les mosquées, madrasas et centres de jeunesse (avec le pouvoir de les fermer) », et à « cibler les leaders de la communauté et les organisations islamiques mainstream ». Les « attaques islamophobes » envers les musulmans seraient le fruit d’une « menace surévaluée du djihadisme ». Et finalement, les djihadistes utiliseraient seulement « des slogans anti-autorité (pour un monde meilleur) », dans une « culture rebelle qui peut se retrouver dans presque toutes les communautés ».

A sa suite, Anas Al Tikriti, rend hommage à l’ancien maire de Londres, Ken Livingston, pour son comportement qu’il juge exemplaire après les attentats qui ont frappé la capitale britannique en 2005. Néanmoins, il reconnaît que des attaques racistes touchent Londres, comme les autres capitales mondiales. Il en profite pour fustiger le gouvernement actuel, moins accommodant envers les demandes communautaristes, dont la stratégie de lutte contre le djihadisme conduirait à des pratiques dignes de « l’Inquisition » et du « McCarthysme ». Plusieurs centaines d’enfants, d’après le lobbyiste, auraient été arrachés à leurs parents « sous le prétexte de radicalisation ». Et Anas Al Tikriti de déplorer « la criminalisation de chaque suggestion autour de la responsabilité de la politique étrangère britannique  et de ses interventions étrangères dans l’augmentation du terrorisme ».

Dans son étude, Alain Gabon veut démonter 3 réalités qu’il décrit comme mythes :

  • la plupart des terroristes sont des musulmans islamistes ou djihadistes
  • le terrorisme en général, et sa variété djihadiste en particulier, constitue une grande menace pour la vie humaine dans ces sociétés
  • il existe une radicalisation alarmante d’une partie significative des populations musulmanes européennes.

Ces trois « mythes » seraient propagés et renforcés par les discours politiques, médiatiques et académiques, dans un contexte quasi « orwellien ». En France, ces mythes auraient pour résultat l’interdiction des « voiles et niqab dans l’espace public » ainsi que « la surveillance des mosquées », et donc une « islamo-paranoïa ». Alain Gabon oublie bien sur de préciser que le voile n’est pas interdit dans la rue,  et que la loi contre les signes religieux à l ‘école date de 2004, bien avant les attaques terroristes de Toulouse, de janvier 2015 ou de novembre 2015 à Paris.

En juillet 2016, juste après l’attaque terroriste de Nice, Alain Gabon n’avait pas hésité à publier un article dans Middle East Eye, expliquant que  le tueur n’était « ni un islamiste, ni un djihadiste, ni même un « terroriste » ». En mettant bien entendu le terme mot terroriste entre guillemets.

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Pour minimiser les attaques terroristes islamiques, Alain Gabon explique que seuls 6% des attentats sont perpétrés par des djihadistes sur le sol américain. Le reste serait du à des groupes « latinos, chrétiens, juifs, d’extrême-gauche, écologistes, suprématistes blancs, anti-gouvernement, anti-avortement, souverainistes ou sécessionnistes ». Les attentats islamistes seraient les seuls que la presse couvrirait, alors que le nombre de victimes serait « statistiquement négligeables », et dûs  à des « loups solitaires ». En France, on entend parfois le chiffre de 1% du terrorisme qui serait djihadistes. Si le nombre d’attaques djihadistes est inférieur au nombre d’attaques des séparatistes régionaux par exemple, les attentats djihadistes sont de loin bien plus meurtriers : 245 morts en France depuis 2012. De plus, l’ampleur mondiale du terrorisme islamique, ses réseaux, son budget est incomparable à des groupuscules séparatistes ou anarchistes locaux. Cela n’empêche pas Alain Gabon de blâmer en priorité « l’hystérie et la quasi-apocalyptique rhétorique » autour du djihadisme.

Alain Gabon liste 6 raisons à ce qu’il nomme l’ « hystérie collective » :

  • le choc traumatique du 11 septembre 2001 puis du 13 novembre 2015 couplé à une « absence de distance rationnelle et à une absence de mise en perspective » : en effet, dans les attentats sur le sol européen, il n’y aurait « rien de ressemblant au 11 septembre avant (…) ni après ». Rien à voir, laisser passer. Alain Gabon prend même le pari que rien de similaire au 13 novembre ne se produira de nouveau. En effet, si l’on parle de projeter à nouveau deux avions sur les tours jumelles qui n’existent plus, ou de lancer le même commando dans les mêmes bars et salle de concerts parisiens, il y a peu de chance que cela se reproduise. En revanche, on ne compte plus le nombre d’attentats déjoués en Europe depuis 2 ans. Sans oublier les autres attentats en Irak, en Indonésie, au Bangladesh…
  • le rôle des médias et des politiciens qui « cultivent et nourrissent la mémoire du 11 septembre, de Charlie Hebdo et du 13 novembre ». Les « commémorationnisme » et les hommages aux victimes participeraient donc à ce qu’il décrit comme de l’hystérie… sous forme d’ « auto-asphyxie ».
  • la « mauvaise image rapportée par les médias de » : la Révolution Iranienne, de l’Irak, de la Syrie ou du Yemen…et le fait de présenter certains conflits comme des « divisions chiite-sunnites comme si l’Islam était la cause ».
  • les « calculs électoraux » des gouvernements occidentaux qui veulent « garder les populations focalisées sur la menace djihadiste (…) tout en autorisant des régimes despotiques comme Assad ou Al-Sissi en Egypte, dont le régime de terreur est encore pire que Daesh (…) et en justifiant des interventions militaires néocoloniales ». Cela permettrait à ces gouvernements de « supprimer toute dissidence » dans leur pays par la mise en place d’ « états d’urgence » et de regagner en « popularité » grâce au statut de chef de guerre. «La liste des bénéfices s’allonge », et Daesh serait même « utile ». Alain Gabon n’est pas loin de la vision complotiste du false flag, qu’il induit sans le nommer.
  • l’ « obsession vis-à-vis du terrorisme islamique pour ne pas parler des violences domestiques ou par armes à feu (…) pour retrouver les anciens stéréotyes racistes et islamophobes anti-arabes et anti-musulmans ».
  • le « traitement politique et médiatique qui souligne systématiquement le terrorisme de musulmans en ignorant ou en minimisant les autres formes de terreur, surtout si elles concernent des blancs, chrétiens, de droite ». L’auteur blâme la mobilisation en soutien à Charlie Hebdo, comparée à celle de Charleston ou Dylann Roof tua neuf afro-américains dans une église.

De plus, Alain Gabon prend le parti de définir Bachar al-Assad et Saddam Hussein comme des tyrans laïcs . Il oublie que ces deux personnages n’ont pas tué leur peuple au nom de la laïcité, que la Syrie et l’Irak n’étaient pas laïcs au sens propre, et qu’il n’a jamais existé de mouvement laïque terroriste appelant à soutenir ces criminels. Le général al-Sissi est également épinglé pour avoir massacré « 1000 civils sans défense supporter de Morsi ». Le fait que ces régimes ne soient pas taxés de terroristes prouveraient que nous ne sommes pas loin du « négationniste révisionnisme » au service d’ « objectifs de politique étrangère des Etats-Unis ».

Dans son rapport Alain Gabon affirme que croire que « le terrorisme est une menace majeure pour la vie humaine dans les sociétés occidentales est une grosse erreur ». Il s’agirait même de la  « plus petite cause de mortalité, violente ou non violente, de toutes »…. En la comparant à des accidents domestiques ou de la route, donc par définition, non prévisibles ! Il rajoute même, avec cynisme, qu’un cancer est « bien plus long et plus douloureux qu’une mort rapide ».

Alain Gabon parle de « mythe de la radicalisation islamique », qui induirait que de nombreux jeunes hommes musulmans « se radicaliseraient ».  Il considère que la notion de radicalité ou d’extrémisme est arbitraire, et qu’elle ne veut rien dire. Il rejette l’idée selon laquelle des comportements « salafistes », comme refuser de serrer la main à une femme, mèneraient au djihadisme. Alain Gabon ne propose cependant pas d’autre qualification pour désigner cette « radicalité ». Il pointe du doigt Manuel Valls pour avoir déclaré que « la France doit combattre le djihadisme, mais également le conservatisme et le fondamentalisme » dont « les Frères musulmans et les salafistes (…) et en particulier l’UOIF ». Manuel Valls irait même « plus loin » en faisant appel à la société civile, ou en proposant une ligne téléphonique contre le djihadisme ou en mettant en ligne des vidéos comme antidote à la propagande de Daesh. Les signes de radicalisations décrits seraient « paternalistes ». Alain Gabon dénonce également la fermeture de trois mosquées salafistes, qui serait « injustifiée ».

Finalement, selon Alain Gabon le djihadisme serait un « minuscule phénomène »,  et ce serait avant tout le médias et les gouvernements, qui travaillent à convaincre et à apeurer les populations.

Carla Parisi

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Le CCIF en meeting à la mosquée de Tremblay

 

30.08.2016 La rédaction

Suite aux propos racistes envers des femmes voilées dans le restaurant Le Cénacle, Marwan Muhammad du CCIF a lancé une campagne de cyber-harcèlement et organisé un meeting à la Mosquée de Tremblay.

Son intervention, retransmise en direct, était un appel à se mobiliser politiquement.

« Personne n’a le droit de nous dire comment on doit s’habiller, comment on doit financer les mosquées (…). Et pour ça, il faut se mobiliser politiquement. (…) Etre capable de se mobilier en envoyant 1000 courriers, 2000 courriers, 5000 coups de fil à tel élu dont on considère que le comportement est problématique, c’est une action politique. Une action politique dans le sens noble du terme. (…) Et dans l’ensemble de la palette des actions politiques qui sont possible, que ce soit le vote ou l’adhésion à des associations ou le fait de se mobiliser et se rassembler à endroit, je vais choisir celle avec laquelle je suis en accord et en adéquation, conforme et cohérente avec ma vision de la société, avec mes valeurs, avec mon éthique. (…) Plus on sera efficace et on pèsera politiquement, plus ce sera compliqué pour des élus de nous maltraiter et de nous mettre à l’index. »

Clairement politique, son intervention tombe sous le coup de la loi de 1905.

L’article 26 de loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat est très claire.

Il est interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à l’exercice d’un culte.

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Concernant les propos racistes, une enquête judiciaire a été ouverte ; celle-ci déterminera précisément les circonstances dans lesquelles ces propos ont été tenus et il appartiendra à l’autorité judiciaire, et à elle seule, de lui donner les suites appropriées. Plusieurs démarches sont en cours concernant la tenue d' »un meeting dans un lieu de culte.

Pour en savoir plus sur le CCIF dans Ikhwan.

Ou encore ces articles de décryptage de l’organisation.

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MIDDLE EAST EYE

Middle East Eye

11.06.2016 La rédaction

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Sur le papier Middle East Eye, c’est l’histoire d’une réussite.

Près de 30 000 pages vues par jour. 329 000 fans anglophones sur Facebook et 62 600 fans francophones.

20 permanents dans le bureau londonien.

Une dizaines de freelancers dans plusieurs pays.

Plusieurs sont des professionnels et leur carrière donne au media un vernis sérieux et professionnel. En tête : David Hearst. Il est le rédacteur en chef du Middle East Eye. Il a longtemps été grand reporter pour The Guardian à la section internationale. Il a travaillé sur les conflits en Yougoslavie, en Tchétchénie, en Irlande et en Russie.

En deux ans le site est devenu incontournable. Les Online Media Awards ont même récompensé Peter Oborne de Middle East Eye pour son reportage sur le siège de Damas. Middle East Eye a également été nommé pour le prix du meilleur site web d’actualité mondiale. Mais quel genre de journalisme Middle East Eye fait-il ?

« Ils entrent militants et sortent journalistes » #presswashing 

De nombreux militants qui écrivent dans des organes de presse s’arc-boutent sur le fait qu’ils sont journalistes et donc objectifs. En déclarant que les collaborateurs de MEE entre « militants et sortent journalistes » David Hearst joue sur cette confusion. Comme si, des êtres humains, qui se battent passionnément pour une cause ou une idéologie éteignaient l’interrupteur de leur cerveau pour écrire.

Certains contributeurs de Middle East Eye sont engagés. Encore heureux.

En revanche faire croire qu’ils cessent de l’être en écrivant est une insulte à l’intelligence, des lecteurs et des contributeurs de Middle East Eye.

Le biais de l’islam politique

Hanan Chehata est une des contributrices régulières du site. A propos des laïcs elle n’hésite pas à parler « secular fanatics » (laïcs fanatiques) qui la prendraient en étau avec la « police religieuse ».

Basheer Nafi est chargé de recherche principal au Centre detudes d’Al Jazeera. Il a écrit plusieurs papiers pour Middle East Eye. Dans l’un d’entre eux il rappelle à l’ordre Rached Ghannouchi.

« Ennahdha peut changer son discours, mais pas la réalité de l’islam politique ».

« La relation entre Ennahdha et les Frères musulmans n’a pas résulté d’un effort missionnaire conspirateur mais était un choix purement tunisien. Il est tout à fait faux de prétendre aujourd’hui qu’Ennahdha a été prisonnier pendant plusieurs décennies d’une identité politique islamique qu’elle ne désirait pas ».

« Les forces du courant général de l’islam politique, menées par les Frères musulmans, ont lutté depuis près d’un siècle pour l’indépendance de leur État ; elles ont lutté pour la liberté des peuples et pour la mise en place d’un système juste de gouvernance qui exprime la volonté de la majorité du peuple et se porte garant de ses intérêts. Dès le moment où il faisait face au despotisme du leader tunisien Habib Bourguiba, Ennahdha n’était pas une exception. Il n’y a rien de honteux dans cette histoire et il n’y a rien qui justifie une condamnation. »

Et de lancer « la peur et la sensibilité ne doivent pas pousser un mouvement politique ayant une aussi longue histoire de luttes et de sacrifices à prendre des décisions hâtives et précipitées. »

Indépendante… des studios de Hollywood et de son arrière grand-oncle.

Dans la rubrique en anglais “about” on peut lire queMiddle East Eye est « une organisation d’infos  en ligne financée de manière indépendante qui a été créée en Février 2014 ». Au fond que veut dire « financée de manière indépendante » ? Indépendante des gros groupes de presse ? Indépendante des studios d’Hollywood ? Indépendante des fonds de pensions des retraités américains ? La seule solution pour tenter d’y voir clair c’est de demander les documents légaux fournis par la société. On y lit que le directeur de la compagnie est Jamal Awami Jamal dit Jamal Bessasso. Il est directeur de 2 sociétés aux noms quasi similaires : MEE limited et Middle East Eyes limited.

Jamal Bessasso, d’origine palestinienne, est né en 1969 au Koweït. Il est néerlandais. Et vit en grande Bretagne. Jamal Bessasso, a été anciennement directeur du planning et des ressources humaines pour Al Jazeera. Il a aussi été le directeur de Samalink TV au Liban qui diffuse la chaine proche du Hamas Al Quds TV. Jamal Bassasso a également travaillé pour une société immobilière de Dubaï avec Anas Mekdad, un autre Palestinien lié à Al Islah, l’aile émiratie des Frères musulmans, aujourd’hui interdite et dont plusieurs membres purgent des peines de prison pour avoir tenté de renverser le gouvernement Anas Mekdad est le fondateur du forum web islamiste AlMakeem, qui a fait l’éloge du Hamas. Un forum auquel contribue Jamal Bessasso.

Interrogé par le site émirati, The National, David Hearst, le rédacteur en chef de Middle East Eye a complétement nié que Jamal Bessasso, ait de l’importance dans Middle East Eye. Au mieux a-t-il concédé que Jamal Bessasso était « un collègue, le responsable des ressources humaines et le directeur légal » ! Pourquoi nier qu’il soit aussi le représentant des propriétaires anonymes de Middle East Eye, voire son propriétaire puisque c’est le seul nom qui apparait sur les documents officiels fournis à l’l’administration britannique. Jamal Bessasso est le seul nom qui apparait pour la société Middle East Eye Limited qui est la propriétaire du site Middle East Eye.

Toujours dans la rubrique « indépendance », il faut souligner le prêt industriel qu’a représenté l’apport d’un coach : Jonathan Powell. Salarié d’Al Jazeera depuis 2009, il a passé 6 mois à Londres pour créer le site Middle East Eye.

Autre coincidenc, le site Middle East Eye a été déposé par Adlin Adnan. Incidemment employé comme Responsable des politiques de développement de l’organisation Interpal longtemps liée à l’Union du bien de Youssef Al Qaradhawi basée au Qatar.

Toujours un hasard sans doute, on retrouve dans le staff de Middle East Eye, Rori Donaghy directeur entre 2012 et 2014 de l’Emirates Center for Human Rights, une structure destinée à soutenir les Frères musulmans dans les Emirats. Rori Donaghy a reconnu que la structure avait été fondée grâce à Anas Al Tikriti, patron de la Cordoba Foundation et soutien des Frères musulmans.

David Hearst publie des vidéos sur internet oùu il continue à plaider son indépendance politique et financière, sans pour autant outer ses financiers. Pour un site de cet ordre, avec les bureaux spacieux, à Londres, 20 permanents et des dizaines de freelances dans plusieurs pays. Sans parler des traductions. Il faut compter environ 2 millions d’euros par an pour faire vivre le site par an.

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ALKHAYRIA BELGICA

Alkhayria Belgica

15.01.2016 La rédaction

Alkhayria Belgica is an NGO which aspires to contribute to the teaching of Islam in Belgium. They give courses of elimination of illiteracy and organize school outputs. Seminars are also organized to initiate the parents with the Islamic debates. Few lecturers are external with the ideology of the Muslim brothers.

Among the speakers:

In March 2015, in his investigation into Muslim Brotherhood in Belgium, Marie-Cécile Royen includes Alkhayria in the satellite organizations of the Brotherhood. Following this investigation, Marie-Cécile Royen undergoes many intimidations. Ali Oubila, president of CA of Alkhayria requires a right of reply:

“Our ASBL neither is attached or subordinated to the Muslim brothers nor to other organizations whatever they are. This, obviously, prevented us not, within the framework of our activities, to collaborate with intellectual actors of different backgrounds.”

Post scriptum : 

On March 21st, 2016, between the arrest of Salah Abdeslam and the attacks of Brussels, Ali Oubila president of Alkhayria Belgica sent a mail to us :

“Nearly 90% of our speaker are not Muslim brothers! 

Moreover you published our photographs without our knowledge! 

We ask you to withdraw all that you published on us.”

In the paper we had indicated that “few” lecturers were not close to the Brotherhood. We maintain this information, even if the term “few” implies more than one person.

In addition the images will not be withdrawn, they belong to the propaganda of the group and are public.

We had stressed that Marie-Cécile Royen had undergone intimidations following her investigation. We will not yield to the threats and will continue our investigation on this organization and its participants. And will return it public.

This post is also available in العربية and Français .

« RAMADAN LE PLAY-BOY SALAFISTE »

Ramadan le Play-boy salafiste”

12.01.2016 La rédaction

Dans un article de Marianne, Martine Gozlan dresse un portrait sans concession du prédicateur Tariq Ramadan.

Plusieurs internautes partisans du prédicateur se sont moqués du titre « salafiste » arguant qu’un Frère ne pouvait pas être salafiste.

En réalité, les Frères musulmans se revendiquent réformistes salafistes en opposition aux salafistes non-politiques, aux wahhabites et aux salafistes djihadistes.

Tariq Ramadan lui-même s’est revendiqué salafiste, comme le rappelle Caroline Fourest dans son livre Frère Tariq.

Interviewé par Beur FM en novembre 2003, il reconnaît clairement appartenir au réformisme salafiste : « Il y a la tendance réformiste rationaliste et la tendance salafi au sens où le salafi essaie de rester fidèle aux fondements. Je suis de cette tendance- là, c’est-a-dire qu’il y a un certain nombre de principes qui sont pour moi fondamentaux, que je ne veux pas trahir en tant que musulman »[1]. Quelques mois après cet entretien, comme à l’accoutumée, il reviendra sur ses propos lors d’un colloque de l’Unesco.

[1] Cité par Martine Nouaille, « Tariq Ramadan, personnalité influente et controversée », dépêche AFP du 15 novembre 2003.

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Cet article est également disponible en English.

AL ADL WAL IHSANE ET SES RELAYEURS FRANÇAIS

Al Adl Wal Ihsane et ses relayeurs français

30.12.2015 La rédaction

Principal mouvement islamiste marocain, Al Adl Wal Ihsane (Justice et Bienfaisance), reste en France assez marginal. Nadia Yassine, porte-voix du mouvement, a longtemps joui d’une certaine aura auprès de journalistes français, séduits par l’exotisme d’un « féminisme islamique ». Aujourd’hui, l’organisation pratique surtout l’entrisme. Elle a aussi ses nouveaux porte-paroles, notamment au sein d’associations comme Participation et Spiritualité Musulmanes (PSM).

Marketing oblige, le premier mouvement islamiste marocain Al Adl Wal Ihsane (AWI) apparaît rarement en France sous son nom. Discret, peu représenté en apparence, AWI est presque un inconnu dans l’hexagone. Dans l’ « islam de France », ce sont ici les Frères musulmans qui se taillent la part du lion: UOIF, Présence musulmane, CMF (1), EMF (2), CCIF (3)… Comment dès lors trouver sa place au milieu de cette énorme machine des Frères musulmans, de cette myriade de groupes salafistes, des Tablighs, des Ahbaches, également très bien organisés… ?

Les adlistes sont pourtant bien là, au sein de la FNMF (4) par exemple, fédération marocaine du CFCM (Conseil Français du Culte Musulman), un temps noyauté par le Makhzen (5). Car le Maroc pratique sans vergogne l’ingérence au sein de l’islam de France pour contrer l’influence de l’UOIF (6), de l’Algérie, mais aussi et peut-être autant de ses compatriotes islamistes du mouvement Justice et Bienfaisance. Le Maroc propulse ainsi des têtes à la FNMF, Mohamed Béchari (qui finira devant les tribunaux, finalement réhabilité), puis crée en 2008 le RMF (Rassemblement des Musulmans de France), très proche alors du ministère marocain des Habous et des Affaires islamiques. Il débauche aussi d’anciens membres et imams importants de l’UOIF, arrose un temps le RMF, puis lance finalement une nouvelle associations en septembre 2013, l’UMF (Union des mosquées de France), suscitant aussi de nouvelles guerres de mosquées

Alors, que les adlistes pratiquent à leur tour l’entrisme, c’est plutôt de bonne guerre ! Ils seraient ainsi un certain nombre au sein de la FNMF. A tel point que, dans un forum, certains militants se demandent si leur association PSM (Présence et Spiritualité Musulmanes), proche du mouvement adliste, n’est pas une branche de la FNMF. D’autres, moins avertis encore, s’étonnent de la surreprésentation des Marocains au sein de l’association.

Ainsi au sein du CFCM, aberration tant constitutionnelle (loi de 1905) que religieuse (pas de clergé en islam), se joue depuis douze ans, une guerre d’ambassades, notamment entre le royaume chérifien et l’Algérie (RMF, FNMF d’un côté, Mosquée de Paris de l’autre), mais aussi des guerres internes fratricides. Les victimes : les musulmans de France ! Seuls les renseignements généraux se délectent des informations balancées les uns contre les autres, entre et à l’intérieur même des différentes fédérations.

PSM : Une « spiritualité » dispensée qui tue

Si l’association Participation et Spiritualité Musulmanes (PSM) n’est mentionnée qu’en 2007 au Journal Officiel, son nom apparaît en France dès le début des années 2000. Le nom du mouvement marocain Al Adl Wal Ihsane n’apparaît que rarement à son sujet. Il n’est pas une seule fois cité dans le « Qui sommes-nous » du site de PSM. La personnalité d’Abdessalam Yassine est en revanche omniprésente dans l’association : portrait, textes, vidéos… PSM rend hommage au cheikh dans ses différentes sections, Paris, Mulhouse… et invite régulièrement ses militants à redécouvrir la vie et le message du guide. La dernière Assemblée générale PSM-IDF, en octobre 2015, débutait ainsi par la lecture du Coran et une projection vidéo d’Abdessalam Yassine, objet d’un culte permanent. Participation et Spiritualité Musulmanes est bien la « filiale » du mouvement islamiste marocain. Aujourd’hui, PSM est présente dans les régions Languedoc-Roussillon, Paca, Centre, Est, Ile-de-France, Nord et Rhône-Alpes.

Si les membres de l’association interviennent régulièrement dans le débat public, ils sont beaucoup plus rarement désignés comme appartenant à PSM. L’association a cependant fait parler d’elle, dans quelques faits divers, comme cette arrestation, à Lunel, d’un recruteur de djihadistes pour la Syrie et l’Irak. Jawad Salih, recruteur local d’Al Adl Wal Ihsane dispensait des cours tous les vendredis dans le cadre de l’association PSM. Il milite pour un califat et dit rejeter la violence. Plus de vingt jeunes, élèves de ses cours, partiront pourtant en Syrie et Irak, sept mourront, cinq seront interpellés par le Raid, fin janvier 2015. Le mouvement conserve un rapport ambigu avec la violence qu’il prétend rejeter. Au Maroc, deux meurtres politiques ont été attribués à Al Adl Wal Ihsane (7). En France, la « spiritualité » dispensée par PSM ne fait pas que contribuer à la radicalisation de jeunes : elle tue.

Ismahane Chouder sur les pas de Nadia Yassine

La militante pro-voile Ismahane Chouder, membre de PSM, est sans doute une des plus actives porte-voix du mouvement. Passée par le bouddhisme, différentes confréries soufies, elle découvre le mouvement de cheikh Yassine en 2000. Un coup de foudre et une passion jamais éteinte depuis: « Ce maître spirituel me meut chaque jour davantage » dit-elle. Ismahane Chouder ne s’économise pas pour son maître. Elle multiplie les interventions publiques… et les casquettes : coprésidente du Collectif Féministes Pour l’Égalité (CFPE), secrétaire générale de la Commission Islam et Laïcité, membre du collectif Une école pour tou-te-s, membre fondatrice du collectif Mamans Toutes Égales (MTE). Une tactique proche de l’entrisme qui lui permet d’intervenir sur les sujets les plus variés : féminisme, école, laïcité, voile, racisme, banlieues… Elle est par ailleurs rédactrice au site de l’association.

En 2006, le Maroc réussit à empêcher la participation de Nadia Yassine à une conférence de l’UNESCO, à Paris, sur le féminisme musulman. Se présentant sous l’étiquette PSM, Ismahane Chouder, liée au même mouvement, ne sera pas inquiétée. C’est aussi l’intérêt d’agir sous diverses étiquettes, différents noms.

En mars 2015, Ismahane Chouder représente PSM à la Bourse du Travail de Saint-Denis à une conférence « contre l’islamophobie et le climat de guerre sécuritaire », au côté du PCF, du NPA, des Frères musulmans (de l’UOIF à Présence Musulmane)… A gauche, le rassemblement fait grincer des dents. Le Parti de Gauche ne participera pas, pas plus qu’EELV, plus divisé sur le sujet, qui se retire finalement. Ismahane Chouder apparaît régulièrement dans les débats avec des groupes racialistes post-coloniaux (Les Indigènes de la République, les Indivisibles de Rokhaya Diallo…), Pierre Tévanian et Malika Latrèche, avec qui elle publie Les Filles voilées parlent… ou donnant la réplique à Emmanuel Todd à Saint-Denis, le 26 juin 2015, avec tous les « anti Charlie ».

Main dans la main avec Alliance Vita

Ismahane Chouder se lie même avec les intégristes catholiques d’Alliance Vita avec lesquels son association a effectivement bien des points communs : avortement, gender, euthanasie, recherches sur l’embryon… Entre les deux organisations, c’est l’accord parfait sur tous les sujets ! PSM participe d’ailleurs aux Universités d’été d’Alliance Vita (8) du 30 août au 1 septembre 2013, à Écully, près de Lyon. Participation et Spiritualité Musulmanes y présente, lors d’une séance plénière, son projet éducatif, son organisation et le « point de vue des musulmans sur le thème de la défense de la vie », (c’est bien le point de vue DES musulmans que l’association prétend ici représenter). Des deux côtés, on se réjouit de cette rencontre. Tugdual Derville, co-fondateur d’Alliance Vita, la qualifie même d’« historique ». PSM se retrouvera encore la même année aux côtés de l’association intégriste, dans des manifestations homophobes dénonçant les « dangers du mariage pour tous ».

Peu de personnalités émergent publiquement de l’association. Même Ahmed Rahmani, membre fondateur de PSM, et très actif au niveau européen, se fait plus discret en France. C’est que l’association a compris aussi l’intérêt sans doute de mettre en avant une femme, maîtrisant parfaitement le français.

Ismahane Chouder suit les traces de Nadia Yassine. Avec sans doute moins de brio, mais beaucoup plus de casquettes, elle arrive cependant à attirer les projecteurs. Elle sait aussi que ce n’est pas en avançant son projet politique de califat qu’elle sera la mieux entendue en France. Alors, comme Yassine, elle utilise le langage de la modernité, parle d’injustice, de discrimination… Elle se montre aussi beaucoup plus offensive à l’égard de la laïcité et se trouve ainsi portée par toute une gauche multiculturaliste et identitaire qui a en exécration la laïcité et l’universalisme. En juin 2015, elle intervenait encore à Science-Po Paris pour une conférence « La laïcité en péril ? » Étrange casting. Des partisans d’une république islamique au secours de la laïcité ?

En octobre 2015, elle est l’une des porte-paroles de la Marche de la Dignité, rassemblant tous les identitaires racialistes, post-coloniaux, du Parti des Indigènes de la République, aux afro-féministes du Mwasi, avec comme un des mots d’ordre : la lutte des races ! PSM se fait largement l’écho de cette Marche. Ismahane Chouder est une des quatre intervenantes à la conférence de presse de la Marche dite « antiraciste », aux côtés d’Amal Bentousi, Françoise Vergès et Fania Noël. Fania Noël défend comme elle un féminisme identitaire. Convaincue que « toute association intégrée dans le système est incompétente », elle se dit en rupture avec « la blanchisserie » (entendez les Blancs). « La non mixité pour toutes les personnes racisées est la planche de salut » affirme-t-elle dans une vidéo du blog Mrs Roots. La présence de l’islamiste Ismahane Chouder ne fera l’objet d’aucun commentaire de la presse qui semble ne voir en elle qu’une féministe antiraciste victime d’une « laïcité de combat » anti-voile. La couverture médiatique de la marche montrera d’ailleurs l’aveuglement inquiétant d’une grande partie de la presse à l’égard de ces groupes religieux et identitaires. Peu de médias se sont d’ailleurs interrogés sur l’absence à la marche des grandes associations historiques antiracistes.

La galaxie frèriste solidaire

Oumma, Saphir News… les sites proches de la mouvance des Frères musulmans soutiennent dans leur ensemble le prosélytisme adliste. Le mouvement est d’ailleurs en lien avec nombre de ces sites. Il a su étendre la communication avec la galaxie islamiste partout dans le monde. Poussée longtemps à la clandestinité, l’organisation a appris rapidement à user des nouvelles technologies, échanges web, prêches par visioconférence… Oumma relaie dès 2003 des communiqués de l’association PSM, notamment des textes de cheikh Abdessalam Yassine. Interviews complaisantes de Nadia Yassine ou d’Ismahane Chouder, article sur la répression contre le mouvement AWI au Maroc, hommage à Cheikh Yassine, «auguste homme parmi les savants musulmans », « immense figure de la pensée »... Les mots des web-islamistes à l’égard du mouvement sont plutôt élogieux. A la mort du cheikh, les portraits d’Abdessalam Yassine sont même dithyrambiques. Tariq Ramadan n’est pas en reste. Sur son site, il raconte ainsi sa dernière visite chez le cheikh : « Il était resté fidèle à sa vision, à ses principes, à ses positions, et à ses espérances. Il imposait le respect et rayonnait de bonté, modestement assis, méditatif, et souriant. Je n’oublierai pas, paix à son âme, profondément ». Le prêcheur islamiste loue l’appel du cheikh « encore d’actualité » à « réformer le pays » », « refuser la colonisation des esprits… ». Emporté par son élan laudateur, il traduit même sur son site le nom du mouvement Al Adl Wal Ihsane par « Justice et Excellence ».

Tariq Ramadan et PSM se renvoie d’ailleurs les politesses. Régulièrement, PSM, sur sa page Facebook comme sur ses sites (site national et en régions), reprend des citations et écrits de Tariq Ramadan, expliquant par exemple, comme dans cet article, la nécessité de dire « nous » : « On se constitue en ‘nous’, en communauté ou en société, quand on a déterminé un projet collectif commun ». Car visiblement, l’association adliste pense partager avec le prêcheur un « projet collectif commun ». En novembre 2015, le porte-paroles du CCIF (Collectif contre l’islamophobie), Marwan Muhammad, dresse une courte liste d’une dizaine de personnes qu’il aimerait voir plus présentes dans les médias : Ismahane Chouder en fait partie aux côtés de Nabil Ennasri ou l’imam Chakil Omarjee.

Journalistes, chercheurs…

Chaque déplacement de Nadia Yassine en France a été l’occasion, pour la presse, de présenter les idées de la pasionaria islamiste. Le ton est souvent affable et les questions inoffensives.

Cette complaisance de la presse à l’égard du mouvement peut sembler plus étonnante lorsqu’il s’agit de journalistes plus avertis ou de chercheurs travaillant sur le Maroc.

Dès l’avènement du roi Mohammed VI, la presse s’intéresse au mouvement. En septembre 2000, le journaliste Jean-Pierre Tuquoi organise ainsi une rencontre entre les lecteurs du quotidien Le Monde et Nadia Yassine. Il présente alors Al Ald Wal Ihsane comme une « association caritative ».

En 2002, il semble déjà beaucoup plus nuancé dans ses propos. Interrogé par El Mundo sur l’usage de la violence au sein du mouvement, il répond qu’ « en réalité, on ne sait pas très bien ce qu’ils veulent ».

Dans son livre Renaissances arabes (2011), coécrit avec Michaël Béchir Ayari, Vincent Geisser, (IREMAM) s’offusque qu’on parle à propos de Al Adl Wal Ihsane d’ « islam radical». Pour le chercheur, qui a modéré en mai 2015 un colloque où était invité Omar Icherchane d’Al Adl Wal Ihsane (« Gauches – Islamistes : pourquoi tant de haine ? »), PJD comme AWI « se situent plutôt dans la nébuleuse de l’islam réformiste et conservateur, ayant renoncé depuis de très nombreuses années à l’usage de la violence et à l’action clandestine ». 

C’est à l’occasion de son enquête pour le livre « Quand le Maroc sera islamiste », publié en 2006 avec Catherine Graciet, que Nicolas Beau découvre le mouvement AWI. Il semble aussi découvrir alors les pratiques islamistes d’investissement du champ social et associatif. Dans une interview vidéo d’Oumma.com, il exprime son étonnement face à cette « capacité des gens de Justice et Bienfaisance et de Nadia Yassine à accaparer le terrain concret, social, de la vie de quartier, la plus proche des gens », très loin dit-il des stéréotypes qu’on se fait [qu’il se fait?] de l’islamisme. Il s’offusque aussi contre l’idée d’un islamisme forcément anti-démocratique, or « il y a une culture sinon de la démocratie, au moins du consentement majoritaire, par exemple dans les cercles politiques que le mouvement a créés, il y a des processus d’élections des dirigeants. (…) Il y a des cadres qui réfléchissent à la façon d’adapter leurs théories sur le consentement de la oumma, sur le califat qu’ils affichent toujours comme étant leur but ultime… Ils essaient de voir comment ces valeurs pourraient s’intégrer dans des processus démocratiques plus classiques, tels qu’on peut en avoir la perception ici en France ». 

Pourtant, cheikh Yassine n’a cessé d’expliquer en quoi la démocratie « dérange l’absolu islamique », comment le « relativisme » intrinsèque à la démocratie « détruit la religion ». Le fondateur du mouvement n’est pas loin de la désigner comme l’ennemi même de l’islam. « Choura est le nom de notre ‘démocratie’ » écrivait-il dans « Islamiser la modernité ». Pour le cheikh, il s’agit de « mettre en pratique la Loi révélée que les hommes n’ont pas le droit de changer ». L’application, incontestable, de la charia dans le monde rêvé du cheikh, fût elle choisie par une majorité, aurait-elle un rapport quelconque avec le concept de démocratie ? Le journaliste veut le croire. Ce mouvement décrit comme « extrêmement riche » par Nicolas Beau n’a pourtant jamais caché dans ses écrits sa détestation de la démocratie. Il faut croire que certains mouvements islamistes ont un pouvoir de fascination tel qu’ils en mettent en berne l’esprit critique de leurs interlocuteurs.

En France, comme ailleurs

Les adlistes usent, en France, comme ailleurs en Europe, États-Unis, Canada, des mêmes méthodes de séduction, auprès des médias, mais aussi du même recours à l’infiltration des grandes organisations islamiques. Ils s’installent ici au sein de la Fédération nationale des musulmans de France, comme en Espagne, avec d’énormes succès, au sein de la Fédération islamique (notamment de la région de Murcie où 50.000 Marocains auraient déjà cédé aux sirènes du cheikh). Ils approchent les étudiants, les mosquées… et se présentent sous divers noms, toujours comme une « école de pensée », pacifique : PSM, comme en France ou en Italie, CSM (Citoyenneté et spiritualité musulmane), Fraternité comme en Belgique ou ONDA (Organisation nationale pour le dialogue et la participation) comme en Espagne. Brouillant les pistes, l’organisation va même prendre des noms, comme au Canada, sans aucun rapport avec le mouvement religieux, comme Observatoire canadien des droits de l’homme ! Hors Maroc, c’est sans doute en Espagne que le mouvement est le mieux implanté. Proche du mouvement, Mounir Benjelloun est à la tête de la FEERI (fédération regroupant près de mille mosquées en Espagne). Il est aujourd’hui depuis novembre 2012, avec une certaine bienveillance du ministère de l’Intérieur, à la direction de la plus haute autorité musulmane en Espagne : la Comisión Islámica de España (CIE, organe équivalent au CFCM en France).

Pour la Jamâa, il s’agit de renforcer partout sa présence, de s’assurer des soutiens à l’étranger, de recruter, récolter de l’argent et de se tenir prêt en cas de confrontation avec l’État marocain. Première force politique organisée au Maroc, Al Adl Wal Ihsane est aussi une organisation qui a déjà tissé sa toile dans tous les pays à forte communauté marocaine. La France y a déjà, depuis plus de dix ans, ses relais dévoués.

Yann Barte

(1) Collectif des Musulmans de France (CMF) présidé par Nabil Ennasri

(2) Étudiants Musulmans de France (EMF), association étudiante française créé en 1989 (ex Union islamique des étudiants de France)

(3) Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), association française créée en 2003. Proche des FM, le CCIF, via son porte-paroles Marwan Muhammad, participe aussi à des conférences sur l’ « islamophobie » avec des imams salafistes. Nader Abou Anas ou Rachid Abou Houdeyfa sont ainsi invités en guest-stars aux dîners du CCIF. Le CCIF ne se dit pourtant ni salafi, ni tablighi, ni ikhwani, «juste musulman ». Fédération nationale des musulmans de France (FNMF)

(5) Terme populaire désignant le pouvoir royal marocain et ses instituions (justice, administration, armées, police…). Anciennement, le gouvernement du sultan.

(6) Union des Organisations Islamiques de France

(7) Des disciples de Abdessalam Yassine ont été impliquées dans l’assassinat de deux étudiants d’extrême gauche et militants de l’UNEM (Union Nationale des Étudiants du Maroc): Maâti Boumli  en novembre 1991 à Oujda et Mohamed Aït Ljid Benaïssa en mars 1993 à Fès.

(8) A l’origine, « Alliance pour les droits de la vie » créée par Christine Boutin.

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BIENVENUE CHEZ LE GRAND SATAN, NADIA YASSINE

Bienvenue chez le Grand Satan, Nadia Yassine

18.12.2015 La rédaction

Soucieux de la stabilité du royaume, les États-Unis restent depuis plusieurs années les observateurs attentifs du premier mouvement islamiste marocain, Al Adl Wal Ihsane. La porte-parole officieuse de l’organisation, Nadia Yassine, qui avait reçu lors de son procès en 2005 le soutien du Département d’Etat, a régulièrement été invitée à intervenir dans les universités américaines.

L’annonce avait surpris au Maroc. En 2005, Nadia Yassine, lors de son procès intenté par le royaume, avait reçu le soutien inattendu du Département d’État américain. Un coup de pouce, au nom de la liberté d’expression, qui n’était évidemment pas passé inaperçu dans le royaume. Fort de ce soutien, la fille du fondateur du mouvement Adl Wal Ihsane (AWI) a vraisemblablement pris un certain plaisir à embarrasser le pouvoir chérifien. En se présentant comme défenseur des valeurs d’ouvertures, de liberté, elle s’est positionnée aussi comme un interlocuteur respectable aux yeux des États-Unis.

Après les multiples fractures opérées par l’administration Bush, Barak Obama avait désiré dès sa prise de mandat en 2009 un changement de cap majeur en matière de relations internationales et un rapprochement avec le monde arabe. Mais le dialogue avec cet aire culturelle se réduisant pour lui à un échange inter-religieux, il s’était surtout traduit politiquement par un rapprochement des islamistes dits « modérés » (Discours d’al-Azhar, au Caire).

Nouvelle idylle ? 

AWI pouvait aussi constituer le poil à gratter utile du royaume. « Les États-Unis n’hésitent jamais à utiliser toute carte qui leur permettrait de préserver le moindre de leurs intérêts » dit Nadia Yassine, mais « nous sommes certainement l’une des dernières cartes que choisirait l’Amérique pour fonder son Grand Moyen-Orient » se défendait-elle dans l’hebdomadaire marocain Al Michaal (18/08.2006). « Puisque la prudence et le réalisme américains s’appuient sur des études et des prévisions rationnelles, elle ne peut que nous considérer comme un acteur politique qu’elle ne peut négliger dans ses calculs impérialistes. Ce qui illustre bien notre popularité effective et non une idylle entre nous et l’Amérique de Bush ».

Les invitations maintes fois réitérées de Nadia Yassine aux Etats-Unis avaient en effet laissé place à quelques commentaires suspicieux, voire de rumeurs conspirationnistes. Nadia Yassine, des accointances avec Washington ? Serait-elle achetée par les États-Unis ? Toujours dans Al Michaal en 2006, Yassine se défendait de ces accusations: « Pourquoi cet intérêt soudain pour les voyages des leaders de la Jamaâ ? Ces voyages ne furent évoqués qu’après la rumeur qui avait suivi mon séjour aux États-Unis et selon laquelle j’étais allée exposer l’idée de la république; ce qui est totalement faux. Mon intervention était dans le cadre d’une université parfaitement indépendante de la politique américaine officielle ». Quitte à retourner la situation quelquefois, Nadia Yassine se défend contre des accusations imaginaires d’anti-américanisme : « Les États-Unis doivent comprendre, quant à eux, qu’il y a des lois historiques qu’ils ne peuvent ignorer, comme ils le font maintenant, sans en payer tôt ou tard le prix. Si vous évoquez encore mes visites aux universités américaines, je vous répondrais que critiquer la politique dévastatrice d’un État ne veut pas systématiquement dire stigmatiser son peuple et haïr sa société civile ».

La tournée des universités

Nadia Yassine s’exprimera dans des universités de Washington, Cambridge, New-York… C’est même une véritable tournée qu’elle réalise du 3 au 20 avril 2006 en collaboration avec les universités de Harvard, Darthmouth, Fordham, Georgetown. Au Darthmouth College (Etat du New Hampshire) elle répond ce 6 avril aux questions d’une pléiade d’éminents chercheurs et spécialistes de l’islam et du Moyen-Orient. Elle est invitée à dîner par l’anthropologue Dale Eickelman et sa femme, qui lui feront même visiter la région de Hanover. Le 14 avril, elle intervient à Harvard à Cambridge (Etat du Massachusetts) sur le thème « Réformes juridiques au Maroc : Opinions d’une féministe marocaine dissidente ». Le titre est élogieuxLa dissidence de Nadia Yassine résiderait-elle dans son féminisme ? [Voir article « L’imposture féministe »]. C’est toujours avec cette carte « féministe » qu’elle se présente aux États-Unis, comme en Europe. Même si le mot la gène, il reste bien plus payant en Occident que le mot « islamiste ». Du reste, Nadia Yassine a toujours le souci immédiat de donner au mot « féministe » une couleur plus identitaire et confessionnelle qui passe finalement plutôt bien dans un pays comme les Etats-Unis où la religion tient une place centrale, y compris dans la vie politique.

A la fin de la conférence d’Harvard, elle signe son livre «Full Sails Ahead » (« Toutes voiles dehors » , publié en 2003). Reçue avec toujours autant d’égards, elle présentera également son livre le 18 avril à l’université de Fordham à New York, avant un dîner en son honneur, puis le 20 avril à l’université Georgetown, à Washington. Son organisation est quelquefois présentée comme un « groupe social », « une organisation caritative » et elle, comme une féministe œuvrant à la « réorganisation de la société marocaine et de la politique sur des bases islamiques et démocratiques ». Le Center Berkeley de l’Université de Georgetown dans sa courte présentation de AWI, parle même des activités du mouvement : « diffusion du message de l’islam, organisation d’événements, fourniture de services sociaux aux pauvres, arrangement de mariages »… 

La Fondation Carter, créée en 1982 par l’ancien président Jimmy Carter, parle même de Nadia Yassine comme d’une « activiste des droits de l’homme », partie prenante des « forces de modernisation » de la société marocaine. Elle participe selon la Fondation à ce « carburant commun », religieux ou laïque de défenseurs des droits de l’homme qui « défie le despotisme» (Nadia Yassine. Meet The Featured Human Rights Defenders, CarterCenter.org). Le mot « réforme » outre Atlantique, agit aussi tel un mot magique, comme nécessairement synonyme de « progrès ». Aussi, Nadia Yassine, préfère-t-elle toujours insister sur la nécessité qu’il y avait de réformer la Moudawana (1), plutôt que d’en détailler les éléments précis. Elle parle ainsi de l’ancien « statut désastreux de la femme marocaine », sans rapport pour elle avec le Coran et la tradition du prophète et rappelle inlassablement qu’elle seule, la première, avait décrit la Moudawana comme pouvant être réformée, car non sacrée.

La stabilité avant tout

Même si les États-Unis affichent un soutien à la démocratie et aux droits de l’homme, ils semblent parallèlement terrifiés par les perspectives démocratiques dans le monde arabe. C’est d’ailleurs une crainte partagée avec la monarchie marocaine qui a perçu le Printemps arabe comme une véritable menace. Pour les États-Unis, le scénario catastrophe serait, dans cette région, l’arrivée par les voies démocratiques d’un régime hostile à leur politique, comme c’est généralement le cas des régimes islamistes.

Sous la gouvernance démocrate, l’intérêt pour le mouvement Al Adl Wal Ihsane n’a pas faibli. Nul doute d’ailleurs que l’état américain a suivi cette imposante marche pour la Palestine organisée ce 25 octobre dernier à Casablanca par WAI et le Mouvement Unité et Réforme (MUR). Il aura certainement aussi scruté les mots de déni du porte-parole d’Al Adl Wal Ihsane face aux dérapages antisémites de cette marche essentiellement composée des militants adlistes. En 2014, le think-tank WINEP publiait un rapport recommandant à l’administration Obama de diriger une réconciliation entre le Palais royal marocain et la mouvance islamiste de WAI. Pour Washington, une normalisation politique serait à même de préserver la sécurité et la stabilité du Maroc. Et c’est bien cette voie qui est privilégiée, celle de la sécurité avant tout : soutenir les régimes autoritaires amis des États-Unis, en poussant à des réformes mineures qui assureront la continuité de ces régimes. La sécurité avant la démocratie en somme. Un choix à double tranchant qui pourrait bien aussi favoriser les mouvements les plus radicaux.

Yann Barte

(1) La Moudawana (ou Code du statut personnel marocain) est le droit de la famille marocain codifié en 1958. Elle a été amendée en 1993, puis plus largement révisée en 2004. C’est l’actuel Code de la famille marocain.

(2) WINEP (The Washington Institute for Near East Policy), fondé en 1985, est un think-tank influent spécialisé sur les questions afférentes au MoyenOrient.