L’association Lallab était au cœur d’une vive polémique l’été dernier.
Plutôt discrète jusqu’ici, l’association organise le 11 décembre avec le cabinet de recrutement Mozaïk RH une soirée projection débat « pour une diversité religieuse en entreprise épanouie et performante ».
Fait notable, cette soirée s’inscrit dans la Semaine de lutte contre les discriminations de la Mairie de Paris. La rencontre aura d’ailleurs lieu dans le local public du Point Paris Emploi du 10ème arrondissement de la capitale.News
Il faut se frotter les yeux pour y croire. Dans une appel publié par Libération, une petite liste de communautaristes (en vérité toujours les mêmes) s’auto-proclament donc « représentants de l’antiracisme » et s’en prennent aux antiracistes universalistes, qu’ils amalgament joyeusement avec la fachosphère. A les en croire, l’Affaire Ramadan ne servirait qu’à libérer l' »islamophobie ». Mieux, Jean-Luc Mélenchon aurait rejoint ce complot facho-vallso-laïque en osant lui aussi accuser Houria Bouteldja d' »antisémitisme ». Antisémitisme qu’ils nient absolument…
Trouver les noms d’Eric Fassin et de Christine Delphy aux côtés de Nacira Guénif (sociologue des Indigènes de la République) ne surprendra que les naïfs n’ayant pas suivi leur longue et tragique dérive… Comme si ce n’était pas assez, ils signent ce texte visant à interdire la critique de l’islamisme au nom de l’antiracisme aux côtés d’Ismahane Chouder, dont on ne voit décidément en quoi consiste son engagement antiraciste.
Animatrice de Participation et Spiritualité Musulmane (PSM) et intervenante vedette de Lallab, elle se bat surtout pour le voile, contre le mariage homosexuel aux côtés de la Manif pour tous, contre l’IVG aux côtés d’Alliance Vita et bien sûr contre Charlie Hebdo aux côtés des Indigènes de la République.
Ismahane Chouder sur les pas du Cheikh Yassine et de sa fille Nadia Yassine
Ismahane Chouder est sans doute une des plus actives porte-voix du mouvement islamiste marocain Al Adl Wal Ihsane. Ce mouvement a été fondé et guidé par le Cheikh Abdessalam Yassine. Sa fille Nadia Yassine est par la suite devenue porte parole du mouvement. Passée par le bouddhisme, différentes confréries soufies, Ismahane Chouder découvre le mouvement de cheikh Yassine en 2000. Un coup de foudre et une passion jamais éteinte depuis: « Ce maître spirituel me meut chaque jour davantage » dit-elle. Ismahane Chouder ne s’économise pas pour son maître.
Elle multiplie les interventions publiques… et les casquettes : coprésidente du Collectif Féministes Pour l’Égalité (CFPE), secrétaire générale de la Commission Islam et Laïcité, membre du collectif Une école pour tou-te-s, membre fondatrice du collectif Mamans Toutes Égales (MTE). Une tactique proche de l’entrisme qui lui permet d’intervenir sur les sujets les plus variés : féminisme, école, laïcité, voile, racisme, banlieues…
En mars 2015, Ismahane Chouder représente PSM à la Bourse du Travail de Saint-Denis à une conférence « contre l’islamophobie et le climat de guerre sécuritaire », au côté du PCF, du NPA, des Frères musulmans (de l’UOIF à Présence Musulmane)… A gauche, le rassemblement fait grincer des dents. Le Parti de Gauche ne participera pas, pas plus qu’EELV, plus divisé sur le sujet, qui se retire finalement. Ismahane Chouder apparaît régulièrement dans les débats avec des groupes racialistes post-coloniaux (Les Indigènes de la République, les Indivisibles de Rokhaya Diallo…), Pierre Tévanian et Malika Latrèche, avec qui elle publie Les Filles voilées parlent… ou donnant la réplique à Emmanuel Todd à Saint-Denis, le 26 juin 2015, avec tous les « anti Charlie ».
Main dans la main avec Alliance Vita
Ismahane Chouder se lie même avec les intégristes catholiques d’Alliance Vita avec lesquels son association a effectivement bien des points communs : avortement, gender, euthanasie, recherches sur l’embryon… Entre les deux organisations, c’est l’accord parfait sur tous les sujets ! PSM participe d’ailleurs aux Universités d’été d’Alliance Vita du 30 août au 1 septembre 2013, à Écully, près de Lyon. Participation et Spiritualité Musulmanes y présente, lors d’une séance plénière, son projet éducatif, son organisation et le « point de vue des musulmans sur le thème de la défense de la vie », (c’est bien le point de vue DES musulmans que l’association prétend ici représenter). Des deux côtés, on se réjouit de cette rencontre. Tugdual Derville, co-fondateur d’Alliance Vita, la qualifie même d’« historique ». PSM se retrouvera encore la même année aux côtés de l’association intégriste, dans des manifestations homophobes dénonçant les « dangers du mariage pour tous ».
En octobre 2015, elle est l’une des porte-paroles de la Marche de la Dignité, rassemblant tous les identitaires racialistes, post-coloniaux, du Parti des Indigènes de la République, aux afro-féministes du Mwasi, avec comme un des mots d’ordre : la lutte des races ! PSM se fait largement l’écho de cette Marche.
Pour rappel, celle qui tient la banderole juste à ses côtés, Houria Bouteldja que défend le texte de ces soit-disant « représentants de l’antiracisme », a écrit un pamphlet bourré d’allusions antisémites : Les Blancs, les Juifs et nous. Un livre encensé par Radio Courtoisie. Il invite notamment les « racisées » à ne pas se plaindre si elle se font violées par un « racisé » pour ne pas faire le jeu des « islamophobes ». Une consigne qui ne devrait pas déplaire à Tariq Ramadan.
Camille Rigault avec l’aide de Yann Barte
Les premiers signataires :
SIGNATAIRES : Bams, artiste, militante antiraciste; Ludivine Bantigny, historienne; Maxime Benatouil , membre de l’Union juive française pour la paix; Judith Bernard, metteure en scène, enseignante et journaliste; Daniel Blondet , militant syndicaliste, anti-impérialiste; Alima Boumediene, avocate, association Femmes plurielles; Rony Brauman, enseignant, essayiste; Déborah Cohen, historienne; Ismahane Chouder, coprésidente du Collectif des féministes pour l’égalité; Thomas Coutrot, économiste; Christine Delphy, sociologue et féministe; Eva Doumbia, metteure en scène, autrice, membre du collectif Décoloniser les arts; Annie Ernaux, écrivaine; Eric Fassin, sociologue; Bernard Friot, économiste et sociologue; Sylvain George, cinéaste; François Gèze, éditeur; Nacira Guénif, sociologue; Michelle Guerci, journaliste; Eric Hazan, éditeur; Nicolas Klotz, cinéaste; Stathis Kouvelakis, philosophe; Thierry Labica, enseignant-chercheur; Olivier Le Cour Grandmaison, universitaire; Laurent Lévy, essayiste, militant antiraciste; Philippe Marlière, politiste; Gustave Massiah, économiste; Olivier Neveux, universitaire; Dimitri Nicolaïdis, enseignant école européenne de Bruxelles; Ugo Palheta, sociologue; Elisabeth Perceval , cinéaste; Nathalie Quintane, écrivaine; Lluis Sala Molins, philosophe et essayiste; Catherine Samary, économiste altermondialiste; Michèle Sibony, membre de l’Union juive française pour la paix; Julien Théry, historien; Rémy Toulouse, éditeur; Françoise Vergès, féministe antiraciste et Bernard Stiegler, philosophe.News
Pierre Kanuty est Conseiller régional PS Ile-de-France
En France, il a fallu plus d’un siècle pour rallier le catholicisme à la République, mais on a fini par y arriver.
A rebours des constats pessimistes, cela peut marcher avec l’islam. Dans plusieurs Etats, islam et démocratie font bon ménage depuis des décennies et le vivre ensemble comme des formes de sécularisation sont des réalités à observer et à surveiller.
Comme toutes les religions, l’islam est confronté à la tension entre tradition et modernité, entre fondamentalisme et sécularisation, entre radicalité et adaptation à une nouvelle époque.
Les pouvoirs politiques ont su s’en émanciper pour le contrôler, en en faisant un étendard ou un élément d’idéologie comme en Turquie, mais dans les pays dont la population est majoritairement musulmane, si on met de côté l’Iran ou les pétromonarchies, ce n’est pas la religion qui a poussé les dirigeants à dévoyer la démocratie, mais la corruption ou la volonté de confisquer le pouvoir.
Du côté de l’Afrique noire subsaharienne
Le Sénégal, le Mali ou le Niger sont trois exemples utiles car ces anciennes colonies françaises ont bâtit leur Etat sur le modèle français en y intégrant leurs spécificités sans tensions majeures.
Le Président du Niger, le socialiste Mahamadou Issoufou, disait dans un discours d’investiture: « la lutte contre le terrorisme peut contribuer au renforcement et à la modernisation de nos Etats. Un autre facteur peut y contribuer également : il s’agit de la modernisation sociale. Celle-ci nécessitera une renaissance culturelle de notre société qui passe par une libération de l’individu du poids du tribalisme, […] par l’affranchissement de l’individu du carcan de l’ethnocentrisme et du régionalisme et sa protection contre le sectarisme, notamment religieux et contre les risques de radicalisation. L’accent doit être mis sur la responsabilisation de l’individu, le renforcement de sa loyauté par rapport à la patrie et son attachement au bien public. C’est là des conditions nécessaires pour mieux combattre le népotisme, la concussion et la corruption, renforcer la justice, l’égalité et la cohésion sociale. L’Etat doit créer les conditions d’une rupture réelle avec l’obscurantisme en diffusant le savoir partout, à travers notamment une démocratisation poussée de l’accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. »
Malheureusement, dans l’organisation actuelle du culte musulman en France, les musulmans d’Afrique noire sont marginalisés. Il est vrai que la pression géopolitique qui s’exerce sur les structures de l’islam de France n’a jamais été contrecarrée avec succès, car quand elle n’est pas théologique, elle est financière.
Plus près de nous : du côté de l’Europe centrale et balkanique
On l’oublie souvent, mais il y a des communautés musulmanes européennes depuis des siècles. En Albanie, au Kosovo, en Bosnie, en Macédoine ou encore en Bulgarie qui ne sont pas issus de l’immigration. Une grande partie de cette région fut sous domination austro-hongroise au cours de la seconde moitié du 19e siècle et le pouvoir impérial a légiféré en 1912, par « l’Acte de Reconnaissance » de l’islam après l’annexion de la Bosnie-Herzégovine par l’Autriche-Hongrie.
En 1979, Bruno Kreisky, a installé la Communauté des croyants musulmans d’Autriche (IGÖ) qui a pour missions de donner des cours d’éducation religieuse dans les établissements scolaires publics. Mais, si elle a le droit de recueillir une « taxe d’église » elle n’y a pas recours, pas plus qu’elle ne construit de mosquées.
En février 2015, la loi sur l’Islam, votée par la de coalition SPÖ-ÖVP interdit le financement étranger pour la construction des mosquées. Les imams seront rémunérés par l’Etat. Les principaux enseignements et prêches doivent se faire en allemand. Elle autorise la nourriture hallal et les aumôniers musulmans dans l’armée, les maisons de retraite, les hôpitaux, les prisons et y compris à l’école publique. En revanche, la loi demande aux 450 organisations musulmanes du pays de faire preuve d’une « approche positive de la société et de l’Etat » pour être agréées.
En Albanie, ce sont les élites musulmanes qui ont façonné les institutions de l’Etat avant le communisme. Si l’islam y est historiquement majoritaire, la grande majorité des Albanais de confession musulmane ne sont pas pratiquants et ils ont toujours cohabité avec les chrétiens, ce qui a fait échouer les tentatives saoudiennes ou iraniennes de détourner le renouveau musulman quand la liberté religieuse fut rétablie en 1990.
En Bosnie, la place de l’islam a diminué dans les affaires publiques ou privées. Comme en Albanie, la cohabitation avec les chrétiens a débouché à une sécularisation largement acceptée. Même si les autorités doivent y lutter contre une présence salafiste.
Ces cas européens prouvent qu’on peut conjuguer religion et sécularisation dans un ensemble démocratique. Mais cela ne peut se réussir sans mécanismes de protection qui passent notamment par l’éducation et l’intégration culturelle, économique et sociale.
Le 26 novembre 2017 au parc des expositions de Mulhouse aura lieu la 6ème édition de la Rencontre des Musulmans de l’Est (RAME). La rencontre est organisée par l’Association des Musulmans d’Alsace (AMAL, qui …News
Lallab est une très jeune association créée en 2016 par Sarah Zouak et Justine Devillaine, qui bénéficie néanmoins d’une promotion conséquente : du plateau de France 2 lors de l’Émission Politique, aux articles élogieux du Monde, de La Croix, de Streetpress, de Konbini, ou encore de Glamour. Lallab présente son objectif comme étant de « faire entendre les voix des femmes musulmanes qui sont au cœur d’oppressions racistes et sexistes ».
Un précédent article d’Ikhwan Info avait déjà mis en lumière que les deux fondatrices sont d’anciennes étudiantes de Pascal Boniface, qui consacre d’ailleurs un billet sur le site de l’institut IRIS dont il est le directeur à Sarah Zouak et à son film, Women Sense Tour in Muslim Countries. En 2016, Lallab a reçu un prix de l’association Coexister de la main de Jean-Louis Bianco. Lallab a participé à un congrès contre l’ « islamophobie » de l’ENAR (European Network Against Racism) avec Marwan Muhammad du CCIF et Malika Hamidi, directrice générale de l’EMN (European Muslim Network) que préside Tariq Ramadan. Une membre active de Lallab, Maïssa Leroy, partage des contenus à visée islamiste sur les réseaux sociaux, en y rêvant d’une Europe en « position de soujoud (prosternation) pour le Seigneur de l’Univers ».
Mais Lallab ne se contente pas de recycler les vieilles lunes du féminisme islamique. L’association vise à représenter l’avant-garde du féminisme.
Sur les réseaux sociaux et sur son site web, Lallab présente Asma Lamrabet comme une « féministe musulmane de la troisième voie », et comme « une de nos plus grandes sources d’inspirations ». Cette dernière est également la marraine du festival « Lallab Birthday » en 2017. Asma Lamrabet a publié la plupart de ses livres aux éditions Tawhid, éditions islamistes et principaux promoteurs de Frères musulmans voire de propagandistes du Hamas en France. Tariq et Hani Ramadan sont publiés chez les éditions Tawhid depuis de nombreuses années, sous forme de livres ou de cassettes éditées à des dizaines de milliers d’exemplaires. Tariq Ramadan a d’ailleurs préfacé un ouvrage d’Asma Lamrabet, « Musulmane tout simplement ». Elle y évoque les relations maritales, l’ « hystérie » des femmes, et le droit de « frapper » sa femme :
» Il est à noter ici que nombreuses sont les femmes qui finissent, lors d’une scène conjugale, par sombrer dans l’hystérie. Par conséquent, l’expression « frappez-les » signifie donner une tape légère sur le corps, sans aucune violence et comme dernier recours. Précisons que la « tape légère » est le terme que l’on trouve dans tous les ouvrages de tafsîr (explication du Coran) et cela, quelle que soit la date de leur rédaction.
Cette mesure décrite plus précisément dans le tafsîr comme étant une petite tape sur le corps est en fait une mesure plus symbolique que punitive. La loi musulmane précise qu’y recourir est exceptionnel et est soumis à des restrictions claires. Il est bien entendu que s’agissant d’une petite tape, elle ne doit en aucun cas être sévère au point de causer des blessures ou même laisser une marque sur le corps » (Asma Lamrabet, Musulmane tout simplement. Préface de Tariq Ramadan. Tawhid p.72-73)
Toujours dans ce livre Asma Lamrabet, voue aux gémonies les intellectuels musulmans qui critiquent l’intégrisme :
« Ils font serment d’allégeance aux médias occidentaux et pratiquent la surenchère, oubliant par la même occasion que c’est e leur culture qu’il s’agit et que c’est leur histoire qu’ils bafouent ». (Asma Lamrabet, Musulmane tout simplement. Préface de Tariq Ramadan. Tawhid p.126)
Asma Lamrabet se situe clairement dans un refus des mouvements de libération des femmes qui, rappelons-le ont émergé aussi dans les pays musulmans.
« Avec la libération de la femme, se sont développés parallèlement une libération des moeurs, une perte des valeurs morales et un éclatement de la cellule familiale, aboutissant à une société occidentale désignée désormais comme permissive ». (Asma Lamrabet, Musulmane tout simplement. Préface de Tariq Ramadan. Tawhid p.144-145)
L’une des « plus grandes sources d’inspirations » de l’association « féministe » Lallab, dont il faudrait lire et relire « tous ses livres »…
Il arrive à Asma Lamrabet de tenir des propos en apparence beaucoup plus progressistes,mais c’est toujours pour défendre l’idée que le vrai féminisme doit venir de la référence religieuse. Cette complexité, parfois même le don pour l’ambiguïté contradictoire, n’est pas sans rappeler l’école de son mentor Tariq Ramadan, qui a préfacé son livre.
Une autre « féministe islamique » présentée dans l’onglet « portrait » sur le site web de Lallab est Meherzia Labidi. Cette dernière est en Tunisie une députée du parti politique islamiste Ennahdha, issu des Frères musulmans. En Tunisie, Meherzia Labidi avait déclenché une vive polémique en préconisant d’inscrire dans le texte de la nouvelle constitution la «complémentarité entre l’homme et la femme» et rejetant le terme d’«égalité».
On trouve aussi Fatma Benli, membre de l’AKP d’Erdogan.
Lors du festival Lallab Birthday, l’on retrouvait entre autres parmi les intervenantes Ismahane Chouder et Fania Noël. Ismahane Chouder est membre de PSM (Participation et Spiritualité Musulmane), qui relaie sur son site web ou lors de conférence la parole du Cheikh Abdessalam Yassine, fondateur du parti islamiste marocain Al Adl Wal Ihsane. PSM a également appelé à manifester avec la Manif pour Tous contre le mariage pour les couples de même sexe, et a participé aux universités d’été d’Alliance Vita, l’association anti-IVG fondée par Christine Boutin. Fania Noël est une militante qui se revendique « anti-mixité », co-organisatrice du camp d’été décolonial aux conférences réservées à certaines couleurs de peau.
Lallab n’hésite pas à se montrer virulente envers d’autres associations luttant pour les droits des femmes, et à racialiser les différentes problématiques féministes. Parmi ses pancartes, on trouve entre autres « Remballe ton féminisme blanc ».
Le plus révélateur concernant les ambitions politiques de Lallab est certainement son article sur l’héritage de Mai 68 :
» Pour revendiquer leur libération, les féministes soixante-huitardes ont cherché à définir LA liberté « .
Il s’agit de remettre en cause la libération du corps, libre de son environnement, le slogan « mon corps m’appartient », comme une liberté féministe :
» Comme si le corps n’appartenait pas lui-même à son histoire (située dans une période, un héritage, un lieu, un environnement, une culture, une famille…) « .
L’article précise :
» Il faut une certaine humilité et un courage certain pour se percevoir à travers un contexte déterminant (et d’avoir la force de s’y opposer, de le nuancer, de se l’approprier…) « .
Les féministes de Mai 68 n’ont jamais nié le rôle de chaque histoire qui peut influencer le corps, elles ont au contraire désignés les « chaînes » qu’il faut briser dans une perspective révolutionnaire ! Au contraire de Lallab, qui critique la position de ces féministes pour évoquer la possibilité de se rapprocher de ces « chaînes », et qui rappelle des postures réactionnaires proches de la droite dure, ou d’Houria Bouteldja qui déclarait : « J’appartiens à ma famille, à mon clan, à ma race, à mon quartier, à l’islam, à l’Algérie ».
De toutes façons, pour Lallab, plus que la patriarcat, ce sont les féministes de Mai 68, « Blanches défendeuses de l’à-poil-pour-tou·te·s », qui ont des pratiques brutales :
» Décortiquer le pourquoi du rapport d’une femme à son propre corps et à sa séduction est une pratique brutale « .
L’auteur du texte ajoute :
» Quand on me dit « féministe », la première image qui m’est toujours venue en tête, c’est celle d’un polaroïd : une femme blanche qui lève le poing dans une tenue très échancrée, avec des poils sous les bras. Et elle n’a pas l’air content. Du tout « .
C’est tout naturellement que Lallab promeut dans un autre de ses articles la « mode pudique » pour les femmes.
Au final, nous avons ici une posture racialiste, crypto-réactionnaire, finalement Père-la-pudeur et anti-féministe envers l’apparence physique et le comportement soi-disant « agressif » des féministes de Mai 68. Une rhétorique, anti- « féminisme blanc », qui se mord la queue.
Malgré un ancrage clairement problématique Lallab bénéficie de nombreux soutiens. Le CCIF, Enar, Etudiants musulmans de France. Mais aussi Open Society, le Conseil général du Val de Marne ou encore Ivry sur Seine. Lallab a bénéficié de la réserve parlementaire d’Esther Benbassa sous le motif que l’association luttait contre les préjugés liés à la religion.
En août 2017, Lallab annonce recruter trois personnes en Service civique, bénéficiant ainsi d’argent public. Une déclaration qui pose question en effet, les Contrats de Services Civiques ne sont pas accessibles aux association cultuelles afin de respecter la neutralité de l’État :
« La personne morale agréée est un organisme sans but lucratif de droit français ou une personne morale de droit public. Une association cultuelle, politique, une congrégation, une fondation d’entreprise ou un comité d’entreprise ne peuvent recevoir d’agrément pour organiser le service civique » ( Loi no 2010-241 du 10 mars 2010 relative au service civique. Article 8)
Lallab, association clairement inscrite dans les réseaux des Frères Musulmans, qui combat la loi de 2004 sur l’interdiction des signes religieux ostentatoires rentre clairement dans la catégorie qui ne peut pas bénéficier de Service Civique.
D’autant que dans ces textes, outre l’interdiction d’associations cultuelles et politique, Service Civique parle de laïcité.
« La mission proposée doit répondre à l’exigence de neutralité et de laïcité que doit revêtir toute mission confiée au titre d’une politique publique et dans un objectif d’intérêt général. Ainsi la participation à un mouvement ou à une manifestation politique, à un enseignement religieux ou à la pratique d’un culte sont autant d’activités qui ne peuvent pas être intégrées dans une mission de Service Civique » Loi no 2010-241 du 10 mars 2010 relative au service civique.
Reste à savoir s’il existe une volonté politique pour faire appliquer la loi.
Mathilde Lambert
*PS -1 Suite à la parution de l’article, Service Civique est interpellé par des centaines d’internautes dont le Préfet Gilles Clavreul. Le 17 août 2017 à 8h15, Service Civique répond à Sofia Izbak.
« La mission proposée ne correspond pas aux principes fondamentaux du@ServiceCivique, elle n’est plus en ligne sur notre site. »
De fait, l’article 8 ne permet pas à Service Civique de prendre en compte une telle association. Les partisans de Lallab démarrent une campagne médiatique de taille. Il s’agit de faire croire que les personnes qui s’opposent à Lallab sont du FN. Le Nouvel Obs en fait un titre (rectifié) suivi de Libération sous la plume de Franck Durupt. Libération prétend que c’est sous la pression du FN que Service Civique à cédé. Pourtant la chronologie est assez claire. La première personne apparentée au FN à qui apparait, l’est après le message de Sofia Izbak. Sous la pression médiatique, le community manager de Service civique tente un rétropédalage en précisant :
« Les missions proposées correspondaient plus à une fiche de poste pour salariés qu’à une annonce de service civique« .
Néanmoins cette affaire a permis de lever le voile sur les missions de Service Public et a révélé plusieurs missions problématiques. Voir ici. Les associations à visée religieuse et politique qui flirtaient avec la loi peuvent remercier Lallab d’avoir attiré l’attention sur leurs pratiques.
PS -2 La Fondation de France, interpellée par les internautes a déclaré : « nous ne soutenons pas l’association Lallab. Merci de nous avoir informé de la présence de notre logo. » En effet Lallab se targue d’être partenaire de la Fondation de France sous la mention « Ils nous font confiance », sous prétexte qu’une des fondatrices de Lallab a reçu un prix de la Fondation de France avant même la création de Lallab.
PS- 3 Lallab a publié un « droit de réponse » à la polémique. L’association y explique qu’elle n’a pas de liens avec les Frères musulmans. Comment expliquer la présence parmi les « héroïnes » de Lallab de Fatma Benli et de Meherzia Labidi toutes deux adeptes du signe de la Rabia signe de ralliement des Frères musulmans.
En août 2014, les troupes de Daesh fondaient sur les montagnes de Sinjar, berceau historique des Yézidis. Entre le 3 et 15 août, les islamistes ont réduit en esclavage plus de 7000 femmes et enfants et exécuté les hommes. Les tueurs venaient d’Irak, de Syrie, du Qatar mais aussi de France, de Tunisie, de Belgique ou de Grande Bretagne.
Le génocide a été préparé en amont par une campagne de déshumanisation des Yézidis, considérés par des prédicateurs islamistes comme indignes de respect. Suite à l’émotion internationale, les prédicateurs ont tenté « d’expliquer », de « justifier », de « mettre en perspective » et parfois même de « nier » les massacres. En 2015, Moncef Zenati édite sur Youtube une vidéo intitulée « Les Yazidites : Les adorateurs de Satan ». La vidéo est produite par l’organisation Havre de Savoir, un site internet qui relaie la prose des Frères musulmans en français.
En diffusant en France, les justifications théologiques de la déshumanisation des Yézidis, les Frères musulmans français les ont importé en France. Selon l’Association des Yezidis de France, un jeune lycéen Yézidi réfugié en France a été repéré par ses camarades et menacé comme « sataniste » quelques semaines après la diffusion de la vidéo.
L’auteur de la vidéo, Moncef Zenati est un membre actif de l’UOIF et le patron de l’association Havre de Savoir parrainée par le rappeur Médine. Moncef Zenati a traduit des ouvrages de Hassan al-Banna en français, et intervient régulièrement dans des conférences de la mouvance frériste française où il est considéré comme un savant. Implantée dans la ville d’Edouard Philippe, l’association Havre de Savoir est l’organisation frériste la plus active sur les réseaux sociaux grâce à la jeunesse.
Qualifier les Yezidis d’ « adorateurs de Satan » n’est pas anodin. Il s’agit d’un qualificatif très péjoratif pour désigner les Yezidis, utilisé par les islamistes sunnites, dont Daesh, pour signaler qu’ils sont « mécréants » et justifier les massacres dont ils sont victimes.
La vidéo présente les Yezidis comme un « groupe déviant apparu en 132 de l’Hégire » (0.40), « sorti du cercle de l’Islam » (0.50) à cause du « contexte et de l’ignorance, au point de révérer Iblis que les yezidis appellent Taous Malek » (1.00). En réalité, les Yezidis forment un groupe kurdophone pré-islamique, qui pouvait initialement être proche des zoroastriens, et qui ont ensuite agrégé quelques éléments issus des trois monothéismes dans leurs croyances. Ce ne sont en aucun cas des musulmans « déviants » ou « ignorants ».
Moncef Zenati met l’accent sur les points du yezidisme qui constituent un blasphème dans la religion musulmane. En faisant cela, Moncef Zenati sait parfaitement qu’il les condamne à mort. Le prédicateur des Frères musulmans du Havre détaille :
« les yezidis vouent un grand respect à l’égard de la religion chrétienne au point d’embrasser les mains des prêtres et de partager avec eux le repas, la cène de l’eucharistie. Ils pensent que le vin est réellement le sang du Christ, au sens propre, et lorsqu’ils le boivent, ils ne permettent pas d’en faire tomber une seule goutte de leur barbe. Ils ont prit des chrétiens le baptême, l’enfant yezidi est mis dans une source pour y être baptisé » (21.20).
Avec cette phrase, le sort des Yezidis est scellé. Si ce sont d’anciens musulmans qui se sont convertis la sentence est irrévocable : leur extermination.
Moncef Zenati poursuit en ironisant : « les yezidis descendent uniquement de Adam » (8.50) et non d’Adam et Eve. Ainsi donc, les Yezidis ne feraient pas partie de la même humanité. De fait le Coran ne les protège pas puisqu’ils ne font pas partie des gens du Livre. Pourquoi faudrait-il s’émouvoir alors de leur esclavage et de leur extermination ?
Et de poursuivre, pendant la nuit noire, « ils lèvent tous les interdits, y compris l’alcool »(20.10).
Le prédicateur du Havre va même jusqu’à affirmer qu’après la chute de Saddam Hussein, les Yezidis étaient en « position de force » (12.10) au Parlement irakien. Les Yezidis n’ont jamais été en position de domination politique, bien au contraire.
La vidéo de Moncef Zenati contre les Yézidis fait partie des éléments qui documenteront le génocide. Elle « explique » la déshumanisation qui a conduit au génocide. Pour se prémunir de toute accusation de complicité de crime contre l’humanité, Moncef Zenati déclare : « on entend ce qu’il se passe en Irak, ils sont persécutés, chassés, tués, etc, on appelle pas à ça » (23.45), « nous c’est dans un but scientifique d’instruction ». Peut être !
Créé par une société australienne, le Burkini n’en finit plus de susciter la polémique.
Il y a quelques semaines, dans la ville pourtant conservatrice de Tripoli, un complexe balnéaire a proposé aux femmes portant un burkini de se baigner dans une piscine privée et plus sur la plage mixte. Une d’entre elles a insisté et voulu se baigner sur la plage mixte composée d’hommes et de femmes en maillot. La sécurité l’a immédiatement évacué de la plage, un tribunal chariatique a été saisi et un avis religieux (Fatwa) rendue.
Le juge Cheikh Hassan Chehade commence sa Fatwa en expliquant que la revendication politique du Burkini a commencé sur les plages française avant d’accoster sur celles du Levant. Il rappelle à ses lecteurs que le mode de vie des libanais est varié. Il existe des femmes et des hommes qui ne suivent pas la religion du Prophète et qui se baignent ensemble. A Tripoli, tonne t-il, on se baigne en maillot depuis une éternité. Par contre poursuit le juge religieux, cette volonté de s’imposer en burkini pose plusieurs problèmes religieux.
Tout d’abord selon Cheikh Hassan Chehade on ne peut bricoler la religion. Si une femme décide de revendiquer sa religiosité, il faut qu’elle en suive les règles. Pour Cheikh Hassan Chehade, une femme pieuse n’as pas le droit de se mélanger avec celui qui n’est son père, son mari ou son frère. Une femme pieuse selon la Fatwa ne peut se baigner que dans une plage ou une piscine de femmes, car se mélanger avec des hommes sur la plage est interdit pour les femmes voilée. Aucune interdiction en revanche pour les femmes non voilées.
Le juge poursuit en défendant le propriétaire du complexe balnéaire et déclarant que personne n’a le droit d’imposer à un propriétaire de changer son règlement intérieur. S’il ne veut pas de femmes voilées ou en burkini sur la plage, c’est son droit.
La suite de la Fatwa est dévastatrice pour les partisans de l’islam politique. Le juge Cheikh Hassan Chehade rappelle qu’un femme voilée qui rentre sur une plage mixte commet plusieurs interdits. Il est inévitable qu’une femme voilée voit la partie intime d’un homme (du nombril au genou). De plus explique t’il, le burkina, comme le fait de se baigner habillée, montre le corps des femmes.
Et le juge de terminer, une femme n’a pas le droit de prétendre être pieuse et exiger d’être sur une plage mixte.
Panorama des candidatures du PEJ, de Samy Debah du CCIF, de Français et Musulmans et de l’UDMF.
LE PARTI EGALITE JUSTICE
Le Parti Égalité Justice (PEJ) présentait 52 candidats aux élections législatives, essentiellement dans les circonscriptions où le nombre de français d’origine turque est relativement important. Aucun des candidats n’a réussi à dépasser les 2%. Le PEJ n’obtient pas non plus de financement public, dont chaque parti candidat aux législatives bénéficie s’il gagne plus de 1% des voix dans au moins 50 circonscription, à hauteur de 1.42 euros par voix en sa faveur.
Le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et le Rhône sont les départements où vivent une grande partie de la diaspora turque en France, ce sont également des départements qui comptent le plus de candidats du PEJ. L’électorat ciblé en 2017 était surtout la « communauté turque », malgré les efforts d’Abdelaziz Chaambi, fondateur d’origine algérienne de la Coordination contre le Racisme et l’Islamophobie (CRI), pour promouvoir le PEJ sur son site internet et pour appuyer sept candidats étiquetés PEJ d’origine maghrébine.
Pendant la campagne, le PEJ s’est surtout fait connaître du grand public pour ses « bad buzz » :
Il n’a pas respecté la parité obligatoire pour les partis politiques depuis 2000 : seulement 10 femmes candidates, sur 52 candidatures. Plusieurs d’entre elles (comme Nadia Omani, Hülya Sahin) posaient sur leur affiche électorale officielle vêtues d’un foulard islamique.
Son président a eu des propos à tendance négationniste à propos du génocide arménien (entre 1.2 et 1.5 millions de morts) : « On parle d’un soi-disant génocide arménien, il n’a jamais été prouvé jusqu’à présent« . Ahmet Cetin, candidat du PEJ dans l’Ain, affirme sur Twitter plus directement qu’il y a eu « 0 génocide » arménien.
Le PEJ a des liens humains et organiques très forts avec le COJEP, notamment via Ali Gedikoglu, fondateur commun aux deux structures. Le COJEP est l’émanation française de l’AKP de Recep Tayyip Erdogan. Il avait récemment appelé les turcs de France à voter « oui » au référendum sur l’hyper-présidentialisation en Turquie.
Son manifeste fondateur demande de revenir sur la loi de 1905 pour y introduire des « accommodements raisonnables pour les musulmans » ainsi qu’un « moratoire sur la laïcité« , il veut lutter contre « l’islamophobie d’état« , contre « le positionnement libertin de la société française pour pouvoir revenir à la cellule familiale traditionnelle« , « abolir la loi de 2004″ sur les signes religieux à l’école, et non sans un certain complotisme, « abolir le mariage homosexuel » car le précédent gouvernement a répondu à un « petit lobby influent d’homosexuels« , et « abolir l’enseignement de la théorie du genre à l’école« …
Fatih Karakaya, contributeur du site internet Medyaturk et président de la fédération PEJ du Bas-Rhin, tient également des propos anti-alévis, anti-juifs, pro-frères musulmans et complotistes sur les réseaux sociaux :
Le journal Dernières Nouvelles d’Alsace a rapporté plusieurs incidents récents entre le PJE et les journalistes. Extraits :
» Deux candidats du Parti égalité justice aux législatives ont été vus dans la petite délégation qui a semé le trouble dans une réunion en faveur de la liberté de la presse au cinéma Odyssée à Strasbourg en juin 2016. L’échange tendu s’est terminé par des échauffourées dans le hall du cinéma »
« Des cadres du PEJ étaient également présents lors de la manifestation organisée par la COJEP le 6 août 2016 dont l’objectif était de conspuer la couverture par les médias français de la tentative de coup d’Etat en Turquie »
« Le 26 novembre dernier, c’est un vice-président du PEJ qui expulse un photographe indépendant lors d’une manifestation organisée à Strasbourg par les réseaux pro-Erdogan contre le terrorisme international. Ce même cadre, Feridun Ulusoy, déjà vu à l’Odyssée, candidat dans la 5e circonscription du Bas-Rhin, s’empare ensuite du téléphone du journaliste des DNA qui ne réussira à le récupérer qu’après intervention de la police ».
Pour ses premières élections législatives, le tout jeune PEJ aura plus fait parler de lui pour ses déboires que pour ses résultats électoraux.
SAMY DEBAH
Samy Debah a réussi une percée surprise en se hissant au deuxième tour des législatives dans la 8ème circonscription du Val d’Oise, dont il est originaire, face au maire PS de Sarcelles François Pupponi. Il a en partie bénéficié de l’abstention massive (67.9%) et de l’absence de candidature La République En Marche ! pour atteindre 13.9% des suffrages, soit 2 352 voix. A noter, le PEJ soutenu par le CRI avait également un candidat (Aysenur Catakli) dans cette circonscription, faisant ainsi concurrence au candidat du CCIF. Au deuxième tour, il s’incline dans la circonscription avec 34,2%, soit 5 328 voix, mais fait un score de 55,67% dans la ville de Garges-lès-Gonesse.
Samy Debah est le fondateur en 2003 du Collectif Contre l’Islamophobie en France, qu’il a présidé jusqu’en mars 2017, avant de se retirer pour mener sa campagne électorale en tant que candidat indépendant. Ancien prédicateur du Tabligh et organisateur de tournées de conférences de Tariq Ramadan, il a créé le CCIF dans l’entourage des Frères musulmans. Les invités controversés de ses diners annuels ne se comptent plus : Rachid Abou Houdeyfa (imam de Brest), Nader Abou Anas (prédicateur au Bourget), Houria Bouteldja (Parti des Indigènes de la République)… Cette dernière lui apporte d’ailleurs officiellement son soutien et appelle les électeurs à voter pour lui sur les réseaux sociaux.
Il est désormais difficile de croire que le CCIF est « apolitique« , comme le répète Marwan Muhammad, actuel directeur du CCIF.
FRANÇAIS ET MUSULMANS
Jeune parti également – il fête ses 1 an -, Français et Musulmans assume son « une éthique musulmane en parfaite adéquation avec les valeurs républicaine ». Certains de ses cadres sont issus d’une scission avec l’UDMF (Union des Démocrates Musulmans de France) qui avait recueilli jusqu’à 5.9% des voix en 2015 à Mantes-la-Jolie. Français et Musulman a placé cinq candidats dans la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne en 2017. Parmi ses revendications, on retrouve :
« Interdiction de la violence, l’érotisme, la pornographie et autres visuels allant à l’encontre de la protection des enfants et des adolescents dans certaines publicités aux abords des établissements scolaire »
« Rétablir la légalité du boycott »
« Abrogation de la circulaire Alliot Marie »
« Réflexion autour des articles 12 à 15 de la loi de 1905 »
« Réactualisation de la loi 1905 en intégrant les autres cultes français »
« Lancer une commission nationale sur les effets de la loi de 2004 sur l’interdiction du voile à l’école »
« Reconnaître l’État de Palestine et ouvrir une ambassade en France »
Hanane Zahouani, candidate arborant un voile islamique sur son affiche officielle de Français et Musulman, termine avec 1.46% des voix.
Nizarr Boucharda, ex-UDI, ex-UDMF, termine avec 2.94% des voix, juste devant la candidate PS Corinne Narassiguin.
Jimmy Parat, connu pour ses propos anti-IVG au conseil municipal de Bagnolet et qui avaient provoqué un tollé, a fait campagne avec l’ex porte-parole du CCIF Yasser Louati autour des « dysfonctionnements et des discriminations de la République ». Il a recueilli 0.57% des voix.
UNION DES DÉMOCRATES ET MUSULMANS DE FRANCE
Avec de nombreuses candidatures, l’UDMF a réussi quelques percées comme dans la première circonscription des Hauts de Seine où il présentait une candidate voilée, Sandra Fourastier (2.06%, devant DLF, LO, NPA…), Genevilliers (2.74%), ou encore Villeneuve-la-Garenne (3.72%). Ces résultats sont toutefois un peu moins bons que ceux récoltés aux élections régionales de 2015, où il avait obtenu jusqu’à 5.9% des voix à Mantes-la-Jolie. Son meilleur score en 2017 est dans la première circonscription de Mayotte avec 5.10% des voix.
Son programme insiste sur le rôle de la famille : « malheureusement, depuis plus de cinquante ans, elle est régulièrement attaquée, maltraitée voire ridiculisée jusqu’aux plus hautes institutions de notre pays », « il est de notre devoir de sauvegarder le rôle salvateur de la famille ».
L’UDMF envisage de se battre contre l' »islamophobie » : « Nous, Démocrates Musulmans Français, voulons arrêter ces dérives dirigées par les politiques afin d’éviter une guerre civile dirigée contre l’Islam et les Musulmans en Europe ». Au niveau international, l’UDMF demande la reconnaissance de l’état de Palestine, et affirme qu’ : « Il est essentiel d’arrêter le blocus de Gaza, de demander la libération des prisonniers politiques palestiniens, des enfants et de placer le peuple palestinien sous la protection internationale ».
L’UDMF participe à la Marche de la Dignité aux cotés du Parti des Indigènes de la République en 2015, et à la Rencontre Annuelle des Musulmans de France au Bourget organisée par l’UOIF en 2017.
L’UDMF, le plus ancien parti politique musulman présent à ces élections législatives malgré sa relative jeunesse (5 ans) semble en légère perte de vitesse devant la multiplication cette année de candidatures venant de l’islam politique. Le PEJ, certainement le plus conservateur et le plus « décomplexé », peine à convaincre malgré le buzz dont il a bénéficié. Néanmoins, il a démontré sa capacité à présenter de nombreux candidats sur le territoire, capables de recueillir plusieurs centaines de voix avec un marquage pro-AKP. Français & Musulman a pour sa part surtout réussi à faire connaître sa nouvelle implantation, en concurrence avec l’UDMF dont il est majoritairement issu. La véritable percée vient de Samy Debah qui accède au second tour avec plus de 2 300 voix, dans un champ politique favorable, mais qui s’incline au second tour avec tout de même 34,2% des voix.News
Ce mois de mars 2017 est marqué par le triste anniversaire des cinq ans des tueries de Toulouse et Montauban, au cours desquelles trois militaires et quatre personnes de confession juive, dont trois enfants, ont été assassinés.
Le 28 mars 2012, Nabil Ennasri, président du Collectif des Musulmans de France (CMF), publie sur le site communautaire ajib.fr un article sur l’affaire Merah, moins d’une semaine après la neutralisation du terroriste par le RAID.
Nabil Ennasri se présente comme un spécialiste du Qatar et comme un représentant des musulmans de France. Dans Nos Très Chers Émirs (éditions Michel Lafon), Christian Chesnot et Georges Malbrunot révèlent qu’il aurait en réalité été rémunéré par le Qatar pour ses travaux. Le CMF qu’il préside est signataire de l’appel des Indigènes de la République, et est proche des Frères musulmans, notamment de Tariq Ramadan, plusieurs fois invité. Nabil Ennasri a été formé à l’IESH de Chateau-Chinon, l’école de formation des imams de l’UOIF.
Analyse
Nabil Ennasri commence par inscrire son propos dans le registre de l’émotion et de la “peur” assumée. Il espère toucher les sentiments de ses lecteurs.
Évoquant une “accumulation de zones d’ombres”* et se retranchant derrière une litanie de questions toutes plus orientées les unes que les autres, il demande par exemple :
« Pourquoi les déclarations fracassantes d’Yves Bonnet, l’ex-patron de la DST, affirmant que ce qui « parait poser question, c’est que le garçon avait manifestement des relations avec la DCRI (services secrets français) » ne suscite pas d’électrochoc au sein de la classe politique et médiatique ? »*
Il est faux de dire que les déclarations d’Yves Bonnet n’ont pas suscité de réactions dans la classe médiatique. BFMTV, L’Humanité, Le Parisien, L’Express, La Dépêche, Le Nouvel Observateur… ont publié des articles entièrement consacrés aux déclarations de l’ex-patron de la DST. Au sein de la classe politique, Alain Juppé a rapidement demandé « la clarté » sur les liens entre la DCRI et Mohamed Merah, Claude Guéant s’est également interrogé, tandis que d’autres personnalités politiques telles que Marine Le Pen ont été jusqu’à se demander si « Merah était peut-être un indicateur de la police ? ».
Nabil Ennasri utilise le terme « discours officiel », synonyme de « version officielle », expression bien connue de la rhétorique complotiste. Parler de « discours officiel » à propos des tueries de Mohamed Merah, c’est considérer qu’il existe une version officieuse, secrète, « réelle », et volontairement masquée par un “pouvoir”.
Yves Bonnet, qui n’est plus patron de la DST, s’est exprimé sur l’affaire Merah en son nom. Ses propos, bien que flous et non sourcés, ne sont en soi pas si polémiques que cela. Il n’est en effet pas impossible que Mohamed Merah ait eu un correspondant aux Renseignements suite à ses nombreux voyages au Proche-Orient, en Afghanistan et au Pakistan. Floran Vadillo, spécialiste du renseignement antiterroriste et actuel conseiller de Jean-Jacques Urvoas, considère que « les services ne pourront jamais le dire, mais il est possible que Merah était surveillé plutôt dans l’optique de faire tomber un réseau. Pour la DCRI, arrêter un homme seul n’a aucun intérêt, l’important est de remonter une filière ».
Avoir de potentiels contacts avec la DCRI suite à des voyages dans des pays en guerre n’aurait rien de choquant en soi. La DCRI a même reconnu juste après sa neutralisation avoir convoqué Mohamed Merah en novembre 2011 à son siège toulousain. Cela ne signifie pas que la DCRI était au courant des ambitions de Mohamed Merah, et c’est là où le bât blesse.
Nabil Ennasri omet volontairement d’autres propos d’Yves Bonnet, nettement moins sujets à interprétations, à propos de la DCRI : « La critique dont elle fait l’objet est récurrente lorsque, dans ce type d’événement, la personne est retrouvée rapidement. On pense : puisque vous le connaissiez, vous avez en quelque sorte laissé faire. C’est évidemment plus complexe. […] Une centaine de personnes sont vraisemblablement fichées après des séjours dans les zones tribales, il est impossible de les surveiller toutes au jour le jour ». L’omission, les citations parcellaires ou tronquées se retrouvent dans la presque totalité discours conspirationnistes.
Continuons.
« Pourquoi parle-t-on de Merah comme s’il avait effectivement été le responsable de tous ces meurtres ? Que je sache, la justice n’a pas encore rendu son verdict ? En parlant d’“assassin“, de “monstre“ et de “tueur“, comment les plus hautes autorités de l’Etat peuvent se permettre à ce point de fouler aux pieds la règle élémentaire de la présomption d’innocence ? Parce qu’en l’occurrence le présumé avait tout pour être désigné comme le coupable idéal ? »*
Remettre en cause la responsabilité de Mohamed Merah, et donc suspecter une tierce personne, semble être une entreprise périlleuse : Merah a lui-même filmé ses crimes à l’aide d’une caméra GoPro… La chaîne Al-Jazeera a reconnu avoir reçu une copie de ses vidéos, et annonce le 26 mars 2012 qu’elle refuse de les diffuser. Il est dommage que Nabil Ennasri ne développe pas son sous-entendu autour d’un « coupable idéal ». D’autant qu’il semble ignorer que la présomption d’innocence ne s’applique qu’aux justiciables, c’est-à-dire à des personnes qui, par définition, sont en vie !
La suite de son texte est à l’avenant :
« Comment M. Merah a pu se rendre en Israël alors qu’il figurait sur la liste noire des personnes interdites de vol aux Etats-Unis et qu’il était surveillé et fiché par les autorités françaises ? Alors que des milliers de jeunes français se font refouler chaque année par les autorités israéliennes, comment a-t-il pu s’y rendre sans problème ? Pourquoi est-ce le patron de la DGSE (services extérieurs) qui a facilité ce voyage comme le relate la presse italienne ? Pourquoi y-a-t-il tant de confusions autour de ces voyages réels ou supposés en Afghanistan et au Pakistan ? Pourquoi nous a-t-on pilonné avec ce « salafiste-djihadiste atypique » qui pourtant sortait en boîte de nuit quelques jours avant les faits et courait les filles ? »*
L’article de presse italien en question est issu du journal Il Foglio et ne cite pas ses sources. Mohamed Merah s’est rendu en Israël après s’être rendu en Turquie et au Liban. Il s’est fait rapidement arrêté en Israël avant de gagner la Jordanie.
Le flou relatif qui existe autour de ce séjour en Israël et de ses motivations a été propice, comme d’habitude, à toutes sortes de spéculations et de conclusions hâtives. Les spéculations puis le complotisme se nourrissent de ces zones de flou, où tous les faits ne peuvent pas être rapidement, voire directement, vérifiés.
François Mollins, le procureur de la République de Paris, a parlé de Mohamed Merah comme ayant un profil d’ « autoradicalisation salafiste atypique ». Il n’y a là aucune incompatibilité avec la circonstance de « sortir en boîte de nuit » et de « courir les filles ». Au contraire, ce serait prêter aux djihadistes une cohérence qu’ils sont loin d’avoir toujours, sans compter que le djihadisme peut être vu par certains terroristes comme un moyen politique et personnel d’absoudre ce qu’ils considèrent comme des péchés. David Thomson a analysé le parcours de nombreux djihadistes qui, après avoir vécu une vie de « débauche », ont adopté l’idéologie islamiste, vue comme rédemptrice. Autrement dit, la vie n’est pas toujours aussi polarisée que dans la vision d’un complotiste…
La durée du siège est elle aussi remise en question :
« Comment expliquer l’incroyable incompétence du Raid qui a tout fait pour ne pas l’arrêter vivant, ce qui a suscité de très vives critiques de la part du fondateur du GIGN ? Pourquoi il a fallu aux meilleures unités de police de France (et du monde) près de 32h pour neutraliser un gamin de 23 ans pour à la fin l’abattre en usant plus de 300 cartouches ? N’était-il pas possible, comme le soulignent certains observateurs, à ces centaines de fonctionnaires de police disposant de tant de moyens techniques de le neutraliser avec, par exemple, des gaz endormissants ou lacrymogènes ? »*
Nabil Ennasri affirme que le RAID a tout fait pour tuer Mohamed Merah, sous-entendant qu’il s’agissait de le réduire définitivement au silence, certainement pour éviter qu’il ne révèle des informations embarrassantes pour le pouvoir. Le patron du RAID, Amaury de Hauteclocque, a été interrogé sur la question de l’utilisation de gaz dans l’appartement par le Figaro : « On avait fait exploser les fenêtres pour éclairer l’intérieur de l’appartement et voir ce qu’il s’y passait. Avec toutes les voies d’aération qu’il y avait, les gaz auraient été extrêmement inefficaces. Et aussi gênant pour lui que pour nous ». Lorsqu’il a pu être possible d’envisager de lancer du gaz dans sa salle de bain : « Au moment où l’on commence à percer le mur de la salle de bains pour envoyer le gaz lacrymogène, il commence nous à tirer à travers les parois au gros calibre ». Merah monte alors à l’assaut contre le RAID, et se fait tuer par des tirs de ripostes. Amaury de Hauteclocque précise que si sa « mission aurait été de l’abattre, je mitraillais l’appartement avec les calibres de notre arsenal et l’affaire était réglée en trois minutes ». Sans vouloir offenser l’imaginaire débordant des complotistes, il n’est pas toujours nécessaire de tirer l’histoire par les cheveux…
« Comment expliquer, comme l’a très justement fait remarquer le chercheur Laurent Muchielli, la très probable « immixtion politique » dans la gestion de cette saga policière ? Pourquoi M. Guéant a-t-il pris la charge de l’enquête alors que cela constitue une violation flagrante du code de procédure pénale ? Pourquoi tant de mise en scène dans les apparitions de M. Guéant et de M. Sarkozy ? Pourquoi les médias insistaient toujours sur l’origine algérienne de ce gamin de cité, né en France et scolarisé à l’école de la République, quand on a naturellement bien moins mis en évidence l’ascendance maghrébine des militaires de Montauban ? »*
Nabil Ennasri a le sentiment que la classe politique a surréagi, comme si la gravité de l’affaire ne le justifiait pas… Il est vrai que de nombreux commentateurs proche des Frères musulmans, comme Marwan Muhammad du CCIF, ont eux aussi préférer passer à autre chose : “on a d’autres VRAIS problèmes qui nous attendent”.
L’accumulation de questions est un vieux procédé conspirationniste visant à créer un effet de masse. Le lecteur a l’impression d’être submergé par des vagues de questions, même peu pertinentes, parfois farfelues, sans réponses, qui s’excluent parfois entre elles, et qui entretiennent le doute vis-à-vis de ce qui est nommé comme « le discours officiel ».
« Comment expliquer que Christophe Barbier nous dise, quelques jours avant ces tueries abominables, que « seul un cataclysme capable de fédérer les Français autour de son président peut offrir une chance de réélection à Sarkozy » ? Pourquoi tout cela arrive un mois avant l’élection présidentielle ? Pourquoi, alors que Merah était fiché et surveillé, il ait pu se doter d’un arsenal de fusils, kalachnikov et explosifs alors même que son casier judiciaire était déjà bien fourni ? Pourquoi un tel laxisme alors que des témoins avaient mis en garde les autorités et la préfecture sur le caractère dangereux du jeune homme ? »*
Nabil Ennasri sous-entend-il que Christophe Barbier était au courant des tueries de Mohamed Merah ? On se demande comment autant de personnes dans la confidence du prétendu « complot » auraient été aussi machiavéliques au point de laisser tant de sang couler. De plus, si tel était le cas, on peut retourner la question : pourquoi Christophe Barbier aurait-il fait cette déclaration, qui aurait pu laisser présager du « complot »…
Quant aux armes, l’enquête a révélé que Mohamed Merah se les est procurées sur le marché noir, lors de vols, ou encore grâce à un ami revendeur, qui a depuis été incarcéré.
La suite de l’article de Nabil Ennasri :
« Pourquoi toujours inviter dans les plateaux de télévision des personnes dont la légitimité est inexistante et qui demeurent aux yeux des médias et des hommes politiques les interlocuteurs légitimes d’une communauté musulmane qui ne les a pas choisis? Pourquoi Hassan Chalgoumi passe quasiment tous les jours à la télévision alors que tout le monde connait son absence totale de crédibilité auprès des musulmans de base ? Pourquoi ne jamais évoquer ces liens de soumission avec le CRIF, officine israélienne dont certains des responsables ont osé affirmer qu’il fallait trouver dans le reportage de Charles Enderlin sur Mohamed Al Durra une part de responsabilité dans l’horreur de Toulouse ? »*
Encore une fois, il s’agit de sentiments de Nabil Ennasri à l’encontre de personnalités comme Hassan Chalgoumi, associé au CRIF, qu’il transforme en questions sans réponses. Faisant, au passage, du CRIF, très souvent l’objet de théories complotistes, une organisation française issue de la Résistance, une « officine israélienne ».
« J’ai plein d’autres questions. Je m’arrête là. Si vous avez les mêmes intuitions que moi, c’est que l’avenir n’est pas fameux pour les musulmans de France. Il faudra peut-être se préparer au pire. Même s’il faut savoir raison garder et éviter la psychose et les surenchères, on ne peut que lourdement s’interroger sur le sens de toute cette affaire. Un peuple n’est jamais autant manipulable que quand il a peur. Et malheureusement l’histoire nous donne des leçons mais elle a peu d’élèves. Paix. »*
La conclusion de Nabil Ennasri donne enfin l’objectif du « complot » : effrayer l’opinion publique pour la monter contre les musulmans.
Quelques jours après les massacres perpétrés par Mohamed Merah et dans un contexte où le web regorgeait de théories du complot, Nabil Ennasri a écrit un article aux relents complotistes, passé inaperçu à l’époque. On peut y retrouver tous les codes du genre : champ lexical très marqué, technique argumentative bien identifiée qui consiste à tenter d’instiller le doute sur les faits sous couvert de questions accumulées et faussement innocentes, et perspective à la fois victimaire et complotiste cherchant à remettre en cause la responsabilité du tueur dans ses actes et suggérant que tout n’est qu’une mise en scène destinée à porter préjudice aux musulmans.
Ce n’est pas la première fois que Nabil Ennasri tient des propos à connotation complotiste. Il a par exemple soutenu les Journées de Retrait de l’Ecole (JRE) initiées par Farida Belghoul (qui sera par la suite condamnée) et largement relayées par Alain Soral et Dieudonné. Nabil Ennasri expliquait alors en 2014 voir dans la prétendue “théorie du genre” une sorte de cheval de Troie pour l’« l’intrusion progressive des pratiques LGBT à l’école »… alors qu’il n’était question que d’un programme d’éducation à l’égalité homme-femme.
Le 19 mars 2017 a lieu la Marche pour la « Justice et la Dignité » à Paris, entre Nation et République. L’appel pour la Marche est publié sur Médiapart, et relayé notamment sur le site internet, page Facebook et compte Twitter des Indigènes de la République, du NPA, de Tariq Ramadan, d’Ensemble ! du Front de Gauche ou encore de Rokhaya Diallo.
L’appel pour la Marche décrit la France comme (unique) responsable des attentats qu’elle subit :
« Les attentats terribles que nous avons connus en 2015 et en 2016 sont venus renforcer l’arsenal sécuritaire alors qu’ils sont la conséquence directe de la politique guerrière que la France et ses alliés mènent à l’étranger. L’État Français, qui pèse toujours de tout son poids sur les peuples qu’il domine comme en Afrique, prolonge cette politique au Proche-Orient tout comme il entérine l’occupation de la Palestine. Sa « lutte contre le terrorisme » ressemble surtout à une agression permanente contre des peuples innocents ».
Alors qu’il devrait être question de dénoncer, à raison, les violences policières qui existent, cet appel évoque le terrorisme sans nommer les commanditaires, ni Daesh, ni al-Qaïda, et sans un mot pour les victimes. Il est question d’accabler « la politique guerrière » de la France et l’ « agression permanente contre des peuples innocents » pour expliquer les attentats, sans plus de précision. Une fine analyse politique du djihadisme international !
Tariq Ramadan a mis en ligne une vidéo pour promouvoir cette marche. Il y dénonce une « politique d’Etat de la gauche et de la droite » comme étant « le vrai problème ». Il pointe du doigt l’ « ethnicisation » de la solution des pouvoirs publics :
« Comme on a pas réussi, ou on entretient d’ailleurs, parce que la politique de sécurité donne parfois l’impression d’être une politique entretenue d’insécurité, on va déplacer le problème sur un problème culturel et idéologique (…) on ethnicise, on islamise la question, puisqu’on a pas véritablement travaillé sur ce qui devait être une vraie politique sociale, et donc on va instrumentaliser jusqu’à la laïcité (…) et on va faire un clivage entre eux et nous ».
Dommage que Tariq Ramadan ne dénonce pas l’ethnicisation et le communautarisme à outrance d’un des principaux organisateurs, le Parti des Indigènes de la République !
Il dénonce ensuite une mystérieuse opération financière :
« L’entretien de toute cette politique, qui fait de l’argent (…) l’insécurité, ça produit de l’argent ! Sur la question de la police, des prisons et de la privatisation des prisons et des multinationales comme G4S qui interviennent en France et qui font de l’argent, malheureusement il faut se rendre compte qu’il y a un volet économique à cet entretien de l’insécurité ! ».
Il sous-entend que l’Etat organise l’insécurité, par exemple à propos des jeunes policiers peu formés :
« Quel est l’Etat qui les envoie dans cette situation là, et pourquoi est-ce que ceci est entretenu ? »
Tariq Ramadan assume encore une fois sa logique conspirationniste. Les politiques sociales et sécuritaires en banlieue sont certainement critiquables. Sauf qu’ici, un follower peu informé sur la situation aura retenu que les violences policières sont le fruit d’une volonté d’ « ethnicisation » de la banlieue par un mystérieux « on », ainsi qu’une manipulation à but financier de ces conflits, organisée par l’État français !
Le Parti des Indigènes de la République appelle les manifestants à rejoindre sa banderole « « L’antiracisme colonial est mort! Vive l’antiracisme politique! » ». Tout autre organisation antiraciste est disqualifiée d’office par le PIR qui désigne comme coloniales. Le site Quartiers Libres donne un détail amusant :
« Vendredi 10 mars Houria Bouteldja du PIR a rencontré un cadre et élu « racisé » du PS ancien de la Marche de 1983 pour lui demander de financer « Paroles D’honneur » la nouvelle chaîne TV du PIR … Il n’y a donc plus de « Serment de Gaza » quand il faut s’assurer des passages dans les médias ? On est bien loin de l’autonomie politique et financière revendiquée, de l’Honneur dans la parole et de la sincérité politique. Discours publics, pratiques réelles ».
NB : Le « serment de Gaza » fait suite à l’intervention des fonctionnaires de police lors de la manifestation interdite en soutien à Gaza à Paris fin juillet 2014, alors que plusieurs précédentes manifestations pro-palestiniennes ont dégénéré avec des slogans antisémites (« mort aux juifs ») et que des incidents ont éclaté près de la synagogue de la Roquette. Le PIR a alors engagé une campagne anti-PS, le jugeant responsable de l’interdiction de la manifestation et de l’intervention policière.
Le PIR, qui désigne à tour de bras le PS comme un ennemi politique, qui a promis en 2014 que le « PS paiera » pour son « présent colonial » demanderait à ce même parti des financements…
Avec la même hypocrisie, Houria Bouteldja se félicite de la participation du Parti Communiste et du Parti de Gauche à la Marche et évoque « une victoire éclatante » pour l’agenda du PIR, alors que plusieurs voix critiquent cette association avec des partis politiques tant critiqués d’habitude :
« Quand le PG ou le PC sont devant et qu’ils nous imposent leur agenda, ils récupèrent. Ok. Quand ils sont derrière, ce qui sera la cas le 19. Ils récupèrent encore comment ? je sais pas ».
Autre participant et signataire de l’appel : l’Islamic Human Rights Commission (IHRC). Cette ONG basée à Londres est une puissante association de lobbying pro-khomeiniste en Europe et à l’ONU. En 2015, elle remet le prix de l’ « islamophobe de l’année » à Charb et Charlie Hebdo, quelques semaines après l’attentat.
L’IHRC est également célèbre pour ses campagnes pour demander la libération du Cheikh Omar Abdel Rahman, leader spirituel de l’organisation terroriste Al-Jama’a al-Islamiyya, et emprisonné pour sa participation à l’attentat du World Trade Center de 1993 et pour d’autres projets d’attentats notamment au siège des Nations Unies. Elle désigne le Cheikh comme un « prisonnier pour sa foi ».
Lors de sa mort en février 2017, l’IHRC publie un communiqué de presse où elle se désole de sa disparition : « le monde a perdu un homme de principe et de foi inébranlable ». L’IHRC lui rend un hommage personnel et politique :
« Sa mort fait de lui un martyr, et plus qu’une inspiration pour les personnes qui continuent de résister à l’autocratie étrangère et à l’impérialisme dans le monde arabe ».
Le déroulé de la Marche
Les familles de personnes tuées par la police tiennent la banderole de tête, suivies du Parti des Indigènes de la République (avec notamment Houria Bouteldja), de Sihame Assbague, du Front Uni des Immigrations et Quartiers Populaires de Saïd Bouamama, de la Brigade Anti Négrophobie, et de collectifs pro-palestiniens qui appellent au « boycott d’Israël, état assassin » et à la « séparation du CRIF et de l’état » sur leurs pancartes… Les slogans collectifs mêlent hommage aux victimes de violences policières, « Israël casse toi ! », « libérez George Abdallah ! »ou encore « je suis bamboula » par Saïd Bouamama, ce qui a pour effet de provoquer une dispute avec les collectifs afro-féministes. Ces dernières ont entre autres pour slogan « blanchité = gros clapet ».
La très grande partie du cortège se compose de divers syndicats (Solidaires, CGT,..) et de partis politiques (Ensemble!, NPA, Alternative libertaire, PC…). Act-Up et l’Inter-LBGT qui avaient appelé à manifester, malgré les protestations de militants LGBT qui refusent de marcher derrière le PIR, ne forment par contre qu’un petit cortège d’une quinzaine de personnes.
Le Black Bloc, qui ferme la marche, est en nombre le plus grand collectif présent. Des heurts éclatent à la fin de la marche, avec des fumigènes à proximité du Bataclan, des jets de cocktail Molotov contre la police, et des vitrines cassées place de la République.
Assa Traoré, la soeur d’Adama Traoré, avait annoncé qu’elle ne signerait pas l’appel et qu’elle ne participerait pas à la Marche. Dans Le Monde, elle dit ne pas se reconnaître dans cette Marche qui ne s’est pas adressée directement à la banlieue et qui préfère faire venir des manifestants de toute la France pour grossir ses rangs. D’autres militants n’ont pas fait le déplacement, reprochant la mainmise du PIR sur cette manifestation, comme le rapporte Le Monde : « certaines organisations, comme le PIR, instumentalisent cette marche afin de devenir porte-parole des quartiers populaires. Alors qu’ils n’y mettent jamais les pieds ! ». C’est un euphémisme de dire que la lutte contre les violences policières mérite en effet moins de relents racialistes à la sauce indigène, moins d’obsessions anti-CRIF, anti-israéliennes, moins de signataires islamistes, moins de récupérations politiques, et plus de sincérité !
Des organisations signataires de l’appel de la Marche :
Action-antifasciste Paris-Banlieue (AFA) – Association OUTrans – Association de lutte contre l’islamophobie et les racismes (ALCIR 20eme) – BDS France – Brigade Anti Négrophobie (BAN) – CAPJPO-EuroPalestine – CGT-Culture – Collectif enseignant pour l’abrogation de la loi de 2004 (CEAL) – Collectif Ni Guerres ni état de guerre – Coordination des Groupes Anarchistes (CGA)– Femmes en lutte 93 – Fondation Frantz Fanon – FUIQP – Les Indivisibles – Islamic Human Right Commission (IHRC) – Marche des Femmes pour la Dignité (MAFED) – Mwasi – Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) – Nuit debout Rennes – Osons causer – Parti communiste des ouvriers de France (PCOF) – Parti pirate – Parti des Indigènes de la République (PIR) – Podemos (Espagne) – Pride de nuit – Le Seum collectif – Solidaires étudiants (université Paris 3) – Le Strass – SUD (Collectivités Territoriales 93) – Syndicat de la Magistrature – Unef – Union des Démocrates Musulmans de France (UDMF) – Union Juive Française pour la Paix (UJFP) – Urgence Notre Police Assassine (UNPA).
Les personnalités signataires de l’appel de la Marche :
Hamé, du groupe La Rumeur (artiste) – Kery James (artiste) – Youssoupha (artiste) – N.O.S (PNL) – Opal Tometi (co-fondatrice de Black Lives Matter et Executive Director of Black Alliance for Just Immigration-BAJI) – Eli Domota (LKP) – Medine (artiste) – Boubacar Boris Diop (écrivain) – Oumar Diaw (comédien) – Juliette Fievet (chroniqueuse et animatrice de télé/radio) – Melha Bedia (comédienne et humoriste) – Grand corps malade (chanteur et réalisateur) – Cut Killer (DJ international) – Samy Naceri (acteur) – Kiddam and the People (groupe de rap) -Youkoff (Artiste) – Tunisiano – Omar Barghouti (human rights defender, Palestine) – Sidi Watcho (artistes) – Mokobé (artiste) – Samia Orosemane (humoriste) – Lilian Thuram (personnalité sportive) – CaliSamy Amara (humoriste) – Yazid Amghar (boxeur professionnel, champion de France) – Sihame Assbague (militante antiraciste) – Djamel Atallah (marcheur de 83) – Boualam Azahoum (miliant, Lyon) – Ludivine Bantigny (historienne) – Elsa Bardeaux (maire adjointe de Villeneuve Saint Georges à la jeunesse et de la vie des quartiers) – Hakim Beddar (membre fondateur du MIB et organisateur de l’arrivée de la marche de 83) – Benaili Mounia (Conseillère Municipale PG Juvisy sur Orge) – Ben Amar Youssef (adjoint au maire Allones 72) – Mohamed Benkhelouf (maire adjoint à Aubervilliers) – Mohamed Ben Yakhlef, Insaf Chebaane, Omar Cheriguene (conseillers municipaux de Vileneuve Saint Georgges) – Judith Bernard (metteur en scène) – Olivier Besancenot (NPA) – Djamel Blanchard (co-président de PAS SANS NOUS) – Félix Boggio Éwanjé-Épée (revue Période) – Ahmed Boubeker (sociologue) – Rachid Bouchareb (réalisateur) – Alima Boumediene Thiery (avocate) – Youssef Boussoumah (membre fondateur de la CCIPPP, missions civiles en Palestine et PIR) – Houria Bouteldja (PIR) – Pierre Cours-Salies (Sociologue, professeur émérite Paris 8, Membre d’Ensemble !) – Gerty Dambury (écrivaine) – Christine Delphy (Féministe) – Rokhaya Diallo (auteure et réalisatrice) – Eva Doumbia (artiste) – Mireille Fanon Mendès-France (Fondation Frantz Fanon et experte ONU) – Patrick Farbiaz (Sortir du colonialisme) – François Gèze (Editeur) – Alain Gresh (journaliste) – Nacira Guénif-Souilamas (sociologue) – Hadj Chikh Haouaria (conseillère départementale 13) – Sadri Khiari (dessinateur) – Olivier Le Cour Grandmaison (universitaire) – Franco Lollia (BAN) – Frédéric Lordon (économiste) – Stella Magliani-Belkacem (La fabrique éditions) – Noël Mamère – Philippe Marlière (universitaire) – Madjid Messaouden (élu St Denis 93) – René Monzat (militant antiraciste) – Tariq Ramadan (professeur d’études islamiques et de philosophie et président de l’European Muslim Network) – Fabrice Riceputi (historien) – Océane Rosemarie (comédienne) – Philippe Poutou (Porte-parole du NPA) – Saadane Sadgui (Co-fondateur des JALB et du MIB) – Catherine Samary (Militante altermondialiste) – Maximilien Sanchez (conseiller municipal délégué à la jeunesse de Gentilly) – Anzoumane Sissoko (porte-parole de la CISPM) – Omar Slaouti (membre du collectif Ali Ziri), Hanifa Taguelmint (militante) – Odile Tobner (auteure de « Du racisme français) – Enzo Traverso (universitaire) – Miguel Urban (député Podemos au parlement européen) – Françoise Vergès (politologue) – Marie-Christine Vergiat (Députée européenne, Front de Gauche) – Michaël Wamen (CGT Goodyear Amiens, condamné à 12 mois de prison avec sursis pour avoir défendu son emploi) – Catherine Wihtol de Wenden (universitaire) – Louisa Yousfi (Paroles d’honneur)
D’autres soutiens de la Marche :
ATTAC – DAL – Ensemble! –SNPES PJJ de la FSU -UNEF – Union Syndicale Solidaires – Syndicat National Unitaire des Assistants Sociaux (SNUASFP FSU) – Révolution Permanente – UD CGT de Paris – FERC-CGT – CGT TEFP (travail-emploi-formation professionnelle) – Association des Communistes Unitaires