MIDDLE EAST EYE

Middle East Eye

11.06.2016 La rédaction

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Sur le papier Middle East Eye, c’est l’histoire d’une réussite.

Près de 30 000 pages vues par jour. 329 000 fans anglophones sur Facebook et 62 600 fans francophones.

20 permanents dans le bureau londonien.

Une dizaines de freelancers dans plusieurs pays.

Plusieurs sont des professionnels et leur carrière donne au media un vernis sérieux et professionnel. En tête : David Hearst. Il est le rédacteur en chef du Middle East Eye. Il a longtemps été grand reporter pour The Guardian à la section internationale. Il a travaillé sur les conflits en Yougoslavie, en Tchétchénie, en Irlande et en Russie.

En deux ans le site est devenu incontournable. Les Online Media Awards ont même récompensé Peter Oborne de Middle East Eye pour son reportage sur le siège de Damas. Middle East Eye a également été nommé pour le prix du meilleur site web d’actualité mondiale. Mais quel genre de journalisme Middle East Eye fait-il ?

« Ils entrent militants et sortent journalistes » #presswashing 

De nombreux militants qui écrivent dans des organes de presse s’arc-boutent sur le fait qu’ils sont journalistes et donc objectifs. En déclarant que les collaborateurs de MEE entre « militants et sortent journalistes » David Hearst joue sur cette confusion. Comme si, des êtres humains, qui se battent passionnément pour une cause ou une idéologie éteignaient l’interrupteur de leur cerveau pour écrire.

Certains contributeurs de Middle East Eye sont engagés. Encore heureux.

En revanche faire croire qu’ils cessent de l’être en écrivant est une insulte à l’intelligence, des lecteurs et des contributeurs de Middle East Eye.

Le biais de l’islam politique

Hanan Chehata est une des contributrices régulières du site. A propos des laïcs elle n’hésite pas à parler « secular fanatics » (laïcs fanatiques) qui la prendraient en étau avec la « police religieuse ».

Basheer Nafi est chargé de recherche principal au Centre detudes d’Al Jazeera. Il a écrit plusieurs papiers pour Middle East Eye. Dans l’un d’entre eux il rappelle à l’ordre Rached Ghannouchi.

« Ennahdha peut changer son discours, mais pas la réalité de l’islam politique ».

« La relation entre Ennahdha et les Frères musulmans n’a pas résulté d’un effort missionnaire conspirateur mais était un choix purement tunisien. Il est tout à fait faux de prétendre aujourd’hui qu’Ennahdha a été prisonnier pendant plusieurs décennies d’une identité politique islamique qu’elle ne désirait pas ».

« Les forces du courant général de l’islam politique, menées par les Frères musulmans, ont lutté depuis près d’un siècle pour l’indépendance de leur État ; elles ont lutté pour la liberté des peuples et pour la mise en place d’un système juste de gouvernance qui exprime la volonté de la majorité du peuple et se porte garant de ses intérêts. Dès le moment où il faisait face au despotisme du leader tunisien Habib Bourguiba, Ennahdha n’était pas une exception. Il n’y a rien de honteux dans cette histoire et il n’y a rien qui justifie une condamnation. »

Et de lancer « la peur et la sensibilité ne doivent pas pousser un mouvement politique ayant une aussi longue histoire de luttes et de sacrifices à prendre des décisions hâtives et précipitées. »

Indépendante… des studios de Hollywood et de son arrière grand-oncle.

Dans la rubrique en anglais “about” on peut lire queMiddle East Eye est « une organisation d’infos  en ligne financée de manière indépendante qui a été créée en Février 2014 ». Au fond que veut dire « financée de manière indépendante » ? Indépendante des gros groupes de presse ? Indépendante des studios d’Hollywood ? Indépendante des fonds de pensions des retraités américains ? La seule solution pour tenter d’y voir clair c’est de demander les documents légaux fournis par la société. On y lit que le directeur de la compagnie est Jamal Awami Jamal dit Jamal Bessasso. Il est directeur de 2 sociétés aux noms quasi similaires : MEE limited et Middle East Eyes limited.

Jamal Bessasso, d’origine palestinienne, est né en 1969 au Koweït. Il est néerlandais. Et vit en grande Bretagne. Jamal Bessasso, a été anciennement directeur du planning et des ressources humaines pour Al Jazeera. Il a aussi été le directeur de Samalink TV au Liban qui diffuse la chaine proche du Hamas Al Quds TV. Jamal Bassasso a également travaillé pour une société immobilière de Dubaï avec Anas Mekdad, un autre Palestinien lié à Al Islah, l’aile émiratie des Frères musulmans, aujourd’hui interdite et dont plusieurs membres purgent des peines de prison pour avoir tenté de renverser le gouvernement Anas Mekdad est le fondateur du forum web islamiste AlMakeem, qui a fait l’éloge du Hamas. Un forum auquel contribue Jamal Bessasso.

Interrogé par le site émirati, The National, David Hearst, le rédacteur en chef de Middle East Eye a complétement nié que Jamal Bessasso, ait de l’importance dans Middle East Eye. Au mieux a-t-il concédé que Jamal Bessasso était « un collègue, le responsable des ressources humaines et le directeur légal » ! Pourquoi nier qu’il soit aussi le représentant des propriétaires anonymes de Middle East Eye, voire son propriétaire puisque c’est le seul nom qui apparait sur les documents officiels fournis à l’l’administration britannique. Jamal Bessasso est le seul nom qui apparait pour la société Middle East Eye Limited qui est la propriétaire du site Middle East Eye.

Toujours dans la rubrique « indépendance », il faut souligner le prêt industriel qu’a représenté l’apport d’un coach : Jonathan Powell. Salarié d’Al Jazeera depuis 2009, il a passé 6 mois à Londres pour créer le site Middle East Eye.

Autre coincidenc, le site Middle East Eye a été déposé par Adlin Adnan. Incidemment employé comme Responsable des politiques de développement de l’organisation Interpal longtemps liée à l’Union du bien de Youssef Al Qaradhawi basée au Qatar.

Toujours un hasard sans doute, on retrouve dans le staff de Middle East Eye, Rori Donaghy directeur entre 2012 et 2014 de l’Emirates Center for Human Rights, une structure destinée à soutenir les Frères musulmans dans les Emirats. Rori Donaghy a reconnu que la structure avait été fondée grâce à Anas Al Tikriti, patron de la Cordoba Foundation et soutien des Frères musulmans.

David Hearst publie des vidéos sur internet oùu il continue à plaider son indépendance politique et financière, sans pour autant outer ses financiers. Pour un site de cet ordre, avec les bureaux spacieux, à Londres, 20 permanents et des dizaines de freelances dans plusieurs pays. Sans parler des traductions. Il faut compter environ 2 millions d’euros par an pour faire vivre le site par an.

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PJD – PARTI DE LA JUSTICE ET DU DÉVELOPPEMENT (MAROC)

PJD – Parti de la Justice et du développement (Maroc)

05.12.2015 La rédaction

Le Parti de la justice et du développement existe depuis 1998, mais sa structure existe sous un autre nom depuis le milieu des années 60.

L’ancêtre du Parti de la justice et du développement a été créé avant 1967 par Abdelkrim El Khatib : le Mouvement populaire démocratique constitutionnel. Pendant longtemps ses activités ne sont pas connues, mais le parti se veut la vitrine respectable du Mouvement Unité et Réforme, un conglomérat d’individus ayant plus ou moins abandonné la lutte armée de la Chabiba Islamiya.

PJDPICT

Abdelkrim El Khatib, fondateur du groupe est Frère musulman et fait référence à Hassan Al Banna mais il est aussi proche du palais. Ses membres ne sont pas inquiétés. Pourtant, comme le rappelle Mohamed Louizi,  au lendemain de son décès en 2008, le bureau de la guidance-suprême de la confrérie en Egypte s’est empressé celui rendre un hommage appuyé. Le guide-suprême de l’époque, Mohamed Mahdi Akef, déplora la mort du fondateur de la branche des « frères » au Royaume Alaouite.

Le Parti de la justice et du développement naît en réalité de la protestation des militants du Mouvement populaire démocratique constitutionnel.

Aux élections législatives de 1997, le Mouvement populaire démocratique constitutionnel obtient neuf sièges. Protestant contre les fraudes électorales, les militants du Mouvement refusent de participer au gouvernement et changent de nom. C’est la naissance du  « Parti de la justice et du développement » qui se place d’emblée comme un parti d’opposition. Le PJD se présente ainsi : « parti politique national qui œuvre, à partir de la référence islamique, dans le cadre de la royauté constitutionnelle établie sur la commanderie des croyants ».

Le changement de titre ne diminue aucunement les liens idéologiques avec la maison mère égyptienne. Benabdellah El Ouggouti cofondateur de la MPCD en 1967, est très clair avec les nouveaux députés :

« Chers frères, vous êtes les héritiers du mouvement salafiste qui est né du mouvement nationaliste qu’avait fondé les fouqahas (juristes musulmans) dans toutes les régions du Maroc […]. Ce qui était espéré derrière la bataille de la libération du pays, c’était l’établissement d’un état islamique. Néanmoins, la graine que le colonisateur avait laissée derrière lui – en parlant peut-être des forces de gauche – avait empêché cette construction. Aujourd’hui, nous avons une nouvelle chance devant nous pour réessayer, à nouveau, la concrétisation de ce rêve, à travers l’engagement politique de nombreux fils du mouvement du renouveau islamique, que vous êtes. Vous êtes désormais à l’intérieur du ring politique. Une équipe parmi vous a réussi à se faire une place au Parlement. La responsabilité s’est élargie devant vous, je vous souhaite le succès dans ce que vous entreprenez »

Le Parti de la justice et du développement devient le premier parti d’opposition aux élections législatives de 2002, le  (42 sièges).

Dans les discours des intellectuels du Parti comme Mohamed Yatim et Saâdeddine El Othmani commence à émerger le fait que l’état islamique n’est pas forcément le but de l’action politique.

Lors des élections législatives de 2007, le parti arrive en seconde place avec 46 sièges.

L’attentat du 28 avril 2011 à Marrakech met en évidence l’existence de cellules terroristes organisées sur le territoire. Dans les médias, les militants du Parti de la justice et du développement apparaissent comme les partisans du juste milieu. D’autant que depuis les attentats de 2003, le parti a arrondi son discours et cherché à gagner en respectabilité

En novembre 2011, le Parti de la justice et du développement gagne les élections législatives. Il obtient outre 11 portefeuilles sur 31.

  • Abdel-Ilah Benkiran, chef du gouvernement.
  • Saâdeddine El Othmani, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération.
  • El Mostafa Ramid, ministre de la Justice et des Libertés.
  • Lahcen Daoudi, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de la Formation des cadres.
  • Abdelaziz Rabbah, ministre de l’Équipement et du Transport.
  • Mustapha El Khalfi, ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement.
  • Abdelkader Amara, ministre de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles technologies.
  • Bassima Hakkaoui, ministre de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement social.
  • El Habib Choubani, ministre chargé des Relations avec le parlement et la société civile.
  • Mohamed Najib Boulif, ministre délégué auprès du Chef du gouvernement, chargé des Affaires générales et de la Gouvernance.
  • Idriss Azami Al Idrissi, ministre délégué auprès du Chef du gouvernement, chargé du Budget.

Le 10 octobre 2013, le gouvernement Benkiran II est nommé suite au départ de l’Istiqlal de la Coalition.

La plupart des ministres PJD le restent, hormis Saâdeddine El Othmani, ministre des affaires étrangères .

Depuis la destitution de Mohamed Morsi en Egypte, les militants du parti insistent qu’ils sont plus Marocains que  Frères musulmans afin d’éviter d’être pris pour des membres de l’organisation. Lors d’une réunion, le 15 novembre avec les membres de la jeunesse du PJD, le premier ministre Abdelilah Benkirane insiste pour que l’idéologie des Frères musulmans soit rejetée et «d’établir une barrière entre la méthodologie des Frères musulmans et celle du PJD et du Mouvement Unicité et réforme (MUR)». (Tel Quel, 17 novembre 2015 *)

Voir notamment:

Mohamed LouiziPourquoi j’ai quitté les Frères musulmans, Michalon. (à paraître en janvier 2016)

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MIDDLE EAST MONITOR (MEMO)

Middle East Monitor (MEMO)

14.09.2015 La rédaction

Middle East Monitor est un site web qui a pour objectif de faciliter » une meilleure compréhension et appréciation de la question de la Palestine ». Le site développe surtout les argumentaires favorables aux Frères musulmans et au Hamas. Sa page Facebook est suivie par 494 993 personnes.

Les analyses de Middle East Monitor ont été citées par de nombreux médias traditionnels tels que:

– The Telegraph

– Le New York Times

– The Independent

– The Guardian

– Le Financial Times

– The Times

Malheureusement, ces médias ont régulièrement oublié d’informer leurs lecteurs du fait qu’une importante partie de l’équipe était liée aux Frères musulmans :

• Le directeur du Middle East Monitor, Daud Abdullah, est l’ancien secrétaire général adjoint du Muslim Council of Britain, où il a constamment soutenu le boycott de l’Holocaust Memorial Day. Il est également membre du British Muslim Initiative lié aux Frères musulmans, mis en place et dirigé par l’activiste Fraternité Anas al-Tikriti et deux hauts responsables du Hamas. Daud Abdullah et Khateeb de la mosquée Noor, connue pour la présence de radicaux. En 2009, The Guardian a révélé que Daud Abdullah préconisait l’attaque de la Royal Navy si elle tentait d’arrêter la livraison d’armes pour le Hamas dans la bande de Gaza.

Ibrahim Hewitt, rédacteur en chef de MEMO est un converti qui estime que les adultères doivent être lapidés à mort. Il est président du Interpal, l’organisme de bienfaisance lié Hamas.

Walaa Ramadan est chercheuse pour MEMO. Grande fan de Morsi, elle utilise le signe Rabaa et endosse l’antisémite citation d’Erdogan «Il n’y a que deux voies en Egypte : ceux qui suivent le Pharaon, et ceux qui suivent Moïse. »

Hanan Chehata est attachée de presse. Elle est également éditrice de Middle East Eye lié à Interpal, organisation interdite par le gouvernement américain car «faisant partie du réseau de financement du Hamas » et aux Frères musulmans émiratsi.

Tariq Ramadan sert comme conseiller honoraire au Middle East Monitor.
MEMO a organisé plusieurs réunions mettant en vedette les dirigeants du Hamas et des extrémistes. En mai 2013, MEMO a invité Jafar Hassan Hadi pour son livre ‘Qadaya wa Shaksyat Yahudiya (Questions juives et personnalités). Le site abrite également les théories du complot à propos des Juifs et d’Israël, expliquant que « les donateurs israéliens contrôlent Westminster» ou que «les gouvernements arabes financent des attaques israéliennes sur Gaza ». Le 22 aout 2015, le Middle East Monitor avait prévu une grande réunion avec notamment Jeremy Corbyn, futur patron des travaillistes. Ce dernier a fini par décommander suite aux révélations par la presse.

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HAVRE DE SAVOIR

Havre de Savoir

05.08.2015 La rédaction

Havre de Savoir est un site internet qui relaie la prose des Frères musulmans en français. Dans sa présentation, Havre du Savoir explique :

« Havre de Savoir est une association qui a pour but de présenter l’Islam à travers une compréhension saine et authentique. Elle se donne pour objectif également de promouvoir ses valeurs éthiques et morales. »

De nombreuses organisations de la mouvance des Frères musulmans prétendent représenter la voie officielle et « authentique » de l’islam, alors qu’il s’agit en réalité de délivrer un message politique. Moncef Zenati, membre du bureau de l’UOIF et chargé de « l’enseignement et de la présentation de l’Islam » est l’auteur de la plupart des textes et vidéos du site. Les autres principaux intervenants sont Hassan Iquioussen ou Hani Ramadan. Un Club de lecture de l’organisation est organisé au Havre. Y ont été invités Christophe Oberlin, Nabil Ennasri ou encore Médine pour son livre avec Pascal Boniface.

L’organisation se félicite de la « réussite » des islamistes turcs et n’hésite pas à déclarer que la Turquie est le seul pays « où l’islam et la démocratie ont réussi là où aucun pays musulman n’a réussi ».

Par le biais de Havre de Savoir, de jeunes français apprendront à se méfier des Chiites, Zaydites, Alaouites et Yazidis, à « comprendre pourquoi ils ne sont pas conformes à la voie du Prophète ». En d’autres termes pourquoi ils sont l’ennemi. Rappelons qu’en Syrie, sous la loi de l’Etat islamique, les Yazidis sont réduits en esclavage et exterminés.

Le 12 février 2015, Havre de Savoir appelait ses lecteurs à participer au Gala caritatif de l’association Syrians & Friends Paris. Y intervenaient notamment :

• Hussem AYLOUCH, président du CAIR de Los Angeles pour expliquer comment résister au « discours médiatique véhiculé après des événements comme le 11 septembre ou Charlie hebdo« .

Abderrahman HADJOUDJE, producteur de la trilogie Californian Muslims.

• Mustafa NASSAR ADALIL, Université Al AZHAR, nous rappellera la définition du leadership en islam en référence aux prophètes et aux compagnons.

Plusieurs personnalités et associations étaient annoncées notamment : « JMF, AAVS, UOSSM, Baraka city, Nabil Ennasri, Deen de confiance, Ahmed Jaballah, Ummawork, Umma’Nite, Deen Factor« 

Hassan Al Banna est régulièrement cité comme un guide incontournable, comme on peut le voir sur cette capture d’écran. L’organisation se réclame non seulement du fondateur des Frères musulmans mais aussi de Sayyid Qutb qui jusqu’à peu était renié par la Confrérie qui avait du mal à présenter sous un jour positif son apologie de la violence.

Hassan Al Banna Ikwan whoswho Havre du savoir

En juillet 2015, l’organisation illustre son profil Facebook avec une symbolique de la Rabaa.

108 000 personnes suivent le profil Facebook de Havre du Savoir. 108 000 personnes qui ont pu lire qu’il fallait se méfier des médias et des politiques français. Moncef Zenati a en effet déclaré lors de la condamnation à mort de Mohamed Morsi :

« Pas un mot dans le journal de 20h de France2. La France pays qui a vu naître les droits de l’homme, le pays défenseur de la démocratie n’est même pas capable de dénoncer une telle injustice. La France des valeurs républicaines est en train de tourner le dos à ses valeurs. Quand je pense que Manuel Valls ne s’est pas empêché de rappeler aux musulmans de France sa phobie des Frères Musulmans qu’il qualifie de mouvement inquiétant. Les opprimés sont inquiétants, alors que leur bourreau est accueilli à l’Elysée avec les honneurs. écœurant!!! »

Ce que Moncef Zenati oublie de dire c’est que :

• comme de nombreux autres leaders des Frères musulmans, il a été invité par le gouvernement de Manuel Valls à parler de l’Islam de France.

• plusieurs intellectuels, journalistes et militants ont déclaré leur opposition à la peine de mort pour des raisons politiques. Y compris parmi nos éditorialistes, qui ne sont pourtant pas connus pour être tendres avec la Confrérie.

Mais le dire impliquerait d’éviter de radicaliser les lecteurs de Havre du savoir, de leur donner le sens de la nuance, ce qui n’est visiblement pas le but de l’organisation.

Havre du savoir jouit d’une très bonne réputation en France. Le rappeur Médine n’a pas hésité à déclarer lutter contre l’islamophobie, au sein de l’association Havre De Savoir.

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CONSEIL THÉOLOGIQUE MUSULMAN

Conseil théologique musulman

15.06.2015 La rédaction

Le Conseil Théologique Musulman de France a été créé le 29 mai 2015. Cette instance a pour but d’édicter des Fatwas. La plupart des membres sont issus ou proches des Frères musulmans. Reprenant la réthorique des Frères, les membres du Conseil expliquent vouloir développer un « islam du juste milieu ». Ce Conseil vise à remplacer d’autres organisations des Frères considérées comme terroristes par plusieurs états et qui pourraient avoir leurs avoirs gelés.

Parmi les membres on retrouve :

Mohamed Bajrafildocteur en linguistique de l’Université Paris 7 Diderot. Professeur de théologie musulmane à l’Institut Alkhayria (Bruxelles). Imam de la mosquée d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). Présenté comme l’antithèse de l’imam Chalgoumi par Oumma.com, il a déclaré

« Le Frère Tariq Ramadan, il est devenu porte-drapeau, mais il faudrait qu’il y en ait 36 000, pour faire savoir ce qu’est l’Islam, parce qu’il ne peut pas tout faire tout seul ! »  (Conférence « leçon d’humanité à la France »)

Ahmed Jaballah, docteur en droit canonique musulman, diplômé de Zitouna (Tunis) et de la Sorbonne, directeur de l’IESH Paris, secrétaire général adjoint du Conseil européen de la fatwa (CEFR), membre de l’Union internationale des savants musulmans (UISM).

Hassan El Houari, licence de théologie à l’Université d’Al-Quaraouiyyine (Agadir). Imam de la mosquée de Gonesse (Val d’Oise).

Larbi Kechat, docteur en sociologie de l’Université de la Sorbonne, recteur de la mosquée Adaawwa à Paris.

Larbi Becheri, docteur en islamologie de l’Université d’Aix-En Provence, diplômé en charia de l’Université de Médine, diplômé de la Sorbonne, membre du CEFR et de l’UISM, professeur de théologie musulmane et responsable de l’IESH de Château-Chinon.

Mohamed Mosadek, docteur en fiqh hanafite de l’Université d’Al-Azhar, professeur de théologie musulmane à l’Université d’Al-Azhar et chargé de cours à la faculté de droit de Strasbourg au master d’islamologie.

Mohammed Najah, docteur en Physique, professeur de théologie musulmane à l’Institut Tabari à Corbeil-Essonnes (Essonne), imam-khatib à la mosquée de Vigneux-sur-Seine (Essonne), professeur de mathématiques

Nawel Zinedocteur en médecine et diplômée d’un master en dogme et philosophie islamiques, professeur de théologie à l’IESH de Paris.

Ounis Guergah, diplômé en charia de l’Université de Médine, diplômé en philosophie de l’Université de la Sorbonne, membre du CEFR et de l’UISM, professeur de théologie musulmane et directeur des études à l’IESH de Paris.

UOIF : 200 ASSOCIATIONS FANTÔMES

UOIF : 200 associations fantômes

06.06.2015 Fiammetta Venner

Que représente l’Union des organisations islamiques de France ? Médias et politiques s’accordent pour expliquer que l’UOIF est la première représentante des musulmans français et leur accordent une place en fonction de cette a priori. Mais dans la réalité de combien de militants peut-elle se revendiquer ? C’est ce que nous avons voulu savoir.
L’Union des organisations islamiques de France compterait plus de 200 associations. Le conditionnel est de mise car ce chiffre, repris par tous les observateurs, vient de l’Union elle-même et n’a jamais été vérifié. Sur son site internet, l’UOIF diffuse une liste de 59 noms et déclare : « Pour une liste plus complète, nous contacter ». À plusieurs reprises, j’ai demandé à l’UOIF la liste des associations en question. On a fini par me répondre que cette liste était confidentielle. J’ai donc limité ma première enquête à cette liste qui, au fond représente sans doute bien l’UOIF puisqu’elle a décidé d’en faire sa vitrine[1]. Pour la plupart, de toutes petites structures, pensées sur le même mode, afin de représenter l’Union dans une région. Mais encore ? La législation française permet à tout citoyen de demander en préfecture les statuts d’une association légalement déclarée. Ce que j’ai fait pour chacune d’elle. Sur les 59 associations : 12 ne sont répertoriées nulle part, ni en préfecture, ni même dans l’annuaire. Sur les 47 associations restantes, seule une dizaine semble avoir une réalité autre que spectrale.

La plupart des statuts de ces associations satellites sont construits sur la même base. Le statut de membre se perd sous certaines conditions, ce qui est fréquent, mais les motifs possibles d’exclusion restent assez originaux : quasiment toutes s’autorisent la possibilité d’exclure un membre pour apostasie. Pour l’Association des musulmans de Picardie, par exemple : « la qualité de membre se perd par la radiation prononcée par le Conseil d’administration pour défaut d’application de l’Islam et des présents statuts ». L’association Islam sans frontières considère que pour être membre, il faut : « être musulman pratiquant ». On perd son statut de membre en cas de « reniement de valeurs auxquelles se rattache le musulman ». On n’en saura pas plus sur la manière dont l’apostasie est prononcée. En cas de dissolution de l’association, la plupart des statuts prévoient que « les biens mobiliers et immobiliers de l’association seront automatiquement cédés au profit de l’UOIF ». Une autre particularité frappe à la lecture de ces documents : aucune femme n’est présente dans les bureaux des associations (c’est-a-dire au niveau décisionnel). Un autre exclut même qu’une femme puisse être membre. Dans son article 9, elle déclare « toute personne du sexe féminin est exclue de l’association quelque soit son âge ». La formulation est amusante. Le « quel que soit son âge » est rédigé sur le mode d’une formulation non discriminatoire… dans la discrimination. Le fait de parler d’« exclusion » est également amusant. Car pour être exclue, il faut d’abord avoir eu le droit d’intégrer l’association !

D’autres associations, celles où militent des convertis ou des membres de niveau d’études plus élevé, sont dotées de statuts plus élaborés, feignant davantage le respect des principes républicains. C’est par exemple le cas de l’Association des musulmans de Picardie. Le président et le secrétaire sont tous deux enseignants. Le trésorier, Pascal Vanlanduyt, est un converti. L’article 2 des statuts de l’association de l’AMP déclare vouloir « organiser périodiquement des colloques de dialogue interreligieux, des conférences et des débats permettant une meilleure compréhension de l’islam loin de tout fanatisme et extrémisme dénués de fondements. D’établir et d’améliorer les relations avec le monde associatif, (…) de défendre l’islam et les musulmans contre les répercussions de l’amalgame fait entre cette religion de tolérance et l’extrémisme ». À noter, le très joli « loin de tout fanatisme et extrémisme dénués de fondements ». À ne pas confondre avec le fanatisme qui s’appuie sur des « fondements », comme le fanatisme fondamentaliste par exemple…

Plus sérieusement, de nombreuses associations déclarées sont à la limite de la légalité. En effet, selon la loi de 1901, une association doit organiser chaque année une assemblée générale et un compte-rendu, même partiel, doit être envoyé en préfecture. Or presque aucune organisation satellite de l’UOIF n’a rempli cette obligation. Certaines associations revendiquées par l’UOIF n’ont même pas été déclarées en préfecture. C’est le cas, par exemple, de l’Association de l’éducation et l’enseignement d’Ahlluin, ou encore de l’Association socioculturelle et éducative de Thuir. Inconnues au bataillon. Notons cependant que si la loi de 1901 est très souple, elle a le mérite de permettre en échange un certain contrôle : il va de la responsabilité des préfectures de veiller à l’application de la loi et au refus de l’incitation à la haine. La radiation pour « manquements aux principes sacrés de l’islam » — ce qui revient à traiter un membre d’apostat et donc à le désigner à un châtiment qui doit être la mort selon la loi musulmane — pourrait rentrer dans ce cadre. Il en est de même pour des associations n’ayant pas procédé à des élections depuis près de dix ans, alors que ses statuts en imposent une par an[1].

Voilà qui nous amène à la question du nombre : si l’UOIF a gonflé le nombre de ses associations satellites, elle peut tout aussi bien exagérer le nombre de ses sympathisants. Nous le verrons plus bas, son Congrès annuel du Bourget — qui sert de point de ralliement à tous ses adhérents mais aussi à ses sympathisants et même aux curieux — ne réunit pas 60 000 personnes mais plus probablement 10 000. Ce dernier chiffre est incontestablement une estimation large du réseau que représente réellement l’Union des organisations islamiques de France. Ses forces vives, elles, se concentrent autour d’une dizaine d’associations ayant une véritable existence, dont deux mosquées : celle de Lille et celle de Bordeaux.

[1] D’autres associations proches de l’UOIF ont joué à contourner la légalité. C’est le cas de l’Union des jeunes musulmans (UJM), l’association de Lyon sous la houlette de Tariq Ramadan, qui a créé une Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée. Ce qui, comme son nom l’indique, est réservé à des individus et non à des personnes morales, donc aux associations. Mieux, l’UJM peut désormais s’appeler SODELIM mais continuer à percevoir des subventions en tant qu’UJM.

[1] Association culturelle éducative et sportive La Madrassa, A.S.C.C.M.T, Association musulmane Foi et unicité de Sarcelles, Association cultuelle musulmane vietnamienne, Association des Français musulmans de Villiers le Bel, Association éducation culturelle enfants Africains, A.I.A.E.L.A, Association musulmane africaine en France, Association de coopération islamique de la communauté africaine, Association islamique et culturelle du Calvados, Association culturelle musulmane de Saint-Nazaire et sa région, Association musulmane de Sully/Loire, Association culturelle islamique, Association islam sans frontières, Association islamique d’Alençon et sa Région, Association socio-culturelle des musulmans de Haute-Normandie, Association islamique de l’Ouest de la France, Communauté musulmane du Loiret, Ligue islamique du Nord, Association de la mosquée et du Centre islamique de Reims, Association des musulmans de Lorraine, Association islamique clémence, Association des musulmans de Picardie, Association islamique de l’Est de la France, Association cultuelle islamique de Laon, Association des musulmans en Alsace, Association de la solidarité islamique des Ardennes, Association culturelle Islamique de Dole et sa Région, Association islamique, Association solidarité musulmane, Association de l’éducation et l’énseignement, Centre culturel et mosquée des musulmans de Tourcoing, Croissant de l’Islam, Association « ASSALAM », Association espoir, La jeunesse musulmane de France en Bourgogne, Centre culturel islamique de Franche-Comté, Association soleil pour la culture et l’éducation de la jeunesse, Association de la fraternité islamique, Centre islamique, Association musulmane de Saint Chamond, Association action espoir, Association islamique culturelle de la Haute-Loire, Association socioculturelle et éducative de Thuir, Association pour la promotion culturelle des familles d’Orange, Association culturelle islamique, Association d’orientation islamique, Association culturelle les amis du Maghreb, Association des musulmans des Alpes Maritimes, A.C.E.P., Association des musulmans de Libourne, Association des musulmans de la Gironde, Association activités recherches culture et sport, Association des musulmans de Limoges pour la Fraternité, Association des musulmans de la Charente, Association culturelle islamique de la Charente-Maritime, Association des musulmans de la Réole, Association mosquée de Pau

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EMF – ÉTUDIANTS MUSULMANS DE FRANCE

EMF – Étudiants musulmans de France

06.06.2015 La rédaction

Si Jeunes musulmans de France sert de modèle aux jeunes de l’UOIF, Étudiants musulmans de France a été pensé pour recruter et politiser sur les campus. C’est l’une des préoccupations premières de l’UOIF, comme de tout mouvement s’inspirant de Hassan al-Banna. Dès sa création, en 1989, elle imagine une structure tournée vers le monde estudiantin pour rivaliser avec l’AEIF. Comme elle, il s’agit en priorité d’encadrer les étudiants étrangers musulmans venus faire leurs études en France, afin qu’ils ne soient pas contaminés par la culture ambiante. Puis, l’UOIF se réoriente vers des objectifs plus nationaux (en devenant l’Union des organisations islamiques de France et non plus en France) pour mieux encadrer les étudiants français musulmans. Le 8 novembre 1996, lors d’un congrès national à Limoges, l’UIEF devient Étudiants Musulmans de France (EMF). Mais, officiellement bien sûr, EMF tient à se dire indépendant de l’UOIF. Interrogé par Cécilia Gabizon du Figaro en 2002, Abdelkrim Amine, vice-président d’EMF, déclare à propos de l’Union : « Nous partageons leur vision d’un islam contextualisé, c’est-a-dire européen. Mais nous n’avons aucun lien hiérarchique avec l’UOIF. Enfin, nous recevons environ 10 000 euros par an des Saoudiens, une somme modeste et sans contrepartie »[1].

Comme chez tout satellite de l’UOIF, un petit groupe de personnes suffit à ouvrir une antenne. Si bien qu’EMF est implanté à Lille, Besancon, Nancy, Grenoble, Limoges, Toulouse et Bordeaux. Deux de ses activités essentielles consistent à monter des listes en prévision des élections universitaires et à organiser des colloques au sein des universités. Le 26 octobre 1999, par exemple, EMF organise un colloque intitulé « Penser et intégrer l’islam en Europe ». Officiellement, il s’agit de mieux faire connaître l’islam : « L’islam aujourd’hui est bien mal perçu et ce phénomène rend difficile la coexistence entre les musulmans et leurs concitoyens », explique l’EMF dans le texte de présentation du colloque. « Sans une réflexion approfondie et la promotion d’un réel dialogue, on risque fort de laisser s’approfondir les incompréhensions et les rejets mutuels », selon l’EMF qui se fixe pour devoir « d’engager une réflexion à plusieurs niveaux afin de mieux préparer l’avenir de nos sociétés et de construire ensemble l’Europe de demain ». Plusieurs conférences et tables rondes sont prévues sur les thèmes « laïcité ou laïcités, islam ou islams », « une culture islamique européenne ? », ou encore « les Musulmans d’Europe et leurs relations avec la scène internationale ». Dans les faits, ce type d’intitulés et le cadre universitaire permettent surtout aux jeunes cadres de l’UOIF d’entrer en contact avec d’éventuels soutiens et cautions universitaires comme le sociologue Michel Wieviorka, ou Henri Leclerc (le président de la Ligue des droits de l’homme). Lesquels interviennent aux côtés du directeur du centre islamique de Strasbourg, Messaoud Boumaza, et surtout du recteur de la mosquée Adda’wa de Paris, Larbi Kechat[2]. Mais l’universitaire favori des Étudiants musulmans de France reste Vincent Geisser, l’auteur de La Nouvelle islamophobie, un ouvrage où il reproche clairement aux musulmans libéraux, aux journalistes d’investigation et aux féministes d’être racistes non pas envers les musulmans mais bien envers les islamistes ! Le 5 décembre 2003, son entremise permet à EMF d’organiser une conférence à l’Institut d’études politiques de Paris. Le 5 novembre 2004, il était invité par l’EMF de Grenoble.

Côté campus, l’entrée dans le jeu électoral universitaire se fait d’autant plus facilement que le nom, Étudiants musulmans de France, est pensé pour apparaître comme l’équivalent musulman de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF). Au départ, l’Union nationale des étudiants de France (UNEF) perçoit EMF comme un partenaire possible et même comme une association venant combler un manque. Elle-même organise des tables rondes communes avec EMF et l’UEJF. Mais après le début de la première Intifada, Yassir Fichtali, le président de l’UNEF, constate que ce type d’initiative n’est plus possible : aucune des deux parties ne veut plus se rencontrer, les Étudiants juifs de France et les Étudiants musulmans de France refusent de siéger à la même table. Après quelques initiatives avortées, l’UNEF commence à se lasser. D’autant qu’EMF n’est pas très implantée. En 2000, elle obtient moins de 1,2 % des voix. On ne voit guère sa signature que sur quelques communiqués, comme au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. Elle s’associe alors avec l’Union des étudiants algériens de France pour s’élever contre les risques d’amalgames pouvant frapper les « Français d’origine arabe ou de confession musulmane » : « Nous refusons tout amalgame entre les extrémistes fanatiques et meurtriers et les musulmans, et nous nous élevons contre les actes de défiance ou de discrimination dont pourraient être victimes les Français d’origine arabe ou de confession musulmane », indique le communiqué commun publié par trois associations étudiantes (UEJF, EMF, UNEF) à l’occasion de la rentrée universitaire. Mais là aussi, la collaboration sera de courte durée. À cette époque, l’UOIF cherche à négocier sa place dans le processus d’institutionnalisation de l’islam de France et doit donc démontrer son implantation sur le terrain. Elle pousse EMF à s’occuper d’exister réellement. Fichtali raconte : « on voit à ce moment un débordement d’énergie dans une association qui jusqu’alors ne se présentait que sur quelques campus »[3]. De fait, EMF commence à faire des progrès, au moins au niveau des pourcentages. Même si le taux de participation aux élections universitaires est toujours très bas. En 2002, par exemple, seuls 100 000 étudiants sur 2 millions ont voté pour élire leurs représentants aux Conseils régionaux des oeuvres universitaires (CROUS). Dans ce contexte, la mobilisation de EMF porte assez vite ses fruits puisqu’elle obtient 8 % des voix lors de ce scrutin, contre 1,2 %, en 2000. Cette augmentation s’explique facilement : en 2000, EMF n’avait présenté des candidats presque nulle part. En 2002, elle a fait l’effort de présenter un candidat sur presque chaque campus. Le recrutement n’est pas très regardant. Toujours selon le président de l’UNEF, l’UOIF a délégué des militants pour repérer les étudiants visiblement maghrébins, leur parler en arabe et leur proposer d’être sur une liste : « le déclencheur est arrivé quand sur un campus lyonnais que je connaissais bien, je me suis fait aborder, en arabe, par un islamiste »[4] raconte Yassir Fichtali. Une pratique qui fait halluciner les militants de l’UNEF. Cette pratique est révélatrice : l’UOIF souhaite faire une démonstration de force au niveau des pourcentages universitaires, pour servir ses objectifs nationaux, et non pas influencer réellement les décisions prises au CROUS. D’ailleurs, très peu des onze élus ainsi obtenus vont se montrer assidus ou simplement préoccupés par ce qu’il s’y joue. La collaboration avec l’UNEF se détériore assez vite. Les élus d’origine maghrébine de l’organisation sont régulièrement pris à parti par ceux d’EMF, dont il ne faut pas oublier qu’ils ont pour modèle Farid Abdelkrim. Najet Boubekeur, étudiante à Villetaneuse, se fait même insulter : « Seules les étudiantes d’origine maghrébine se font insulter. On nous dit qu’on trahit notre race et nos origines si on se promène tête nue ! » Yassir Fichtali s’inquiète dans une déclaration recueillie par l’Agence France Presse. Il parle d’une « approche communautariste et confessionnelle (…) risquant de mettre à mal les valeurs de laïcité et de métissage de l’université française dont nous sommes porteurs »[5]

L’alliance avec l’UNEF n’étant plus possible, EMF cherche des soutiens dans l’autre camp. Le 3 décembre 2002, en prévision des élections à venir des représentants étudiants au Conseil d’administration du CNOUS, l’organisation s’allie avec la FAGE, prouvant là aussi que le positionnement politique démocratique — de droite ou de gauche — n’a aucune importance aux yeux de l’UOIF. L’essentiel est d’être visible au nom de l’islam. Jean-Baptiste Mougel, le président de la Fage, a confirmé à l’AFP avoir reçu le soutien de l’EMF pour cette élection, mais il a tenu à rassurer son électorat en présentant ce satellite de l’UOIF comme une association laïque, travaillant aux côtés de la Ligue de l’enseignement, dans une perspective d’intégration des étudiants musulmans : « Ils ne gèrent pas de salles de prières, ne font pas de propagande et mènent des actions culturelles ou sociales de proximité en direction de tous les étudiants », a-t-il dit. Une présentation angélique qui n’empêche pas l’UNI de protester. Très à droite, l’organisation recouvre régulièrement les campus d’autocollants nationalistes rappelant le credo du Front national : « la France, aimez-la ou quittez-la ». Même s’ils étaient réellement laïques et non intégristes, les Étudiants musulmans de France lui auraient sans doute hérisser le poil. Mais ce n’est pas EMF qui porte plainte pour racisme, mais la FAGE, qui poursuit l’Uni pour les propos tenus envers EMF, l’accusant par exemple d’être islamiste. Elle sera déboutée. Mais une fois encore, sitôt élus, les représentants de l’EMF boudent les réunions du CNOUS. Contrairement aux promesses de la FAGE, les seuls sujets capables de les mobiliser sont l’obtention de salles de prières et la lutte contre la mixité sur les campus. Localement, certaines institutions cèdent. Ainsi le directeur du CROUS de Lyon, Denis Lambert, met une salle à la disposition des étudiants souhaitant faire leur prière une fois par semaine, « dans le cadre des pratiques culturelles », et à la demande de l’association des Étudiants musulmans de France. Dans les cités universitaires, EMF se rend assez populaire en distribuant de la nourriture aux élèves en collaboration avec la Banque mondiale. Un réflexe digne du tiers-monde mais qui a toujours permis aux islamistes d’exercer leur prosélytisme grâce aux moyens financiers dont ils disposent. Dans ces tracts l’EMF parle de « 1 500 colis alimentaires distribués chaque année aux étudiants au sein des résidences universitaires. 3 200 repas organisés sur les Campus dans une ambiance conviviale et chaleureuse, soit plus de 400 étudiants lors des 8 soirées ; 100 étudiants accompagnés dans leurs rentrées universitaires (accueil, démarches administratives, logements, bourses…) ; 200 étudiants ont bénéficié l’année dernière d’aides financières ponctuelles dans des moments difficiles ». Dans un autre tract on peut lire que l’EMF propose 10 000 repas gratuits chaque année.

Quand elle ne recrute pas, EMF publie des communiqués pour soutenir la position nationale de la maison-mère. Le 10 décembre 2003, elle prend position contre l’éventualité d’une loi interdisant le voile islamique à l’école, estimant qu’elle serait « vécue comme une persécution à l’endroit exclusif de la communauté musulmane. (…) Nous rappelons à l’ordre les politiciens de ce pays en les mettant en garde contre une loi discriminante à l’endroit de la communauté musulmane ». Les étudiants de de l’EMF participent activement à la campagne contre l’interdiction des signes religieux à l’école et grossissent les rangs de la manifestation du 17 janvier 2004. Bien que sa maison-mère soit officiellement en léger froid avec Tariq Ramadan, les jeunes de l’EMF sont également toujours prêts à prendre la défense de leur prédicateur préféré. En novembre 2003, un communiqué du Bureau national proteste contre la manière dont Tariq Ramadan est (mal) traité par les médias : « Pas un jour, effectivement, ne passe sans qu’un reportage télévisé ou un article ne traite du ‘coup de force’ de Tariq Ramadan au FSE, intellectuel ‘habile’, voire ‘retors’, dans tous les cas adepte du ‘double discours’. (…) Cette campagne de dénigrement apparaît donc comme émanant d’une volonté de discréditer, et de détruire un homme. Attitude inacceptable que nous condamnons. Les propos tenus à son égard n’ont de fondés que les fantasmes et l’imaginaire de ceux qui les portent. (…) Nous, Étudiants musulmans de France, soutenons Tariq Ramadan, son engagement, son discours et sa personne ». Elle réaffirme non seulement son soutien mais prouve que, malgré la brouille officielle entre l’UOIF et Ramadan à propos du CFCM, ce dernier reste son penseur de référence : « EMF quant à elle n’a pas découvert Tariq Ramadan suite à une citation d’un article d’ailleurs tirée hors propos, mais travaille avec cet intellectuel dont les propos sont de nature à promouvoir le vivre ensemble. L’association Étudiants musulmans de France tient, tout d’abord, à rappeler que M. Tariq Ramadan participe, et ce de longue date, à la réflexion concernant la présence musulmane en France et en Europe. À ce titre, EMF a d’ailleurs souvent fait appel à lui et continue, dans le cadre de conférences ou de colloques, afin de promouvoir une participation citoyenne plus grande des Français de confession musulmane. Cette relation privilégiée nous permet de témoigner que cet intellectuel a toujours appelé à une citoyenneté participative et pleinement assumée de la part de tous les Français et a toujours refusé et condamné un repli communautaire ».

Le débat sur le voile et sur Tariq Ramadan aurait dû renforcer le prosélytisme de EMF, du moins si les détracteurs de la diabolisation de l’UOIF avaient vu juste. Les chiffres des dernières élections universitaires démontrent exactement le contraire. En pleine tempête médiatique propre à encourager les réflexes identitaires, et alors qu’EMF présente cette fois des candidats dans toutes les académies, sa liste plafonne aux élections du 29 mars au 2 avril 2004. Le double discours de l’organisation semble lasser. En effet, Ammar Rouibal, président de l’EMF à Grenoble, explique à l’AFP que les élus EMF de Lyon et Grenoble n’ont jamais formulé de demande spécifique pour les musulmans. Or, tout étudiant un peu politisé a pu constater le contraire, ne serait-ce qu’en lisant les tracts de la liste. Résultats, avec plus de candidats en lisse, elle obtient le même nombre de voix. En revanche, le taux de participation ayant augmenté, elle perd des sièges. Sur les 168 553 suffrages exprimés, EMF obtient 7 512 voix et 2 sièges seulement, contre 11 l’année précédente. Quelques mois après les élections, c’est le calme plat. Sur les sites, les derniers communiqués sont ceux des résultats. Parmi les liens, en revanche, on trouve toujours les derniers délires de Thierry Meyssan : « Dans cet extrait vidéo Thierry Meyssan déballe le plan machiavélique des américano-sionistes au sujet de l’Irak et de son futur », nous dit le site de l’EMF Grenoble[6].

[1] Cécilia Gabizon, « Les étudiants musulmans entrouvrent les portes du Cnous », Le Figaro, 19 décembre 2002.

[2] Personnalité de l’AEIF, Larbi Kechat est censé être en froid avec l’UOIF puisqu’il représente plutôt la branche des Frères musulmans égyptiens. Néanmoins on peut s’interroger sur la nature réelle du froid lorsque l’on voit les militants de l’UOIF intervenir sans discontinuer à la mosquée Addawa. Le 6 décembre 2003, Farid Abdelkrim intervenait au Centre socioculturel de la mosquée sur le thème : « Citoyen à part entière ou entièrement à part ? ». Parmi les exemples de la radicalité de la mosquée Addawa, notons cette amusante apologie de la burqa, « la burqa afgane est un vêtement nécessaire du fait des conditions climatiques afin de protéger la beauté des femmes de l’aridité de la région », Nacéra Hammouche, 1er mars 2003. La mosquée Addawa est aussi le lieu principal de prédication de Said Ramadan al Boutih. En janvier 2005, plusieurs islamistes formés à la mosquée Addawa ont rejoint les djihadistes irakiens.

[3] Entretien avec Yassir Fichtali

[4] Idem

[5] AFP, 29 mars 2002.

[6] Site Emf de Grenoble.

LE LYCÉE AVERROÈS

Le lycée Averroès

06.06.2015 Fiammetta Venner

Le lycée Averroès se veut l’emblème de l’école privée musulmane. Créé en 2003, il devient lycée sous contrat en 2008. C’est le deuxième établissement musulman sous contrat en France, et le premier proche de l’UOIF

Sur les plaquettes distribuées en 2010, le lycée justifie son existence du fait de la loi interdisant les signes religieux à l’école publique. En réalité, le lycée existe depuis 2003, soit un an avant son vote… Après trois refus d’agrément de l’Education Nationale. Son concepteur, Amar Lasfar, est membre de l’UOIF et imam de la mosquée de Lille-Sud.

Dès 1987, il organise des groupes de soutien scolaire. Une activité qu’il déléguera plus tard au jeune Hassan Iquioussen, un prédicateur connu pour ses propos intégristes. Amar Lasfar est souvent présenté comme le référent à Lille pour les adolescentes voilées. En 1990, il défend une élève voilée au lycée Sévigné à Tourcoing. En 1994, il soutient 15 élèves voilées du Lycée Faidherbe à Lille. Mais Amar Lasfar est aussi un homme d’affaires. Selon Infogreffe, il possède deux sociétés. La première, Salam Tours, est une agence de voyage généraliste dont le chiffre d’affaire se monte à 535 563 € en 2009, avec un bénéfice de 39 000 €. Il a compté jusqu’à 12 employés grâce à des succursales à Lyon et à Caen. Amar Lasfar possède aussi une société de location de logements, qui gère son patrimoine immobilier. Toute son énergie d’entrepreneur est mise au service de la construction du Lycée. D’abord hébergé dans la mosquée, il est prévu que l’établissement déménage ailleurs. Une promesse verbale, faite il y a 2 ans.

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Des enseignants-prédicateurs 

Au lycée Averroès, les enseignants sont bien souvent… des prédicateurs. Hassan Iquioussen fait partie des personnalités qui y donnent des cours d’éthique. Disciple de Cheikh Abdelhamid Kichk, l’idole des Frères musulmans égyptiens, il est très porté sur les formation politique des jeunes militants. Dans certaines de ses cassettes, il met en garde contre ce qu’il appelle l’« intégration par le jambon ». Rien n’est plus détestable à ses yeux que ces Français d’origine maghrébine souhaitant s’intégrer au point de ne plus respecter les interdits de l’islam, comme le fait de ne pas manger de porc. Il compare d’ailleurs ceux qui souhaitent s’intégrer à des prostitués :

«Il y a un frère, il fait beaucoup de politique. Ben vous savez, il mange du jambon, il boit du vin. Il a tout fait. Et là, après 20 ans. 20 ans d’intégration jambon, vous savez ce qu’il a dit. Il l’a dit avec amertume. Il regrette. Il dit : ‘Regarde Hassan. J’ai tout fait, j’ai tout fait pour qu’ils m’acceptent. Tout ? Ça veut dire quoi tout. Ça veut dire, tout ce qui faisait ma personne, mon charme, je l’ai sacrifié. Je me suis prostitué culturellement, intellectuellement, culinairement, vestimentairement. J’ai tout renié. J’ai tout avalé. Et malgré ça, ils m’ont quand même dit : ‘vous n’avez pas votre place en France’’ ».

Iquioussen fait partie de ces prédicateurs qui ont traumatisé les relations homme-femme au sein des quartiers populaires, à force de mettre en garde contre la mixité en dehors du cercle familial : « Une mixité sans limite est haram puissance dix ». Autrement dit, c’est un péché puissance dix. Iquioussen prévient :

« nous sommes responsables devant Dieu avant d’être responsables devant les autres humains et Dieu va nous questionner sur notre comportement. (…) On sera questionné sur le positif et sur le négatif. Et c’est ça qui fait de vous un citoyen extraordinaire ». Or un citoyen « extraordinaire », c’est-a-dire islamiste, ne doit pas aller en boîte de nuit, ni au café, ni même réviser avec des filles : « Ce que font nos jeunes aujourd’hui… ils vont vers le contact. Tu les trouves dans les cafés, dans les boîtes de nuit…. ils vont à la chasse… beaucoup de jeunes vont à l’école pour ça… tout est fait pour attirer l’attention… c’est mauvais, c’est dangereux… aujourd’hui il y a des jeunes qui contournent les interdits islamiques »

Dans une cassette audio sur « La Palestine, histoire d’une injustice », diffusée par les Éditions Tawhid (également éditrice des cassettes de Tariq Ramadan), Iquioussen se répand pendant plus d’une heure sur la vilenie et l’ingratitude constitutives des Juifs depuis l’Antiquité : « Il y a eu beaucoup de prophètes chez les enfants d’Israël car ils oublient souvent. Ce sont des ingrats, un peuple qui a besoin d’être rappelé à l’ordre vingt-quatre heures sur vingt-quatre ». Qu’importe que l’Islam, par la voix du chroniqueur musulman Tabari, chiffre lui même à 1, 2 millions le nombre de prophètes (dont Moïse), Iquioussen n’est visiblement pas là pour faire un cours d’histoire sur les religions… Il explique notamment qu’Abraham, Moïse et David « étaient des musulmans »… et ce plusieurs siècles avant la naissance de Mahomet ! Il poursuit en expliquant que les Juifs ont provoqué Nabuchodonosor et les Romains par leur arrogance. « La théorie des Juifs dit qu’ils sont le Peuple élu et que Dieu a créé les êtres humains pour les servir comme des moutons, des esclaves ». Mais le meilleur est à venir. La tradition musulmane raconte qu’une juive de la communauté de Médine a tenté d’empoisonner Mahomet (lequel cherche alors à convertir la communauté juive en question). Dieu le protège et le sauve. Et Iquioussen commente : « La femme s’est-elle convertie ? Non. Voyez l’entêtement. Retenez ça parce que vous allez comprendre ce qui se passe aujourd’hui. Les Juifs n’ont cessé, depuis ce temps, de comploter contre l’islam et les musulmans ». Le prédicateur impute tous les malheurs du monde, en particulier ceux des musulmans, aux Juifs. La scission entre sunnites et chiites serait due « à un Juif yéménite converti pour détruire l’islam de l’intérieur ». La fin du califat, l’âge d’or imaginaire des fondamentalistes, à Mustapha Kemal… décrit comme « un Juif converti hypocritement à l’islam, toujours pour détruire l’islam et les musulmans de l’intérieur ». Ici la paranoïa rejoint le goût de la métaphore : les expressions être « juif » ou « vendu aux Juifs » servent à désigner les traîtres de la communauté musulmane. Ce qui l’amène à évoquer Nasser. Le leader de la cause arabe est qualifié de « traître des traîtres, l’ennemi de la Palestine et de la cause arabe, un suppôt de l’Occident ». Arafat, qui incarne la résistance laïque au détriment des islamistes, en prend aussi largement pour son grade. Le sionisme est d’ailleurs l’occasion de marteler que les Juifs n’ont pas le droit de se plaindre de la Seconde Guerre mondiale puisqu’ils sont directement responsables… de la Shoah. Laquelle ne serait qu’un complot entre les Juifs et Hitler pour justifier l’occupation de la Palestine.

« Les textes aujourd’hui le prouvent. Les sionistes ont été de connivence avec Hitler. Il fallait pousser les Juifs d’Allemagne, de France… à quitter l’Europe pour la Palestine. Pour les obliger, il fallait leur faire du mal ». Heureusement, « le Hamas, avec sa branche armée, fait du bon boulot ».

Dévoilée par Cécilia Gabizon dans Le Figaro du 28 octobre 2004, l’affaire porte un coup à la volonté de l’UOIF de paraître respectable. Iquioussen est prié de se faire discret. Pas au lycée Averroès. Amar Lasfar indique : «c’est une affaire close, car M. Iquioussen a présenté ses excuses et s’est expliqué sur ce dérapage. Il a d’ailleurs enseigné après cela au Lycée Averroès car c’est quelqu’un qui maîtrise bien son sujet ».

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Iquioussen a été chargé les premières années de délivrer le cours Ethique musulmane. Par faute de temps, en 2006, il a démissionné. Il a été remplacé par Fatiha Ajbli. Diplômée d’un DEA de sociologie sur les « convertis », elle est intervenue au congrès de l’UOIF sur le statut de la femme. De 2003 à 2005, elle faisait partie des personnalités qualifiée au CFCM, poussée par l’UOIF. Lors de la crise des otages français en Irak, le 28 août 2004, elle déclare — toute de rose voilée — : « Je refuse que mon foulard soit tâché de sang !» Les images feront le tour du monde. Lors de l’attaque israélienne sur Gaza, elle a publié un poème sur Oumma.com. Fatiha Ajbli est aujourd’hui chargée des cours d’éthique au Lycée Averroès.

D’autres prédicateurs, non moins problématiques, passent par le lycée Averroès pour une conférence occasionnelle. Hani Ramadan, par exemple, est venu faire un cours. Il est le rédacteur de plusieurs brochures de la collection Islam, le saviez-vous ?, des prospectus édités par l’UOIF pour être distribués au Congrès du Bourget et servir de corpus théorique aux militants de base. L’une d’elles, Le Sens de la soumission, insiste sur le fait qu’un bon musulman est totalement soumis à Dieu. L’autre, Islam et démocratie, explique que l’islam est incompatible avec la démocratie telle que l’entendent les occidentaux[1]. Hani Ramadan est hanté par l’idée d’être contaminé par la décadence de l’Occident :

« N’observons-nous pas aujourd’hui encore en effet, que dans nos sociétés modernes, malgré le progrès des sciences et le confort matériel, nous sommes envahis par toutes sortes de maux qui traduisent une dérive constante vers l’adoration du Taghut sous tous ses aspects ? Ne serait-ce qu’au niveau d’une sexualité débridée qui s’exprime dans les relations hors mariage, dans la prostitution, l’homosexualité, le harcèlement, le viol, la pédophilie, l’inceste ? »[2]

Le spectre de la libération des moeurs fait partie de ses obsessions. Dans ses interviews, le directeur du Centre islamique de Genève ne perd jamais une occasion de rappeler qu’en islam « l’homosexualité est une impasse, aussi bien du point de vue de la loi révélée que de la logique : on n’ouvre pas une porte avec deux clés »[3]. En 1998, il a publié un livre, la Femme en Islam, dans lequel il défend le droit à la polygamie comme le meilleur moyen de lutter contre le risque d’adultère et manifeste sa haine vis-a-vis des laïques souhaitant interdire le voile à l’école :

« Le voile, en Islam, est le signe de la soumission de la croyance aux commandements divins. Pourquoi donc vouloir empêcher une jeune lycéenne d’exprimer sa conviction ? La contraindre à se dévoiler, n’est-ce pas refaire le geste de l’inquisition impitoyable et des bourreaux communistes ? (…) Contre les extrémistes laïcs, l’islam restera en tous les cas une école de sagesse et de tolérance : ‘Pas de contrainte en religion’, dit le Coran. Leçon que les tortionnaires laïcs ne nous ont pas apprise ! »[4]

Hani Ramadan a été congédié de l’Éducation nationale suisse qu’après avoir publié une tribune dans le journal Le Monde, dans laquelle il justifie la lapidation comme « une punition, mais aussi une forme de purification » et le sida comme un châtiment divin :

« Qui a créé le virus du sida ? Observez que la personne qui respecte strictement les commandements divins est à l’abri de cette infection, qui ne peut atteindre, à moins d’une erreur de transfusion sanguine, un individu qui n’entretient aucun rapport extraconjugal, qui n’a pas de pratique homosexuelle et qui évite la consommation de drogue ». Moralité : « Les musulmans sont convaincus de la nécessité, en tout temps et tout lieu, de revenir à la loi divine »[5].

Autre intervenant, Cheikh Mohamed Hassan. En septembre 2010, il est venu parler aux élèves d’éthique musulmane. Le contenu du cours est confidentiel. Mais quand on écoute les prêches de Cheikh Mohamed Hassan il y a de quoi s’interroger. Il explique par exemple que « la grippe porcine » ou « le sida » ne sont que les conséquences des choix des infidèles.

«La communauté internationale n’est infectée que parce qu’elle s’est égarée de la voix d’Allah et du prophète. »[6]

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Un lycée « inspiré de l’orthodoxie musulmane » 

Dans ses propres brochures, le ton est donné :

« Le caractère propre du lycée Averroès est circonscrit à un ensemble de valeurs et de comportements inspirés de l’orthodoxie musulmane. »

La mosquée Al Imane est la mosquée de référence du lycée. On y trouve des liens vers l’UOIF et vers le site de Tariq Ramadan. On ne peut pas être plus clair. Ce qui fait dire au groupe d’experts réunis par le PS en vue de rédiger une brochure sur les « inquiétantes ruptures de Nicolas Sarkozy » que le Lycée Averroès est le « premier lycée privé musulman fondamentaliste ». La citation exacte est : «Le projet sarkozyste réjouira l’UOIF dont le représentant lillois, Amar Lasfar, a créé le premier lycée privé musulman fondamentaliste, le lycée Averroès. Après avoir soutenu les jeunes filles voilées dans les collèges et lycées publics, cette organisation a désormais l’ambition de créer des établissements islamistes pour les accueillir.» Interrogé par 20 minutes, Amar Lasfar fulmine « On ne va pas se laisser faire (…) En période préélectorale, les politiques se permettent les coups les plus bas, poursuit-il. L’islam devient un enjeu électoraliste. » Martine Aubry, qui connaît bien Amar Lasfar en tant que maire de Lille (elle s’est rendue aux meetings de la Ligue islamique du Nord qu’il dirige), refuse de s’exprimer publiquement. Au journal local de France 3, la présentatrice dira tout de même qu’elle désapprouve le qualificatif donné par le rapport national du PS. Bernard Roman, cité par Marianne, déclare : «Je ne vois pas sur quoi on se base. Je connais la mosquée de Lille Sud et je n’ai pas le sentiment qu’elle soit noyautée par des Islamistes. Alors quels indices pour le lycée Averroes ? C’est un peu osé». Il s’agit de Gilles Pargneaux, premier secrétaire fédéral du Nord qui s’exprime publiquement. Il parle de « maladresse » et appelle à « dissocier l’enseignement donné [à Averroès] et les positions de l’UOIF qui, elles, sont incompatibles avec l’esprit laïque ».

Difficile à suivre. Amar Lasfar est le représentant de l’UOIF. Certains enseignants du lycée sont à l’UOIF. On y diffuse « un ensemble de valeurs et de comportements inspirés de l’orthodoxie musulmane ». Mais il ne faut pas amalgamer le lycée avec l’UOIF[7]!

Visiblement, certains élus du Nord ne demandent qu’à jouer sur les mots… Il est vrai que les créateurs de l’école, affiliés à l’UOIF, font tout pour montrer un visage tolérant. Les photos des élèves montrent des jeunes filles voilées et d’autres pas. Dans sa plaquette, le lycée explique son existence par la volonté de permettre à « leurs enfants de vivre harmonieusement leur double identité : française et musulmane » Filles et garçons sont séparés pour les moments de détente. Il existe un réfectoire pour les filles, un autre pour les garçons. Pour le reste, le lycée est un succès. En 2008, il obtient 100% au bac. L’occasion pour la préfecture et la mairie de Lille d’adresser un message de félicitation au directeur qui a, comme de nombreux directeurs d’établisssements privés, choisi de ne présenter que ceux qui réussiraient… Makhlouf Mamèche, directeur adjoint le dit avec délicatesse. « Ce qui fait notre fierté, c’est le suivi de tous nos élèves jusqu’à leur réussite. » Des louanges que reproduiront les sites islamistes.

Sur l’un d’entre eux, safirnews, un commentaire est plus désabusé. « Mr Makhlouf présente un discours erroné et faux, concernant le recrutement des élèves; il n’est pas dans la même vision que son directeur, en l’occurrence monsieur El hassan O. En 2007, j’étais reçu par ce dernier, suite à une démarche de mes enfants (jumeaux), qui souhaitaient vivement intégrer le lycée Averroès, ils avaient tout juste la moyenne ce qu’il les a pénalisé » et «cette moyenne ne permet pas à un élève d’intégrer cette structure », selon Mr E.O, directeur du lycée… »

Qu’importe. Suite aux « impressionnants » résultats, HEC proposera immédiatement un partenariat. Le 16 Juin 2008, le lycée devient sous contrat et donc doit accepter des enseignants de l’éducation nationale. Problème, à partir de là, les enseignants seront des professeurs titulaires recrutés et payés par l’Etat. Amar Lasfar rappelle tout de même qu’il faudra rester dans la ligne : « Aujourd’hui, nos enseignants vont être recrutés par l’Education Nationale. Le rectorat va nous envoyer une liste d’enseignants titulaires. Il s’agira pour le directeur de l’Etablissement de veiller à ce que cette nouvelle donne n’affecte pas le lycée ».

Fiammetta Venner

[1] Prospectus édités par l’UOIF et distribués au Congrès du Bourget en 2003.

[2] Hani Ramadan, Aspects du monothéisme musulman, Tawhid, Lyon, 1998, p. 98.

[3] « L’impasse de l’homosexualité », interview réalisée par Yann Gessler pour Le Nouvelliste

du 25 janvier 2003.

[4] Hani Ramadan, La Femme en Islam, Lyon, Tawhid, 2000.

[5] « La Charia incomprise », publié par Le Monde le 10 septembre 2002.

[6] 1 http://fr.truveo.com/video-detail/cheikh-mohammed-hassan-la-grippe-porcineah1n1/

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[7] Comprenant le problème de logique, le politicien tentera de minimiser : «il s’agit

d’une maladresse car le lycée privé a eu les autorisations de l’Education Nationale. Il conviendra de vérifier si son fonctionnement est conforme à la séparation de l’église et de l’Etat et à la laïcité et à ce moment là, les autorités prendront leur décision sur la signature ou non d’un contrat d’association. Mais il s’agit, je le répète, d’une maladresse rédactionnelle. »

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FONDATION ISLAMIQUE DE LEICESTER

Fondation islamique de Leicester

26.05.2015 La rédaction

La Islamic Foundation de Leicester a été fondée en 1973 dans la banlieue de Londres. La Fondation publie les ouvrages de Mawdudi et de Qutb. Elle a aussi développé un institut : Marksfield Institute of High Education de Leicester. Pensé au départ pour faire en sorte que les étudiants musulmans de passage en Angleterre ne soient pas contaminés et n’oublient pas l’Islam, l’Institut s’est peu à peu transformé en base arrière destinée à promouvoir « l’ordre social islamique au Royaume Uni »[1]. La Islamic Foundation a été le fer de lance à la campagne contre Salman Rushdie. C’est elle qui servit de relai à la campagne lancée depuis le Pakistan par les réseaux Mawdudistes auxquels l’Institut est rattaché. Sur ordre de la Fondation islamique de Madras, elle a envoyé un kit d’action contre le livre jugé « blasphématoire » à la totalité des organisations musulmanes. Selon Gilles Kepel, cette campagne a permis aux Mawdudistes de devenir une force incontournable de la scène anglaise islamiste, connue pour son extrémisme et souvent dépeinte sous le nom de « Londonistan ».

Les références

Mawdudi développe une théorie de l’intégrisme. Il distingue le culte auquel il voue une importance moindre, puisqu’elle diffère selon chaque région. Et l’islam politique dont le but est la conquête.

« L’islam cherche à détruire tous les états et les gouvernements opposés à l’idéologie et au programme de l’islam où qu’ils soient sur terre. (…) Le but de l’islam est d’instaurer un état fondé sur son propre programme et sa propre idéologie. (…) L’objectif du jihad islamique consiste à éliminer les systèmes non-islamiques et à les remplacer par un système islamique de gouvernement. L’islam n’entend pas limiter cette révolution à un seul état ou à quelques pays; le but de l’islam c’est de provoquer une révolution universelle. »

Sayyid Abul Ala Maududi (1903 – 1979)
[Jihad in Islam, Beirut, The Holy Koran Publishing House, pp. 6 et 22

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L’autre grand penseur la Islamic Foundation est Sayyid Qutb. Leader intellectuel des Frères musulmans à la mort de Hassan Al Banna. Pour Qutb, les Etats musulmans sont sortis de l’islam et seraient même retournés à la barbarie anti-islamique. Pour Qotb, il existe en terre d’islam des mécréants à combattre. Ce faisant, il excommunie (takfir) tous les musulmans qui n’adhéreraient pas à l’islam politique qu’il a choisi. Sayyid Qutb va même jusqu’à recommander aux enfants de couper les ponts avec leurs parents si ces derniers ne sont pas de bons musulmans. L’autre apport de Sayyid Qutb à l’intégrisme est la notion de « tyran apostat ». Si le chef de l’état n’est pas un musulman (au sens de Qotb), il doit être éliminé. C’est en suivant cette directive que Youssef Al Qaradhawi a réclamé la mort de Kadhafi, de Assad mais aussi des dirigeants chiites irakiens.

Pour Mawdudi comme pour Qutb, le jihad ne doit pas être défensif mais être utilisé pour libérer les hommes d’un joug anti-islamique.

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Les soutiens

Plusieurs universités ont apporté leur soutien à la Islamic foundation via son institut. C’est notamment le cas de la Newman University de Birmingham qui recommande ses cours sur la finance islamique et prodigue un diplôme commun. Plusieurs fondations offrent des bourses.

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Le prince Charles a même apporté une certaine caution à l’Institut de Leicester.

Dans son livre sur Tariq Ramadan, Caroline Fourest explique que le prédicateur a passé un an sur le campus dont les allées portent les noms de Qotb et Mawdudi. « Il remercie l’Institut pour cet enseignement en introduction de son livre Être musulman européen : « Si ce livre a pu être réalisé, c’est d’abord grâce aux excellentes conditions d’études que l’Islamic Fundation m’a offertes. Je tiens à remercier son président, le Pr Khurshid Ahmad, pour sa confiance, et son directeur, le Dr Manazir Ahsan, pour son accueil. »[2]

Il peut se montrer reconnaissant. Pendant toute cette année passée à l’Institut, il a reçu une bourse de 1000 livres sterling par mois et a été logé gratuitement. Les islamistes pakistanais qui lui ont fait cette offre travaillent depuis longtemps avec le réseau des Frères musulmans, notamment avec la librairie islamiste Tawhid qui sert de QG Lyonnais à Tariq Ramadan. Jusqu’ici la Islamic Fundation fournissait surtout la librairie Tawhid en lui offrant gratuitement des œuvres de propagande signées Qotb ou Mawdudi. Désormais, l’échange se fait dans les deux sens. La Fondation islamique la plus radicale d’Europe a tellement apprécié les œuvres de Tariq Ramadan qu’elle se charge de les faire traduire et diffuser en Angleterre.

[1] Képel Gilles, A l’ouest d’Allah, Paris, Le Seuil, 1994, p. 198

[2] Etre musulman européen, op.cit, p. 11 à 13.

CAGE / CAGE PRISONERS

Cage / Cage Prisoners

25.05.2015 La rédaction

Cage est une organisation qui soutient les victimes de la « guerre contre le terrorisme ».

Son directeur est Moazzem Begg, retenu à Guantanamo puis libéré sans qu’aucune charge ne soit retenue contre lui.

En 2010, Cage lance une campagne contre Gita Saghal, responsable femmes d’Amnesty International. La campagne, intitulée « Le problème avec Gita » est reprise par tous les tenants de la gauche pro-islamiste et l’accuse de rouler pour l’Amérique. En cause, ses demandes répétées à Amnesty de clarifier ses liens avec Moazzem Begg qu’elle dénonce comme soutien des talibans. Lasse, elle finit par claquer la porte d’Amnesty International. L’histoire lui donnera raison, puisque Moazzem Begg, a été remis derrière les barreaux en mars 2014 pour avoir financé des groupes terroristes. Il a ensuite été relâché.

Cage a récemment été critiquée pour avoir soutenu Mohamed Emwazi, alias Jihadi John. L’homme soutenu par Cage était décrit par Asim Qureshi directeur de recherche de Cage comme « un beau jeune homme », « extrêmement gentil, doux, la personne la plus humble que je connaisse ».

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Parmi les parrains de l’association : Lauren Booth, la belle-soeur de Tony Blair, convertie à l’islam ou encore Massoud Shajeree de la Human right Commission. Mais aussi la  Rowntree Charitable Trust, un fond quaker non-violent (£305,000). Ou encore la Roddick Foundation. Ces deux dernières fondations disent reconsidérer leur soutien à Cage.

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Le 18 juin 2016, une conférence avec Tariq Ramadan était annoncée.

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