AL ADL WAL IHSANE ET SES RELAYEURS FRANÇAIS

Al Adl Wal Ihsane et ses relayeurs français

30.12.2015 La rédaction

Principal mouvement islamiste marocain, Al Adl Wal Ihsane (Justice et Bienfaisance), reste en France assez marginal. Nadia Yassine, porte-voix du mouvement, a longtemps joui d’une certaine aura auprès de journalistes français, séduits par l’exotisme d’un « féminisme islamique ». Aujourd’hui, l’organisation pratique surtout l’entrisme. Elle a aussi ses nouveaux porte-paroles, notamment au sein d’associations comme Participation et Spiritualité Musulmanes (PSM).

Marketing oblige, le premier mouvement islamiste marocain Al Adl Wal Ihsane (AWI) apparaît rarement en France sous son nom. Discret, peu représenté en apparence, AWI est presque un inconnu dans l’hexagone. Dans l’ « islam de France », ce sont ici les Frères musulmans qui se taillent la part du lion: UOIF, Présence musulmane, CMF (1), EMF (2), CCIF (3)… Comment dès lors trouver sa place au milieu de cette énorme machine des Frères musulmans, de cette myriade de groupes salafistes, des Tablighs, des Ahbaches, également très bien organisés… ?

Les adlistes sont pourtant bien là, au sein de la FNMF (4) par exemple, fédération marocaine du CFCM (Conseil Français du Culte Musulman), un temps noyauté par le Makhzen (5). Car le Maroc pratique sans vergogne l’ingérence au sein de l’islam de France pour contrer l’influence de l’UOIF (6), de l’Algérie, mais aussi et peut-être autant de ses compatriotes islamistes du mouvement Justice et Bienfaisance. Le Maroc propulse ainsi des têtes à la FNMF, Mohamed Béchari (qui finira devant les tribunaux, finalement réhabilité), puis crée en 2008 le RMF (Rassemblement des Musulmans de France), très proche alors du ministère marocain des Habous et des Affaires islamiques. Il débauche aussi d’anciens membres et imams importants de l’UOIF, arrose un temps le RMF, puis lance finalement une nouvelle associations en septembre 2013, l’UMF (Union des mosquées de France), suscitant aussi de nouvelles guerres de mosquées

Alors, que les adlistes pratiquent à leur tour l’entrisme, c’est plutôt de bonne guerre ! Ils seraient ainsi un certain nombre au sein de la FNMF. A tel point que, dans un forum, certains militants se demandent si leur association PSM (Présence et Spiritualité Musulmanes), proche du mouvement adliste, n’est pas une branche de la FNMF. D’autres, moins avertis encore, s’étonnent de la surreprésentation des Marocains au sein de l’association.

Ainsi au sein du CFCM, aberration tant constitutionnelle (loi de 1905) que religieuse (pas de clergé en islam), se joue depuis douze ans, une guerre d’ambassades, notamment entre le royaume chérifien et l’Algérie (RMF, FNMF d’un côté, Mosquée de Paris de l’autre), mais aussi des guerres internes fratricides. Les victimes : les musulmans de France ! Seuls les renseignements généraux se délectent des informations balancées les uns contre les autres, entre et à l’intérieur même des différentes fédérations.

PSM : Une « spiritualité » dispensée qui tue

Si l’association Participation et Spiritualité Musulmanes (PSM) n’est mentionnée qu’en 2007 au Journal Officiel, son nom apparaît en France dès le début des années 2000. Le nom du mouvement marocain Al Adl Wal Ihsane n’apparaît que rarement à son sujet. Il n’est pas une seule fois cité dans le « Qui sommes-nous » du site de PSM. La personnalité d’Abdessalam Yassine est en revanche omniprésente dans l’association : portrait, textes, vidéos… PSM rend hommage au cheikh dans ses différentes sections, Paris, Mulhouse… et invite régulièrement ses militants à redécouvrir la vie et le message du guide. La dernière Assemblée générale PSM-IDF, en octobre 2015, débutait ainsi par la lecture du Coran et une projection vidéo d’Abdessalam Yassine, objet d’un culte permanent. Participation et Spiritualité Musulmanes est bien la « filiale » du mouvement islamiste marocain. Aujourd’hui, PSM est présente dans les régions Languedoc-Roussillon, Paca, Centre, Est, Ile-de-France, Nord et Rhône-Alpes.

Si les membres de l’association interviennent régulièrement dans le débat public, ils sont beaucoup plus rarement désignés comme appartenant à PSM. L’association a cependant fait parler d’elle, dans quelques faits divers, comme cette arrestation, à Lunel, d’un recruteur de djihadistes pour la Syrie et l’Irak. Jawad Salih, recruteur local d’Al Adl Wal Ihsane dispensait des cours tous les vendredis dans le cadre de l’association PSM. Il milite pour un califat et dit rejeter la violence. Plus de vingt jeunes, élèves de ses cours, partiront pourtant en Syrie et Irak, sept mourront, cinq seront interpellés par le Raid, fin janvier 2015. Le mouvement conserve un rapport ambigu avec la violence qu’il prétend rejeter. Au Maroc, deux meurtres politiques ont été attribués à Al Adl Wal Ihsane (7). En France, la « spiritualité » dispensée par PSM ne fait pas que contribuer à la radicalisation de jeunes : elle tue.

Ismahane Chouder sur les pas de Nadia Yassine

La militante pro-voile Ismahane Chouder, membre de PSM, est sans doute une des plus actives porte-voix du mouvement. Passée par le bouddhisme, différentes confréries soufies, elle découvre le mouvement de cheikh Yassine en 2000. Un coup de foudre et une passion jamais éteinte depuis: « Ce maître spirituel me meut chaque jour davantage » dit-elle. Ismahane Chouder ne s’économise pas pour son maître. Elle multiplie les interventions publiques… et les casquettes : coprésidente du Collectif Féministes Pour l’Égalité (CFPE), secrétaire générale de la Commission Islam et Laïcité, membre du collectif Une école pour tou-te-s, membre fondatrice du collectif Mamans Toutes Égales (MTE). Une tactique proche de l’entrisme qui lui permet d’intervenir sur les sujets les plus variés : féminisme, école, laïcité, voile, racisme, banlieues… Elle est par ailleurs rédactrice au site de l’association.

En 2006, le Maroc réussit à empêcher la participation de Nadia Yassine à une conférence de l’UNESCO, à Paris, sur le féminisme musulman. Se présentant sous l’étiquette PSM, Ismahane Chouder, liée au même mouvement, ne sera pas inquiétée. C’est aussi l’intérêt d’agir sous diverses étiquettes, différents noms.

En mars 2015, Ismahane Chouder représente PSM à la Bourse du Travail de Saint-Denis à une conférence « contre l’islamophobie et le climat de guerre sécuritaire », au côté du PCF, du NPA, des Frères musulmans (de l’UOIF à Présence Musulmane)… A gauche, le rassemblement fait grincer des dents. Le Parti de Gauche ne participera pas, pas plus qu’EELV, plus divisé sur le sujet, qui se retire finalement. Ismahane Chouder apparaît régulièrement dans les débats avec des groupes racialistes post-coloniaux (Les Indigènes de la République, les Indivisibles de Rokhaya Diallo…), Pierre Tévanian et Malika Latrèche, avec qui elle publie Les Filles voilées parlent… ou donnant la réplique à Emmanuel Todd à Saint-Denis, le 26 juin 2015, avec tous les « anti Charlie ».

Main dans la main avec Alliance Vita

Ismahane Chouder se lie même avec les intégristes catholiques d’Alliance Vita avec lesquels son association a effectivement bien des points communs : avortement, gender, euthanasie, recherches sur l’embryon… Entre les deux organisations, c’est l’accord parfait sur tous les sujets ! PSM participe d’ailleurs aux Universités d’été d’Alliance Vita (8) du 30 août au 1 septembre 2013, à Écully, près de Lyon. Participation et Spiritualité Musulmanes y présente, lors d’une séance plénière, son projet éducatif, son organisation et le « point de vue des musulmans sur le thème de la défense de la vie », (c’est bien le point de vue DES musulmans que l’association prétend ici représenter). Des deux côtés, on se réjouit de cette rencontre. Tugdual Derville, co-fondateur d’Alliance Vita, la qualifie même d’« historique ». PSM se retrouvera encore la même année aux côtés de l’association intégriste, dans des manifestations homophobes dénonçant les « dangers du mariage pour tous ».

Peu de personnalités émergent publiquement de l’association. Même Ahmed Rahmani, membre fondateur de PSM, et très actif au niveau européen, se fait plus discret en France. C’est que l’association a compris aussi l’intérêt sans doute de mettre en avant une femme, maîtrisant parfaitement le français.

Ismahane Chouder suit les traces de Nadia Yassine. Avec sans doute moins de brio, mais beaucoup plus de casquettes, elle arrive cependant à attirer les projecteurs. Elle sait aussi que ce n’est pas en avançant son projet politique de califat qu’elle sera la mieux entendue en France. Alors, comme Yassine, elle utilise le langage de la modernité, parle d’injustice, de discrimination… Elle se montre aussi beaucoup plus offensive à l’égard de la laïcité et se trouve ainsi portée par toute une gauche multiculturaliste et identitaire qui a en exécration la laïcité et l’universalisme. En juin 2015, elle intervenait encore à Science-Po Paris pour une conférence « La laïcité en péril ? » Étrange casting. Des partisans d’une république islamique au secours de la laïcité ?

En octobre 2015, elle est l’une des porte-paroles de la Marche de la Dignité, rassemblant tous les identitaires racialistes, post-coloniaux, du Parti des Indigènes de la République, aux afro-féministes du Mwasi, avec comme un des mots d’ordre : la lutte des races ! PSM se fait largement l’écho de cette Marche. Ismahane Chouder est une des quatre intervenantes à la conférence de presse de la Marche dite « antiraciste », aux côtés d’Amal Bentousi, Françoise Vergès et Fania Noël. Fania Noël défend comme elle un féminisme identitaire. Convaincue que « toute association intégrée dans le système est incompétente », elle se dit en rupture avec « la blanchisserie » (entendez les Blancs). « La non mixité pour toutes les personnes racisées est la planche de salut » affirme-t-elle dans une vidéo du blog Mrs Roots. La présence de l’islamiste Ismahane Chouder ne fera l’objet d’aucun commentaire de la presse qui semble ne voir en elle qu’une féministe antiraciste victime d’une « laïcité de combat » anti-voile. La couverture médiatique de la marche montrera d’ailleurs l’aveuglement inquiétant d’une grande partie de la presse à l’égard de ces groupes religieux et identitaires. Peu de médias se sont d’ailleurs interrogés sur l’absence à la marche des grandes associations historiques antiracistes.

La galaxie frèriste solidaire

Oumma, Saphir News… les sites proches de la mouvance des Frères musulmans soutiennent dans leur ensemble le prosélytisme adliste. Le mouvement est d’ailleurs en lien avec nombre de ces sites. Il a su étendre la communication avec la galaxie islamiste partout dans le monde. Poussée longtemps à la clandestinité, l’organisation a appris rapidement à user des nouvelles technologies, échanges web, prêches par visioconférence… Oumma relaie dès 2003 des communiqués de l’association PSM, notamment des textes de cheikh Abdessalam Yassine. Interviews complaisantes de Nadia Yassine ou d’Ismahane Chouder, article sur la répression contre le mouvement AWI au Maroc, hommage à Cheikh Yassine, «auguste homme parmi les savants musulmans », « immense figure de la pensée »... Les mots des web-islamistes à l’égard du mouvement sont plutôt élogieux. A la mort du cheikh, les portraits d’Abdessalam Yassine sont même dithyrambiques. Tariq Ramadan n’est pas en reste. Sur son site, il raconte ainsi sa dernière visite chez le cheikh : « Il était resté fidèle à sa vision, à ses principes, à ses positions, et à ses espérances. Il imposait le respect et rayonnait de bonté, modestement assis, méditatif, et souriant. Je n’oublierai pas, paix à son âme, profondément ». Le prêcheur islamiste loue l’appel du cheikh « encore d’actualité » à « réformer le pays » », « refuser la colonisation des esprits… ». Emporté par son élan laudateur, il traduit même sur son site le nom du mouvement Al Adl Wal Ihsane par « Justice et Excellence ».

Tariq Ramadan et PSM se renvoie d’ailleurs les politesses. Régulièrement, PSM, sur sa page Facebook comme sur ses sites (site national et en régions), reprend des citations et écrits de Tariq Ramadan, expliquant par exemple, comme dans cet article, la nécessité de dire « nous » : « On se constitue en ‘nous’, en communauté ou en société, quand on a déterminé un projet collectif commun ». Car visiblement, l’association adliste pense partager avec le prêcheur un « projet collectif commun ». En novembre 2015, le porte-paroles du CCIF (Collectif contre l’islamophobie), Marwan Muhammad, dresse une courte liste d’une dizaine de personnes qu’il aimerait voir plus présentes dans les médias : Ismahane Chouder en fait partie aux côtés de Nabil Ennasri ou l’imam Chakil Omarjee.

Journalistes, chercheurs…

Chaque déplacement de Nadia Yassine en France a été l’occasion, pour la presse, de présenter les idées de la pasionaria islamiste. Le ton est souvent affable et les questions inoffensives.

Cette complaisance de la presse à l’égard du mouvement peut sembler plus étonnante lorsqu’il s’agit de journalistes plus avertis ou de chercheurs travaillant sur le Maroc.

Dès l’avènement du roi Mohammed VI, la presse s’intéresse au mouvement. En septembre 2000, le journaliste Jean-Pierre Tuquoi organise ainsi une rencontre entre les lecteurs du quotidien Le Monde et Nadia Yassine. Il présente alors Al Ald Wal Ihsane comme une « association caritative ».

En 2002, il semble déjà beaucoup plus nuancé dans ses propos. Interrogé par El Mundo sur l’usage de la violence au sein du mouvement, il répond qu’ « en réalité, on ne sait pas très bien ce qu’ils veulent ».

Dans son livre Renaissances arabes (2011), coécrit avec Michaël Béchir Ayari, Vincent Geisser, (IREMAM) s’offusque qu’on parle à propos de Al Adl Wal Ihsane d’ « islam radical». Pour le chercheur, qui a modéré en mai 2015 un colloque où était invité Omar Icherchane d’Al Adl Wal Ihsane (« Gauches – Islamistes : pourquoi tant de haine ? »), PJD comme AWI « se situent plutôt dans la nébuleuse de l’islam réformiste et conservateur, ayant renoncé depuis de très nombreuses années à l’usage de la violence et à l’action clandestine ». 

C’est à l’occasion de son enquête pour le livre « Quand le Maroc sera islamiste », publié en 2006 avec Catherine Graciet, que Nicolas Beau découvre le mouvement AWI. Il semble aussi découvrir alors les pratiques islamistes d’investissement du champ social et associatif. Dans une interview vidéo d’Oumma.com, il exprime son étonnement face à cette « capacité des gens de Justice et Bienfaisance et de Nadia Yassine à accaparer le terrain concret, social, de la vie de quartier, la plus proche des gens », très loin dit-il des stéréotypes qu’on se fait [qu’il se fait?] de l’islamisme. Il s’offusque aussi contre l’idée d’un islamisme forcément anti-démocratique, or « il y a une culture sinon de la démocratie, au moins du consentement majoritaire, par exemple dans les cercles politiques que le mouvement a créés, il y a des processus d’élections des dirigeants. (…) Il y a des cadres qui réfléchissent à la façon d’adapter leurs théories sur le consentement de la oumma, sur le califat qu’ils affichent toujours comme étant leur but ultime… Ils essaient de voir comment ces valeurs pourraient s’intégrer dans des processus démocratiques plus classiques, tels qu’on peut en avoir la perception ici en France ». 

Pourtant, cheikh Yassine n’a cessé d’expliquer en quoi la démocratie « dérange l’absolu islamique », comment le « relativisme » intrinsèque à la démocratie « détruit la religion ». Le fondateur du mouvement n’est pas loin de la désigner comme l’ennemi même de l’islam. « Choura est le nom de notre ‘démocratie’ » écrivait-il dans « Islamiser la modernité ». Pour le cheikh, il s’agit de « mettre en pratique la Loi révélée que les hommes n’ont pas le droit de changer ». L’application, incontestable, de la charia dans le monde rêvé du cheikh, fût elle choisie par une majorité, aurait-elle un rapport quelconque avec le concept de démocratie ? Le journaliste veut le croire. Ce mouvement décrit comme « extrêmement riche » par Nicolas Beau n’a pourtant jamais caché dans ses écrits sa détestation de la démocratie. Il faut croire que certains mouvements islamistes ont un pouvoir de fascination tel qu’ils en mettent en berne l’esprit critique de leurs interlocuteurs.

En France, comme ailleurs

Les adlistes usent, en France, comme ailleurs en Europe, États-Unis, Canada, des mêmes méthodes de séduction, auprès des médias, mais aussi du même recours à l’infiltration des grandes organisations islamiques. Ils s’installent ici au sein de la Fédération nationale des musulmans de France, comme en Espagne, avec d’énormes succès, au sein de la Fédération islamique (notamment de la région de Murcie où 50.000 Marocains auraient déjà cédé aux sirènes du cheikh). Ils approchent les étudiants, les mosquées… et se présentent sous divers noms, toujours comme une « école de pensée », pacifique : PSM, comme en France ou en Italie, CSM (Citoyenneté et spiritualité musulmane), Fraternité comme en Belgique ou ONDA (Organisation nationale pour le dialogue et la participation) comme en Espagne. Brouillant les pistes, l’organisation va même prendre des noms, comme au Canada, sans aucun rapport avec le mouvement religieux, comme Observatoire canadien des droits de l’homme ! Hors Maroc, c’est sans doute en Espagne que le mouvement est le mieux implanté. Proche du mouvement, Mounir Benjelloun est à la tête de la FEERI (fédération regroupant près de mille mosquées en Espagne). Il est aujourd’hui depuis novembre 2012, avec une certaine bienveillance du ministère de l’Intérieur, à la direction de la plus haute autorité musulmane en Espagne : la Comisión Islámica de España (CIE, organe équivalent au CFCM en France).

Pour la Jamâa, il s’agit de renforcer partout sa présence, de s’assurer des soutiens à l’étranger, de recruter, récolter de l’argent et de se tenir prêt en cas de confrontation avec l’État marocain. Première force politique organisée au Maroc, Al Adl Wal Ihsane est aussi une organisation qui a déjà tissé sa toile dans tous les pays à forte communauté marocaine. La France y a déjà, depuis plus de dix ans, ses relais dévoués.

Yann Barte

(1) Collectif des Musulmans de France (CMF) présidé par Nabil Ennasri

(2) Étudiants Musulmans de France (EMF), association étudiante française créé en 1989 (ex Union islamique des étudiants de France)

(3) Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), association française créée en 2003. Proche des FM, le CCIF, via son porte-paroles Marwan Muhammad, participe aussi à des conférences sur l’ « islamophobie » avec des imams salafistes. Nader Abou Anas ou Rachid Abou Houdeyfa sont ainsi invités en guest-stars aux dîners du CCIF. Le CCIF ne se dit pourtant ni salafi, ni tablighi, ni ikhwani, «juste musulman ». Fédération nationale des musulmans de France (FNMF)

(5) Terme populaire désignant le pouvoir royal marocain et ses instituions (justice, administration, armées, police…). Anciennement, le gouvernement du sultan.

(6) Union des Organisations Islamiques de France

(7) Des disciples de Abdessalam Yassine ont été impliquées dans l’assassinat de deux étudiants d’extrême gauche et militants de l’UNEM (Union Nationale des Étudiants du Maroc): Maâti Boumli  en novembre 1991 à Oujda et Mohamed Aït Ljid Benaïssa en mars 1993 à Fès.

(8) A l’origine, « Alliance pour les droits de la vie » créée par Christine Boutin.

Ce article est également disponible en العربية.

BIENVENUE CHEZ LE GRAND SATAN, NADIA YASSINE

Bienvenue chez le Grand Satan, Nadia Yassine

18.12.2015 La rédaction

Soucieux de la stabilité du royaume, les États-Unis restent depuis plusieurs années les observateurs attentifs du premier mouvement islamiste marocain, Al Adl Wal Ihsane. La porte-parole officieuse de l’organisation, Nadia Yassine, qui avait reçu lors de son procès en 2005 le soutien du Département d’Etat, a régulièrement été invitée à intervenir dans les universités américaines.

L’annonce avait surpris au Maroc. En 2005, Nadia Yassine, lors de son procès intenté par le royaume, avait reçu le soutien inattendu du Département d’État américain. Un coup de pouce, au nom de la liberté d’expression, qui n’était évidemment pas passé inaperçu dans le royaume. Fort de ce soutien, la fille du fondateur du mouvement Adl Wal Ihsane (AWI) a vraisemblablement pris un certain plaisir à embarrasser le pouvoir chérifien. En se présentant comme défenseur des valeurs d’ouvertures, de liberté, elle s’est positionnée aussi comme un interlocuteur respectable aux yeux des États-Unis.

Après les multiples fractures opérées par l’administration Bush, Barak Obama avait désiré dès sa prise de mandat en 2009 un changement de cap majeur en matière de relations internationales et un rapprochement avec le monde arabe. Mais le dialogue avec cet aire culturelle se réduisant pour lui à un échange inter-religieux, il s’était surtout traduit politiquement par un rapprochement des islamistes dits « modérés » (Discours d’al-Azhar, au Caire).

Nouvelle idylle ? 

AWI pouvait aussi constituer le poil à gratter utile du royaume. « Les États-Unis n’hésitent jamais à utiliser toute carte qui leur permettrait de préserver le moindre de leurs intérêts » dit Nadia Yassine, mais « nous sommes certainement l’une des dernières cartes que choisirait l’Amérique pour fonder son Grand Moyen-Orient » se défendait-elle dans l’hebdomadaire marocain Al Michaal (18/08.2006). « Puisque la prudence et le réalisme américains s’appuient sur des études et des prévisions rationnelles, elle ne peut que nous considérer comme un acteur politique qu’elle ne peut négliger dans ses calculs impérialistes. Ce qui illustre bien notre popularité effective et non une idylle entre nous et l’Amérique de Bush ».

Les invitations maintes fois réitérées de Nadia Yassine aux Etats-Unis avaient en effet laissé place à quelques commentaires suspicieux, voire de rumeurs conspirationnistes. Nadia Yassine, des accointances avec Washington ? Serait-elle achetée par les États-Unis ? Toujours dans Al Michaal en 2006, Yassine se défendait de ces accusations: « Pourquoi cet intérêt soudain pour les voyages des leaders de la Jamaâ ? Ces voyages ne furent évoqués qu’après la rumeur qui avait suivi mon séjour aux États-Unis et selon laquelle j’étais allée exposer l’idée de la république; ce qui est totalement faux. Mon intervention était dans le cadre d’une université parfaitement indépendante de la politique américaine officielle ». Quitte à retourner la situation quelquefois, Nadia Yassine se défend contre des accusations imaginaires d’anti-américanisme : « Les États-Unis doivent comprendre, quant à eux, qu’il y a des lois historiques qu’ils ne peuvent ignorer, comme ils le font maintenant, sans en payer tôt ou tard le prix. Si vous évoquez encore mes visites aux universités américaines, je vous répondrais que critiquer la politique dévastatrice d’un État ne veut pas systématiquement dire stigmatiser son peuple et haïr sa société civile ».

La tournée des universités

Nadia Yassine s’exprimera dans des universités de Washington, Cambridge, New-York… C’est même une véritable tournée qu’elle réalise du 3 au 20 avril 2006 en collaboration avec les universités de Harvard, Darthmouth, Fordham, Georgetown. Au Darthmouth College (Etat du New Hampshire) elle répond ce 6 avril aux questions d’une pléiade d’éminents chercheurs et spécialistes de l’islam et du Moyen-Orient. Elle est invitée à dîner par l’anthropologue Dale Eickelman et sa femme, qui lui feront même visiter la région de Hanover. Le 14 avril, elle intervient à Harvard à Cambridge (Etat du Massachusetts) sur le thème « Réformes juridiques au Maroc : Opinions d’une féministe marocaine dissidente ». Le titre est élogieuxLa dissidence de Nadia Yassine résiderait-elle dans son féminisme ? [Voir article « L’imposture féministe »]. C’est toujours avec cette carte « féministe » qu’elle se présente aux États-Unis, comme en Europe. Même si le mot la gène, il reste bien plus payant en Occident que le mot « islamiste ». Du reste, Nadia Yassine a toujours le souci immédiat de donner au mot « féministe » une couleur plus identitaire et confessionnelle qui passe finalement plutôt bien dans un pays comme les Etats-Unis où la religion tient une place centrale, y compris dans la vie politique.

A la fin de la conférence d’Harvard, elle signe son livre «Full Sails Ahead » (« Toutes voiles dehors » , publié en 2003). Reçue avec toujours autant d’égards, elle présentera également son livre le 18 avril à l’université de Fordham à New York, avant un dîner en son honneur, puis le 20 avril à l’université Georgetown, à Washington. Son organisation est quelquefois présentée comme un « groupe social », « une organisation caritative » et elle, comme une féministe œuvrant à la « réorganisation de la société marocaine et de la politique sur des bases islamiques et démocratiques ». Le Center Berkeley de l’Université de Georgetown dans sa courte présentation de AWI, parle même des activités du mouvement : « diffusion du message de l’islam, organisation d’événements, fourniture de services sociaux aux pauvres, arrangement de mariages »… 

La Fondation Carter, créée en 1982 par l’ancien président Jimmy Carter, parle même de Nadia Yassine comme d’une « activiste des droits de l’homme », partie prenante des « forces de modernisation » de la société marocaine. Elle participe selon la Fondation à ce « carburant commun », religieux ou laïque de défenseurs des droits de l’homme qui « défie le despotisme» (Nadia Yassine. Meet The Featured Human Rights Defenders, CarterCenter.org). Le mot « réforme » outre Atlantique, agit aussi tel un mot magique, comme nécessairement synonyme de « progrès ». Aussi, Nadia Yassine, préfère-t-elle toujours insister sur la nécessité qu’il y avait de réformer la Moudawana (1), plutôt que d’en détailler les éléments précis. Elle parle ainsi de l’ancien « statut désastreux de la femme marocaine », sans rapport pour elle avec le Coran et la tradition du prophète et rappelle inlassablement qu’elle seule, la première, avait décrit la Moudawana comme pouvant être réformée, car non sacrée.

La stabilité avant tout

Même si les États-Unis affichent un soutien à la démocratie et aux droits de l’homme, ils semblent parallèlement terrifiés par les perspectives démocratiques dans le monde arabe. C’est d’ailleurs une crainte partagée avec la monarchie marocaine qui a perçu le Printemps arabe comme une véritable menace. Pour les États-Unis, le scénario catastrophe serait, dans cette région, l’arrivée par les voies démocratiques d’un régime hostile à leur politique, comme c’est généralement le cas des régimes islamistes.

Sous la gouvernance démocrate, l’intérêt pour le mouvement Al Adl Wal Ihsane n’a pas faibli. Nul doute d’ailleurs que l’état américain a suivi cette imposante marche pour la Palestine organisée ce 25 octobre dernier à Casablanca par WAI et le Mouvement Unité et Réforme (MUR). Il aura certainement aussi scruté les mots de déni du porte-parole d’Al Adl Wal Ihsane face aux dérapages antisémites de cette marche essentiellement composée des militants adlistes. En 2014, le think-tank WINEP publiait un rapport recommandant à l’administration Obama de diriger une réconciliation entre le Palais royal marocain et la mouvance islamiste de WAI. Pour Washington, une normalisation politique serait à même de préserver la sécurité et la stabilité du Maroc. Et c’est bien cette voie qui est privilégiée, celle de la sécurité avant tout : soutenir les régimes autoritaires amis des États-Unis, en poussant à des réformes mineures qui assureront la continuité de ces régimes. La sécurité avant la démocratie en somme. Un choix à double tranchant qui pourrait bien aussi favoriser les mouvements les plus radicaux.

Yann Barte

(1) La Moudawana (ou Code du statut personnel marocain) est le droit de la famille marocain codifié en 1958. Elle a été amendée en 1993, puis plus largement révisée en 2004. C’est l’actuel Code de la famille marocain.

(2) WINEP (The Washington Institute for Near East Policy), fondé en 1985, est un think-tank influent spécialisé sur les questions afférentes au MoyenOrient.

L’IMPOSTURE FÉMINISTE DE NADIA YASSINE

L’imposture féministe de Nadia Yassine

13.12.2015 La rédaction

Parfaitement bilingue, experte en communication, Nadia Yassine, s’est toujours paré, en Occident, avec un certain succès, des atours plus présentables du féminisme et de la modernité. Son projet politique est beaucoup moins glamour: l’instauration, au Maroc, d’une république islamique basée sur la charia.

C’est sa marque de fabrique : le féminisme, islamique s’entend ! C’est aussi sa carte de visite pour séduire l’Occident. « Moderniser l’islam en le féminisant » reste le leitmotiv de la pasionaria du mouvement islamiste marocain. En réalité, il s’agit bien plus d’islamiser le féminisme ! Le livre référence de son père, cheikh Yassine, auquel elle voue une véritable admiration, ne trompe d’ailleurs aucun lecteur sur le projet politique. Le titre ? « Islamiser la modernité » (et non moderniser l’islam). La femme occidentale y est présentée comme détournée de « son cours naturel » (la maternité) pour n’être réduite qu’à être une « poupée maquillée » « jetée en pâture à l’homme, objet consentant de désir ». Une conséquence du « postulat bestial », entendez le postulat darwinien qui fait de nous «  des singes évolués traversant cette vie sans destin et sans signification » et contre lequel père et fille s’insurgent.

C’est un peu une constante des modèles totalitaires : la femme n’a pas d’existence en dehors de la famille et la maternité fait la femme. Nadia Yassine aime répéter qu’elle a été la première à déclarer que le Code de statut personnel (ou Moudawana, régissant le droit de la famille au Maroc) n’était pas sacré, et donc réformable. De même, elle aime établir un lien entre le patriarcat et la monarchie héréditaire marocaine, une « néo-patriarchie », convaincue qu’en s’attaquant à l’un, on atteint également l’autre. Pourtant, elle juge « normal » que son mouvement soit dominé par des hommes, « c’est une loi de la nature. Les hommes dirigent toujours les grandes organisations. Mais il y a beaucoup de femmes à la base » rétorque-t-elle à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel en juillet 2007. Elle affirme souhaiter la libération de la femme musulmane. Reste qu’en plein débat sur le Code de la famille, elle a choisi son camp. Alors que le 12 mars 2000 les féministes défilent à Rabat, elle, manifeste aux côtés des islamistes à Casablanca «pour le respect des valeurs musulmanes» et «contre les élites occidentalisées». Elle freinera des quatre fers les réformes du Code de la Famille « pour des raisons politiques » dit-elle, et non religieuses : « C’est bien d’avoir plus de liberté, mais dans la pratique ? Comment une femme peut-elle user de son divorce par exemple, si elle n’a ensuite aucun travail et termine à la rue ? » (Der Spielgel, 3/07/2007). « Nous nous sommes également opposés à la réforme parce qu’elle a émergé après la conférence de Pékin (1), imposée à nous par le monde extérieur. Notre société peut être en difficulté, mais nous devons trouver nos propres remèdes (Monde diplomatique, 2/04/2004). Une fois le texte entré en vigueur en 2004, Nadia Yassine saluera pourtant le nouveau Code de la Famille: « Le discours du roi s’inspire d’une relecture intelligente des textes sacrés. C’est un retour aux sources de la religion » dit-elle. Rédigé de façon un peu schizophrénique, entre la charia et la Déclaration des Droits de l’Homme, le nouveau texte n’a effectivement pas le caractère révolutionnaire que beaucoup ont voulu lui donner. Il est resté un compromis, encore timide, et qui attend toujours aujourd’hui sa version 2. On ne touchera pas de front à la polygamie (rendue toutefois plus difficile), ni au mariage précoce, encore moins à l’épineuse question de l’héritage, même pas mise sur le tapis en commission royale consultative… Pour Nadia Yassine, la charia est d’ailleurs « une source de droit, d’organisation de la société, de liberté ». Même si elle regrette qu’on la réduise à une liste de châtiments corporels et qu’elle aime évoquer l’ijtihâd (2), elle y voit la loi elle-même.

Sous le vernis de la modernité, un autre âge

Son discours a toujours le vernis séduisant de la modernité. Elle parle « féminisme », « droits de l’Homme », « démocratie »… Mais une démocratie sans droits de l’Homme, des droits de l’Homme sans sa dimension universaliste… Des mots creux. « Nous croyons qu’il nous faut un parlement qui prenne des décisions démocratiques, même si elles sont sévères, contre une certaine minorité qui demeure accrochée à la corruption et à la débauche » déclare-t-elle ainsi dans un hebdo marocain. Mais quel sort « sévère » réserve-t-elle à ces minorités ?
Interrogée à Paris devant des lecteurs du Monde sur la question du mariage précoce, elle répond : « Je n’aimerais pas voir ma fille mariée à 14 ans, mais de là à prendre ma réalité pour celle de tous les Marocains… ». Le viol institutionnalisé de mineures n’émeut donc pas notre « féministe » qui s’oppose à une loi sur le sujet. En 2014, le mariage précoce concernait encore 102.197 jeunes filles mineures, parmi lesquelles beaucoup encore de 14 ans et moins. La part des mariages en dessous de l’âge légal a presque doublé en une décennie, passant de 7% en 2004 à près de 12% en 2013.

Nadia Yassine se méfie de l’étiquette « féministe ». Elle ne l’accepte qu’en précisant chaque fois qu’il s’agit d’un féminisme lié à la sphère culturelle musulmane. « Vous pouvez m’appelez féministe si vous voulez. Mais je parle d’une culture différente, islamique » (Der Spielgel, 3/07/2007). « Si c’est pour défendre la cause des femmes, alors je me considère comme féministe. Mais je ne défends pas le féminisme à la Simone de Beauvoir, un féminisme occidental » (Le Journal des Alternatives, Canada, 25/09/2008). « Promouvoir un féminisme à l’occidental revient à se tromper d’histoire et de repères » dit-elle encore lors du congrès sur le féminisme islamique organisé a Barcelone en octobre 2005. Nadia Yassine affiche d’ailleurs un profond mépris à l’égard des féministes laïques, qu’elle appelle « matérialistes », notamment les féministes marocaines « [Elles]ne constituent qu’une partie d’une petite élite, vivant dans une bulle intellectuelle et imitant l’Occident » au contraire des islamistes qui « représentent les gens » (Der Spielgel, 3/07/2007). Finalement, du féminisme en Occident, elle ne retient que les âneries essentialistes des militant(e)s différentialistes : « Je pense qu’effectivement il y a une prédisposition des femmes au dialogue et à une compréhension plus humaine de nos différences » dit-elle par exemple dans la revue italienne Volontari per lo sviluppo (Volontaires pour le Développement) en avril 2007. Il ne semble pourtant pas que la féminisation du Parlement avec l’arrivée massive des femmes islamistes du PJD ait beaucoup fait avancer la cause des femmes…

Si elle est contre la parité, les quotas, ce n’est donc pas parce qu’elle rejette l’essentialisme de genre, mais « parce qu’il ne faut pas imiter l’Occident » et par respect à l’ordre naturel assurant la suprématie masculine. Détourné des principes universalistes, sexiste, à la fois religieux et identitaire, le féminisme de Nadia Yassine, a assurément tout de l’imposture.

Yann Barte

(1) : 4ème Conférence mondiale sur les femmes: Lutte pour l’égalité, le développement et la paix
Beijing, 4-15 septembre 1995.

(2) : Effort de réflexion et interprétation des textes fondateurs de l’islam.

LA « RÉPUBLIQUE » DE LA FILLE DU CHEIKH

La « République » de la fille du cheikh

08.12.2015 La rédaction

Bête noire du régime marocain, Nadia Yassine, a longtemps enflammé les débats au royaume. Porte-parole officieuse du mouvement islamiste Al Adl Wal Ihsane, la fille du fondateur du mouvement, cheikh Yassine (1928-2012), n’a jamais eu qu’un rêve : abattre la monarchie. Harcelée par le pouvoir, contestée au sein même de son mouvement, Nadia Yassine s’est mise, ces dernières années, en retrait de la vie politique.

« Atteinte à la monarchie » ou à « la sacralité ». C’est le motif chaque fois avancé par le régime pour intimider les opposants encombrants, journalistes trop critiques, chercheurs, rappeurs ou militants de droits de l’Homme importuns… Nadia Yassine n’a bien sûr pas fait exception. C’est même ce procès en 2005 qui lui vaut ses heures de gloire. Un procès ridicule dont le Makhzen (1) ne parvient plus depuis à se débarrasser, le reportant sans cesse depuis dix ans. Nadia Yassine encourt alors jusqu’à cinq ans de prison et 100.000 dirhams d’amende (plus de 9000 euros) pour avoir déclaré à l’hebdomadaire Al Ousbouya Al Jadida que « la monarchie est inadaptée au Maroc et [que] le régime ne tardera pas à s’écrouler ».

Contrairement aux islamistes du PJD (Parti Justice et Développement) actuellement au pouvoir sous le gouvernement d’Abdelilah Benkirane, les adlistes ne reconnaissent pas le statut religieux du roi de Commandeur des Croyants, ni même la monarchie héréditaire comme principe intrinsèque à l’islam. Il n’en faut pas moins bien sûr pour faire de ce mouvement, très ancré dans la société marocaine, l’ennemi à abattre. Longtemps totalement interdit, aujourd’hui encore empêché de se constituer en parti politique, Al Adl Wal Ihsane (Justice et Bienfaisance), bien qu’illégal, reste cependant toléré.
Pour rien au monde, Nadia Yassine n’aurait raté ce procès de 2005, terrible bourde stratégique du Palais, qui allait souligner, à l’international, le caractère anti-démocratique de la monarchie de Mohammed VI. Le Département d’État américain lui-même s’exprimera pour défendre la liberté d’expression de Mme Yassine. La fille du cheikh reçoit même le soutien inattendu du cousin du roi Moulay Hicham. « Le Prince Rouge vire au vert », titre alors la presse.

Ce jour-là, je couvre l’événement. Un grand moment de spectacle ! Des centaines de militants islamistes se sont amassés à l’extérieur du tribunal de Rabat. Des dizaines d’avocats, empêchés d’entrer, brandissent leur robe, tandis que des journalistes, bloqués derrière des grilles, agitent leur carte carte de presse…

A l’intérieur, les femmes voilées de la Section féminine d’Al Adl Wal Ihsane s’activent, repérant les journalistes présents. Alors que l’une d’elle me glisse la carte de visite du mouvement avec adresse et site Web, une autre me propose ses services gracieux de traduction simultanée du procès qui se déroule en arabe classique. Assurément, le ministère de la Communication marocain a beaucoup à apprendre du premier mouvement islamiste du pays !

La sortie du tribunal, plus théâtrale encore, dévoile la personnalité habile de la fille du cheikh. A un mètre de moi, Nadia Yassine plonge ses mains dans son sac et en sort un énorme sparadrap marqué d’une croix rouge qu’elle se colle sur la bouche. La militante islamiste avance, tête dressée, vers le haut des marches du tribunal et triomphe devant les photographes agglutinés derrière la grille. La photo fera le tour du monde. Grâce au Makhzen, Nadia Yassine gagne alors ce jour-là une renommée internationale. Elle sait ce que le Palais n’a pas encore compris : le pouvoir des médias.

Grande comédienne, Nadia Yassine sait émouvoir, pleurer sur la misère dans les bidonvilles du royaume devant les caméras, dénoncer, la larme à l’œil, l’injustice sociale. Totalement bilingue (elle a fait sa scolarité dans les établissements français de Rabat et de Marrakech), elle aime apparaître comme une authentique militante féministe en Occident. [Voir l’article «Nadia Yassin : L’imposture féministe »]. Elle intervient partout dans les médias occidentaux, américains [Voir l’article « Nadia Yassine : Bienvenue chez le Grand Satan! »], canadiens, espagnols, français, allemands, italiens, belges… Nadia Yassine excelle dans cet exercice d’interview hors du royaume. Elle donne aussi son avis, souvent contradictoire, sur les débats qui animent le pays qui l’accueille. Ainsi, à propos du message qu’elle adresserait aux jeunes françaises portant le voile, elle cite en référence le célèbre théologien Al-Qaradawi, aujourd’hui recherché par Interpol pour incitation au meurtre, violence, vol : « On devrait écouter le docteur Youssef Qaradawi, imminent savant de l’Islam, qui dit qu’il y a des priorités dans l’Islam, et la science est une priorité par rapport au voile (…) Je leur dis c’est votre droit, luttez pour vos droits et revendiquez la laïcité à la Jules Ferry (…) Je trouve que c’est aberrant, que la République au lieu d’aider ces jeunes filles, de les laisser aller à l’école pour qu’elles développent un esprit de revendication, les laisse retourner à leur foyers pour en faire des intégristes réelles cette fois-ci » (Radio Orient, sept. 2003).

« La charia ? Si c’est le choix du peuple, oui »

La presse marocaine, plus avertie de l’animal politique, est beaucoup plus déroutante pour notre militante, habituée au ton souvent assez complaisant des médias occidentaux. Elle souligne aussi l’imprécision du projet politique, raille les prophéties toujours contredites du gourou de la secte adliste… Sur les fameux rêves du cheikh par exemple, longtemps objet de plaisanteries dans le royaume, elle se défend : «  Il s’agit d’une centaine de « rouaâs» faites par nos frères et sœurs. Je traduirais «rouaâs» plutôt comme rêves prémonitoires (…). Notre culture islamique nous fait prendre très au sérieux ces rêves pour la simple raison que la prise en considération de cette dimension est recommandée par le Prophète lui-même » (Le Journal Hebdomadaire, 15/01/2006).  « Si nos visions font peur au régime et inquiètent nos adversaires, pour nous elles sont des messages de Dieu (…), un lien ininterrompu entre le ciel et la terre » (Assahifa, 26/12/2006). Alors, monarchie, république, khilafa islamique ? Nadia Yassine botte toujours en touche : « ce sont les Marocains qui choisiront » lance-t-elle désinvolte. « Et une constitution basé sur la loi islamique, la charia ? » L’interroge l’hebdomadaire allemand Der Spiegel en juillet 2007. « Si c’est le choix démocratique du peuple, alors oui » répond-t-elle.

Lorsque les questions deviennent trop précises, Nadia Yassine rappelle que sa démarche est spirituelle, avant d’être politique, mais peu de questions la gênent réellement. Ses réponses sont quelquefois aussi énigmatiques qu’inquiétantes, comme à propos de l’interdiction éventuelles des bars, qu’elle qualifie de « lieux de débauche », ou des plages mixtes : « On ne brusquera absolument rien. Il ne s’agit pas d’interdire, il s’agit de convaincre. On prendra le temps qu’il faudra pour cela (…) Mon père dit toujours que nous faisons nos classes et si la révolution iranienne a marqué nos esprits comme beaucoup d’esprits en ces temps-là et pas forcément islamistes, nous en tirons aussi des leçons très édifiantes ». 

Brouilles et brouillard chez les adlistes

Fin 2011, la fille du cheikh se dit fatiguée de la politique, des accusations à son encontre de « double discours ». Elle préfère désormais répondre aux « questions d’ordre philosophique ». Mais où est donc passée Nadia Yassine ? S’interroge la presse marocaine en 2011 qui constate son retrait médiatique, voire son retrait de la vie politique. Fatiguée du harcèlement , des rumeurs à son encontre ? En juin 2011, en plein Printemps arabe, des photos supposées « compromettantes » circulent sur Internet : Nadia Yassine aurait une relation extraconjugale. L’histoire fait sourire les Marocains habitués aux méthodes de basse police du royaume (à chacun un crime adapté : scandale sexuel pour les islamistes, trafic de drogue pour les jeunes du Mouvement du 20 Février…). Mais on ignore de quelle manière elle a ou non affecté Nadia Yassine. Omniprésente durant des années dans les médias internationaux, elle s’est faite depuis beaucoup plus discrète, jusqu’à quasiment disparaître.

En décembre 2012, elle ne fera qu’une brève apparition à la mort de son père. L’enterrement rassemble alors plus de cent mille sympathisants. Le mouvement lui-même se montre plus discret depuis l’arrivée des islamistes du PJD au pouvoir en novembre 2011 et son retrait quelques semaines plus tard des manifestations du 20-Février (mouvement contestataire issu du Printemps arabe).

Si l’attitude d’Al Adl Wal Ihsane (AWI) semble quelquefois ambiguë à l’égard de ses frères du PJD, celle de Nadia Yassine reste beaucoup plus sévère. Elle, n’attend rien de l’expérience PJD, islamistes institutionnalisés « à la solde du pouvoir », et l’exprime sans ambages. En 2008 déjà, elle irritait les péjidistes déclarant que les résultats obtenus par le parti faisaient l’objet d’  « entente préalable avec le ministère de l’Intérieur ». « Tout le monde sait que les élections législatives de septembre 2007 ont été falsifiées » s’exclame-t-elle en mars 2008, sur les ondes de la BBC. De quoi fortement titiller les barbes péjidistes. Des militants du parti avaient alors interpellé la Jamaâ pour faire taire cette « grande gueule ». Nadia Yassine ne croit pas plus à l’alternance islamiste PJD qu’elle n’a cru hier à l’alternance socialiste d’Abderrahman el-Youssoufi (2), « paillasson du Makhzen » (sic). Pour elle «  le régime cherche toujours du sang nouveau qui prolongerait sa durée de vie » analysait-elle déjà le 18 décembre 2006 dans le magazine marocain Al Michaal. Ces alternances illusoires, sans pouvoir réel, permettraient donc de faire durer un peu plus un régime dont les jours sont comptés. Aussi comme beaucoup d’observateurs de la vie politique marocaine, Nadia Yassine avait prévu la victoire du PJD aux élections suivantes « avec la bénédiction de l’Etat ». Par ses prises de position radicales, Nadia Yassine agace souvent autant les partisans PJD qu’une partie de son organisation. Ainsi, par exemple, lorsqu’en en 2005, elle déclarait sur la BBC « les musulmans ont infligé une terrible injustice aux femmes au nom de l’islam ».

En 2013, Abdellah Chibani, mari de Nadia Yassine, intègre la direction du mouvement, le Conseil d’Achoura (sorte de bureau politique, composé de 15 membres). Mais Nadia Yassine reste toujours absente des médias.

Ces tensions et querelles incessantes au sein du mouvement expliqueraient-elles son retrait aujourd’hui de la vie politique ? Certains disent que Nadia Yassine aurait demandé à être dispensée de ses responsabilités au sein de la Jamaâ, notamment des instances féminines; voire qu’elle aurait totalement quitté le mouvement, ce que Fathallah Arsalane, porte-parole de AWI, n’a jamais ni infirmé ni confirmé. Pour Omar Iherchane, membre du Secrétariat Général du Cercle Politique, il ne s’agit que d’un « retrait médiatique ». Nadia Yassine rejette en effet toute demande d’interview et refuse de répondre aux questions afférentes à sa place actuelle au sein de l’organisation. Mais beaucoup doutent de la voir quitter totalement le mouvement fondé par son père.

Une participation exclue

Dans son fonctionnement, ses mécanismes de désignation, son projet, le mouvement reste opaque, comme à l’époque de sa clandestinité. Toutes ces interrogations nourrissent les spéculations sur un différend existant entre Nadia Yassine et Fathallah Arsalane. Dans son rapport rédigé pour le compte de l’influent think-tank WINEP (The Washington Institute for Near East Policy) (3), l’analyste Vish Sakthivel explique que les personnalités féminines seraient moins valorisées aujourd’hui que sous l’ère Yassine. Elle fait état aussi d’importantes tensions internes depuis la mort de son leader historique, à l’image des oppositions entre Arsalane et Yassine. Des tensions atténuées par la nomination en décembre 2012 de Mohammed Abbadi comme secrétaire général, mais qui semblent avoir durablement miné le moral des troupes, le fonctionnement interne, la stature publique du mouvement et même les adhésions féminines (40% des adhérents seraient des femmes). Le mouvement a toutefois survécu à la mort de son leader. Mais questionné par l’arrivée au pouvoir des islamistes du PJD, il doit faire face aujourd’hui au départ de ses militants les plus impatients, certains de plus en plus tentés par un islamisme participationniste. Sur ce point, Nadia Yassine n’a jamais transigé. Rien de possible avec une constitution émanant « non pas de la souveraineté populaire mais d’une commande régalienne », un Parlement « expression même de la confiscation du pouvoir législatif par le pouvoir exécutif », « une majorité préfabriquée », « des lois qui se font ailleurs… ». Pour Nadia Yassine, une participation au pouvoir relèverait tout simplement de la « bouffonnerie ».

Yann Barte

(1) : Terme populaire pour désigner le pouvoir royal et ses élites.
(2) : 1er ministre du 14 mars 1998 au 6 novembre 2002
(3) : Rapport de WINEP « Al-Adl wal-Ihsan, Inside Morocco’s Challenge »:
https://www.washingtoninstitute.org/uploads/Documents/pubs/PolicyFocus135_Sakthivel_v2.pdf

« LA FERME DES TERRORISTES »

« La Ferme des Terroristes »

07.12.2015 La rédaction

Dans une enquête du Monde, Ariane Chemin et Elise Vincent ont décrit la « ferme des terroristes ». Une baisse de l’Ariège habitée par Olivier Corel, qui a croisé le chemin de nombreux djihadistes venus se cultiver comme Fabien Clain qui a revendiqué pour Daesh l’attentat du Bataclan, Sabri Essid ou encore Mohamed Merah. Olivier Corel, islamiste syrien est devenu français en 1983.Olivier Corel a son arrivée en France est un fidèle de la mosquée de Bellefontaine de Toulouse. Il deviendra responsable des Frères musulmans syriens en France et président de la section toulousaine de l’association des étudiants islamiques de France (AEIF). Ces deux derniers points ne sont pas mentionnés dans l’enquête.

BASSIMA HAKKAOUI

Bassima Hakkaoui

06.12.2015 La rédaction

Bassima Hakkaoui nait en octobre 1960.

Elle est diplômée en psychologie sociale.

Bassima Hakkaoui est députée du Parti de la justice et du développement (PJD) depuis 2002.

Elle est présidente de l’organisation des femmes de la Justice et du développement.

Au Parlement, Bassima Hakkaoui critique la présence de Shakira au festival Mawazine, jugée «suggestive et érotique» et demande l’annulation du festival.Elle s’oppose à la réforme de la Moudawana.

En 2011, elle répond au site Maghress *.

« Est-ce qu’un jour votre mari s’est plaint de vos occupations au sein du parti ainsi que de votre travail associatif?
Ecoutez, mon mari est un homme cultivé et très compréhensif vis-a-vis de mon travail en tant que membre du PJD et mon travail dans le champ associatif. Il se peut que je sois négligente, mais cela n’a aucun impact sur ma vie privée. À la maison, je suis une épouse qui accomplit parfaitement ses devoirs conjugaux. »

Depuis le 3 janvier 2012, elle est ministre de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement social et sera l’unique femme du gouvernement Benkirane I. En mars, Amina Filali est violée puis mariée à son violeur. Elle se suicidera. La ministre refuse de modifier la loi et déclarera :

« Parfois, le mariage de la jeune fille à son violeur ne lui porte pas un réel préjudice ».

L’opinion publique marocaine est scandalisée. Lors d’une conférence de presse à l’Hotel Royal Mansour avec le violeur, elle expliquera que le discours d’Amina « manquait de crédibilité » (17 mars 2012).  Un an plus tard, Bassima Hakkaoui prétendra qu’elle n’a jamais soutenu le mariage de la jeune fille à son violeur . Ce qui ne l’empêchera pas d’égratigner les associations féministes « portent atteinte à l’image du Maroc à l’étranger par leur mauvais usage des cas de viols des enfants et le mariage de mineurs »*.

Au delà de ce drame, Bassima Hakkaoui est la  ministre qui focalise le plus de critiques. Selon l’Economiste*, premier quotidien économique du Maroc, « ses projets se heurtent à l’opposition du tissu associatif, censé travailler avec elle la main dans la main ».  Pour plusieurs ONG, le projet de Bassima Hakkaoui reflète «l’idéologie conservatrice de son parti» et se contente de multiplier les annonces. Dans Tel Quel *Fouzia Assouli, présidente de la Ligue démocratique des droits des femmes, rappelle et déplore « la propension de la ministre à exclure la société civile lorsqu’il s’agit delaborer des programmes ou des projets de loi en faveur des femmes ». Une propension dont on voit les conséquences sur plusieurs projets qui ont été abandonnés ou vidés de leur substance. (égalité homme-femme, aide aux handicapés, protection sociale…) Ou encore lorsqu’elle nie, sur Al jazira, le problème des enfants des rues au Maroc : “ce sont les matchs de foot qui attirent ces enfants, qui restent coincés dans la ville faute de moyens pour rentrer chez eux”.*

PJD – PARTI DE LA JUSTICE ET DU DÉVELOPPEMENT (MAROC)

PJD – Parti de la Justice et du développement (Maroc)

05.12.2015 La rédaction

Le Parti de la justice et du développement existe depuis 1998, mais sa structure existe sous un autre nom depuis le milieu des années 60.

L’ancêtre du Parti de la justice et du développement a été créé avant 1967 par Abdelkrim El Khatib : le Mouvement populaire démocratique constitutionnel. Pendant longtemps ses activités ne sont pas connues, mais le parti se veut la vitrine respectable du Mouvement Unité et Réforme, un conglomérat d’individus ayant plus ou moins abandonné la lutte armée de la Chabiba Islamiya.

PJDPICT

Abdelkrim El Khatib, fondateur du groupe est Frère musulman et fait référence à Hassan Al Banna mais il est aussi proche du palais. Ses membres ne sont pas inquiétés. Pourtant, comme le rappelle Mohamed Louizi,  au lendemain de son décès en 2008, le bureau de la guidance-suprême de la confrérie en Egypte s’est empressé celui rendre un hommage appuyé. Le guide-suprême de l’époque, Mohamed Mahdi Akef, déplora la mort du fondateur de la branche des « frères » au Royaume Alaouite.

Le Parti de la justice et du développement naît en réalité de la protestation des militants du Mouvement populaire démocratique constitutionnel.

Aux élections législatives de 1997, le Mouvement populaire démocratique constitutionnel obtient neuf sièges. Protestant contre les fraudes électorales, les militants du Mouvement refusent de participer au gouvernement et changent de nom. C’est la naissance du  « Parti de la justice et du développement » qui se place d’emblée comme un parti d’opposition. Le PJD se présente ainsi : « parti politique national qui œuvre, à partir de la référence islamique, dans le cadre de la royauté constitutionnelle établie sur la commanderie des croyants ».

Le changement de titre ne diminue aucunement les liens idéologiques avec la maison mère égyptienne. Benabdellah El Ouggouti cofondateur de la MPCD en 1967, est très clair avec les nouveaux députés :

« Chers frères, vous êtes les héritiers du mouvement salafiste qui est né du mouvement nationaliste qu’avait fondé les fouqahas (juristes musulmans) dans toutes les régions du Maroc […]. Ce qui était espéré derrière la bataille de la libération du pays, c’était l’établissement d’un état islamique. Néanmoins, la graine que le colonisateur avait laissée derrière lui – en parlant peut-être des forces de gauche – avait empêché cette construction. Aujourd’hui, nous avons une nouvelle chance devant nous pour réessayer, à nouveau, la concrétisation de ce rêve, à travers l’engagement politique de nombreux fils du mouvement du renouveau islamique, que vous êtes. Vous êtes désormais à l’intérieur du ring politique. Une équipe parmi vous a réussi à se faire une place au Parlement. La responsabilité s’est élargie devant vous, je vous souhaite le succès dans ce que vous entreprenez »

Le Parti de la justice et du développement devient le premier parti d’opposition aux élections législatives de 2002, le  (42 sièges).

Dans les discours des intellectuels du Parti comme Mohamed Yatim et Saâdeddine El Othmani commence à émerger le fait que l’état islamique n’est pas forcément le but de l’action politique.

Lors des élections législatives de 2007, le parti arrive en seconde place avec 46 sièges.

L’attentat du 28 avril 2011 à Marrakech met en évidence l’existence de cellules terroristes organisées sur le territoire. Dans les médias, les militants du Parti de la justice et du développement apparaissent comme les partisans du juste milieu. D’autant que depuis les attentats de 2003, le parti a arrondi son discours et cherché à gagner en respectabilité

En novembre 2011, le Parti de la justice et du développement gagne les élections législatives. Il obtient outre 11 portefeuilles sur 31.

  • Abdel-Ilah Benkiran, chef du gouvernement.
  • Saâdeddine El Othmani, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération.
  • El Mostafa Ramid, ministre de la Justice et des Libertés.
  • Lahcen Daoudi, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de la Formation des cadres.
  • Abdelaziz Rabbah, ministre de l’Équipement et du Transport.
  • Mustapha El Khalfi, ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement.
  • Abdelkader Amara, ministre de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles technologies.
  • Bassima Hakkaoui, ministre de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement social.
  • El Habib Choubani, ministre chargé des Relations avec le parlement et la société civile.
  • Mohamed Najib Boulif, ministre délégué auprès du Chef du gouvernement, chargé des Affaires générales et de la Gouvernance.
  • Idriss Azami Al Idrissi, ministre délégué auprès du Chef du gouvernement, chargé du Budget.

Le 10 octobre 2013, le gouvernement Benkiran II est nommé suite au départ de l’Istiqlal de la Coalition.

La plupart des ministres PJD le restent, hormis Saâdeddine El Othmani, ministre des affaires étrangères .

Depuis la destitution de Mohamed Morsi en Egypte, les militants du parti insistent qu’ils sont plus Marocains que  Frères musulmans afin d’éviter d’être pris pour des membres de l’organisation. Lors d’une réunion, le 15 novembre avec les membres de la jeunesse du PJD, le premier ministre Abdelilah Benkirane insiste pour que l’idéologie des Frères musulmans soit rejetée et «d’établir une barrière entre la méthodologie des Frères musulmans et celle du PJD et du Mouvement Unicité et réforme (MUR)». (Tel Quel, 17 novembre 2015 *)

Voir notamment:

Mohamed LouiziPourquoi j’ai quitté les Frères musulmans, Michalon. (à paraître en janvier 2016)

Cet article est également disponible en العربية et English.

« L’OPÉRATION MARTYRE RÉJOUIT ALLAH ! »

“L’opération martyre réjouit Allah !”

25.11.2015 Fiammetta Venner

Le Conseil européen de la Fatwa et la recherche a été officiellement inauguré à Londres les 29 et 30 mars 1997. Un recueil de ses Fatwas a été préfacé par Tariq Ramadan et publié par l’UOIF. Youssef Al Qaradhawi l’a dirigé. On pouvait y trouver  Rached Ghannouchi, Fayçal Mawlawi, Abdoullah Ibn Youssouf al-Joudai, Ahmed al-Rawi, Mustafa Ceric ou Youssouf Ibram.  

Il nous a semblé important de revenir sur les distinctions opérées en 2003 par le Conseil (dominé par la Confrérie) entre les différentes formes de terrorisme. Celles qui seraient légitimes et celles qui le seraient moins.

Le 28 juillet 2003, le Conseil européen pour la Fatwa, réuni à Stockholm pour sa 11ème session, a émis un avis qui commence par distinguer plusieurs formes de terrorisme : « le terrorisme colonialiste, le terrorisme d’État, le terrorisme international, le terrorisme politique, le terrorisme permis par la loi islamique, celui qui ne l’est pas, et les opérations martyres ».

Bien entendu, cette nouvelle catégorisation sert à refuser de classer les « opération martyres » parmi les actions terroristes : « Les opérations martyres perpétrées par les factions palestiniennes pour résister à l’occupation sioniste n’entrent en aucun cas dans le cadre du terrorisme interdit, même s’ils se trouvent des civils parmi les victimes ».

Cela pour plusieurs raisons que nous reproduisons au maximum dans leur intégralité. Les coupures ne sont là que pour faciliter la lecture et ne modifient en rien le fond :

«  En premier lieu, vu la nature colonialiste et raciste de la société israélienne qui a naturellement tendance à l’occupation et [l’usurpation], [on peut dire qu’il] s’agit bien là d’une société militaire. Tous ceux qui ont passé le cap de l’enfance, les femmes comme les hommes, sont incorporés à l’armée. Chaque Israélien est un soldat de l’armée, soit par son statut, soit parce qu’en tant que soldat de réserve, il peut être appelé à n’importe quel moment à la guerre. C’est là un fait qui n’a pas besoin d’être prouvé. Les soi-disant ‘civils’ sont des ‘soldats’ de l’armée des fils de Sion ».

« Deuxièmement, la société israélienne possède une caractéristique unique qui la différencie des autres sociétés : c’est une ‘société d’envahisseurs’ non originaires de la région, venus de Russie, d’Amérique, d’Europe ou de pays d’Orient pour occuper la Palestine et s’y implanter. (…) Les victimes de l’invasion ont le droit de lutter contre les envahisseurs par tous les moyens dont ils disposent afin de les chasser de leurs habitations et de les renvoyer chez eux. (…) Ceci entre dans le cadre du djihad par nécessité, selon l’appellation des guides religieux, et non du djihad par choix. (…) La mort d’enfants innocents au cours de ce djihad n’est pas préméditée, mais résulte des impératifs de la guerre. (…) Même avec le temps, des soi-disant ‘civils’ [israéliens] ne cessent pas d’être des envahisseurs, des oppresseurs malfaisants et tyranniques ».

« Troisièmement (…), la loi islamique précise que le sang et la propriété des personnes du Dar al-Harb ne sont pas protégés. En luttant contre les musulmans, ces personnes perdent le droit à la protection de leur sang et de leur propriété ».

« Quatrièmement, les guides religieux musulmans, ou du moins la plupart d’entre eux, ont établi qu’il est permis de tuer des musulmans si l’armée ennemie se cache derrière eux, se servant d’eux comme boucliers humains, les plaçant au front afin que le feu, les flèches et les lances des musulmans les atteignent en premier. Les instances religieuses ont permis de tuer ces musulmans innocents forcés de se tenir au front de l’armée ennemie (…) car autrement l’armée envahirait le pays, anéantirait sa descendance et ses récoltes. Il n’y a d’autre alternative que de sacrifier certains [de ces musulmans] pour défendre la communauté [musulmane] dans son ensemble. Ainsi, s’il est permis de tuer des musulmans innocents pour protéger la communauté dans son ensemble, il est à plus forte raison permis de tuer des non-musulmans pour libérer la terre musulmane de ses occupants et oppresseurs ».

« Cinquièmement , dans la guerre moderne, toute la société, toutes ses classes et tous ses groupes ethniques sont mobilisés, afin de fournir le carburant matériel et humain nécessaires à la victoire de l’État. Chaque citoyen doit se charger d’une fonction. Tout le front domestique — professions libérales, travailleurs et industriels — se tient derrière l’armée combattante, sans nécessairement porter les armes. C’est pourquoi les spécialistes affirment que l’entité sioniste forme en réalité une armée ».

« Sixièmement, il existe deux types de Fatwas : les Fatwas à appliquer en situation de calme ou le choix est permis, et les Fatwas à appliquer en situation de détresse et de nécessité. Il est permis à un musulman, en cas de nécessité extrême, de faire ce qui lui est interdit en temps de choix. (…) Ainsi, l’un des guides religieux a adopté la règle qui veut que : ‘la nécessité autorise les interdits’. Nos frères en Palestine sont, sans l’ombre d’un doute, dans l’extrême nécessité de ces opérations martyres visant à repousser les usurpateurs ennemis et à semer l’horreur dans leur cœur afin qu’ils s’en aillent, qu’ils retournent d’où ils viennent. (…) Quelle arme peut atteindre l’ennemi, l’empêcher de dormir, lui ôter le sentiment de sécurité et de stabilité, si ce n’est celle de ces bombes humaines — un jeune homme ou une jeune femme qui se fait sauter au milieu de l’ennemi ? Voilà une arme que l’ennemi ne possédera jamais, même si les États-Unis lui accordent des milliards et les armes les plus puissantes, car c’est là une arme unique, qu’Allah a placée entre les seules mains des croyants. C’est une forme de justice divine sur terre. (…) C’est l’arme avec laquelle les faibles miséreux affrontent le puissant tyran. (…) Ceux qui s’opposent aux opérations martyres et les qualifient de suicides commettent une grande erreur. Le but de l’auteur d’une opération martyre n’a rien à voir avec le but de celui qui se suicide. Quiconque considère ces deux âmes s’aperçoit de l’immense différence qui existe entre elles. [L’auteur du] suicide se tue pour se tuer, parce qu’il a échoué dans les affaires, en amour, son examen, ou quelque chose de cet ordre. Il était trop faible pour affronter la situation et a choisi de fuir la vie pour la mort. Contrairement à lui, l’auteur d’un attentat suicide ne pense pas à lui-même. Il se sacrifie pour un but supérieur, face auquel tous les sacrifices deviennent insignifiants. Il se vend à Allah en échange du Paradis. Allah a dit: ‘Allah a acheté leurs âmes et leurs biens aux croyants parce qu’ils hériteront le Paradis’. Alors que [l’auteur du] suicide meurt pour fuir le monde, celui qui exécute une opération martyre meurt en allant de l’avant et en attaquant. Contrairement au suicide, qui a pour seul objectif d’échapper au conflit, l’opération martyre a un but précis, qui est de réjouir Allah ».

On comprend que cette Fatwa figure en bonne place sur le site Internet du Hamas, mais a-t-elle bien sa place dans un Conseil prétendant représenter l’islam d’Europe ?

Non seulement, un tel Conseil radicalise les musulmans européens mais il n’a aucune chance de modérer les autres musulmans puisque ses avis ne concernent que les Européens. Sert-il au moins à lutter contre les amalgames « islam = barbarie » ? C’est la question posée en 2002 par Martine Gozlan à Fouad Alaoui : « Ce conseil de la Fatwa afin d’éviter les amalgames entre la barbarie et l’islam a-t-il condamné des pratiques comme la lapidation, la flagellation, l’amputation ? » La réponse d’Alaoui est clairement décevante : « Ce n’est pas son rôle. Ce Conseil ne s’exprime que sur les pratiques de l’islam en Europe. Il ne rentre pas dans les affaires de tel ou tel pays »[1]. Un peu plus loin, il dira même qu’« il n’est pas de l’intérêt d’une instance musulmane de se positionner contre tel ou tel État ».

[1] Propos recueillis par Martine Gozlan, Marianne, 7 au 13 janvier 2002.

Texte en partie issu du livre de Fiammetta Venner, Opa Sur l’Islam de France, Calmann Levy.

HANI RAMADAN SUR LES ATTENTATS : « COMMENÇONS PAR SURVEILLER LE MOSSAD »

Hani Ramadan sur les attentats : “Commençons par surveiller le Mossad”

22.11.2015 La rédaction

Quand le prédicateur islamiste Hani Ramadan commente les attentats terroristes, la théorie du complot n’est jamais loin.

« Nous rappelons que les citoyens d’un Etat de droit méritent que les enquêtes se poursuivent dans la plus complète transparence pour déterminer qui sont les véritables coupables et commanditaires de ces crimes odieux » écrivait Hani Ramadan au lendemain des attentats du 13 novembre 2015.

Très rapidement pourtant, les scrupules du directeur du Centre islamique de Genève vont s’évanouir. Dès le 18 novembre, Hani Ramadan-Sherlock Holmes est en effet en mesure de conclure – déjà – que « l’islam n’a rien à voir avec tout cela ». « Commençons par surveiller le Mossad » poursuit-il, revenant à l’une de ses obsessions favorites.

Puis, le 19 novembre, au lendemain de l’opération de police ayant conduit à la mort du Belgo-Marocain Abdelhamid Abaaoud, Hani Ramadan s’essaie au questionnement rhétorique, une technique largement éprouvée par les conspirationnistes qui consiste à insinuer l’idée d’une manipulation sans avoir l’air d’y toucher :

« Pourquoi parle-t-on aujourd’hui encore dans les médias et la presse (BFMTV, Libération, etc.) d’Abdelhamid Abaaoud, comme étant le « cerveau présumé des attentats » ? Pourquoi nous répète-t-on que des passeports ont été retrouvés près du corps d’un « kamikaze » ? (…) êtes-vous sûrs que tout a été envisagé pour capturer cet individu vivant ? (…) Et pourquoi toutes ces informations nous conduisent malgré tout à être certains qu’Abdelhamid Abaaoud est responsable des tueries de Paris, conclusion que seule peut établir une enquête judiciaire dans un Etat de droit ? Au final, on a vraiment l’impression d’avoir à faire à une bande de jeunes gens manipulés, à qui on a fourni des armes (?) Mais manipulés par qui ? (…) Ces questions nous semblent être plus que légitimes… Elles n’innocentent en aucun cas ces actions coupables et odieuses, mais elles nous aident peut-être à comprendre qu’il existe des zones d’ombres persistantes qu’il faudra bien éclairer un jour ! »

Mais au fait, que faisait précisément Hani Ramadan le 13 novembre 2015 entre 21h20 et minuit ? Une « zone d’ombre » persistante qu’il faudra bien éclairer un jour…

Article paru dans Conspiracy Watch

DES PARTISANS DE DAESH À BRUXELLES

Des partisans de DAESH à Bruxelles

18.11.2015 La rédaction

Des observateurs ont été surpris par la présence de terroristes dans la capitale de l’Union Européenne. Pourtant ceux-ci n’agissent pas en cachette.

Dans ces images tournées il y a quelques mois, des sympathisants de Daesh prêtent allégeance au Calife au cœur de Bruxelles.

Le reportage est en arabe mais les jeunes intégristes s’expriment en français.

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