L’UOIF organise depuis 33 ans une rencontre annuelle. En 2015, les invités se sont exprimés devant des Rabia, symbole du soutien aux Frères musulmans. L’organisation est sur la liste des organisations terroristes des EAU comme la plupart des organisations des Frères musulmans. L’UOIF qui a longtemps bénéficié d’une bienveillance politique et médiatique qui semble s’écorner peu à peu. Lors de son rassemblement de Lille, l’UOIF avait du décommander plusieurs prédicateurs de haine*.
L’UOIF diffuse par bribes les noms de ces conférenciers, nous mettrons donc cet article à jour dans les heures qui viennent.
Parmi les intervenants :
• Omar Abdelkaffy. Ce prédicateur égyptien expliquait le 18 janvier 2015 que les attaques de Paris étaient la suite du 11 septembre et ne concernait pas les musulmans. « Cette pièce de théâtre, dans laquelle les musulmans sont confinés ad nauseam dans le monde entier, est la suite de la comédie du 11 septembre. Le premier acte s’est déroulé à New York, et la suite a lieu à Paris. » (…) « Mes frères bien aimés, c’est nous qui avons enseigné la miséricorde au monde. Notre prophète Mohammad est le prophète de miséricorde. Très bientôt vous vous apercevrez que les attentats de Paris étaient une comédie, dans laquelle nous n’avons joué aucun rôle. » La notion de la miséricorde selon Omar AbdelKafi est assez floue, mais pleine de promesse comme cette vidéo titrée : « Le judaïsme, le sionisme et la maçonnerie« . Omar AbdelKafy a déclaré qu’il n’était pas Frère musulman mais qu’il les appréciait. Il fait cependant partie de l’Union des savants musulmans de Youssef Al Qaradhawi, ce qui contredit la première moitié de la phrase précédente. Comme d’autres membres plus récents de l’Union des savants musulmans, Omar AbdelKafi fait un usage peu conforme des hadiths, ce qui a amené le journal Al Chourouq à s’interroger sur les motivations du prédicateur. Pendant la présidence de Mohamed Morsi, Omar Abdelkafi a travaillé avec Mohamed Khaled (commission pour le retour des bonnes moeurs). En mai 2012, Omar Abdelkafi est intervenu à la Grande Mosquée de Lyon. Il prêche aussi la Mosquée Qatar Education City.
• Issam Al-Bachir discutera de « Radicalisation : des concepts à corriger ». Partisan d’un loi internationale contre le blasphème de toutes les religions, Issam Al-Bachir n’hésite pas à pousser ses ouailles à un discours plus guerrier. Le cheikh a signé en février 2012 avec nombre de Frères musulmans un appel à rejoindre la lutte armée des révolutionnaires islamistes en Syrie. La même année, sa venue en Belgique avait suscité des débats mais Issam Al-Bachir avait reçu le soutien de Tariq Ramadan. Tariq Ramadan avait même qualifié le cheikh Al-Bachir de « représentant de la voie médiane » et fustigé : « L’ignorance des journalistes »
• Abdallah Ben Mansour. Cofondateur de l’UOIF, proche d’Ennahda, il est désormais président de la FOIE (Fédération des organisations islamiques d’Europe). En 1999, le Conseil d’Etat a rejeté sa demande de naturalisation, bien que on épouse était française. « M. Ben Mansour était en 1995 l’un des principaux dirigeants d’une fédération à laquelle étaient affiliés plusieurs mouvements extrémistes prônant le rejet des valeurs essentielles de la société française » ( Extrait de la décision du Conseil d’État, 7 juin 1999, n° 178449, Ben Mansour.) Mais moins de dix ans plus tard, ce sera Abdallah Ben Mansour qui accueillera Nicolas Sarkozy au Bourget, donnant le tempo des sifflets et des applaudissements. Partisan du voile islamique, Abdallah Ben Mansour expliquera au sujet du voile : « On interdit aujourd’hui aux femmes musulmanes de porter le voile, comme on forçait naguère les juifs à porter l´étoile jaune ». Pour plus de détails sur ses discours lire le portrait qu’Isabelle Kersimon lui consacre.
• Mohamed Ghamgui (Iesh de Paris) : « la citoyenneté et l’histoire musulmane ». Il a été correspondant en France d’une émission de la chaîne Iqraa.
• Hassan Iquioussen. Dans une cassette, « Palestine, histoire d’une injustice », Hassan Iquioussen comparait le Hamas à Jean Moulin et que «Les Juifs ne cesseront de comploter contre l’islam». Des juifs décrits comme «ingrats» et«avares» et qui «ont toujours méprisé les êtres humains». Mis à l’écart pendant quelques mois (en 2004) suite à la révélation du contenu de cette cassette par Cecilia Gabizon (Le Figaro), Hassan Iquioussen est rapidement redevenu une valeur sûre de l’UOIF. La cassette, elle, est devenu un collector, elle n’est plus diffusée. Les magnetos à cassette non plus. En revanche, on la trouve facilement en mp3. Pour lire le décryptage.
• Père Michel Lelong. Très vieux compagnon de route, il expliquait déjà en 1995 dans les colonnes du Monde que les islamistes algériens étaient des interlocuteurs dignes de confiance.
• Mahinur Ozdemir, femme politique belge controversée. En mai 2015 elle a été exclue de son parti (CDH) pour avoir refusé de reconnaître le génocide arménien.
• Sayida Ounissi, députée d’Ennahda en Tunisie, elle n’hésite pas à propos du statut des femmes, à parler de « mythologie bourguibiste » et de « l’instrumentalisation benaliste ».
• Tariq Ramadan (désormais présenté comme « théologien ») et Ahmed Jaballah discuteront de « Comment être bien ensemble? »
• Nisrine Zaibi, élue du Parti Socialiste a été vice-présidente de la région Bourgogne. Elle est aujourd’hui membre de la Commission finances. Elle a relayé le meeting du 6 mars 2015 contre l’islamophobie et le climat de guerre sécuritaire, moins de deux mois après les massacres de Charlie Hebdo. En avril 2015, dans un tweet elle notait que BFM et Itélé parlaient du FN et que M6 parlait des banlieue et en déduisait : « Ces chaînes sont des succursales du FN ».
• Moncef Zenati, prédicateur de Havre du Savoir a traduit plusieurs textes de Hassan Al Banna.
Il a intégré la Confrérie des Frères musulmans, alors qu’il était étudiant.
Abdel Hakim Abdeen était membre du Bureau d’orientation des Frères
musulmans, où il a été secrétaire général des Frères musulmans jusqu’à
la résolution de dissolution en 1948
Abdel Hakim Abdeen avait introduit le système des
visites à domicile entre membre de la confrérie. L’objectif de ces
visites était c de créer une cohésion entre les membres par le lien
social.
Hassan Al-Banna lui a confié la charge d’organiser ces visites. C’était aussi l’occasion d’entrer dans les maisons des Frères et d’identifier les membres de leurs familles et d’échanger avec leurs épouses.
Abdel Hakim Abdeen avait un certain charme, il était d’agréable
compagnie, bon conteur, il avait la capacité de pimenter ses discussions
par des anecdotes et des poèmes qui lui a valu d’être rapidement
accepté par les familles des Frères musulmans et tout particulièrement
par les enfants et les femmes.
Hassan al-Banna, fondateur de la Confrérie des Frères Musulmans et son épouse s’étaient beaucoup rapprochés de lui et sa femme. Sous le charme il lui avait même donné la main de sa sœur.
Le scandale a éclaté en 1945. Certaines femmes ont dévoilé avoir subi du harcèlement et agression sexuelle de la part d’Abdeen.
La colère a gagné les époux des femmes victimes du harcèlement sexuel
et quatre d’entre eux ont déposé une plainte auprès du guide suprême.
Ils accusaient le beau-frère de Hassan El Banna de « pratiques
honteuses et contraires à l’éthique et à la morale musulmane ».
Ils ont demandé à Hassan El Banna de former une commission du Bureau d’orientation pour mener une enquête interne.
La commission a fourni un rapport qui confirmait les agissements de Abdeen qui a tout reconnu. La commission l’a présenté au guide et l’a publié au journal Sawt al-Umma [Parti al-Wafd journal] le dimanche 19/10/1947
Les agressions sexuelles qui avaient été commises par le beau-frère
de Hassan El Banna, à l’encontre des femmes, ont été à l’origine de la
tenue du premier tribunal interne de la Confrérie.
Hassan El Banna a rejeté le rapport présenté par la commission en
déclarant qu’il allait former une autre commission impartiale.
Afin d’innocenter son beau-frère Abdel Hakim Abdeen des accusations de harcèlement et d’agressions sexuelles, le fondateur de la Confrérie des Frères Musulmans n’a pas hésité à désigner un membre de la commission d’enquête interne, Ibrahim Hassan, qui était un membre influant et un cadre important de la confrérie à la place de Abdel Hakim Abdeen tout en l’accusant de vouloir semer la division et de ne pas se soumettre aux décisions de la majorité.
Les membres de la commission ont adressé à Hassan El Banna une lettre lui demandant de condamner Abdeen.
Pour toute réponse le guide suprême, Hassan El Banna, fondateur de la confrérie des frères musulmans et grand-père de Tariq Ramadan, les a exclus de la confrérie pour protéger son beau-frère harceleur et agresseur sexuel.
La nudité pour un yaourt ou le voile pour la “pudeur” .
Le 30 avril 2011, Marwan Muhammad (alors porte-parole du CCIF) avait donné une conférence à la mosquée de Vigneux. Identique aux autres, elle était surréaliste et empreinte de victimisation à outrance. Il n’avait pas seulement parlé des victimes musulmanes dignes de la persécution des juifs dans l’Allemagne des années 30. Musulmans qui auraient pourtant, d’après lui, vocation à diriger le monde puisque étant une communauté supérieure [1]. Il n’avait pas non plus uniquement dénigré les musulmans modérés. Il avait également instillé l’idée de l’impudeur des femmes de culture française et exposé sa vision rétrograde du rôle de la femme musulmane. Il passe pour cela par un biais assez surprenant mais qui est sa marque de fabrique qu’il place partout, la persécution de l’islam et des musulmans éternellement victimes :
« Pourquoi est-ce l’islam qui est visé ? Y a plein de raisons idéologiques qui expliquent que c’est l’islam qui est visé et pas une autre religion. (…) On a des problèmes idéologiques avec l’islam, et on est ok pour parler de ça. »
L’islam n’est pas plus visé que les autres religions. Mais ses fidèles intégristes, de courants islamistes divers, souhaitent banaliser et imposer un islam rigoriste, avec toutes les conséquences rétrogrades que cela implique, contre ce qu’ils perçoivent être des « valeurs occidentales ». Ils sont ainsi bien plus bruyants que les intégristes des autres religions. Que ce soit sur les réseaux sociaux, en librairie, dans le prosélytisme de terrain ou en politique. Sans oublier qu’une partie d’entre eux n’hésite pas à prendre directement les armes.
Cela sert effectivement de prétexte à l’extrême droite pour lutter contre les musulmans en général. Mais il faut avouer qu’elle est bien aidée par les islamistes. Il est donc normal que les laïcs et féministes se dressent contre cela, justement par équité de traitement envers les autres religions. La lutte contre l’intégrisme catholique a été bien plus virulente il y a plus d’un siècle que celle contre l’intégrisme musulman aujourd’hui. Et nous ne manquons pas de nous dresser face aux soubresauts de l’intégrisme catholique dès qu’il se manifeste. Mais Marwan Muhammad a eu maintes occasions de démontrer ses lacunes et sa vision particulière de l’Histoire. Toutefois, avec sa dernière phrase, on s’attend justement à ce qu’il évoque le terrorisme, l’instrumentalisation de l’islam à des fins politiques, la “salafisation” de l’islam qui ramène cette religion vers le passé plutôt que de la faire avancer. Tous ces “problèmes idéologiques avec l’islam” instrumentalisé par ses extrémistes qui refusent toute réforme de leur religion. Mais il n’est évidemment pas question de cela. Il n’y a pas d’extrémisme puisque c’est le véritable islam à ses yeux. Voici le problème idéologique selon lui :
« Un problème idéologique c’est que voilà une population qui n’a pas envie de se soumettre. Se soumettre à quoi ? Au mode de vie qui est pratiqué ici. Voilà des gens qui ont dit « non » : « non, ma femme ou ma fille ne sera pas un objet sexuel dans cette société. Elle ne se mettra pas nue pour vendre du yaourt. » (…) Donc voilà des gens qui apportent une contradiction au mode de vie tel qu’il est pratiqué ici, dans ses extrêmes et dans ses limites. »
Le “problème idéologique avec l’islam” ne viendrait pas de l’intégrisme musulman mais du “monde de vie” français. Il caricature ce mode de vie où les femmes seraient des objets sexuels dont les musulmanes souhaiteraient se protéger. Ce refus de “se soumettre” à notre culture expliquerait pourquoi l’islam serait “visé”. Belle inversion des rôles dont le CCIF est si friand.
La femme musulmane serait donc un individu de pureté et de vertu face à la décadence et au manque de pudeur des femmes de culture française. L’ensemble des Françaises, y compris celles de confession musulmane n’entrant pas dans la conception de Marwan Muhammad et qui se sentent “ici” chez elles, apprécieront.
Personnellement, je ne connais aucun homme qui aimerait que sa femme ou sa fille soit un objet sexuel dans notre société. Rares sont les femmes qui accepteraient de se mettre nues pour vendre du yaourt, ou les parents qui donneraient leur bénédiction. Je n’imagine pas non plus Caroline Fourest ou Élisabeth Badinter se mettre nues pour vendre quoi que ce soit. Je n’ai également jamais entendu parler d’une enseigne qui mettrait une femme nue au rayon frais pour faire la promotion d’un yaourt. Nous pourrions imaginer que cela puisse être le cas au rayon lingerie. Rayon qui serait plus pertinent pour la promotion d’un produit (je précise que je suis ironique). Mais ce n’est pas le cas non plus.
L’exemple de la femme nue pour vendre du yaourt n’est pas une invention. Il fait référence à une pub Danone. Seulement voilà, il n’a pas pu la voir en avril 2011, ni le mois précédent ni même l’année précédente. Puisqu’elle date du début des années 90, soit près de 20 ans auparavant. Cette pub n’a plus été diffusée ni imitée depuis. Et pour cause, les féministes s’étaient énormément mobilisées à l’époque et sont, depuis, toujours très vigilantes à ce type de marketing sexiste mettant en scène une femme nue pour vendre un produit. C’est grâce à cela que la société a évolué et que nous ne voyons plus ce genre de publicité. Même s’il reste encore beaucoup à faire sur le sexisme en publicité bien-sûr.
Mais peu importe pour lui qu’en 2011 cette pub n’existe plus depuis plus de 15 ans. Cette référence n’est pas choisie au hasard. Elle est très prisée par les islamistes depuis longtemps déjà, qui l’usent jusqu’à la corde. Elle fait partie d’éléments de langage construits par les intégristes musulmans afin de désarmer toute opposition laïque et surtout féministe. Parmi ces éléments, on retrouve toute une série de comparaisons : voile/mini-jupe, voile islamique/voile des nonnes, et cette fameuse publicité du yaourt symbole de la décadence occidentale/femme musulmane vertueuse et qui a de la pudeur. Des comparaisons fausses et artificielles que nous pouvons démonter facilement, mais efficaces sur le plan marketing (nombre de citoyens sincères reprennent ces arguments). La dénonciation islamiste de la femme nue pour vendre du yaourt est donc très loin des motivations féministes originales.
Ils extrapolent au maximum ce sujet pour en faire une dénonciation du mode de vie occidental. Cet exemple est systématiquement utilisé pour deux raisons. Tout d’abord, en pointant “le mode de vie pratiqué ici”, Marwan Muhammad crée une opposition entre la culture française et l’islam. Ce mode de vie serait français, pas musulman. Pourtant, “ici” c’est chez lui, c’est chez toutes les personnes à qui il s’adresse. Par ce “ici”, il désigne “eux” et “nous”. Son appartenance est plus communautaire que citoyenne. Il créé ainsi une opposition entre la citoyenneté et le choix (rigoriste) religieux. Si la femme musulmane ne veut pas être un objet sexuel, si elle ne veut pas être impudique comme les femmes de culture française, alors elle ne doit pas se soumettre à ce mode de vie. Elle doit faire le choix de la (vraie) pudeur. Discours culpabilisant parmi tant d’autres pour laisser aux femmes musulmanes le choix entre “l’impudeur” des femmes de notre société et la “pudeur islamique”.
La référence à la pub Danone est incluse dans leur dénonciation du style de vie des Françaises : la liberté de disposer de son corps, la coquetterie, les bikinis, leur indépendance au détriment de leur rôle “naturel” d’épouse et de mère, la trop grande mixité homme/femme, etc. Ceci dans un seul but : faire la promotion du voile, pour se démarquer et se protéger de cette décadence au profit du rôle spécifique qu’est censé avoir la femme musulmane. Voile qui fait pourtant de la femme un objet sexuel bien plus encore que le marketing sexiste.
Il est vrai que dans les deux cas (le marketing sexiste et le voile) on chosifie la femme. Mais la comparaison s’arrête là. La pub sexiste est considérée par les féministes comme un dérapage qu’il faut stopper car dégradante pour l’image de la femme. Idée globalement admise aujourd’hui par la société. De plus, elle n’a pas vocation à pousser les femmes à se mettre systématiquement nues pour manger un yaourt, que ce soit en privé ou en public. Et encore moins, contrairement à ce que dit Marwan Muhammad, à pousser toutes les femmes à se mettre nues pour en vendre.
Le voile, lui, n’est pas considéré comme un dérapage sexiste par les islamistes mais comme une norme devant se standardiser pour toutes les femmes musulmanes vertueuses, en privé (si elles sont en présence d’un homme qui n’est pas leur mari ou de leur famille) et en public. Ceci afin de maîtriser (voire éviter) leur émancipation, qu’elle soit sexuelle par la maîtrise de leur corps, ou sociale par la maîtrise de leur destin loin de toute contrainte rigoriste. Par ce voile, elles deviennent des objets. La pureté et la vertu ne concerne que leur corps et leur sexualité. Leurs qualités humaines et leurs compétences sont secondaires. Ce qui se passe entre leurs jambes est plus important que ce qui se passe dans leur tête ou dans leur coeur. La réputation, que seules les filles et non les garçons portent sur leurs épaules, est un des baromètres mesurant la pureté et la vertu. Il faut cacher leur peau et leurs cheveux pour rendre les victimes responsable de la tentation de leurs bourreaux potentiels. Elles sont ainsi des objets sexuels qu’il faut protéger de la convoitise des hommes en les empaquetant derrière un voile. C’est pour cela que les islamistes les considèrent comme des “perles” ou des “bijoux” dont le voile serait leur “écrin”. Le côté précieux de l’objet est censé faire mieux passer la pilule. C’est aussi pour cela que les femmes voilées préfèrent en général refuser un travail ou une formation plutôt que d’ôter leur voile. Comme je l’ai dit, l’objet sexuel théorique qu’elles représenteraient passe avant l’aspect intellectuel réel de leur cerveau.
Ainsi, d’un côté nous avons le refus des pubs sexistes par une part toujours plus grande de la société qui les considère comme négative pour l’image de la femme. De l’autre nous avons la promotion du symbole du sexisme par les islamistes qui le considèrent comme positif pour l’image de la femme musulmane. Cet argumentaire est donc une inversion totale de la situation et des valeurs puisqu’il chosifie justement la femme à l’extrême en en faisant un objet sexuel par essence. C’est pour tout cela que le recours à cette publicité sexiste est un prétexte pour dénoncer un mode de vie en général qui devrait être remplacé par le seul mode de vie valable : le rigorisme islamiste, au moins pour les “bonnes” musulmanes.
L’ensemble des idéologues islamistes a ainsi recours à cette rhétorique. L’un des premiers fut l’Égyptien Sayed Qutb, l’un des idéologues les plus durs des Frères musulmans. Il a vécu aux États-Unis entre 1948 et 1950. Il avait été choqué de voir le style de vie des américains, notamment des femmes : Les Américaines savent que la séduction réside dans les seins ronds, les fesses pleines, les jambes bien formées ; et elles montrent tout cela et ne le cachent pas. [2] Il faut quand même se souvenir que la société américaine de l’époque était encore plus puritaine qu’aujourd’hui. Il ne dénonce donc pas la nudité au sens propre, mais les tenues vestimentaires des femmes (des années 40), pas assez couvertes à son gout, et une mixité trop présente pour son espace vital. Il a très mal vécu la proximité entre hommes et femmes dans tous les aspects de la vie quotidienne. Tout ceci l’a dégoûté du mode de vie pratiqué là-bas. Au point que, à la suite de cette expérience et dès son retour en Égypte, il commença à prêcher pour un islam purifié à l’extrême de toute influence et innovation. Le refuge communautaire rigoriste était censé protéger les musulmans de ce mode de vie étranger. Son radicalisme le poussa à militer avec ses amis Frères musulmans pour que les Égyptiennes, et toutes les musulmanes, se voilent. Cela avait bien fait rire Nasser et son auditoire [3]. Mais nous rions moins aujourd’hui.
Sayed Qutb était un étranger résidant aux États-Unis qui souhaitait éviter une telle “contamination” dans son pays, et plus largement dans le monde musulman. Or, Marwan Muhammad est français et s’adresse à des citoyens français. Cette volonté de se mettre à part, de ne pas adopter notre “mode de vie”, est similaire aux motivations de Qutb : les musulmans sont purs. Ils savent ce qui est bien ou mal car ils font partie d’un peuple supérieur désigné par Dieu. Cette pureté de la Oumma (communauté transnationale musulmane au-dessus de toute citoyenneté nationale) ne doit pas être contaminée par des modes de vie nationaux bien trop décadents lorsqu’on souhaite revivre la belle époque des tribus bédouines au Moyen-Age.
La référence plus précise à la pub Danone pour faire avancer la dénonciation frériste du “mode de vie pratiqué ici” est aussi utilisée par de nombreux prédicateurs intégristes. C’est par exemple le cas de Hassan Bounamcha, un prédicateur salafiste de référence qui officie régulièrement dans les mosquées intégristes, comme celle de… Vigneux. Il a eu l’occasion à maintes reprises de donner son opinion sur notre mode de vie. Marwan Muhammad est en accord avec lui, mais H. Bounamcha emploie un vocabulaire plus direct :
Tu ne t’habilles pas pareil quand tu es en France que quand tu es au pays. Pourquoi ? Parce que la société est beaucoup plus préservée, protectrice, est beaucoup plus forte, pieuse. En France, le vice est une nature humaine, mais qui est facilité par les médias (…). Wallah je le pense de tout mon cœur : comment voulez-vous vivre dans une société comme ça, quand vous sortez dans la rue vous voyez tout ce que vous voyez, dans les panneaux publicitaires, quand vous regardez la télévision vous voyez tout ce que vous voyez dans la publicité ? Pour vendre du beurre ils mettent une femme nue. Pour vendre une mobylette, une femme nue, pour vendre un micro-onde une femme nue ! (…) Si tu n’as pas de pudeur, fait ce que tu veux. (…) Vous sortez dehors et vous voyez que c’est normalisé. Quand j’étais petit on vivait à Djerba. Une fois on a invité des touristes qui sont venus manger chez mes parents. Les gens du sud sont très très conservateurs. Même ma mère quand elle s’habille on voit à peine son œil. Et quand elle sort dehors, elle a des valeurs, elle ne montre pas ses formes, elle fait attention. La catastrophe est que quand j’ai invité ces gens-là, ils sont venus et elle est venue en short, allah ouakbar. Ouh ! Le vice ne peut pas s’installer facilement quand il y a des valeurs. (…) Le vice que vous vivez “ici” en France il est obligé d’être présent. Car malheureusement, certaines personnes sont inconscientes du mal qu’il y a. (…) Dans quelle position je suis quand cette femme, avec son mari, est entrée devant mes parents en short ? Chez nous c’est une honte, mais chez eux c’est normal, normal, normal. (…) Il faut que nous raisonnions en tant que musulmans et musulmanes. (…) Pourquoi il y a le vice ? Parce que nous avons un ennemi, c’est le sheitan (le diable). (…) Vous avez vu certaines personnes qui s’habillent de façon attirante ? Comment elles marchent dans la rue ? Elles marchent d’un côté, puis de l’autre côté. Est-ce que c’est une démarche normale ? Wallah elle n’est pas normale. Quand une femme sort de chez elle, il y a le Sheitan qui l’attend devant la porte, avec un ange. Si elle sort d’une façon pieuse, c’est l’ange qui va avec elle. Mais si elle sort de façon décadente, c’est le Sheitan qui vient. [4]
Il est clair qu’on ne lui donnera pas “le pin’s du musulman modéré”, comme l’avait déclaré avec mépris Marwan Muhammad à propos de ces musulmans lors de cette même conférence. Nous avons ainsi une idée plus précise de la pensée de M. Muhammad à propos des Françaises et des “femmes musulmanes”. Il semble que H. Bounamcha est une de ses sources d’inspiration, puisque ces propos ont été tenus plusieurs années avant la conférence de M. Muhammad. Pour avoir une idée plus fine de H. Bounamcha, voici comment il exprime son amour pour les homosexuels : « Vous avez vu le séisme qu’il y a eu dans les années 80 à San Francisco ? C’est la ville dans les années 80, si ma mémoire est bonne, qui représentait 3 millions de gays. 3 millions de gays, d’homosexuels ! 3 millions, c’est un tiers de la Tunisie ! Allah a envoyé un châtiment spécial : tremblement de terre, en quelques secondes des milliers de morts. [5]
Bounamcha se fond si bien dans la vision de l’islam version CCIF que ce salafiste soutient officiellement l’association. Un soutien que le CCIF est fier d’avoir filmé et affiché sur sa page Youtube [6]. Certainement sa manière de “défendre les droits de l’Homme” (il semble que les homos n’entrent pas dans la catégorie “Homme” du CCIF).
Ce prédicateur a une connaissance un peu confuse des publicités (je serais curieux de savoir quelles marques de mobylettes et de micro-ondes ont mis des femmes nues dans leurs pubs pour vendre leurs produits). Mais nous sommes toujours dans l’idée du yaourt. Nous voyons bien que c’est le moyen de pointer du doigt le “manque de pudeur des françaises” au quotidien. Les musulmans sont ainsi appelés à raisonner en tant que musulmans (“chez nous”) et non en tant que français (“chez eux”).
Cet élément de langage doit être répété constamment pour pénétrer les esprits. Et ça marche. Depuis le début des années 2000, je l’ai personnellement entendu un nombre incalculable de fois (avec les comparaisons voile/mini-jupe et voile islamique/voile des nones). Il est également exprimé dans différents témoignages que nous pouvons trouver dans quelques ouvrages sur l’intégrisme musulman. Voici l’exemple d’un entretien avec une salafiste portant le niqab, extrait de Du Golfe aux banlieues: Le salafisme mondialisé, de Adraoui Mohamed-Ali, enseignant-chercheur en sciences politiques :
« Quand une femme veut porter le niqab, on lui interdit, c’est une catastrophe. Mais quand on met une femme nue pour vendre un yaourt, on ne dit rien. C’est un scandale. Il y a confusion entre liberté et libertinage. » [7]
Facebook n’échappe évidemment pas à la règle. De nombreuses pages militant pour un islam rétrograde ont déjà utilisé l’argument de la femme nue pour vendre du yaourt afin de mieux valoriser la femme musulmane (donc contre les “valeurs occidentales” qui ne sont pas son identité) vertueuse sachant faire preuve de pudeur et de piété en cachant son corps honteux derrière un voile.
Par ce martelage, la double culpabilisation surgit encore et toujours. Une culpabilisation sexuelle : « si tu veux être une femme bien, choisis le voile. » Et une culpabilisation religieuse : « si tu veux être une bonne musulmane, choisis le voile ».
Le constat est édifiant. L’argument du yaourt a parfaitement imprégné l’ensemble de la sphère islamiste qui l’utilise régulièrement. Que ce soit dans des prêches, des conférences (les deux ne font souvent qu’un) ou sur internet. C’est exactement le cas avec Marwan Muhammad. C’est en cohérence avec la vigueur de sa mobilisation pour le burkini l’été dernier. Un “vêtement de bain” censé protéger la pudeur des (bonnes) musulmanes.
Il ne va pas jusqu’à dire, comme Hani Ramadan, que les femmes voilées sont précieuses comme des perles et les autres des pièces de 2 euros qui passent de poche en poche. Il ne parle pas non plus du “sheitan” et du “vice”. Il utilise une rhétorique moins directe, plus soft. Il parle du refus du “mode de vie tel qu’il est pratiqué ici”. Pour une fois, il est plus “ramadanien” que franc du collier. Que ce soit Qutb, Bounamcha, Muhammad ou d’autres, à chacun sa façon de le dire pour exprimer la même idée.
C’est pour cela que dans cette stratégie, Marwan Muhammad n’oppose pas directement les Françaises aux musulmanes. Puisque, comme Tariq Ramadan le dit aussi, elles doivent affirmer qu’elles sont françaises (ce qu’elles sont effectivement), mais qu’elles en refusent le mode de vie. Elles doivent reconstruire et modeler la culture de leur pays à l’image de ce qu’est censée être celle de la femme musulmane (c’est-à-dire à leurs yeux celle des tribus bédouines du Moyen-Age), à travers la “pudeur islamique” dont le voile est le symbole.
Les conséquences de tous ces discours sont réelles. C’est au nom de cette pudeur, du refus de ne pas se mettre nue pour vendre du yaourt, qu’il y a une explosion des allergies au chlore dispensant de piscine de nombreuses élèves. Un rapport de l’inspection générale de l’Éducation Nationale remis au ministre de l’Éducation National en juin 2004 (plus connu sous le nom de “rapport Obin”), nous alertait déjà sur la situation dans des quartiers populaires [8] :
« L’EPS fait partie des disciplines pour lesquelles les professeurs se plaignent souvent de manifestations ou d’interventions de nature religieuse perturbant leur enseignement. Beaucoup tournent autour de la mixité, ou de la préservation de la « pudeur » des filles. L’absentéisme et le refus de certaines activités sont de plus en plus fréquents, notamment en piscine et en plein air. Une autre source de tensions réside dans le refus d’un nombre croissant d’élèves (la totalité dans certains collèges) de porter les tenues sportives réglementaires. Les professeurs décrivent alors les diverses innovations vestimentaires, parfois étonnantes, dont ils sont les témoins, souvent de la part des filles, mais aussi des garçons, pour dissimuler le plus possible leur corps. Beaucoup d’élèves préfèrent « un zéro » ou une punition plutôt que de pratiquer une activité ou de la pratiquer en tenue réglementaire. Les dispenses se multiplient et l’existence de certificats de complaisance est massive dans certains quartiers. »
Ces constats ont également été faits dans le rapport Femmes et sports (pages 17 à 19) remis en 2004 au ministre des sports et à la ministre de l’enseignement professionnel. [9]
Ces manifestations sexistes et d’apartheid sexuel ne se limitent pas au sport, comme l’indique le rapport Obin : « Alors que l’on observe de plus en plus souvent des fillettes voilées, les adolescentes font l’objet d’une surveillance rigoureuse, d’ailleurs exercée davantage par les garçons que par les parents. (…) A côté des fréquentations et des comportements, le vêtement est souvent l’objet de prescriptions rigoureuses (…). Dans tel lycée elles enfilent leur manteau avant d’aller au tableau afin de n’éveiller aucune concupiscence. (…) Dans beaucoup de collèges visités, le vêtement des filles, ainsi que leurs « mœurs », sont l’objet d’un contrôle général. (…) Dans le second degré d’une manière générale, de nombreux cas nous ont été signalés de professeurs femmes ayant fait l’objet de propos désobligeants ou sexistes de la part d’élèves. »
C’est la manière qu’ont ces élèves de dénoncer “le mode de vie tel qu’il est pratiqué ici”.
Les tabous autour de la sexualité sont si énormes, perçue comme une telle dépravation, qu’il y a aussi des conséquences à l’école, toujours citées dans ce rapport : « Une [autre] occasion de contestation est fournie par les parties du programme abordant la reproduction, de même que, en marge de cet enseignement, par les séquences d’éducation sexuelle (…). Les raisons invoquées pour s’absenter, refuser l’enseignement ou ne pas participer aux séances d’information sur la sexualité est « l’impudeur » des propos tenus et des images diffusées à cette occasion, ou encore la mixité des cours ou séquences (qui n’est d’ailleurs pas la règle), ou même leur caractère superflu (puisque « les musulmanes restent vierges ».). »
Ce type d’attitudes n’est pas un hasard : « De toute évidence, des organisations religieuses et politico-religieuses « travaillent » ces élèves, parfois dès l’école primaire, ainsi que leur famille, leur milieu social, leur quartier, et tentent pour certaines de les dresser contre l’école, les professeurs (ces « menteurs ») et l’enseignement dispensé. »
J’ai également pu observer l’influence de telles organisations sur les jeunes, notamment avec le discours “on ne vit pas comme les Français”. Les problèmes socio-économiques et la discrimination ont fortement contribué à créer ce ressenti de ne pas être pleinement français. Les intégristes n’ont eu qu’à irriguer et récolter les fruits semés par une stratégie qui peut se résumer en un argument souvent répété : “les Français ne te reconnaissent pas comme un des leurs et ils ont raison. Tu n’es pas français, tu es musulman avant tout.” Marwan Muhammad et ses confrères sont certainement l’illustration la plus flagrante de la réussite du projet islamiste de la génération précédente.
Le rapport conclut que « des organisations, le plus souvent structurées sur le plan international, prospèrent sur ce terreau et assurent à cette nouvelle identité « musulmane » une promotion efficace (…). Le projet de ces groupes ouvertement ségrégationnistes et qui dénoncent l’intégration comme une apostasie ou une oppression, va encore plus loin. Il est aussi de rassembler ces populations sur le plan politique en les dissociant de la nation française et en les agrégeant à une vaste « nation musulmane ». »
Comme je l’ai dit, le CCIF et consort sont certainement l’illustration la plus flagrante de la réussite de ce projet…
Le CCIF est ainsi dans la continuité. Marwan Muhammad estime peut-être que tout ceci est normal. Notre indignation et notre lutte face à cette idéologie serait une attitude “islamophobe”, manifestation d’un racisme postcolonial et de notre impérialisme culturel (et j’en passe).
Ainsi, un des volets de la stratégie victimaire est la suivante : l’islam est victime d’un racisme spécifique car les (vraies) musulmanes refuseraient de se dépraver comme les autres Françaises. “L’islamophobie”, à travers la question du voile, toucherait plus les femmes que les hommes pour deux raisons selon lui :
« D’abord parce que les agresseurs en général sont des lâches, tout simplement. C’est facile de s’attaquer à 3 personnes, à une femme [qui portait un niqab], avec un bébé dans les bras au zoo. C’est facile. Aujourd’hui, s’attaquer aux musulmans ça coûte pas cher et ça rapporte gros. »
Avec le CCIF, toute agression est forcément islamophobe s’il y a un musulman concerné, même si le motif n’a rien à voir. Mais admettons que ce soit réellement une agression en raison de la religion, ce qui dans l’exemple cité est possible. Quel serait l’intérêt des agresseurs ? Ce serait un acte gratuit anti-(extrémiste) musulman punissable par la loi. Qu’est-ce que cela pourrait leur rapporter de si gros, à part la satisfaction d’une pulsion barbare ? Rien. Marwan Muhammad est dans la confusion (volontaire ou non) la plus totale. Il confond une agression condamnable, qui n’est pas représentative de ce que vivent les français musulmans, avec l’instrumentalisation politique et médiatique que certains peuvent faire de la peur de l’islam (avec un gros coup de pouce du CCIF), tout en y incluant les critiques et combats légitimes envers l’islamisme et le voile qui en est le symbole. Ce mélange “est facile, ça coûte pas cher et ça rapporte gros”.
L’autre raison qui expliquerait qu’on s’attaquerait plus spécifiquement aux femmes musulmanes serait ce statut si particulier qui la différencie du “mode de vie pratiqué ici”. Il développe alors sa pensée d’une vision très patriarcale et essentialiste du rôle de la femme musulmane :
« La deuxième raison pour laquelle on s’attaque aux femmes, c’est que la femme c’est le moteur de la cellule familiale musulmane. Qu’on le veuille ou non, j’espère que je ne vais pas vous froisser mes chers frères, mais c’est la maman qui construit cette famille-là. C’est la maman qui fait fonctionner cette famille-là. Nous hamdoullah on travaille dur, on parle à table. Mais c’est elle qui fait fonctionner la famille. Et nous quand on est abimé, quand la journée de travail nous a épuisé ou il y a quelqu’un qui nous a vexé dans la rue ou autre, on rentre à la maison, on va avoir un câlin des enfants, il y a un repas chaud sur la table. Notre femme va nous dire quelques mots de consolation. Au moment où on s’est endormi, on a déjà oublié le problème. Mais une maman qui est abimée, comment on répare ça ? Comment est-ce qu’on console une maman qui est cassé. Comment est-ce qu’on la répare ? Ça ne se répare pas ! Quand la maman est abimée, toute la famille est abimée. C’est pour ça que c’est elle qu’on vise. Parce qu’elle fait l’essence de la famille musulmane. Elle mène l’éducation. C’est elle qui fait cette petite flamme, cette petite vie, cet espoir, cette douceur qu’il y a dans la maison musulmane. C’est elle qui le fait vivre. C’est elle qui l’anime. C’est elle qui, quand tout le monde est fatigué, se lève le week-end pour préparer le petit-déjeuner et laver les enfants, et préparer… faire tout ça. C’est la maman qui fait tout ça. Et si on l’abime elle, alors on abime une génération entière de musulmans.
Avec ce style larmoyant, on aurait dit Charles Ingalls. En remplaçant “musulman” par “chrétien”, on croirait entendre le sermon d’un curé d’une petite paroisse au 14ème siècle. En l’écoutant, je me suis retrouvé en plein cours d’Histoire médiévale. Il est à des milliers d’années lumières du MLF. Ce qui n’empêche pas certaines militantes féministes de cette époque de soutenir aujourd’hui les islamistes… Car sa conclusion lors de cette conférence est ce qui leur parle : s’attaquer aux femmes voilées au nom de la laïcité est plus acceptable que le “racisme d’autrefois”.
Il est clair qu’avec une telle vision du rôle de la femme, il ne vit pas à la bonne époque. Rien d’étonnant à cela et ce n’est pas un problème en soi. Cela relève de ses convictions personnelles, aussi rétrogrades soient-elles. De plus, ce n’est pas une exception islamiste. Les ultra-conservateurs chrétiens, juifs, hindouistes, et même certains athées, ont la même conception du rôle de la femme. Le machisme n’a pas de religion. Même si, lorsqu’il y a enracinement religieux, cela le rend plus difficile à combattre.
Justement, son ultra-conservatisme se transforme en intégrisme lorsqu’il tient ces propos dans ces circonstances. C’est-à-dire qu’il sort ce type de discours de la sphère privée pour l’exprimer publiquement afin de prêcher la bonne parole et d’accuser toute opposition “d’islamophobie” ou de “racisme postcolonial”. Il n’est pas à un diner entre amis dans le cadre de sa vie privée. Il est un prêcheur extrémiste qui intervient dans un lieu de culte, officiellement en tant que porte-parole d’une association défendant le “vivre ensemble” et qui n’appartiendrait “à aucun courant politique, religieux ou idéologique”.
Le “mode de vie pratiqué ici”, même s’il n’est pas parfait, a au moins l’avantage de pouvoir constamment être questionné, critiqué, pour le faire avancer vers plus d’égalité des sexes. Ce qui n’est pas le cas du mode de vie rêvé par le CCIF qui doit rester figé au Moyen-Age et pour l’éternité sous prétexte que ce serait Dieu qui l’aurait décidé. Une femme nue vendant du yaourt me choque. Mais ce sera toujours moins choquant qu’une femme voilée expliquant que son intégrisme est une forme de féminisme. Le 1er sexisme est plus facile à combattre que le second. S’il a fallu une forte mobilisation féministe pour arriver à bout de la nudité d’une femme pour vendre du yaourt, il faudra bien plus d’efforts pour arriver à bout du second. De plus, si le 1er sexisme fait l’unanimité contre lui, le second est plus relativisé, mieux accepté, trouvant des alliés parmi les mêmes personnes qui condamnent le sexisme publicitaire. Si Jean-Frédéric Poisson, président du Parti Chrétien Démocrate, avait tenu les mêmes propos que Marwan Muhammad, en remplaçant “femme musulmane” par “femme chrétienne”, nul doute que tout le monde lui serait tombé dessus ou l’aurait tourné en dérision, à juste titre. Mais lorsqu’il s’agit des intégristes musulmans, ça passe plus tranquillement. Et si les prochains invités de la mosquée de Vigneux étaient Clémentine Autain, Christine Delphy et Edwy Plenel ?
Là est la force du CCIF et de l’ensemble des Frères musulmans. Entre double langage, victimisation, récupération et trahison de nos valeurs, ils réussissent à faire ce qu’aucun misogyne et partisan du patriarcat n’a jamais osé imaginer : avoir le soutien de féministes et d’une partie de la classe politique et médiatique.
On ne met plus en scène une femme nue pour vendre du yaourt. On met en scène une femme voilée pour vendre une idéologie moyenâgeuse, misogyne et totalitaire. L’objet sexuel a encore de beaux jours devant lui.
[7] Adraoui Mohamed-Ali, Du Golfe aux banlieues: Le salafisme mondialisé, Paris, Presses universitaires de France, 2013.
[8] Les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires, rapport présenté par Jean-Pierre Obin, remis au ministre de l’Éducation Nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche en juin 2004.
[9] Rapport femmes et sports, remis au ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Vie Associative et à la ministre de la Parité et de l’Égalité Professionnelle, le 21 avril 2004.Enquête, News
Lundi 31 octobre, ma consoeur Cécile Chambraud, chargée de la rubrique religion et laïcité au Monde, a livré une hagiographie de Marwan Muhammad, actuellement directeur exécutif du CCIF, dans laquelle elle adoube comme porte-voix des musulmans un islamiste patenté. Un exemple de journalisme à ne pas suivre.
Envoyée spéciale à Strasbourg pour un « dîner de gala » sur lequel elle s’attarde longuement, tout à son admiration des formes, C. Chambraud oublie de préciser avec quels fonds l’association invitante a pu dresser « richement » les tables pour « des élégants et des élégantes » venus assister à l’un des séminaires de « défense intellectuelle » dispensés dans tout l’Hexagone par Marwan Muhammad. Défense intellectuelle contre quoi ? Ma consoeur a peut-être oublié de poser la question. Je peux lui fournir la réponse.
Le Collectif contre l’islamophobie en France, par la voix de son directeur exécutif, qui fut aussi son porte-parole, est on ne peut plus clair sur les intentions qui l’animent. Depuis que l’association ADDH existe, c’est-à-dire depuis 2000, fondée par le président Samy Debah, président, donc, du CCIF – le nom et l’objet de l’association ont été changés en 2012, mais le nom CCIF est employé depuis 2003 -, le CCIF n’a eu de cesse de créer de fausses statistiques de l’islamophobie en France, dans le but de faire reconnaître ce concept – diffusé par les Frères musulmans en Europe – et non pas dans celui de défendre les musulmans dans leur ensemble des agressions qu’ils peuvent subir.
Le CCIF n’a jamais pris la défense de femmes musulmanes agressées pour avoir refusé le voilement, ou d’hommes attaqués pour n’avoir pas respecté scrupuleusement le ramadan.
Il prétend, depuis son association communicationnelle avec CoExister, défendre toutes les victimes de racisme ou d’antisémitisme, mais pas un article sur ce thème n’apparaît sur son site, ni sur les pages des réseaux sociaux du CCIF ou de Marwan Muhammad. Peut-être faut-il alos considérer que la présence de ce dernier au « camp décolonial » organisé l’été dernier par la mouvance des « racisés », Indigènes de la République en tête, justifie une telle promotion ?
Pour être « défendu » par le CCIF, il faut être une musulmane portant hijab ou niqab, un musulman orthopraxe, ou rien. Ce pourquoi la stratégie du CCIF a consisté, depuis 2003, lors des premiers débats sur le voilement des mineures qui allait déboucher sur la loi du 15 mars 2004, à affirmer que les femmmes musulmanes sont victimes en France à 80% au moins d’agressions physiques et psychologiques. Ce pourquoi le CCIF, après les tueries de Charlie et de l’Hyper Casher, a concentré ses tirs sur le ministère de l’Éducation nationale, qui se serait livré selon lui à des violences juridiques et policières contre des enfants musulmans. Ce pourquoi le CCIF a bataillé, après les tueries du 13 novembre, contre les perquisitions administratives.
Ma consoeur ignore probablement que le CCIF a frémi à la fin des années 1990, lors de réunions orchestrées sous l’égide de Tariq Ramadan, l’homme qui prône un « moratoire sur la lapidation », qui fut l’invité d’honneur de son premier gala, en 2012, en compagnie de son frère Hani, l’homme pour qui une femme non voilée vaut deux euros.
C. Chambraud dresse un portrait si orienté du propagandiste Muhammad qu’il en est ridicule. Ainsi, l’applaudimètre est au beau fixe. Ainsi, M. Muhammad est rigolo. On croirait lire le compte rendu d’une émission de divertissement. Comment peut-on rester sérieux en apprenant que Monsieur CCIF renverrait à nos compatriotes musulmans une « image restaurée » d’eux-mêmes, lorsque l’image qu’il donne est celle de l’intégrisme ?
Oui, celle de l’intégrisme, car les liens sont établis entre le CCIF et des figures connues du frérisme et du salafisme à la française. Que penser, donc, d’une professionnelle spécialisée en « religion et laïcité » qui méconnaît les idéologie à l’oeuvre dans ces courants de l’islam de France ?
Pour être confortée dans son jugement, ma consoeur interroge… Marwan Mohammed, un sociologue proche… du CCIF, dont le constat qu’il semble faire correspond tout simplement au turn-over médiatique des Frères musulmans : « Il prend peu à peu la place de leadership de l’islamologue Tariq Ramadan ». Outre que Tariq Ramadan n’a d’islamologue que le titre usurpé, oui, Marwan Muhammad (le directeur du CCIF), notamment, est amené à remplacer Tariq Ramadan auprès des médias, un peu grillé, sans doute, par les révélations de Caroline Fourest et Fiammetta Venner. Assurer la vente du frérisme dans les médias ne signifie pourtant pas représenter les musulmans, sans quoi, n’hésitons pas à affirmer que Robert Ménard représente les Français, ou Civitas les catholiques de France.
Au passage, il est à saluer une remarque objective : les hauts cris de cet été sur l’interdiction du burkini n’auront conduit à rien, sauf à asseoir la notoriété du CCIF et à remplir ses caisses. Sur ce point, je rejoins C. Chambraud : les arrêtés et les discours enflammés ont produit un miracle que le collectif n’attendait sans doute pas.
« On a reproché, écrit-elle aussi, à Marwan Muhammad d’avoir tenu – ce qu’interdit l’article 26 de la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat – une réunion à caractère politique dans la mosquée de Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis), fin août, le lendemain du jour où deux jeunes femmes voilées ont été refoulées du restaurant Le Cénacle. » La réponse de l’intéressé vaut son pesant : « Je n’ai rien dit de différent de ce que je dis depuis six ans, commente-t-il. L’islamophobie n’est pas seulement une question juridique. C’est aussi une question de participation politique. »
Si l’on s’en tient à l’absence de commentaire de C. Chambraud à la suite de cette réponse, peu importe la fin pourvu qu’on ait la liesse. Si Marwan Muhammad déclare que l’islamophobie est aussi une question de « participation politique », alors la politique a droit de cité dans les mosquées !
Quant à la « sphère musulmane militante » à laquelle est affilié le CCIF, il s’agit d’une sphère islamiste, celle du blogueur Al Kanz et de l’association salafiste BarakaCity, tristement célèbre pour avoir honoré de sa présence le Salon de Pontoise en septembre 2015, recueillant le fruit de ventes sans tenir de caisse, selon des témoins sur place, et effaçant du trombinoscope sur son site le visage de ses collaboratrices.
Tenue de donner un tantinet la parole à la contradiction, ma consoeur note que les « détracteurs s’étranglent », considérant que nous serions en quelque sorte des fous furieux avalant leur médisance de travers, alors même que les discours dangereux et les manipulations nocives du CCIF sont attestés et circonstanciés. Mais mieux vaut en effet considérer les laïques qui informent, ou le préfet Clavreul, si malmené dans cet article alors même que son travail de terrain apporte une lumière indispensable sur les réalités en France, et alors même qu’il traite avec autant de sévérité les actes antimusulmans que les autres, comme, au fond, de grands jaloux.
L’État français aussi doit être un grand jaloux, que conspue Marwan Muhammad – tout en déclarant chez Thierry Ardisson que la France n’est pas islamophobe -, rappelant l’existence d’une « islamophobie d’État » dont tous les indicateurs enseignent qu’elle est totalement fantasmée.
Le danger d’un tel discours est tel que même Adballah Zekri, pourtant peu avare de critiques envers l’autorité publique, alerte, et ce, dans des propos rapportés dans ce même article : « En ajoutant aux actes antimusulmans les discriminations, on affole les musulmans et on fait passer tous les Français pour des antimusulmans, assure Abdallah Zekri. Attention de ne pas mettre feu à la baraque ! » Le « feu à la baraque », telle est en effet l’ambition du CCIF. Et si A. Zekhri le dit, c’est que le torchon brûle, en raison même de la propagande du CCIF.
Comment s’expliquer, alors, que ce portrait donne de l’intégriste l’image d’un mec sympa, d’un humaniste ? La manoeuvre est aisée : effacez la zebiba (cette marque au front prouvant votre assiduité aux prières) d’un coup de gomme Photoshop, apprenez à vos lecteurs que votre protégé déteste Zemmour ou Copé, et votre protégé sera considéré comme un défenseur des droits de l’homme. Le tour est joué.
Personnalité montante de l’islam en France depuis la parution de son livre Islam de France, l’an I, l’imam d’Ivry-sur-Seine Mohamed Bajrafil est rapidement devenu la nouvelle coqueluche des médias qui lui ouvrent leurs pages d’entretiens et leurs plateaux télé. (ICI, ICI)
Ancien enfant précoce (il connaît par coeur le Coran depuis l’enfance), multidiplômé, incisif et cabotin, il aime à se flatter d’avoir lu tous les livres et de parler un français châtié et précis, résultat de ses études de linguistique. Très sollicité par ses fidèles sur les réseaux sociaux et lors de ses prêches et conférences, il prône un « islam du juste milieu » et les conseille aussi bien sur leur spiritualité la plus haute que sur la longueur de leurs sourcils : « Il est très déconseillé (…) de modifier le corps (…)… Les raser complètement, non, mais peut-être les disposer de manière à ce que (sic) vous plaisiez à votre époux. »
Ce qui séduit chez ce bel homme policé, c’est aussi son talent pour les punchlines et le patriotisme à toute épreuve qu’il affiche volontiers.
Revendiquant lumineusement son salafisme, qu’il qualifie de vrai salafisme, il œuvre à la réconciliation des divers courants de l’islam dans le giron de la France qui, selon lui, applique la charia mieux que n’importe quel pays au monde, au sens où cette dernière générerait in fine le régime politique le plus sage, le plus tolérant et le plus pacifique.
Ce premier article s’attache aux figures de l’islam contemporain auxquelles il se réfère.
Coutumier depuis 2011 des conférences en duo avec Tariq Ramadan, Mohamed Bajrafil affirmait à la mosquée de Vigneux-sur-Seine que celui-ci est « un penseur musulman respectable » bien qu’il ne soit « pas d’accord avec lui sur deux ou trois choses, ou une centaine de choses ». Une prise de distance respectable et suffisamment floue pour que l’on ne sache rien de ce désaccord. Sauf à entendre une explication donnée quatre ans plus tard à l’UOIF : « L’essentiel c’est que je le porte dans le cœur, mais que je sois divergent avec lui sur le plan des idées, parce que c’est ce qui va nous faire avancer. »
Et pour être certain d’être bien compris, il ajoute : « Si vous voulez que l’on soit intellectuellement siamois, on va rester là et faire du sur-place. »
Mohamed Bajrafil ne fait pas de sur-place, effectivement. Il applique la stratégie développée par Tariq Ramadan : « gagner en visibilité ».
« Le Frère Tariq », comme il le nomme affectueusement, ne peut en effet réaliser seul cette tâche : « Il est devenu porte-drapeau (…), mais il faudrait qu’il y en ait 36 000 comme lui pour faire savoir ce qu’est l’islam », déclare-t-il en 2015.
Pourtant, il parvient à persuader du contraire. Comme l’affirme le site FMMonitor, « d’une façon plus générale, il conspue également les intégristes déguisés, l’UOIF, Tariq Ramadan et certains de ses confrères, ajoutant que les jeunes musulmans ne se reconnaissent pas dans l’UOIF. »
Mais Tariq Ramadan n’est pas le seul Frère à bénéficier des faveurs du jeune prédicateur. L’imam d’Ivry, qui engage à l’amour et au lissage des désaccords mineurs et somme toute tellement humains, rend aussi hommage à Youssef Al Qaradawi à de nombreuses reprises. En 2012, il déclare que « c’est un humaniste convaincu avec lequel on peut être d’accord ou ne pas être d’accord » qui « n’est pas contre le peuple ou la religion judaïque ». Il questionne la véracité de l’antisémitisme de Qaradawi et considère qu’il s’agit d’une erreur négligeable, simplement à la mesure du prédicateur : « S’il l’a dit, c’est une erreur. Mais les erreurs des grands hommes sont grandes. » Selon lui, Qaradawi « est un très grand savant, quelqu’un qui a fait énormément de bien à notre communauté ». Et comme à l’accoutumée, il il prêche le juste milieu (« Il n’est pas prophète, donc on prend de lui des choses et on en contredit d’autres ») et la sagesse (« Mieux vaut une mauvaise action dont émanera une prise de conscience et de la modestie qu’une bonne action dont émanera de l’orgueil. Le prophète lui-même l’a dit dans un haddith. Et c’est ça l’esprit de Qaradawi et ce que je veux retenir de lui »), conseillant de « surtout éviter d’être manichéen ».
Mohamed Bajrafil prétend condamner l’antisémitisme : « Celui qui s’oppose fermement à l’importation en France du conflit israélo-palestinien de quelque bord que ce soit, rappelle également que l’antisémitisme est une hérésie. » Mais s’oppose-t-il à cette importation ?
Au sujet de l’antisémitisme de Qaradawi, il déclare en 2012 : « C’est mal connaître Qaradawi que de dire qu’il est contre les juifs et les chrétiens. Par contre, il a des positions claires sur l’occupation des Territoires palestiniens. (…) Plus de 99% des habitants de la planète trouvent la situation palestinienne inacceptable. »
Un an plus tôt, tandis qu’il s’exprime sur la démocratie, il déclare qu’elle « est bonne quand elle opprime les Palestiniens, mais quand ces derniers veulent jouir de la démocratie on leur dit Non » et précise au sujet d’Israël et du Droit international que « des personnes nous donnent des leçons, mais elles n’existent plus dès lors qu’elles sont applicables par un groupe de personnes bien précis ».
Par ailleurs, les mots clés (tags) sur son compte Dailymotion sont les suivants : « Gaza, droit international, politique, colonisation, indigène, Gandhi, Occident … ».
Enfin, il a participé à la Fondation Kawakibi avec d’autres Frères musulmans, mais l’a quittée après qu’elle a reçu des accusations en sionisme, insulte et soupçon suprêmes.
Que doit-on en déduire ?
L’imam d’Ivry défend et promeut des prédicateurs radicaux violemment antisémites.dnan Ibrahim est imam à la mosquée Shura de Vienne (Autriche). Il tente de se bâtir une réputation de personnalité progressiste, alors qu’il est le disciple de Saïd Ramadan al Boutih, l’un des plus violents Frères musulmans syriens prônant le djihad et la haine d’Israël. Adnan Ibrahim est accusé par Al Hayat TV d’avoir, le 16 septembre 2012, qualifié les Juifs de « nains bâtards » ayant empoisonné le prophète de l’islam et provoqué finalement sa mort des années plus tard, enjoignant à « venger Muhammad ». Dans ce prêche, Adnan Ibrahim maudit les Juifs qui « ne savent que faire vile infamie, meurtre, assassinat et trahison ». (Voir ici et ICI)
Mohamed Bajrafil s’étonne de l’indignation suscitée par ces propos : « Pourquoi se fait-il attaquer autant ? Ce qu’il dit, c’est pas lui qui l’invente. »
Comment, dès lors, interpréter son affirmation selon laquelle « il n’y a pas de verset poussant à tuer dans le Coran » ?
Mohamed Bajrafil fait la promotion, sur son compte Dailymotion, du blog de Tariq Ramadan et de celui de Zakir Naik, un télé-prédicateur conspirationniste et suprémaciste interdit de séjour au Royaume-Uni et au Canada depuis 2010, qui préconise la peine de mort pour les apostats, les musulmans qui renient leur foi et les homosexuels. Il a été accusé par des terroristes notamment de l’attentat de Dakha de les avoir radicalisés, bien qu’il condamne publiquement avec la plus grande fermeté l’État islamique, qu’il juge anti-islamique, et bien qu’aucune preuve n’ait pu être retenue contre lui. Pour lui, seul l’islam peut apporter la paix dans le monde.
Est-ce parce qu’il a « lu Ibn Salah avec lui » qu’il ne renie pas son maître Safwat Hegazy, figure majeure des Frères musulmans d’Égypte, mais que, bien au contraire, il s’en réclame ? Celui-ci fut nommé en 2012 candidat à la présidence de la Jamaa Islamiya, une branche dissidente et armée de la puissante Confrérie, créée en 1970, dont l’ancien président, Omar Abdelramane, est soupçonné d’avoir participé à l’attentat de 1993 contre le World Trade Center. La Jamaa El-Islamiya est également tenue responsable de l’attentat de Louxor en novembre 1997. Considérée comme une organisation terroriste par les États-Unis et l’Union européenne, la Jamaa El-Islamiya a affirmé renoncer à la terreur en 2003 et s’est convertie à la politique en créant en 2011 le Parti de la Construction et du Développement qui prône l’établissement de la charia.
Quant à Safwat Hegazy, il a été arrêté près de la frontière libyenne par les autorités égyptiennes pour avoir incité à la violence au Caire en 2013. Il tentait de fuir le pays, déguisé en femme sous un niqab.
Comment, dès lors, interpréter son affirmation selon laquelle « en islam, même en temps de guerre, tu n’as pas le droit de tuer quelqu’un sans l’avertir » ?
« Je ne suis pas frériste », assure-t-il. « Je suis universitaire, je n’ai pas une pensée post-it. Il y a des gens parmi les Frères musulmans qui ont des convictions qui ne sont pas différentes de celles que moi je partage. Mais il y en a d’autres, qui ont été exclus, qui ont des positions pas très loin de celles de Daech. »
Invité jeudi 15 septembre 2016 sur France 2, Mohamed Bajrafil a repris le discours prononcé la veille par Amar Lasfar sur Europe 1, selon lequel les terroristes ne fréquentent pas les mosquées. Un discours type des Frères musulmans en France et dans le monde.
Pas frériste, mais favorable à Tariq Ramadan et Nabil Ennasri, qu’il cite comme s’ils étaient des (et comme s’ils étaient les seuls) représentants légitimes des Français musulmans en raison de leur connaissance de la culture occidentale et, surtout, comme s’ils étaient des représentants potentiels que les médias refuseraient d’entendre. Il ironise sur le frérisme : « On nous dit, c’est la franc-maçonnerie ! » Car ces Frères musulmans sont, selon Mohamed Bajrafil, bien plus légitimes que l’imam Chalghoumi, leur bête noire. Ce pourquoi l’imam d’Ivry clame à qui veut l’entendre que l’imam de Drancy n’est pas imam et qu’il n’a pas de mosquée.
Pas frériste, mais présent au congrès de l’UOIF en 2014, en compagnie de Abdallah Benmansour , Tariq Ramadan, Hani Ramadan, Amar Lasfar, Ahmed Jaballah, Nabil Ennasri… Cette même année, il invite dans sa mosquée Nabil Ennasri, Abdallah Benmansour et Mohamed Ashaini.
Mohamed Bajrafil se rendra de nouveau au Bourget en 2015 et en 2016. En 2015, il est aussi présent à la Foire musulmane de Bruxelles, où se trouve également l’Égyptien Omar Abdelkafi, Frère musulman violemment antisémite délivrant par ailleurs des prêches violents contre les femmes non voilées. On retrouve Mohamed Bajrafil en compagnie de Moncef Zenati et Hassan Iquioussen (et Tareq Oubrou) à la première Rencontre annuelle des musulmans de Rouen.
Pas frériste, mais ne dédaignant pas disserter au côté d’Hassan Iquioussen, il défend le « prêcheur des cités » des « dénigrements » dont celui-ci serait victime. Membre de l’UOIF, Iquioussen affiche un antisémitisme et un négationnisme décomplexé. Selon lui, « les sionistes ont été de connivence avec Hitler » car « il fallait pousser les Juifs d’Allemagne, de France à quitter l’Europe pour la Palestine. Pour les obliger, il fallait leur faire du mal ». Il estime que Hamas, la branche palestinienne des Frères musulmans responsable de nombreux attentats et de vagues de terreur dans Gaza même, « fait du bon boulot ».
Pas frériste, mais partie prenante du Conseil théologique des musulmans de France (CFTM), dont l’UOIF a annoncé la création le 5 mai 2015 dans un communiqué de presse. Le CFTM rassemble une cinquantaine de théologiens, imams et prédicateurs gravitant dans la mouvance des Frères musulmans. Le Bureau exécutif se compose de neuf membres, dont Mohamed Bajrafil et quatre professeurs de l’IESH, inclus Ahmed Jaballah. Le CFTM s’inscrit selon celui-ci « dans une vision de modération » et a pour but demettre des avis juridiques (fatawas) sans les imposer sur la citoyenneté, l’enseignement, le ramadan…
Pas frériste, mais ardent défenseur du concept d’islamophobie et du CCIF , dont il loue les mérites et pour lequel il appelle aux dons le 20 janvier 2015, quelques jours seulement après les attentats de Charlie et de l’HyperCasher.
Selon la Tribune de Genève, la police suisse a découvert chez Abdullah C, jeune converti à l’islam de 31 ans résidant à Arlesheim, plusieurs produits chimiques destinés à la fabrication de bombes. Abdullah C., a participé à la création du Conseil Central Islamique Suisse (CCIS), où il a été responsable de l’information jusqu’en 2010. Il est toujours membre du CCIS, et est décrit comme un proche du sulfureux président du CCIS, Nicolas Blancho. Il affirme que phosphore rouge retrouvé à son domicile était destiné à des « expérimentations scientifiques », et que sa « sympathie envers l’EI diminue de plus en plus». Face à la polémique, le CCIS dit «suspendre ses activités de membre actif et passif », tout en l’invitant à la prochaine assemblée générale pour « s’expliquer ». Abdullah C. avait affirmé en novembre 2015 que « la France l’avait bien mérité ».
Le CCIS est déjà sous le coup de poursuites par le Ministère Public de la Confédération suisse pour des vidéos de son communicant Naim Cherni, qui mettent en scène un leader de l’organisation terroriste Jaysh al-Fath, ou encore des responsables d’Ahrar al-Sham en 2013, toutes deux proches de Jabhat al-Nosra (Front Al Nosra) et d’Al Qaïda. Le responsable des relations publiques du CCIS, Qaasim Illi, a été condamné en 2005 pour détention d’images pornographiques, violation de la loi sur les armes et discrimination « raciale » envers les Juifs. En 2015, il rend hommage à Majd N, un dihadiste ayant rejoint les Shebab en Somalie.
Très actif sur les réseaux sociaux, les responsables du CCIS pratiquent également un fervent prosélytisme avec des stands sur la voie publique. Invité sur des chaînes TV comme Al Jazeera, ou dans des conférences enregistrées sur son site internet izrs.ch, le président Nicolas Blancho se prononce souvent sur le thème controversé de l’ « islamophobie ».
D’obédience neo-salafiste, le CCIS invite régulièrement des orateurs proches de Frères musulmans comme Hani Ramadan, directeur du Centre Islamique de Genève, qui participe à la Conférence Annuelle de 2013, et qui invite les musulmans à se rendre à cet événement dans une vidéo. Ali Al-Qaradaghi, membre de l’International Union of Muslim Scholars du guide frériste Youssef Qaradawi, était également orateur lors de cette conférence.
En 2014, le CCIS est présent aux manifestations de Bern et de Zurich en soutien aux Frères musulmans égyptiens et à Mohamed Morsi. Nicolas Blancho est présent à la tribune, où il s’adresse en soutien à ses « frères égyptiens » aux cotés des symboles de la Rabia, et des portraits du maréchal al-Sissi piétinés.
La secrétaire générale du CCIS, Ferah Ulucay, était présente à la tribune du World Hijab Day de Francfort en 2015, où elle appelle toutes les musulmanes à se voiler. Elle a créé en juin 2015 un hotline pour les « jeunes en cours de radicalisation », dont elle a assuré la promotion dans de nombreuses écoles alémaniques.
L’enquête pénale suite à la découverte des produits explosifs est en cours.
Mise à jour : 21/09/17 : Trois dirigeants du Conseil central islamique suisse, Nicolas Blancho, Naim Cherni et Qaasim Illi ont été inculpés pour propagande et réalisation de vidéos sur Al-Qaïda en Syrie. Qaasim Illi se défend en accusant une « vague islamophobe ».
L’Institut international de la pensée islamique, IIT en anglais, a été créé en 1977 lors de la conférence islamiste à Lugano, Suisse. Les organisateurs étaient membres de la confrérie égyptienne : Jamal Barzinji, Dr Hisham Yahya Altalib, Dr Abdul Hamid Ahmad Abu Sulayman. Youssef al-Qaradawi participait à cette conférence tout comme Youssef Nada, banquier de la confrérie.
L’Institut s’est installé aux États-Unis en 1981. Le siège de l’Institut est situé à Herndon, en Virginie, dans la banlieue de Washington DC. L’Institut est dirigé par un conseil d’administration qui se réunit régulièrement et élit périodiquement un de ses membres pour servir en tant que président.
L’organisation publie les traductions de Yousef al-Qaradawi.
Les Frères musulmans ont par la suite confirmé que l’Institut international de la pensée islamique était l’une de ses organisations : ICI
Tête de pont des intellectuels intégristes
JamalBarzinji a été vice-président IIIT pour la recherche et des publications. Il est identifié par les autorités américaines comme l’un des leaders des Frères musulmans aux États-Unis. En 2003, sa maison a été perquisitionnée à cause de ses liens avec le Jihad islamique palestinien et aussi avec le Hamas.
Tarik Hamdi, employé par IIIT a fourni du matériel à Oussama Ben Laden, selon un ancien fonctionnaire américain du Département du Trésor en 2002.
« Tarik Hamdi, un employé de l’IIIT, a personnellement fourni Ben Laden avec une batterie pour son téléphone par satellite. Un téléphone décrit comme« la téléphone de Ben Laden utilisé pour mener à biens guerre contre les Etats Unis. « » * (Sénat américain )
Bashir Musa Nafi, fondateur du Jihad Islamique Palestinien, ancien employé a été expulsé des États-Unis en 1996 pour fraude d’immigration et interdit pendant 5 ans.
« Les deux SAAR (Sheikh SuleimanAbdel Aziz al-Rajh) et IIIT sont également soupçonnés de financer le Hamas et le Jihad islamique palestinien (JIP), y compris (WISE) et le Comité islamique pour la Palestine (ICP), fronts JIP depuis fermé en Floride « . ** (Sénat USA)
Le co-fondateur et directeur des finances Hisham Al-Talib a travaillé pour Al-Taqwa Bank géré par membre des Frères musulmans Youssef Nada. Il est un Frère musulman Irakien.
Ishaq Farhan du Front d’action islamique (parti politique jordanienne des Frères musulmans) était un fonctionnaire de IIIT 2005-2007.
Visiteurs de prestige
• S.E. Pehin Dato Mohammad Yasmin Umar, ministre de l’Énergie, Brunei est venu à l’IIIT le 7 Juin, 2014.
• Rachid Ghannouchi, co-fondateur du Mouvement En-Nahda, la Tunisie, est venu à l’IIIT le mercredi 26 Février 2014.
• M. Saadine El Othman, un ancien ministre des Affaires étrangères du Maroc, actuellement président du parti de la justice et du développement,est venu à l’IIIT le lundi 3 Février, 2014
• Le 24 Septembre 2012 Dr. Hisham Altalib et le Dr Abubaker Al Shingieti – IIIT, ont rencontré le Président Mohamad Mursi d’Egypte à New York dans le cadre d’une rencontre interreligieuse. Le Président Morsi a salué la participation de l’IIIT dans la réforme de « l’enseignement supérieur en Egypte ».
• En avril 2005, la sénatrice francaise Bariza Khiari s’est rendue au siège de l’IIIT en compagnie de Nadia Bourdi, maire-adjointe de Saint Etienne et Franck Fregosi, chercheur à Strasbourg. Le mois suivant, Olivier Roy y fera une conférence. ICI
Réseau
• Les succursales et bureaux ont également été mis en place dans un certain nombre de capitales du monde entier dans le but de mener à bien les activités et les programmes de l’Institut. L’Institut international de la pensée islamique a des bureaux en France, en Egypte, la Jordanie, le Pakistan, l’Arabie Saoudite, la Bosnie, le Liban, l’Indonésie, le Maroc, le Nigeria, l’Inde, le Bangladesh, le Brunei et le Royaume-Uni.
• L’Université de Georgetown présente l’IIIT comme un centre régulier, sans mentionner ses liens problématiques.
Quels sont les fatwas, les sermons, les livres, les financiers qui ont déclenché la naissance et la montée en puissance d’Al-Qaïda et de Daech? Comment les terroristes justifient-ils les tueries de Montauban, de Charlie Hebdo et de l’Hypercacher? Quel est le véritable enseignement dispensé par les islamistes en France, en Belgique, en Angleterre, aux Etats-Unis, en Allemagne – y compris par des islamistes polis comme Tariq Ramadan? Quel est le véritable but des Frères Musulmans en Europe? Fatwas et caricatures répond à toutes ces questions avec une collection de citations et de documents parfois stupéfiants.
Lina Murr Nehmé, franco-libanaise, est professeur à l’Université Libanaise à Beyrouth. Elle est spécialiste de l’Islam, historienne et politologue. Durant 35 ans, elle a fait des recherches intensives au sujet des guerres contemporaines du Moyen-Orient, des mouvements terroristes, de leurs motivations, de leurs textes de référence, de leurs idées, de leurs actions, et aussi de leurs racines historiques: le Moyen Age, la Renaissance, etc. Le résultat: des ouvrages qui démolissent des idées reçues, notamment: 1453, Mahomet II impose le schisme orthodoxe.
Notre avis
On trouve dans l’ouvrage plusieurs illustrations intéressantes.