Mohamed Badie, 8ème guide suprême des Frères Musulmans a été condamné pour la sixième fois à la prison à vie. Avec 35 autres accusés, il a été reconnu coupable d’avoir incité à des violences ayant fait trois morts à Ismaïlia.
Mohammed Badie à été condamné à mort pour « planification de recours à la force contre l’État » et « incitation au chaos et à la violence », et six fois à perpétuité. En décembre 2011, il expliquait que les Frères musulmans étaient près du but : un gouvernement « sain » et un « califat ».
L’AFP a diffusé l’information en présentant Mohamed Badie comme « guide des Frères Musulmans » et non « guide suprême des Frères Musulmans ». D’autres journaux, comme Le Monde ont employé le terme « guide » entre guillemets. Idriss Sihamedi, créateur de Barakacity implore quand à lui depuis mars sa libération :
« Qu’Allah libère Mohammed Badie, condamné à la prison à vie par le régime de Sissi.Ô Allah, ordonne donc sa libération! » (tweet du 4 mars 2015)
Depuis la chute de Morsi, la confrérie des Frères Musulmans est fragilisée. Une crise interne de la confrérie a déclenché beaucoup de réactions en Egypte et à l’étranger.
Certains militants ont même parlé de tentative de coup d’Etat au sein de la confrérie. L’enjeu est tout bonnement la survie du mouvement, les finances, le recours ou pas à la lutte armée…
Pour comprendre les tenants et les aboutissants de la crise interne, nous avons épluché tous les communiqués publiés par les deux parties.
Scissions successives au sein de la confrérie.
Une crise a commencé à la chute de Morsi entre deux courants. Le premier courant représente le pouvoir des « vieux », les dirigeants historiques, avec à sa tête Mahmoud Ezzat mandaté par le guide suprême officiel Badie (qui se trouve en prison) pour assurer la fonction du guide suprême par intérim. Il est accompagné par Mahmoud Hussein, secrétaire général de la confrérie et Mohammed Abdel-Rahman en charge de la confrérie à l’étranger. Talaat Fahmi est le porte parole officiel de ce courant.
L’autre courant, celui des « jeunes », a à sa tête Mohamed Kamal, considéré par les dits jeunes comme étant le vrai guide suprême. Mohamed Kamal est en exil, il est recherché en Egypte pour plusieurs procès. Avec lui, on trouve Muhammad Muntasir, ancien porte-parole de la confrérie qui est le responsable de la coordination et de la communication avec les médias. Le courant des jeunes a demandé la dissolution de la confrérie et sa scission en deux.
Mohamed Kamal considéré par les « jeunes » comme étant le guide
Talaat Fahmi, le porte parole officiel (nommé par le courant « vieux » de Mahmoud Hussein) a reconnu l’existence de la demande de scission de la confrérie. Une demande qui pour lui est suicidaire. Dans plusieurs courriers, il explique qu’il est submergé par des tentatives de diviser les instances juridiques et institutionnelles au sein de la confrérie. Une tentative de coup d’état selon lui sur l’héritage et méthodes de l’organisation. Talaat Fahmi a expliqué que la crise remontait à 2014, après l’évacuation de Rabia et l’absence des dirigeants de la confrérie suite à leurs arrestations. Huit membres du Bureau ont alors nommé six militants et créé un comité chargé de la gestion de la crise en Egypte. A peine mis en place, ce comité a préconisé de nouvelles élections internes, limogé le guide suprême et suspendu Mahmoud Hussein (secrétaire général de la confrérie).
Mohammed Abdul Rahman Al-Morsi a invité les membres de la confrérie à respecter la discipline et à soutenir les dirigeants des Frères musulmans en Egypte, le Guide suprême Mohammed Badie ainsi que son adjoint Mahmoud Ezzat et ses adjoints en Egypte et à l’étranger. Il a demandé de respecter la ligne du bureau et du Conseil de la Choura général élu en 2010. Mohammed Abdul Rahman Al-Morsi a aussi dissout le bureau des Frères musulmans égyptiens à l’étranger, accusant ses membres d’avoir usurpé le pouvoir et d’avoir rejeté des décisions de la Confrérie et ses institutions.
De son côté, le bureau des Frères musulmans égyptiens à l’étranger a refusé sa dissolution et a accusé Mahmoud Ezzat de ne pas soutenir le mouvement révolutionnaire que le bureau représente. La confrontation a été encore plus violente quand quatre dirigeants, Mohamed Bashmawi, Abdel Hafez El Sawy, Ayman Abdel-Ghani et Taher Abdul Mohsen ont annoncé leur démission du bureau à l’étranger refusant ainsi de travailler hors cadre institutionnel de la confrérie.
Amr Darrag informe de ce refus sur les réseaux sociaux :
Quel est le fond de la crise ?
Les « jeunes » accusent les dirigeants historiques, les « vieux » d’avoir restructuré radicalement la confrérie pour contrôler l’organisation, et détenir le pouvoir absolu que ce soit sur le plan organisationnel ou idéologique. Ils accusent aussi la direction d’être responsable de la plupart des crises de la confrérie dans la période post-révolutionnaire. De ne pas impliquer les jeunes dans la prise de décision, et d’avoir fait alliance avec les militaires.
Plus grave, les « jeunes » reprochent à la direction composée du guide suprême Mohamed Badie et son adjoint Khairat Al-Shater et Rashad al-Bayoumi et d’autres qui sont actuellement en prison, mais également à Mahmoud Ezzat, Mahmoud Hussein et Mahmoud Gazlan, la stratégie qui a été adoptée après la dispersion de l’occupation de Rabia. Ils leur attribuent une part de responsabilité dans l’effusion du sang.
Le plus important désaccord est le recours ou non à la violence révolutionnaire.
Dans le communiqué « Jeunes Musulmans » paru dans un article paru dans Sasa Post*, en date du 30 mai 2015, les « jeunes » reprochent aux « vieux » leur stratégie : « La génération des doyens estime que tout affrontement avec l’Etat égyptien sera un échec et aboutirait à de graves conséquences pour le groupe à court et à long terme. De là, la confrérie doit coexister avec l’État et l’État doit un jour ou l’autre revoir sa position et s’engager avec les Frères musulmans dans un processus de négociation ».
Les « jeunes » considèrent que les dirigeants historiques ont été dans le déni quand ils affirmaient que Sissi n’allait pas recourir au coup d’état. Ils reprochent aux doyens l’adoption de la lutte pacifique comme stratégie qui aurait conduit à une perte de temps et à l’échec.
Les jeunes Frères Musulmans expliquent la crise de leur point de vue : « Les doyens ont eu recours à la « résistance passive ». Leur priorité étant la survie quel que soit le sacrifice qui a coûté des vies. Cette génération a adopté la « lutte pacifique absolue » comme unique outil unique pour gérer le conflit actuel avec l’État. Mais la génération de la révolution trouve qu’il faut une transformation complète de l’état afin de venir à bout de la corruption. Cette génération ne négocie pas avec un état qu’ils savent être corrompu… Cette génération adopte la stratégie de la « résistance active », pour qu’elle deviennent actrice en adoptant le principe du droit à la légitime défense. Une génération qui ne met pas de limite quant aux choix des outils qu’elle peut utiliser face aux circonstances actuelles. C’est pour cela que nous avons trouvé des actions qui visent les institutions de l’état et ses infrastructures vitales, comme par exemple les transformateurs d’électricité ».
Dans leur dernier communiqué paru le 30 mai 2015 sur le site de arabia21 , ils disent qu’ »il faut en finir avec ce choix binaire et se libérer des limites que nous nous imposons au détriment des objectifs, la crise ne se limite pas aux choix entre la lutte pacifique ou autre mais il s’agit de notre capacité à relever le défi historique … « .
Amr Darrrag, un des membres du bureau de la confrérie à l’étranger revendique le droit de ces jeunes à participer aux instances de direction de la confrérie. Bien qu’il nie avoir encouragé la lutte armée.
Le 14 aout 2015 Amr Darrrag publie sur sa page Facebook plusieurs appels pour le droit de venger les morts incitant à appliquer la loi du talion. C’est à dire œil pour œil et dent pour dent.
Youssef al-Qaradawi, qui représente pour les Frères Musulmans une autorité spirituelle, a proposé une médiation qui a été acceptée par les deux courants.
Qaradawi, après avoir longuement discuté avec les représentants de deux équipes, fait une proposition mardi 26 janvier. Elle est signée par des religieux proches des Frères Musulmans. Il demande l’unité et le respect de la voie révolutionnaire pacifique (qu’il rejette lui même régulièrement).
« À la lumière de ce qui est devenu clair pour moi après ces réunions et délibérations, et après avoir écouté les différents points de vue, et après avoir vu les protagonistes de la crise, et dans l’intérêt de l’avenir de la confrérie et son message, je demande aux dirigeants de la confrérie et à ses membres d’accepter l’unité, de réunir les efforts, de travailler afin d’atteindre les objectifs de la confrérie et d’améliorer son efficacité, afin d’être capable de faire face aux grands défis qui se déroulent en Egypte et dans la région qui l’entoure ».
Qaradawi appelle « à protéger les institutions et de faire évoluer les réglementations, à organiser des élections générales de toutes les instances à l’intérieur du pays et à l’étranger et de les organiser le plus rapidement possible ».
Il a également appelé à « respecter la voie révolutionnaire pacifique » et a invité les différents courants à « travailler et coopérer ensemble et arrêter de mener des batailles les uns contre les autres dans les médias, de ne plus faire des communiqués ou prendre des décisions qui pourraient blesser, et qu’ils soient à la hauteur de la responsabilité pour soutenir leurs frères et faire face à leurs ennemis ».
L’ex ministre de la coopération internationale et un des dirigeants du bureau des Frères Musulmans à l’étranger, Amr Darrag, a déclaré lors d’une émission* : « le bureau des Frères Musulmans à l’étranger, même si le mandat de notre bureau élu n’est pas arrivé au terme de son mandat, est prêt à entrer dans le processus électoral. Le bureau a décidé de faire appel à un certain nombre de jeunes pour qu’ils participent aux responsabilités en cette période de transition ».
Le bureau de la direction de l’orientation et du guide suprême a promis quant à lui d’organiser au plus vite les élections avec l’intégration des jeunes et des femmes. Quand à la violence, chacun choisira. Quelques jours après ce « compromis », le courant « jeune » a publié un nouveau règlement, le courant « vieux » a protesté contre la publication de communiqués et plusieurs ulémas Frères musulmans ont remis en cause la légitimité de Qaradawi.
Serenade Chafik PS : La crise étant loin d’être finie, nous compléterons régulièrement ce papier.
Le CCIF (Collectif contre l’Islamophobie) est une association qui amalgame tout propos laïque avec un propos « islamophobe », et qui manipule les chiffres des agressions anti-musulmans en France en y incluant des perquisitions antiterroristes (après les attentats de Paris et Saint-Denis), des mesures d’éloignement d’imams radicaux, le vol de métaux sur une mosquée (acte relevant de la délinquance) ou parfois même le meurtre d’un musulman par un autre musulman pour des raisons sans aucun rapport avec de l' »islamophobie ».
L’organisation, ses portes-voix (Marwan Muhammad et Yasser Louati) est proche de Tariq Ramadan (qui participe à son dîner annuel) mais aussi d’imams salafistes radicaux et sexistes comme l’imam de Brest ou Abou Anas (qui participe à son dîner annuel).
Dans un contexte où des groupes terroristes lavent le cerveau de jeunes terroristes en leur expliquant que la France les déteste et tolère voire encourage le racisme envers les musulmans, donner la parole à cette propagande relève de l’irresponsabilité.
C’est pourtant ce à quoi jouent des élus locaux, notamment de Gennevilliers et Saint-Denis, deux des villes les plus touchées par la radicalisation.
Comme Patrice Leclerc, maire communiste de Gennevilliers (là où a vécu et où est enterré Chérif Kouachi), qui a « célébré » le 7 janvier en compagnie du Collectif contre l’islamophobie.
Comme le député PS Alexis Bachelay (vice-président du groupe d’amitié France-Qatar à l’assemblée) qui a invité le même porte-parole du CCIF le 12 janvier 2016, pour faire un bilan.
Sans oublier, bien sûr, la mairie communiste de Saint-Denis et le courant « Ensemble » de Clémentine Autain qui se sont compromis avec le CCIF et Tariq Ramadan après les attentats de janvier et ceux de novembre, alors que leur message est de dénoncer la moindre mesure antiterroriste ou même la moindre défense de la laïcité comme étant « islamophobe ».
Quelques mois après les attentats contre Charlie Hebdo, Corinne Narassiguin avait elle aussi assisté (au nom du PS) au dîner annuel du CCIF (reçu à Solférino).
Depuis, Solférino semble avoir mieux cerné la nature exacte de cette organisation et prendre ses distances. En revanche, de nombreux journalistes continuent à se laisser berner et citent, sans vérifier, les chiffres du CCIF.
Havre de Savoir est un site internet qui relaie la prose des Frères musulmans en français. Dans sa présentation, Havre du Savoir explique :
« Havre de Savoir est une association qui a pour but de présenter l’Islam à travers une compréhension saine et authentique. Elle se donne pour objectif également de promouvoir ses valeurs éthiques et morales. »
De nombreuses organisations de la mouvance des Frères musulmans prétendent représenter la voie officielle et « authentique » de l’islam, alors qu’il s’agit en réalité de délivrer un message politique. Moncef Zenati, membre du bureau de l’UOIF et chargé de « l’enseignement et de la présentation de l’Islam » est l’auteur de la plupart des textes et vidéos du site. Les autres principaux intervenants sont Hassan Iquioussen ou Hani Ramadan. Un Club de lecture de l’organisation est organisé au Havre. Y ont été invités Christophe Oberlin, Nabil Ennasri ou encore Médine pour son livre avec Pascal Boniface.
L’organisation se félicite de la « réussite » des islamistes turcs et n’hésite pas à déclarer que la Turquie est le seul pays « où l’islam et la démocratie ont réussi là où aucun pays musulman n’a réussi ».
Par le biais de Havre de Savoir, de jeunes français apprendront à se méfier des Chiites, Zaydites, Alaouites et Yazidis, à « comprendre pourquoi ils ne sont pas conformes à la voie du Prophète ». En d’autres termes pourquoi ils sont l’ennemi. Rappelons qu’en Syrie, sous la loi de l’Etat islamique, les Yazidis sont réduits en esclavage et exterminés.
• Hussem AYLOUCH, président du CAIR de Los Angeles pour expliquer comment résister au « discours médiatique véhiculé après des événements comme le 11 septembre ou Charlie hebdo« .
Hassan Al Banna est régulièrement cité comme un guide incontournable, comme on peut le voir sur cette capture d’écran. L’organisation se réclame non seulement du fondateur des Frères musulmans mais aussi de Sayyid Qutb qui jusqu’à peu était renié par la Confrérie qui avait du mal à présenter sous un jour positif son apologie de la violence.
En juillet 2015, l’organisation illustre son profil Facebook avec une symbolique de la Rabaa.
108 000 personnes suivent le profil Facebook de Havre du Savoir. 108 000 personnes qui ont pu lire qu’il fallait se méfier des médias et des politiques français. Moncef Zenati a en effet déclaré lors de la condamnation à mort de Mohamed Morsi :
« Pas un mot dans le journal de 20h de France2. La France pays qui a vu naître les droits de l’homme, le pays défenseur de la démocratie n’est même pas capable de dénoncer une telle injustice. La France des valeurs républicaines est en train de tourner le dos à ses valeurs. Quand je pense que Manuel Valls ne s’est pas empêché de rappeler aux musulmans de France sa phobie des Frères Musulmans qu’il qualifie de mouvement inquiétant. Les opprimés sont inquiétants, alors que leur bourreau est accueilli à l’Elysée avec les honneurs. écœurant!!! »
Ce que Moncef Zenati oublie de dire c’est que :
• comme de nombreux autres leaders des Frères musulmans, il a été invité par le gouvernement de Manuel Valls à parler de l’Islam de France.
• plusieurs intellectuels, journalistes et militants ont déclaré leur opposition à la peine de mort pour des raisons politiques. Y compris parmi nos éditorialistes, qui ne sont pourtant pas connus pour être tendres avec la Confrérie.
Mais le dire impliquerait d’éviter de radicaliser les lecteurs de Havre du savoir, de leur donner le sens de la nuance, ce qui n’est visiblement pas le but de l’organisation.
Havre du savoir jouit d’une très bonne réputation en France. Le rappeur Médine n’a pas hésité à déclarer lutter contre l’islamophobie, au sein de l’association Havre De Savoir.
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En avril 2015, alors que le congrès annuel de l’Union des organisations islamiques de France s’ouvre, vendredi, au Bourget autour du thème « Mohammed, prophète de miséricorde et de paix », l’organisation vit, elle, des tensions en son sein. Deux de ses anciens membres, leaders d’associations de jeunes musulmans en France pointent les dérives islamistes. Enquête des reporters de France 24, Alexandra RENARD et Roméo LANGLOIS
L’Union des organisations islamiques de France (UOIF), qui revendique plus de 250 associations membres en France, est l’une des principales organisations structurant le paysage musulman français, mais de plus en plus de voix dissonantes en son sein se font entendre. À l’instar de deux de ses anciens membres, leaders d’associations de jeunes musulmans en France, qui pointent les dérives islamistes de l’UOIF.
Si ses représentants revendiquent une pensée conforme à l’islam, dans le respect du cadre républicain français, ses détracteurs assurent que l’organisation est la vitrine des Frères musulmans en France. Membre du Conseil français du culte musulman (CFCM), cet acteur majeur de l’islam en France a traversé plusieurs crises, à commencer par son référencement comme « organisation terroriste »par les Émirats arabes unis en novembre 2014, aux côtés de 81 autres groupes ou organisations, dont Al-Qaïda, l’organisation de l’État islamique, les Shebab somaliens ou encore Boko Haram… L’UOIF a déploré une qualification « aussi insultante que ridicule », qui porte atteinte aux musulmans de France.
Quelques mois plus tard, en février 2015, c’est le lycée musulman Averroès de Lille – lié à l’UOIF –, qui a été la cible des critiques. Dans une tribune publiée dans « Libération », un professeur de philosophie démissionnaire dénonce « une conception de l’islam qui n’est autre que l’islamisme », ainsi que l’antisémitisme culturel des élèves. Le directeur de l’établissement scolaire a porté plainte pour diffamation.
Enfin, au lendemain des attentats de Paris, le Premier ministre Manuel Valls, en appelait à « combattre le discours des Frères musulmans dans notre pays », ce qui avait été perçu comme une déclaration visant l’UOIF en France.
L’organisation est-elle une menace pour la République française ou œuvre-t-elle pour le mieux vivre ensemble ? Nos reporters ont mené l’enquête à Paris, Lille et Nantes. Ils ont rencontré le président de l’UOIF, Amar Lasfar, mais aussi d’anciens membres, qui pointent ouvertement les dérives islamistes de l’organisation.
Soufiane Zitouni raconte ses difficultés suite à la publication de sa tribune intitulée «Le Prophète est aussi Charlie», ainsi que son quotidien durant les cinq mois passés au sein de ce lycée.
Depuis la rentrée 2014, Soufiane Zitouni enseigne au lycée Averroès, établissement privé musulman, sous contrat avec l’Etat, situé à Lille. Le 15 janvier, il publiait dans Libération une tribune intitulée «Le Prophète est aussi Charlie» dans laquelle il concluait «le prophète de l’islam, Mohamed, pleure avec nous toutes les victimes innocentes de la barbarie et de l’ignorance, et demande à Allah le pardon pour les nombreuses brebis égarées se réclamant de sa religion alors qu’elles n’ont toujours pas compris l’essentiel de son message.»
Il raconte ici ses difficultés suite à la publication de ce texte, ainsi que son quotidien durant les cinq mois passés au sein de ce lycée. Depuis deux semaines, démissionnaire de son poste, Soufiane Zitouni est en arrêt maladie. D’origine algérienne, il se réclame du soufisme, un courant ésotérique de l’islam moins attaché au caractère prescriptif de la religion, privilégiant une voie intérieure. Pendant une vingtaine d’années, il a enseigné dans des établissements catholiques et souhaite favoriser le dialogue interreligieux, tout en prônant un Islam plus ouvert et fraternel.
Depuis la publication de mon texte intitulé «Aujourd’hui, le Prophète est aussi Charlie» dans Libération le 15 janvier, il y a eu quelques «rebonds» dans ma vie, et certains d’entre eux, très négatifs, m’ont mené à démissionner du lycée musulman Averroès de Lille, lycée sous contrat avec l’Etat où j’ai tenté d’exercer durant cinq mois éprouvants mon métier de professeur de philosophie.
J’ai reçu de nombreux soutiens et remerciements après la publication de ce texte, certains m’ont même parlé de «courage». Mais pour moi, prendre la plume pour faire entendre ma voix en tant que citoyen français de culture islamique après les horribles attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher était surtout de l’ordre du devoir. Or, le jour même de la publication de ce texte, un proche de la direction de mon lycée vint m’interrompre en plein cours pour me dire en catimini dans le couloir attenant à ma classe : «Il est très bien ton texte, je suis d’accord avec toi sur le problème des musulmans qui manquent d’humour et de recul par rapport à leur religion, mais tu dois savoir que tu vas te faire beaucoup d’ennemis ici, et je te conseille de regarder derrière toi quand tu marcheras dans la rue…».
Par la suite, un enseignant décida d’afficher une photocopie de mon texte en salle des professeurs. Bien mal lui en prit ! Ma pauvre tribune libre sera retirée plusieurs fois du tableau d’affichage «Vie de l’établissement» par des collègues musulmans furieux qui crieront au sacrilège ! Puis le 20 janvier, un professeur du lycée, proche des frères Tariq et Hani Ramadan, publia une sorte de «réplique» sur le site «L’Obs Le plus». Dans cette tribune, il incrimina mon manque de raison, et tira à boulets rouges sur Charlie Hebdo en affirmant que ce journal «cultive l’abject» et qu’il «concourt, chaque jour, à la banalisation des actes racistes» (sic). Voilà donc ce que pensait un «représentant» du lycée Averroès d’un journal qui venait d’être attaqué tragiquement par des terroristes au nom d’Al Qaeda ! Pas étonnant alors que certains de mes élèves m’aient affirmé en cours que les caricaturistes de Charlie Hebdo assassinés l’avaient bien cherché, voire mérité… Et évidemment, nombre d’élèves me tiendront exactement le même discours que mon «contradicteur» : «vous n’auriez jamais dû écrire dans la presse que le Prophète est aussi Charlie !», «c’est un blasphème !», «vous léchez les pieds des ennemis de l’islam !», etc. Ce texte sera ensuite affiché à côté du mien en salle des professeurs, par souci du «débat démocratique», a-t-on essayé de me faire croire…
J’ai commencé à enseigner la philosophie au lycée Averroès en septembre 2014. Bien qu’on m’ait prévenu que cet établissement était lié à l’Union des Organisations Islamiques de France (UOIF), réputée proche de l’idéologie de Frères Musulmans, j’ai tout de même voulu tenter cette expérience en espérant pouvoir travailler dans l’esprit du grand philosophe Averroès, et donc contribuer, à ma mesure, au développement sur notre territoire national d’un islam éclairé par la raison, comme le philosophe andalou du XIIe siècle a tenté de le faire lui-même de son vivant. Mais en cinq mois de travail dans ce lycée, mon inquiétude et ma perplexité n’ont fait que s’accroître jusqu’à l’épilogue que fut cette réaction incroyable à un texte dont le tort principal aux yeux de mes détracteurs était sans doute d’être intitulé : «Aujourd’hui, le Prophète est aussi Charlie»…
Pour vous donner une première idée de l’illusion qui fait office d’image positive dans la vitrine publique de ce lycée, je vais vous relater ma première mauvaise surprise : la direction m’a confié des élèves de seconde pour deux heures hebdomadaires d’enseignement d’exploration en «Littérature et Société», alors en tant que professeur de philosophie, j’ai décidé de travailler avec eux sur un projet que j’ai nommé «L’esprit d’Averroès» afin de leur faire découvrir celui qui a donné son nom à leur lycée. Mais quelle n’a pas été ma surprise de constater que sur les rayons du CDI de cet établissement, il n’y avait ni livres du philosophe andalou, ni livres sur lui ! En revanche, j’y ai trouvé des ouvrages des frères Ramadan, très prisés dans ce lycée… J’ai dû alors me rabattre sur des bibliothèques municipales de Lille pour pouvoir commencer mon travail.
Pendant mes cours de philosophie avec mes quatre classes de terminale, les désillusions ont continué. Tout d’abord, le thème récurrent et obsessionnel des Juifs… En plus de vingt années de carrière en milieu scolaire, je n’ai jamais entendu autant de propos antisémites de la bouche d’élèves dans un lycée ! Une élève de terminale Lettres osa me soutenir un jour que «la race juive est une race maudite par Allah ! Beaucoup de savants de l’islam le disent !» Après un moment de totale sidération face à tant de bêtise, j’ai rétorqué à l’adresse de cette élève et de toute sa classe que le Prophète de l’islam lui-même n’était ni raciste, ni antisémite, et que de nombreux textes de la tradition islamique le prouvaient clairement. Dans une classe de terminale ES, un élève au profil de leader, m’a soutenu un jour en arborant un large sourire de connivence avec un certain nombre de ses camarades, que les Juifs dominent tous les médias français et que la cabale contre l’islam en France est orchestrée par ce lobby juif très puissant. Et j’ai eu beau essayer de démonter rationnellement cette théorie du complot sulfureuse, rien n’y a fait, c’était entendu : les Juifs sont les ennemis des musulmans, un point c’est tout ! Cet antisémitisme quasi «culturel» de nombre d’élèves du lycée Averroès s’est même manifesté un jour que je commençais un cours sur le philosophe Spinoza : l’un d’entre eux m’a carrément demandé pourquoi j’avais précisé dans mon introduction que ce philosophe était juif ! En sous-entendant, vous l’aurez compris, que le signifiant «juif» lui-même lui posait problème !
Autre cause de grosses tensions avec mes élèves : ma prétendue non-orthodoxie islamique ! Car évidemment, en tant que professeur de philosophie de culture islamique travaillant dans un lycée musulman, il m’arrivait régulièrement d’établir des passerelles entre mon cours et certains passages du Coran ou de la Sunna (un ensemble d’histoires relatant des propos et des actes du Prophète). Mais j’ai été agressé verbalement par des élèves qui considéraient que je n’avais aucune légitimité pour leur parler de la religion islamique, et de surcroît dans un cours de philosophie ! J’avais beau leur dire que c’était précisément la grande idée du philosophe Averroès que de considérer qu’il ne pouvait y avoir de contradiction entre la vérité philosophique et la vérité coranique, rien n’y faisait.
Et puis il y avait les thèmes et les mots tabous… La théorie darwinienne de l’évolution ? Le Coran ne dit pas cela, donc cette théorie est fausse ! J’avais beau me référer au livre de l’astrophysicien Nidhal Guessoum, Réconcilier l’islam et la science moderne dont le sous-titre est justement l’Esprit d’Averroès ! [Aux Presses de la Renaissance, ndlr], qui affirme avec de très solides arguments scientifiques et théologiques que la théorie de l’évolution est non seulement compatible avec le Coran, mais que plusieurs versets coraniques vont dans son sens, rien n’y faisait non plus.
Le mot «sexe» lui-même pouvait être tabou. Un jour, une élève (voilée) qui s’était proposée pour lire un texte de Freud, refusa de prononcer le mot «sexe» à chacune de ses occurrences dans l’extrait concerné, et c’est la même élève qui refusa lors d’un autre cours de s’asseoir à côté d’un garçon alors qu’il n’y avait pas d’autre place possible pour elle dans la salle où nous nous trouvions ! J’ai dû alors lui rappeler fermement que la mixité dans l’enseignement français était un principe intangible et non négociable. Enfin, combien d’élèves du lycée n’ai-je pas entendu encenser, défendre, soutenir Dieudonné ! Avec toujours cette même rengaine, comme répétée par des perroquets bien dressés : pourquoi permet-on à Charlie Hebdo d’insulter notre Prophète alors qu’on interdit à Dieudonné de faire de l’humour sur les Juifs ?
Je peux vous parler aussi de la salle des professeurs du lycée Averroès, où des collègues musulmans pratiquants font leurs ablutions dans les toilettes communes, donc en lavant leurs pieds dans les lavabos communs, et où la prière peut être pratiquée à côté de la machine à café… Quid des collègues non musulmans (il y en a quelques-uns) qui aimeraient peut-être disposer d’un espace neutre, d’un espace non religieux, le temps de leur pause ?
En réalité, le lycée Averroès est un territoire «musulman» sous contrat avec L’Etat… D’ailleurs, certains collègues musulmans masculins se sont permis de faire des remarques sur des tenues vestimentaires de collègues féminines non musulmanes, sous prétexte qu’elles n’étaient pas conformes à l’éthique du lycée ! Et l’une de ces collègues féminines non musulmane m’a dit un jour également qu’elle ne se sentait pas «légitime» (sic) dans le regard de ses élèves, parce qu’elle n’était pas musulmane précisément…
Je ne pouvais donc plus cautionner ce qui se passe réellement dans les murs de ce lycée, hors caméras des médias et derrière la vitrine officielle, même si je sais pertinemment que les adultes y travaillant et les élèves ne sont pas tous antisémites et sectaires. Mais, j’ai fini par comprendre au bout de cinq mois éprouvants dans cet établissement musulman sous contrat avec l’Etat français (mon véritable employeur en tant que professeur certifié), que les responsables de ce lycée jouent un double jeu avec notre République laïque : d’un côté montrer patte blanche dans les médias pour bénéficier d’une bonne image dans l’opinion publique et ainsi continuer à profiter des gros avantages de son contrat avec l’Etat, et d’un autre côté, diffuser de manière sournoise et pernicieuse une conception de l’islam qui n’est autre que l’islamisme, c’est-a-dire, un mélange malsain et dangereux de religion et de politique.
Enfin, last but not least, il y a ce propos entendu de la bouche même d’un responsable du lycée, lors d’un discours prononcé à l’occasion d’une remise des diplômes à l’américaine aux bacheliers du lycée de la session 2014, en présence de deux «mécènes» du Qatar : «Un jour, il y aura aussi des filles voilées dans les écoles publiques françaises !» Un programme politique ?
Zaman France vient de publier un grand entretien avec Nabil Ennasri, présenté comme « l’un des meilleurs spécialistes » du Qatar.
Nabil Ennasri a notamment déclaré : « La France a deux problèmes aujourd’hui : un problème avec l’argent, et un problème avec l’islam. Ils se cristallisent aujourd’hui sur le Qatar.«
Zaman est la version française de l’organe du mouvement Hizmet de Fethullah Gülen. Longtemps favorable à l’AKP de Recep T. Erdogan, Zaman est devenu une des cibles du régime à partir de 2013.
Quatre étudiants ont été interpellés et placés en garde à vue alors qu’ils manifestaient devant la mairie de Boissy-Saint-Léger (Val-de-Marne) pour la réouverture de leur école.
Le 26 avril 2011, l’Institut français d’études et de sciences islamiques (Ifesi) a été fermé pour non respect des normes de sécurité. Depuis, des étudiants manifestent tous les week-ends à Boissy-Saint-Léger pour exiger sa réouverture et dénoncer le « climat d’islamophobie » en France.
Dans ce discours, Barack Obama au Caire parle d’un rapprochement entre les musulmans et les Etats-Unis. Malgré les nécessaires marques de bonne volonté, beaucoup ont vu dans ce discours, un moment clef dans le rapprochement entre l’administration américaine et les Frères musulmans.
Je suis honoré de me trouver dans la ville éternelle du Caire, et d’être accueilli par deux remarquables institutions. Depuis plus de mille ans, al-Azhar joue le rôle de phare de l’érudition musulmane, et depuis plus d’un siècle, l’Université du Caire est l’une des sources du progrès de l’Egypte. Ensemble, vous représentez l’harmonie entre tradition et progrès. Je vous suis reconnaissant pour votre hospitalité, et pour l’hospitalité du peuple égyptien. Je suis également fier d’apporter avec moi la bonne volonté du peuple américain et un salut de paix de la part des communautés musulmanes de mon pays : assalaamou aleikoum.
Nous nous rencontrons en une période de tension entre les Etats-Unis et les musulmans partout dans le monde, une tension inscrite dans des forces historiques qui dépassent tout débat politique en cours. Dans la relation entre l’islam et l’Occident, il y a eu des siècles de coexistence et de coopération, mais aussi un conflit et des guerres religieuses. Plus récemment, cette tension a été nourrie par le colonialisme qui a privé de nombreux musulmans de leurs droits et de leurs chances, et par une guerre froide où des pays à majorité musulmane ont été trop souvent considérés comme des sous-traitants, sans égard pour leurs propres aspirations. De plus, les changements énormes provoqués par la modernisation et la mondialisation ont conduit d nombreux musulmans à considérer l’Occident comme hostile aux traditions de l’islam.
De violents extrémistes ont exploité ces tensions chez une minorité réduite mais puissante de musulmans. Les attentats du 11 septembre 2001 et les violences continuelles de ces extrémistes contre des civils ont conduit certains, dans mon pays, à percevoir l’islam comme irrémédiablement hostile, non seulement à l’Amérique et aux pays de l’Occident, mais aussi aux droits de l’homme. Cela a renforcé encore la peur et la méfiance.
Tant que notre relation sera définie par nos différences, nous renforcerons ceux qui sèment la haine et non la paix, et qui promeuvent le conflit plutôt qu’une coopération qui peut aider nos peuples à parvenir à la justice et à la prospérité. Ce cycle du soupçon et de la discorde doit cesser.
Je suis venu chercher un nouveau commencement entre les Etats-Unis et les musulmans du monde entier, qui se fonde sur un intérêt et un respect mutuels ; qui se fonde sur le fait que l’Amérique et l’islam ne sont pas exclusifs l’un de l’autre et ne sont pas voués à se faire concurrence. Au lieu de cela, ils se chevauchent et partagent des principes communs : justice et progrès ; tolérance et dignité de tous les êtres humains.
Je fais cela en ayant conscience que le changement ne peut pas s’effectuer en un jour. Un discours seul ne peut éradiquer des années de méfiance. Et je n’ai pas non plus de réponse immédiate à toutes les questions complexes qui nous ont amenés au point où nous sommes. Mais je suis convaincu que pour avancer, nous devons dire ouvertement ce que nous avons sur le cœur et que, trop souvent, nous ne disons que derrière des portes fermées. Il doit y avoir un effort soutenu pour s’écouter, apprendre l’un de l’autre et chercher des terrains d’entente. Comme le dit le sait Coran ; « Sois conscient de Dieu et dis toujours la vérité. » C’est ce que je me propose de faire : dire la vérité du mieux que je peux, humble devant la tâche qui nous attend, et ferme dans ma croyance que les intérêts que nous partageons en tant qu’êtres humains sont beaucoup plus forts que les forces qui nous séparent.
Cette conviction est en partie liée à ma propre expérience. Je suis chrétien, mais mon père venait d’une famille kenyane qui comprend plusieurs générations de musulmans. Enfant, j’ai vécu plusieurs années en Indonésie et j’entendais l’appel du muezzin à l’aube et à la tombée du jour. Jeune homme, j’ai travaillé dans des communautés de Chicago où beaucoup ont trouvé dignité et paix dans leur foi musulmane.
Instruit en histoire, je connais aussi la dette de la civilisation envers l’islam. Ce fut l’islam – dans des endroits comme l’Université al-Azhar – qui a porté la flamme de l’étude pendant plusieurs siècles, montrant la voie en Europe à la Renaissance et aux Lumières. Ce fut l’esprit d’innovation qui soufflait sur les communautés musulmanes qui a produit l’algèbre, nos compas et outils de navigation, notre maîtrise de l’imprimerie, notre compréhension de la transmission des maladies et des moyens de la soigner. La culture musulmane nous a donné des arches majestueuses et des spirales élancées, une poésie éternelle et une musique magnifique ; une calligraphie élégante et des endroits de paisible contemplation. Dans son histoire, l’islam a fait la preuve, par les paroles comme par les actes, que la tolérance religieuse et l’égalité raciale étaient possibles.
Je sais aussi que l’islam a toujours fait partie de l’histoire américaine. Le Maroc a été le premier pays à reconnaître notre nation. En signant le Traité de Tripoli en 1796, notre deuxième président, John Adams, avait écrit : « Les Etats-Unis n’ont aucune trace d’hostilité envers les lois, la religion et la tranquillité des musulmans. » Et depuis notre fondation, les musulmans américains ont enrichi les Etats-Unis. Ils ont combattu dans nos guerres, servi au gouvernement, lutté pour les droits civiques, créé des entreprises, enseigné dans nos universités, excellé dans nos sports, été lauréats de prix Nobel, construit nos immeubles les plus hauts et allumé la torche olympique. Et lorsque le premier musulman américain a été élu au Congrès, il a fait le serment de défendre notre constitution sur le même Coran que l’un de nos pères fondateurs, Thomas Jefferson, avait conservé dans da bibliothèque personnelle.
Ainsi, j’ai connu l’islam sur trois continents avant de venir dans la région où il a été révélé. Cette expérience guide ma conviction qu’un partenariat entre l’Amérique et l’Islam doit être fondé sur ce qu’est l’Islam et non sur ce qu’il n’est pas. En tant que président des Etats-Unis, je considère qu’il est de ma responsabilité de lutter contre les stéréotypes sur l’Islam, où qu’ils apparaissent.
Mais ce même principe doit s’appliquer à la manière dont les musulmans perçoivent l’Amérique. De même que les musulmans ne correspondent pas à un stéréotype grossier, l’Amérique n’est pas le stéréotype grossier de l’empire mû par ses seuls intérêts. Les Etats-Unis ont été l’une des plus grandes sources de progrès que le monde ait jamais connues. Nous sommes nés d’une révolution contre un empire. Nous avons été fondés sur un idéal selon lequel tous sont créés égaux, et nous avons versé du sang et lutté pendant des siècles pour donner un ses à ces mots – à l’intérieur de nos frontières et partout dans le monde. Nous sommes formés de toutes les cultures, attirés vers tous les bouts de la Terre et dévoués à une idée simple : « E pluribus unum. »
On a beaucoup parlé du fait qu’un Afro-américain du nom de Barack Hussein Obama pouvait être élu président. Mais mon histoire personnelle n’est pas si exceptionnelle. Le rêve des occasions pour chacun ne s’est pas réalisé pour tous en Amérique, mais cette promesse existe pour tous ceux qui viennent chez nous – et cela comprend les presque 7 millions d’Américains musulmans de notre pays qui bénéficient d’un revenu et d’une éducation qui sont au-dessus de la moyenne.
En outre, la liberté en Amérique ne peut être séparée de la liberté de pratiquer sa religion. C’est la raison pour laquelle il y a une mosquée dans chaque Etat de l’Union, et plus de 1 200 mosquées à l’intérieur de nos frontières. C’est la raison pour laquelle le gouvernement des Etats-Unis a été au tribunal défendre le droit des femmes et des filles de porter le hijab, et punir ceux qui le leur refusent.
Alors, qu’il n’y ait aucun doute : l’islam est une partie de l’Amérique. Et je crois que l’Amérique recèle la vérité qui dit que, sans égard à la race, la religion où la position sociale, nous tous partageons les mêmes aspirations : vivre en paix et en sécurité, bénéficier d’une éducation et travailler dans la dignité ; aimer notre famille, notre communauté et notre Dieu. Ce sont des choses que nous partageons. C’est l’espoir de toute l’humanité.
Bien sûr, le fait de reconnaître notre humanité commune n’est que le commencement de notre tâche. Les mots seuls ne peuvent répondre aux besoins de nos peuples. Ces besoins ne seront satisfaits que si nous agissons avec audace dans les années à venir, et si nous comprenons que les défis auxquels nous faisons face sont partagés et que nous ne les surmontons pas, nous en serons tous affectés.
Car l’expérience récente nous a appris que lorsqu’un système financier s’affaiblit dans un pays, la prospérité est affectée partout. Quand une nouvelle grippe infecte un seul être humain, tous sont en danger. Quand une nation cherche à obtenir l’arme nucléaire, le risque d’une attaque nucléaire augmente pour toutes les nations. Quand des extrémistes violents opèrent dans une chaîne de montagnes, des gens sont en danger de l’autre côté de l’océan. Et quand des innocents en Bosnie ou au Darfour sont massacrés, c’est une tache sur notre conscience collective. Voilà ce que signifie partager dans ce monde du XXIe siècle. Là est la responsabilité que nous avons l’un envers l’autre en tant qu’êtres humains.
C’est une responsabilité difficile à comprendre. Car l’histoire humaine a souvent été une suite de nations et de tribus s’assujettissant les unes les autres pour servir leurs intérêts propres. Or, dans cette ère nouvelle, pareilles attitudes iraient à l’encontre du but recherché. Compte tenu de notre interdépendance, tout ordre mondial qui élèverait une nation ou un groupe au-dessus des autres échouera inévitablement. Alors, quoi que nous pension du passé, nous ne devons pas en être prisonniers. Nos problèmes doivent être résolus par le partenariat, le progrès doit être partagé.
Cela ne veut pas dire qu’il faille ignorer les sources de tension. En fait, cela signifie le contraire : il faut regarder ces tensions en face. Et c’est dans cet esprit que je vais maintenant parler, aussi clairement et simplement que possible, de certaines questions dont je pense qu’il nous faudra les affronter ensemble. La première question que nous devons affronter est celle de la violence extrémiste sous toutes ses formes. A Ankara, j’ai dit clairement que l’Amérique n’est pas et ne sera jamais en guerre contre l’Islam. Néanmoins, nous affronterons sans relâche la violence extrémiste qui menace gravement notre sécurité. Car nous rejetons ce que les hommes de toutes les fois rejettent : le meurtre d’innocents, hommes, femmes et enfants. Et mon premier devoir de président est de protéger le peuple américain.
La situation en Afghanistan met en lumière les objectifs de l’Amérique et notre besoin de coopérer. Il y a plus de sept ans, les Etats-Unis ont pourchassé al-Qaida et les taliban avec un large soutien international. Nous n’y sommes pas allés par choix mais par nécessité. Je sais que certains mettent en doute ou justifient les événements du 11 septembre. Mais soyons clairs : ce jour-là, al-Qaida a tué près de 3 000 personnes. Les victimes étaient des innocents, hommes, femmes enfants, d’Amérique ou d’autres nations, qui n’avaient fait de mal à personne. Et al-Qaida a choisi de les assassiner sans pitié, a revendiqué ces crimes et déclare même sa détermination à tuer sur une grande échelle. Il a des alliés dans de nombreux pays et tente d’augmenter son influence. Il ne s’agit pas là d’opinions dont on peut débattre, mais d’actes qu’il faut traiter.
Ne vous y trompez pas : nous ne souhaitons pas que nos troupes restent en Afghanistan. Nous ne cherchons pas à y établir des bases militaires. Il est très douloureux pour l’Amérique de perdre nos jeunes femmes et nos jeunes hommes. Il est coûteux et difficile politiquement de poursuivre ce conflit. Nous ramènerions avec plaisir chacun de nos soldats à la maison si nous pouvions avoir la certitude qu’il n’y aura pas d’extrémistes violents en Afghanistan et au Pakistan, déterminés à tuer le plus d’Américains possible. Mais ce n’est pas encore le cas.
C’est la raison pour laquelle nous sommes membres d’une coalition de 46 pays. Et malgré les coûts, l’engagement américain ne faiblira pas. Réellement, aucun d’entre nous ne doit tolérer ces extrémistes. Ils ont tué dans de nombreux pays. Ils ont tué des gens de différentes fois. Ils ont tué des musulmans plus que d’autres. Leurs actes sont inconciliables avec les droits des êtres humains, le progrès des nations, et avec l’islam. Le Coran enseigne que quiconque tue un innocent tue l’humanité tout entière, et que quiconque sauve une vie sauve toute l’humanité. La foi tenace de plus d’un milliard de gens est bien plus forte que la haine étroite de quelques-uns. L’islam ne fait pas partie du problème dans le combat contre la violence extrémiste, il a au contraire un rôle important à jouer dans la promotion de la paix.
Nous savons aussi que la force militaire ne va pas résoudre les problèmes en Afghanistan et au Pakistan. C’est pourquoi nous comptons investir chaque année pendant cinq ans 1,5 milliard de $ pour construire avec les Pakistanais des écoles, des hôpitaux, des routes et des entreprises, et des centaines de millions pour aider les personnes déplacées. Et c’est pourquoi nous dépensons plus de 2,8 milliards de $ pour aider les Afghans à développer leur économie et les services dont les gens dépendent. Parlons de l’Irak. A la différence de l’Afghanistan, l’Irak a été une guerre par choix qui a suscité de fortes oppositions dans mon pays et dans le monde. Bien que je pense que le peuple irakien se trouve en définitive bien mieux sans la tyrannie de Sassam Hussein, je pense aussi que les événements en Irak ont rappelé à l’Amérique la nécessité de la démocratie et du consensus international pour résoudre nos problèmes, chaque fois que cela est possible. Souvenons-nous des paroles de Thomas Jefferson qui a dit : « J’espère que notre sagesse grandira comme notre puissance et nous apprendra que moins nous utilisons notre force, plus grande elle sera. »
Aujourd’hui, l’Amérique a une double responsabilité : aider les Irakiens à bâtir un avenir meilleur – et laisser l’Irak aux Irakiens. J’ai dit clairement au peuple irakien que nous ne voulions aucune base, ne revendiquons aucun territoire ou ressource. La souveraineté de l’Irak lui appartient. C’est pourquoi j’ai ordonné le départ de nos brigades combattantes en août prochain. C’est pourquoi nous respecterons notre engagement auprès du gouvernement irakien démocratiquement élu et retirerons les troupes de combat des villes irakiennes dès juillet, et toutes nos troupes d’Irak en 2012. Nous aiderons l’Irak à entraîner ses forces de sécurité et à développer son économie ; mais nous soutiendrons un Irak sûr et uni en tant que partenaire, et jamais en tant que patron.
Enfin, de même que jamais l’Amérique ne pourra tolérer la violence d’extrémistes, nous ne devons jamais dévier de nos principes. Le 11 septembre a été un immense traumatisme pour notre pays. La peur et la colère qu’il a provoquées sont compréhensibles, mais dans certains cas, il nous a conduits à agir en contradiction avec nos idéaux. Nous sommes en train d’agir pour changer de direction. J’ai interdit sans équivoque l’usage de la torture par les Etats-Unis, et j’ai ordonné la fermeture de la prison de Guantanamo Bay au début de l’année prochaine.
Ainsi, l’Amérique se défendra dans le respect de la souveraineté des nations et de l’Etat de droit. Et nous le ferons en partenariat avec des communautés musulmanes, menacées elles aussi. Plus tôt les extrémistes seront isolés et mal vus dans les communautés musulmanes et plus tôt nous serons en sécurité.
La deuxième source de tension dont il nous faut parler est la situation entre les Israéliens, les Palestiniens et le monde arabe.
Les liens solides entre l’Amérique et Israël sont bien connus. Cette relation est indestructible. Elle est fondée sur des liens culturels et historiques, et sur la conscience que l’aspiration à une patrie juive est enracinée dans une histoire tragique qui ne peut pas être niée.
Partout dans le monde, le peuple juif a été persécuté pendant des siècles, et l’antisémitisme en Europe a culminé avec une catastrophe sans précédent. Demain, je vais visiter Buchenwald, qui faisait partie d’un réseau de camps où les Juifs étaient réduits à l’état d’esclaves, torturés, tués par balles et gazés à mort par le IIIe Reich. Six millions de juifs ont été tués, plus que la totalité de la population juive d’Israël aujourd’hui. Nier ce fait est sans fondement, c’est de l’ignorance et de la haine. Menacer Israël de destruction ou répéter des stéréotypes ignobles sur les juifs est profondément mal et ne sert qu’à rappeler aux Israéliens les plus douloureux des souvenirs tout en empêchant la paix que les gens de cette région méritent.
D’un autre côté, il est aussi indéniable que le peuple palestinien – musulmans et chrétiens – a souffert dans sa quête d’une patrie. Pendant plus de 60 ans, il a enduré les douleurs du déracinement. Beaucoup attendent, dans des camps de réfugiés en Cisjordanie, à Gaza et aux alentours, une vie de paix et de sécurité qu’ils n’ont jamais pu mener. Ils subissent les humiliations quotidiennes – grandes et petites – qui accompagnent l’occupation. Alors, qu’il n’y ait aucun doute : la situation du peuple palestinien est intolérable. L’Amérique ne tournera pas le dos aux aspirations légitimes des Palestiniens à la dignité et à un Etat à eux.
Pendant des dizaines années, il y a eu une impasse : deux peuples aux aspirations légitimes, chacun avec son histoire douloureuse qui fait fuir tout compromis. Il est facile de pointer du doigt les responsabilités – pour les Palestiniens, pointer les migrations provoquées par la fondation d’Israël, pour les Israéliens de pointer la constante hostilité et les attaques qu’ils ont subies dans leur histoire, depuis l’intérieur de leurs frontières aussi bien que du dehors. Mais si nous ne considérons ce conflit que d’un côté, noue ne verrons pas la vérité : la seule solution pour répondre aux aspirations des deux côtés passe par deux Etats, où Israéliens et Palestiniens vivront chacun en paix et en sécurité. Il y va de l’intérêt d’Israël, de la Palestine, de l’Amérique et du monde. C’est pourquoi j’ai l’intention de rechercher personnellement cette solution, avec toute la patience que la tâche requiert. Les obligations que les parties ont contractées dans le cadre de la feuille de route sont claires. Pour que la paix advienne, il est temps pour elles – et pour nous tous – de prendre nos responsabilités.
Les Palestiniens doivent renoncer à la violence. La résistance par la violence et le meurtre est mauvaise et ne marche pas. Pendant des siècles, les Noirs d’Amérique ont subi le fouet pour les esclaves et l’humiliation de la ségrégation. Mais ce n’est pas la violence qui a conquis l’égalité et la plénitude de leurs droits. C’est par une insistance pacifique et déterminée sur les principes au centre de la fondation de l’Amérique. La même histoire peut être dite par des peuples d’Afrique du Sud et d’Asie du Sud-Est, d’Europe de l’Est ou d’Indonésie. Cette histoire a une vérité toute simple : la violence est une impasse. Ce n’est ni un signe de courage ni un signe de force que de tirer des roquettes sur des enfants endormis ou de faire sauter de vieilles femmes dans un autobus. Ce n’est pas ainsi qu’on revendique une autorité morale, c’est ainsi qu’on se dépouille de cette autorité morale.
Il est maintenant temps pour les Palestiniens de se concentrer sur ce qu’ils peuvent construire. L’Autorité palestinienne doit développer sa capacité à gouverner, avec des institutions qui répondent aux besoins de son peuple. Le Hamas a du soutien chez certains Palestiniens, mais il a lui aussi des responsabilités. Pour jouer un rôle et répondre aux aspirations des Palestiniens, et unifier le peuple palestinien, le Hamas doit mettre fin à la violence, reconnaître les accords passés et reconnaître le droit d’Israël à l’existence.
Dans le même temps, les Israéliens doivent reconnaître que, tout comme le droit d’Israël à exister ne peut pas être nié, celui de la Palestine ne peut pas l’être non plus. Les Etats-Unis n’acceptent pas la légitimité de la continuation de la colonisation. Ces constructions violent les accords précédents et sapent les efforts consentis pour parvenir à la paix. Il est temps que ces colonies cessent.
Israël doit aussi respecter ses engagements et assurer aux Palestiniens la possibilité de vivre, travailler et développer leur société. Et, tout comme elle dévaste les familles palestiniennes, la crise humanitaire qui continue à Gaza ne sert pas la sécurité d’Israël, pas plus que l’absence continue de perspectives en Cisjordanie. Le progrès de la vie quotidienne des Palestiniens doit faire partie du chemin vers la paix ; et Israël doit prendre des mesures concrètes pour permettre ce progrès.
Enfin, les pays arabes doivent reconnaître que l’Initiative de paix arabe a constitué un début important, mais non la fin de leurs responsabilités. Le conflit israélo-arabe ne doit plus être utilisé pour détourner les peuples des nations arabes d’autres problèmes. Au lieu de cela, il doit être un moteur pour agir et aider le peuple palestinien à développer les institutions qui feront vivre leur Etat ; reconnaître la légitimité d’Israël ; et choisir le progrès plutôt qu’une obsession mortifère du passé.
L’Amérique accordera sa politique avec ceux qui recherchent la pais, et dira en public ce qu’elle dit en privé, aux Israéliens, aux Palestiniens et aux Arabes. Nous ne pouvons pas imposer la paix. Mais en privé, de nombreux musulmans reconnaissent qu’Israël ne disparaîtra pas. De même, de nombreux Israéliens reconnaissent la nécessité d’un Etat palestinien. Il est temps pour nous d’agir sur ce que tout le monde sait être vrai. Trop de larmes et de sang ont été versés. Nous avons tous une responsabilité : celle d’œuvrer au jour où les mères israéliennes et palestiniens pourront voir leurs enfants grandir sans peur ; où la terre sainte des trois grandes religions sera l’endroit de paix que Dieu avait pensé ; où Jérusalem verra cohabiter dans la sécurité et la durée juifs, musulmans et chrétiens et sera un endroit où tous les enfants d’Abraham se mêleront pacifiquement, comme dans l’histoire d’Isra, quand Moïse, Jésus et Mahomet (la paix soir eux) se sont joints pour prier ensemble.
La troisième source de tension relève de notre intérêt commun dans les droits et les devoirs des nations au sujet des armes nucléaires. Cette question est une source de tension entre les Etats-Unis et la République islamique d’Iran. Pendant des années, l’Iran s’est défini en partie par son opposition à mon pays, et il est vrai qu’il y a entre nous une histoire tumultueuse. Au milieu de la Guerre Froide, les Etats-Unis ont joué un rôle dans le renversement d’un gouvernement iranien démocratiquement élu. Depuis la révolution islamique, l’Iran a joué un rôle dans des actes de prises d’otages et de violences contre des Américains, militaires et civils. L’histoire est connue. Plutôt que de demeurer piégé dans le passé, j’ai dit clairement au peuple et aux dirigeants iraniens que mon pays est prêt à aller de l’avant. La question, aujourd’hui, n’est pas de savoir contre quoi est l’Iran, mais quel avenir il veut bâtir.
Il sera difficile de surmonter des décennies de méfiance, mais nous agirons avec courage, rectitude et résolution. Il y aura de nombreuses questions à discuter entre nos deux pays, et nous sommes prêts à aller de l’avant sans conditions préalables, sur la base d’un respect mutuel. Mais il est clair pour tout le monde que lorsqu’il s’agit d’armes nucléaires, nous atteignons un point décisif. Il ne s’agit plus simplement des intérêts américains, mais d’empêcher une course à l’arme nucléaire au Moyen-Orient qui pourrait mener cette région et le monde sur une voie extraordinairement dangereuse.
Je comprends ceux qui protestent contre le fait que certains pays disposent d’armes que d’autres n’ont pas. Aucune nation ne doit choisir quelles nations possèdent l’arme nucléaire. C’est pourquoi j’ai réaffirmé fortement l’engagement des Etats-Unis dans la recherche d’un monde sans armes nucléaires. Et toute nation – y compris l’Iran – doit avoir le droit d’accéder à l’énergie nucléaire à des fins pacifiques sii elle respecte ses obligations dans le cadre du traité de non-prolifération. Cet engagement est au cœur du traité. Seuls ceux qui le respectent doivent y avoir droit. Et j’espère que tous les pays de la région pourront partager cet objectif.
Quatrième question que j’aborderai : la démocratie.
Je sais qu’il y a eu des controverses sur la promotion de la démocratie, pour une grande part en relation avec la guerre en Irak. Mais je serai très clair : aucune nation ne peut imposer à une autre un système de gouvernement. Mais cela ne minore pas mon engagement envers les gouvernements qui reflètent la volonté de leur peuple. Chaque nation fait vivre ce principe à sa manière, enracinée dans ses traditions. L’Amérique ne prétend pas savoir ce qui est bon pour tout le monde. Mais je pense, sans aucune concession possible, que les gens souhaitent certaines choses : la possibilité de donner son avis sur la façon dont on est gouverné ; la confiance en l’Etat de droit et une administration de la justice égale pour tous ; un gouvernement transparent qui ne vole pas son peuple ; la liberté de choisir son style de vie. Ce ne sont pas seulement des idées américaines mais des droits de l’homme, et c’est pourquoi nous les soutiendrons partout.
Il n’existe pas de ligne droite pour réaliser cette promesse. Mais cela au moins est certain : les gouvernements qui protègent ces droits sont finalement plus stables, plus sûrs et réussissent mieux. La répression des idées ne réussit jamais à les faire disparaître. L’Amérique respecte le droit de toutes les voix pacifiques et respectueuses de la loi à se faire entendre partout dans le monde, même si nous sommes en désaccord avec elles. Et nous ferons bon accueil à tout gouvernement élu et pacifique, s’il gouverne en respectant son peuple.
Ce dernier point est important car certains ne défendent la démocratie que lorsqu’ils n’ont pas le pouvoir. Une fois au pouvoir, ils répriment impitoyablement les droits des autres. Quel que soit l’endroit du monde, le gouvernement du peuple et par le peuple implique des règles simples pour ceux qui exercent le pouvoir : il faut l’exercer par le consentement et non par la coercition, respecter les droits des minorités, placer les intérêts du peuple et les processus légitimes du processus politique au-dessus de votre parti. Sans ces ingrédients, les seules élections ne font pas une vraie démocratie.
Cinquième question dont je parlerai : la liberté religieuse.
L’islam a une tradition de tolérance fière d’elle-même. Nous le voyons dans l’histoire de l’Andalousie et de Cordoue. Je l’ai vu moi-même enfant en Indonésie, où des prêtres chrétiens pratiquaient leur religion librement dans un pays dont l’immense majorité est musulmane. C’est l’esprit dont nous avons besoin aujourd’hui. Dans tous les pays, les gens doivent être libres de choisir et de vivre leur foi sur la base de la persuasion de l’esprit, du cœur et de l’âme. Cette tolérance est essentielle pour la religion, mais elle est menacée de différentes manières.
Chez certains musulmans, il existe une tendance inquiétante à mesurer sa foi par le rejet de celle d’autrui. La richesse de la diversité religieuse doit être préservée, que ce soit pour les maronites au Liban ou pour les coptes en Egypte. Les lignes de fracture doivent être fermées aussi chez les musulmans, car les divisions entre sunnites et chiites ont provoqué des violences tragiques, en particulier en Irak.
La liberté religieuse est capitale pour permettre aux peuples de vivre ensemble. Il nous faut toujours examiner les façons de la protéger. Pas exemple, aux Etats-Unis, les règles qui régissent les dons caritatifs ont rendu plus difficile pour les musulmans la pratique de leurs obligations religieuses. C’est pourquoi je me suis engagé à travailler avec les musulmans américains pour garantir qu’ils puissent exercer la zakat.
De même, il est important que les pays occidentaux évitent d’empêcher leurs citoyens musulmans de pratiquer leur religion comme ils l’entendent – par exemple en dictant la manière dont une musulmane doit s’habiller. On ne peut pas déguiser l’hostilité à l’égard d’une religion sous le couvert du libéralisme.
La foi doit nous réunir. C’est pourquoi nous avons mis en route des projets d’offices communs qui réunissent chrétiens, musulmans et juifs. C’est pourquoi nous saluons des efforts comme ceux du roi Abdallah d’Arabie saoudite pour le dialogue interreligieux ou des dirigeants turcs pour l’Alliance des civilisations. Partout dans le monde, nous pouvons transformer le dialogue en offices communs, de façon que les ponts entre les peuples mènent à l’action, que ce soit pour combattre la malaria en Afrique ou pour apporter du secours après une catastrophe naturel.
Sixième question : les droits des femmes.
Je sais qu’il y a un débat sur cette question. Je rejette l’opinion de certains occidentaux pour qui une femme qui choisit de couvrir sa chevelure est d’une certaine façon moins égale, mais je crois aussi qu’une femme à qui l’on refuse l’éducation se voit dénier ses droits. Et ce n’est pas par hasard si les pays où les femmes ont accès à une éducation de haut niveau ont de bien plus grandes chances de prospérer.
Je serai clair sur ce point : la question de l’égalité des femmes n’a pas à être un problème pour l’Islam. En Turquie, au Pakistan, au Bangladesh et en Indonésie, nous avons vu des pays à majorité musulmane élire des femmes à leur tête. Dans le même temps, la lutte pour l’égalité des femmes continue dans de nombreux aspects de la société américaine, et un peu partout dans le monde.
Nos filles peuvent contribuer à la société autant que nos fils, et notre prospérité commune progressera et permettant à toute l’humanité – hommes et femmes – d’atteindre leur potentiel. Je ne pense pas que les femmes doivent nécessairement faire les mêmes choix que les hommes pour être leurs égales, et je respecte ces femmes qui choisissent de mener leur vie dans des rôles traditionnels. Mais cela doit être leur choix. C’est pourquoi les Etats-Unis coopéreront avec tout pays à majorité musulmane pour soutenir l’alphabétisation des filles et aider les jeunes femmes à chercher un emploi par le micro-crédit qui aide les gens à réaliser leurs rêves.
Enfin, je parlerai de développement économique et de perspectives.
Je sais que pour beaucoup, la mondialisation a deux visages. L’Internet et la télévision peuvent convoyer connaissances et information, mais sexualité offensante et violence illimitée. Le commerce peut apporter de nouvelles richesses et de nouvelles perspectives, mais aussi denormes bouleversements. Dans toutes les nations, y compris la mienne, ce changement peut s’accompagner de craintes. Crainte qu’à cause de la modernité, nous perdions le contrôle sur nos choix économiques, notre politique et, plus important encore, notre identité – les choses auxquelles nous tenons le plus, nos familles, notre tradition, notre foi.
Mais je sais aussi que le progrès humain ne se refuse pas. Il n’y a pas nécessairement de contradiction entre développement et tradition. Des pays comme le Japon et la Corée du Sud ont développé leur économie tout en maintenant une culture bien distincte. Cela est également vrai pour les progrès étonnants accomplis dans des pays à majorité musulmane, de Dubaï à Kuala Lumpur. Dans les temps anciens comme à notre époque, des communautés musulmanes ont été à l’avant-garde de l’innovation et du développement.
Cela est important parce qu’aucune stratégie de développement ne peut reposer uniquement sur ce qui vient de soi-même, et ne peut pas non plus se poursuivre quand de jeunes gens sont au chômage. De nombreux pays du Golfe ont bénéficié d’importantes richesses grâce au pétrole, et certains se concentrent aujourd’hui sur un développement plus large. Mais nous devons tous reconnaître que l’éducation et l’innovation seront la monnaie du XXIe siècle. Or, dans trop de communautés musulmanes, il y a eu sous-investissement dans ces secteurs. Je donne beaucoup d’importance à ces investissements dans mon pays. Alors que, dans le passé, l’Amérique s’est beaucoup souciée du pétrole et du gaz provenant de cette partie du monde, nous recherchons aujourd’hui un engagement plus large.
Sur l’éducation, nous développerons des programmes dechanges et augmenterons les bourses, comme celle qui a fait venir mon père en Amérique, tout en encourageant davantage d’Américains à aller étudier dans des pays musulmans. Nous accueillerons les étudiants musulmans prometteurs dans des internats américains, investirons dans l’enseignement en ligne pour les enseignants et les enfants partout dans le monde, et créerons un nouveau réseau en ligne, de sorte qu’un adolescent du Kansas pourra communiquer instantanément avec un adolescent du Caire.
Sur le développement économique, nous créerons un nouveau corps de volontaires entrepreneurs pour monter des partenariats avec leurs homologues de pays à majorité musulmane. Et nous accueillerons cette année un sommet sur l’entreprenariat pour identifier les moyens d’approfondir les liens entre chefs d’entreprise, fondations et entrepreneurs sociaux aux Etats-Unis et dans les pays musulmans.
Sur la science et la technologie, nous lancerons un nouveau fonds de soutien au développement technologique dans les pays à majorité musulmane, et aiderons à diffuser les idées sur les marchés afin qu’elles puissent créer des emplois. Nous ouvrirons des pôles d’excellence en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est. Nous nommerons de nouveaux émissaires de la science qui collaboreront à des programmes destinés à développer de nouvelles sources denergie, créer des emplois écologiques, numériser des enregistrements, purifier l’eau et faire pousser de nouvelles récoltes. Et aujourd’hui, j’annonce un nouvel effort mondial avec l’Organisation de la Conférence islamique pour éradiquer la polio. Nous développerons également des partenariats avec des pays musulmans pour promouvoir la santé des enfants et des mères.
Tout cela doit s’effectuer en partenariat. Les Américains sont prêts à se joindre aux civils et aux gouvernements, aux organisations communautaires et aux leaders religieux dans les pays du monde entier pour aider nos peuples à bâtir une vie meilleure. Les choses que j’ai décrites ne seront pas faciles à, réaliser. Mais il est de notre responsabilité de joindre nos efforts au nom du monde que nous voulons – un monde où les extrémistes ne menacent plus nos peuples, où les soldats américains sont rentrés chez eux ; un monde où Israéliens et Palestiniens sont chacun en sécurité dans leur Etat, où l’énergie nucléaire n’est utilisée qu’à des fins pacifiques ; un monde où les gouvernements sont au service de leurs citoyens et où tous les droits des enfants de Dieu sont respectés. Ce sont des intérêts qui nous sont communs. C’est le monde que nous voulons. Mais nous ne pourrons y arriver qu’ensemble.
Je sais que beaucoup – musulmans ou non – doutent de notre capacité à mettre en œuvre ce niveau commencement. Certains veulent attiser les flammes de la division et se mettre en travers de la voie du progrès. Certains disent que l’effort n’en vaut pas la peine, que nous sommes condamnés au désaccord et que les civilisations sont condamnées à s’entrechoquer. Bien plus encore sont tout simplement sceptiques sur le fait qu’un réel changement puisse avoir lieu. Il y a tant de peur, tant de méfiance. Mais si nous choisissons d’être prisonniers du passé, nous n’avancerons jamais. Je souhaite particulièrement dire ceci aux jeunes gens de toutes les fois, dans tous les pays : vous, plus que quiconque, avez la capacité de refaire ce monde.
Chacun d’entre nous partage ce monde pour une brève période. La question est de savoir si nous passons ce temps à nous concentrer sur ce qui nous divise, ou si nous nous engageons à faire un effort – un effort soutenu – pour trouver des points de convergence, pour se concentrer sur l’avenir que nous souhaitons pour nos enfants et pour respecter la dignité de tous les êtres humains.
Il est plus facile de commencer des guerres que d’y mettre fin. Il est plus facile de blâmer les autres plutôt que de regarder à l’intérieur de soi, de voir ce qu’il y a de différent chez quelqu’un plutôt que de trouver ce que nous avons en commun. Mais nous devons choisir la voie juste et non la voie facile. Il y aussi au cœur de chaque religion une règle : nous agissons envers autrui comme nous souhaitons qu’il agisse envers nous. Cette vérité transcende les nations et les peuple et elle n’est pas nouvelle. Elle n’est ni noire, ni blanche ni brune, elle n’est ni chrétienne, ni musulmane ni juive. C’est une idée qui a battu au berceau de la civilisation, et qui bat toujours dans le cœur de milliards de gens. C’est la foi en l’autre, et c’est ce qui m’amène ici aujourd’hui.
Nous avons le pouvoir de faire le monde que nus voulons, mais seulement si nous avons le courage d’un nouveau commencement, en gardant à l‘esprit ce qui a été écrit.
Le Coran nous dit : « Oh, humanité ! Nous t’avons créée mâle et femelle, et nous t’avons dispersée en nations et tribus afin que vous puissiez vous connaître. »
Le Talmud nous dit : « Toute la Torah n’a pour but que de promouvoir la paix. »
La Bible nous dit : « Bénis soient les bâtisseurs de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. »
Les peuples du monde peuvent vivre ensemble en paix. Nous savons que c’est la vision de Dieu. Maintenant, cela doit être notre travail, ici sur terre. Merci. Et que la paix soit sur vous.
Traduction : Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
En octobre 2002, le Conseil fédéral a interdit à Mourad Dhina , chef du Bureau exécutif du Front islamique du salut (FIS ) , parti aujourd’hui dissous en Algérie, de faire de la propagande depuis le territoire suisse, de justifier, prôner ou soutenir l’usage de la violence. L’homme avait déposé une demande d’asile en 1995, qui lui a été refusée.