CRIMINALISER LE SALAFISME ET INTERDIRE LES ORGANISATIONS LIÉES AUX FRÈRES MUSULMANS

Criminaliser le salafisme et interdire les organisations liées aux Frères musulmans

06.07.2015 Mohamed Sifaoui

La communauté internationale et singulièrement les grandes démocraties, font preuve d’incohérence et manquent cruellement de courage dans le cadre de la lutte idéologique qui les oppose aux tenants du totalitarisme islamiste.

Depuis plusieurs années, je plaide, malgré les cris d’orfraies, à la criminalisation de l’idéologie salafiste et à l’interdiction pure et simple des organisations s’inspirant de la pensée des Frères musulmans. Ce double objectif devrait être celui de tout démocrate, attaché à la laïcité, qui aspire à vivre au sein d’une société apaisée où la violence et le terrorisme seraient bannis. Ce double objectif permettra de préserver, par ailleurs, l’ordre républicain et de garantir une compatibilité de l’islam avec la République. Car, disons les choses clairement, si aujourd’hui, à certains égards, l’islam pose problème, c’est parce qu’il n’est pas représenté pas une spiritualité, un culte ou une culture, mais parce qu’il est largement phagocyté par deux idéologies nihilistes : celle des salafistes et celle des Frères musulmans. En d’autres termes, si la majorité des musulmans est apaisée et n’aspire qu’à vivre dans la quiétude, les courants, associations et organisations visibles et actifs sont dominés par les deux idéologies en question.

La criminalisation du salafisme et l’interdiction des organisations liées aux frères musulmans sont confortées par des arguments qui s’articuleraient autour de trois raisons objectives.

Pour des questions politiques d’abord. Ces deux idéologies, nous le voyons tous les jours, représentent un danger pour la cohésion d’une société. Elles la clivent et la segmentent y compris en usant de violence. Si la démarche des salafistes peut-être constatée au quotidien, les visées non avouées des Frères musulmans doivent, elles, être décryptées. Quoi qu’il en soit, les uns et les autres veulent provoquer la rupture du lien social. Pour se convaincre de leur nocivité, il suffit d’observer leurs agissements et leur comportement dans les pays dits « musulmans ». Ils sont souvent à l’origine du désordre et du chaos même lorsqu’ils font face à des régimes détestables.

Pour des questions idéologiques ensuite. Ces deux courants sunnites (on pourrait dire la même chose des intégristes chiites) sont des pensées totalitaires – à certains égards fascisantes – incompatibles avec la lettre et l’esprit du corpus démocratique qu’elles cherchent à anéantir et à réduire en cendres. Un simple examen froid et critique des textes salafistes ou fréristes permettrait de faire ce constat. Que le groupe islamiste ait pour nom le Hamas (Frères musulmans) à Gaza ou Daech (salafistes) à Raqaa, que l’ennemi ait pour nom Israël, l’Amérique ou la France, la barbarie qui s’exerce à l’endroit de leurs propres coreligionnaires suffit à illustrer le caractère fasciste et nihiliste de ces idéologies.

Pour des questions juridiques enfin. Ces deux idéologies sont criminogènes. Au mieux, elles impliquent, là où elles sont fortement représentées, un risque de trouble à l’ordre public. Et de ce point de vue, il serait naïf de constater le caractère violent du salafisme et des Frères musulmans à travers les seules manifestations terroristes. La violence est consubstantielle à l’un et aux autres. Violence à l’égard des minorités religieuses, spirituelles, sexuelles, philosophiques. Violence par le verbe, par l’épée et par le texte, mais aussi violence par l’humiliation, par le regard, par le comportement et violence enfin par la diabolisation, l’excommunication ou le rejet de la « différence » réelle ou supposée. Les deux pensées sont, de manière assumée ou dissimulée, antisémites, homophobes, misogynes, apologétiques de la violence et de la haine dans leurs textes et dans les discours de la plupart de leurs représentants.

Écrire ce qui précède pourrait susciter le scepticisme. De belles âmes pourraient trouver que ce serait là une démarche excessive, un propos extrême et une attitude intolérante. Je suis prêt à entendre de telles critiques à condition que l’on m’explique comment devrait-on gérer les dogmes qui structurent les deux pensées en question.

Sait-on au moins ce que celles-ci pensent du projet de société que nous défendons ?

Quelques petits rappels :

S’agissant de la démocratie, les Frères musulmans ont toujours rejeté cette valeur que ce soit à travers la voix de leur fondateur Hassan el Banna ou à travers des figures du mouvement comme Sayed Qutb ou, au Pakistan, Al Mawdoudi. Les uns et les autres estiment que la souveraineté doit être détenue par Dieu, et non par le peuple. Les islamistes estiment que toutes les lois nécessaires à la gestion de la cité existent dans le corpus islamique à travers le Coran et la Sunna (la tradition du Prophète). Les quelques « évolutions » qui ont été consenties par la Confrérie ont accepté l’idée d’une sorte de démocratie qui soit contrôlée et assujettie à la loi religieuse, la charia. Pour la Confrérie intégriste, la prépondérance de la législation islamique sur l’ensemble des lois « inventées par l’homme » est une question non négociable. De ce point de vue, pour s’en convaincre, il suffit de lire ou de relire le mot d’ordre de la Confrérie : « Dieu est notre objectif. Le Prophète Mahomet est notre chef. Le Coran est notre loi. Le djihad est notre voie ».

Les salafistes, eux, sont plus explicites. Ils ont ce mérite d’être moins hypocrites que les Frères musulmans et moins dissimulateurs. Pour eux, le rejet de la démocratie est clair et sans ambages. L’un de leurs leaders spirituels contemporains, le jordanien Abou Mohamed El Maqdissi, écrivait au cours des années 2000, un texte intitulé La démocratie est une religion dans lequel il qualifiait la démocratie de « religion autre que la religion d’Allah ». Elle y est décrite comme « une religion mécréante innovée dont les partisans sont soient des seigneurs législateurs ou des suiveurs qui les adorent ».

Un autre idéologue, le cheikh Mouqbil, un yéménite formé en Arabie saoudite, affirmait dans l’un de ses prêches : « La démocratie est une mécréance. Nous n’avons pas besoin de la démocratie. Qu’implique t-elle ? Le fait de donner au peuple l’occasion de se gouverner par lui même. C’est à dire sans Livre (Coran) et sans Sunna (Tradition du Prophète). La démocratie vote en faveur de la pornographie, ils ont voté dans certains pays mécréants qu’il est autorisé à un homme d’en épouser un autre. La démocratie n’est qu’ignominie. Elle met sur un même pied d’égalité le pieux et le pervers ». On ne peut pas être plus clair.

S’agissant de la laïcité, pour connaître l’avis des Frères musulmans, il suffit de lire Hassan el Banna ou d’écouter attentivement Tariq Ramadan, son petit-fils et néanmoins représentant médiatique de sa pensée. Le fondateur de la Confrérie extrémiste affirmait : « l’islam est foi et culte, patrie et citoyenneté, religion et État, spiritualité et action, Livre et sabre… ». Ce mot d’ordre est repris de nos jours par Tariq Ramadan qui le résume d’une phrase : « l’islam est un englobant ». Donc, point de séparation entre le temporel et le spirituel pour les tenants de cette pensée intégriste dont les promoteurs savent se draper généralement derrière les habits et le langage de la modernité.

Même vision pour les salafistes. Un exemple pour illustrer la position de ces derniers à l’égard de la laïcité : un texte rédigé par un idéologue algérien, Mohamed Ferkous. Il écrit : « la laïcité est une idéologie mondaine qui vise à isoler l’influence de la religion sur la vie » avant de conclure: « la religion et le pouvoir sont inséparables, et ce, depuis le jour où s’est composée pour la première fois la société musulmane… L’Islam ne tolère pas l’athéisme et ne reconnaît pas de liberté de combattre la religion d’Allah et ses préceptes. Il refuse que le principe de liberté permette l’éviction de l’éducation religieuse et des valeurs éthiques ».

Aussi, si le salafisme et la pensée des Frères musulmans ne reconnaissent pas deux des principales valeurs universelles, qu’en est-il des autres principes ? Les droits de la femme par exemple ?

A ce sujet, l’une des plus grandes références du salafisme, le cheikh Otheimine, une figure du wahhabisme saoudien, estime, dans ses recommandations, que « les femmes musulmanes ne doivent quitter leur domicile qu’avec l’autorisation du mari ou du tuteur ». Il précise même très sérieusement que « La femme est libre chez elle, elle se rend dans toutes les pièces de la maison et travaille en accomplissant les tâches ménagères ». Et de prévenir : « Que ces femmes craignent Allah et délaissent les propagandes occidentales corruptrices ! »

Il serait faux de croire que les adeptes des Frères musulmans seraient éloignés de cette vision. Très récemment, en 2013, la Confrérie annonçait en Égypte, qu’accorder trop de droits aux femmes et en faire les égales des hommes conduirait à « la destruction totale de la société ». Pour s’en convaincre davantage, il suffit de relire les « conseils » de Youssouf al Qaradhaoui le chef spirituel de l’UOIF, l’organisation prosélyte qui défend en France la pensée frériste, et de toutes les associations qui se reconnaissent dans l’idéologie des Frères musulmans. Dans son livre Le licite et l’illicite en islam, al Qaradhaoui écrit que le mari, s’il fait face à une épouse « rebelle », peut « la corriger avec la main tout en évitant de la frapper durement et en épargnant son visage. Ce remède est efficace avec certaines femmes, dans des circonstances particulières et dans une mesure déterminée… »

Je mets au défi qui le souhaite de me dire quel article de la Déclaration universelle des Droits de l’homme serait respecté par le salafisme ou par la pensée des Frères musulmans. En vérité, aucun.

Il n’y a pas un seul principe fondamental qui soit compatible avec les idées islamistes. C’est là, la triste réalité. Et ce que pourraient dire certains de leurs représentants – notamment ceux des Frères musulmans – ne serait que balivernes. Les salafistes, eux, au moins assument publiquement leur rejet de la modernité et des valeurs universelles. Ces derniers assument y compris la rupture qu’ils doivent opérer avec une société, non régie par les principes salafistes.

En commentant le dogme de « l’alliance et du désaveu », le cheikh Fawzen, l’un des ténors du salafisme assure qu’il est « interdit de tenter de ressembler aux mécréants » et ce, « qu’il s’agisse de coutumes, d’adorations, d’allures ou de comportements ». Pire, il recommande de ne pas « secourir » les mécréants ni « faire leur éloge ou les défendre » et « ne pas exalter leur culture ou leur civilisation ». Comprendre qu’il est même interdit pour eux de dire ou d’écrire que la démocratie est une formidable valeur. Ceci annulerait l’islam selon cet idéologue.

Par conséquent, au moment où doit s’ouvrir au ministère de l’Intérieur une réunion de la nouvelle « instance de dialogue avec l’islam de France », ce qui précède et qui est loin d’être exhaustif doit nous amener à sortir collectivement de cette léthargie qui s’installe dès qu’il est question d’islamisme. Face à ce phénomène, il faut puiser une réponse ferme dans les principes républicains et démocratiques. Et cela est du champ du possible. Il faut défendre cette fermeté républicaine d’autant plus que c’est cette même léthargie, ce même laxisme, cette même peur, ces mêmes complexes, cette quête de la paix sociale au prix de toutes les compromissions, parfois à partir de positions très nobles et fort louables, que des organisations douteuses comme l’UOIF ont pu faire leur prosélytisme en faveur du voile ou que des groupuscules criminels ont pu endoctriner des Merah ou des Kouachi.

Aujourd’hui, nous ne pouvons plus nous suffire de quelques palabres organisées sous les crépitements des appareils photo ou sous l’œilleton des caméras nous ne pouvons plus tolérer ces « représentants » de l’islam de France – qui ne servent à rien – militant pour leurs médailles en chocolat.

L’État doit hisser son niveau d’exigence, car il est insupportable de voir une association comme l’UOIF par exemple se jouer de la naïveté républicaine.

Un préalable pourrait être instauré avant d’entamer un dialogue sérieux avec des organisations dite religieuse : la signature d’une charte qui amènerait ces associations à s’engager pour une dénonciation sans conditions de toutes les violences qui s’expriment, en France ou à l’étranger, au nom de l’islam, un rejet de toutes les lectures extrémistes qui valident, directement ou indirectement, le terrorisme et/ou la haine de l’Autre, un strict respect de l’ensemble des principes contenus dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme et notamment ceux relatifs à la liberté de conscience, à la liberté de croire ou de ne pas croire, de changer de religion ou de ne pas en avoir et, dans le cadre des lois de la République, à la liberté d’opinion, d’expression et de création et, d’un autre côté, à une adhésion pleine et totale aux valeurs républicaines et singulièrement au corpus démocratique et laïque ainsi qu’aux droits des femmes, pour ne citer que ces valeurs.

Un non respect de ce smig républicain pourrait, y compris d’un point de vue juridique, justifier une criminalisation de l’idéologie salafiste et une interdiction des organisations et associations se réclamant de la pensée des Frères musulmans.

Mohamed Sifaoui

Ce article est également disponible en العربية et en English.

Publicité

LES RÉFÉRENCES IDÉOLOGIQUES DE TARIQ RAMADAN

Les références idéologiques de Tariq Ramadan

28.04.2015 Mohamed Sifaoui

Parmi les contemporains, on peut compter des Egyptiens issus des Frères musulmans comme Sayyid Qutb (1906-1966) ou Youssouf al-Qaradawi, qui ne cesse de justifier les attentats suicides et l’instauration de la charia. Bien qu’il s’en défende, Tariq Ramadan, qui se laisse complaisamment affubler parfois du titre de théologien, est en réalité un idéologue de la pensée salafiste des Frères musulmans. Il n’hésite pas à fustiger le wahhabisme saoudien, mais cela ne fait pas de lui un progressiste ou un libéral ni un réformateur. Ses références idéologiques demeurent les fondateurs de la pensée des Frères et les théoriciens qui l’ont sophistiquée pour en faire un instrument de lutte politico-idéologique, en l’occurrence son propre grand-père Hasan al-Banna, auquel il voue une admiration sans pareille, ou encore le Pakistanais Abu al-Ala al-Mawdoudi (1903-1979). Tariq Ramadan s’est singularisé en utilisant des codes de langage et d’écriture occidentaux pour propager une pensée frériste qui a su adapter son discours aux opinions publiques européennes. Il ne propose qu’une version d’un salafisme en apparence plus « doux ».

Salafisme en dix questions de Mohamed Sifaoui

Sarkozy et l’UOIF: quelques vérités dérangeantes

29.04.2012Mohamed Sifaoui

L’Union des Organisations Islamiques de France (UOIF), représentant officieux de la pensée des Frères musulmans, sera privée cette année, lors de son congrès annuel du Bourget, de plusieurs de ses références vedettes dont un certain Youssef Al-Qaradhaoui. Intégriste notoire, antisémite assumé et danger médiatique propageant un discours qui est à la République ce qu’est l’UOIF à la clarté et à la sincérité.

Nicolas Sarkozy, le candidat – président a annoncé qu’il avait contacté personnellement l’émir du Qatar pour lui faire savoir que le cheikh était indésirable en France. C’est évidemment une excellente nouvelle. Une décision qui devra désormais faire jurisprudence même si elle déplaît aux leaders de l’UOIF et à leurs relais médiatiques qui s’entêtent, en usant de pédalages rhétoriques, à présenter le prédicateur comme un humaniste incompris.

À travers une lettre ouverte, j’avais attiré la semaine dernière l’attention du chef de l’État et celle de l’opinion publique, pour rappeler, entre autres, que le discours d’Al-Qaradhaoui est aux antipodes des valeurs de la République. Mais au-delà de ce prédicateur, prêcheur de haine et d’archaïsmes, quelques réflexions s’imposent quant à la relation très ambiguë qui existe, depuis belle lurette, entre Nicolas Sarkozy et l’UOIF.

Avant toute chose, il est curieux de constater que l’UOIF, organisation islamiste par excellence, qui, pourtant, condamne les attentats et les discours antisémites, dans ses communiqués officiels, estime qu’il est tout à fait cohérent et logique de montrer une image lisse et policée à la société française tout en fréquentant des prêcheurs extrémistes qui prônent ouvertement la haine, l’antisémitisme et la violence en instrumentalisant des conflits à caractère politique. Il est curieux également de voir l’UOIF se présenter comme une association cultuelle tout en s’érigeant quasiment en chapelle politique avec la complaisance de ces responsables qui, aujourd’hui, donnant l’impression de découvrir cette organisation, multiplient les cris d’orfraies tout en jurant la main sur le cœur qu’ils n’instrumentalisent en aucune manière le drame de Toulouse.

Il est enfin tout aussi curieux de voir l’UOIF, prendre en otage, avec la bénédiction des pouvoirs publics, la religion musulmane et les musulmans de France et s’exprimer en leur nom, alors que cette association ne représente qu’un courant minoritaire.

Il est nécessaire de préciser que l’UOIF a gagné en respectabilité et en légitimité grâce à Nicolas Sarkozy, le ministre de l’Intérieur, mais aussi grâce au même Nicolas Sarkozy, élu président de la République. Celui qui semble découvrir, en pleine campagne électorale, le caractère intégriste de cette organisation s’était rendu « en ami », en avril 2003, au congrès de la même association pour faire un discours devant des femmes séparées des hommes légitimant ainsi, par une telle présence, le caractère sexiste du mouvement intégriste.

Certes, il avait défendu, au risque de se faire huer, le principe républicain qui stipule que les femmes devaient ôter leur voile pour les besoins des photos d’identité, mais en contrepartie, il a insisté pour que l’UOIF, mais également le Tabligh, une association prosélyte, intègrent, toutes les deux, le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM), imposant ainsi des organisations intégristes aux autres courants plus ouverts et prônant un islam compatible avec les valeurs universelles.
Pendant cette lune de miel entre le ministre de l’Intérieur, futur chef d’État, et l’UOIF, le chantre de la « laïcité positive » s’est transformé en ardent défenseur de l’association, allant jusqu’à demander aux journalistes, sur des plateaux de télévision, de ne plus la considérer comme une organisation « extrémiste », « islamiste » ou « intégriste », préférant l’affubler du doux euphémisme d’association « orthodoxe » alors qu’il n’existe nulle orthodoxie en islam. Théologiquement parlant, ce concept n’a aucun sens en islam. Mais passons sur la sémantique…

Pour paraphraser le titre du livre très documenté du journaliste Farid Hannache, on peut affirmer, en effet, que Sarkozy entretient avec l’islamisme « des hypocrisies explosives ». Il instrumentalise, à sa manière, l’islam de France et singulièrement les plus intégristes dont il s’accommode allègrement lorsqu’ils peuvent servir ses intérêts. Hassan Chalghoumi qui se laisse complaisamment instrumentaliser par le pouvoir politique, qualifié désormais du sobriquet « imam de l’UMP » ainsi que quelques associations islamistes de la Seine Saint-Denis n’avaient-ils pas mobilisé, parfois à partir des mosquées, quelques barbus et autres femmes voilées, qu’ils ont envoyées par bus au meeting de Villepinte ? Inutile de rappeler qu’évidemment, charia oblige, même lorsqu’on soutient l’UMP, les femmes sont séparées des hommes et expédiées à la Grand-messe sarkozyste dans des bus strictement féminins.

Voyons par exemple comment avait-il, lors de la constitution du CFCM, exigé pour que le Tabligh, organisation prosélyte et intégriste, représenté par Mohamed Hammami l’imam de la non moins intégriste mosquée de la rue Jean-Pierre Timbaud, intègre le CFCM. Aujourd’hui, le même imam qui était aussi intégriste hier qu’aujourd’hui est sous le coup d’une procédure d’expulsion… Décidément, les temps changent pendant une campagne électorale.

Voyons aussi comment est-il en train de fustiger, depuis le drame de Toulouse, l’UOIF qui n’est pas moins ou plus intégriste qu’hier tout en lui envoyant émissaires et messagers pour « rassurer » les actuels responsables de l’association.

En réalité, Nicolas Sarkozy en veut à ces islamistes non pas parce qu’ils sont islamistes. Ils l’ont toujours été et le demeureront. Le président-candidat a une dent contre l’UOIF depuis 2007 car, contre toute attente, ces derniers avaient fait savoir, lors de la précédente élection, qu’ils soutenaient François Bayrou. Sarkozy ne leur a jamais pardonné ce qu’il appelle une « trahison » et n’hésite pas à le faire savoir à certains de ses interlocuteurs.

Et s’il ménage, malgré tout, ses attaques contre l’UOIF, c’est aussi parce qu’il a encore besoin d’eux. Du moins jusqu’au 6 mai prochain. Et pour cause, Nicolas Sarkozy compte bien incorporer dans son bilan et à son actif la création du CFCM.

Or, en vérité, cette organisation n’existe plus. C’est désormais une coquille vide avec une simple existence juridique. L’UOIF a quitté les instances du CFCM sans trop le faire savoir. Elle a ainsi accéder aux demandes du ministère de l’Intérieur et aux conseillers de Claude Guéant qui supplient, depuis près d’un an, les responsables de l’organisation islamiste de ne pas faire trop de vagues au sujet de leur décision de ne pas participer aux élections du CFCM, prévues en juin 2011. Ils ont refusé également de participer à l’élection du bureau de l’institution censée représenter les musulmans. Pourquoi ? Parce qu’ils ont agi comme tous les intégristes. Ces derniers n’aiment généralement les processus électoraux que lorsqu’ils leur sont favorables.

Voyant que chaque élection montrait qu’ils étaient en réalité minoritaires, contrairement à leur discours officiels et aux commentaires de certains de leurs relais médiatiques qui tendent à les présenter souvent comme s’ils étaient LES « représentants » quasi exclusifs, en tout cas les plus importants, des musulmans de France, alors qu’ils ne représentent, en réalité, qu’une infime minorité, recrutée plutôt dans les milieux se reconnaissant dans la pensée des Frères musulmans ou dans le discours fort ambiguë et prétendument « moderne » de Tariq Ramadan, les responsables de l’UOIF ont préféré quitter le CFCM qu’ils souhaitaient diriger. En réalité, même la Grande Mosquée de Paris a refusé de prendre part aux élections de juin 2011, mais contrairement à l’UOIF, les représentants de Dalil Boubekeur font toujours partie du bureau. Du moins, pour l’instant.

En réalité, le deal entre le ministère de l’Intérieur et l’UOIF a amené cette dernière à ne pas critiquer le CFCM ni à formaliser son départ des instances le temps de laisser le président et candidat utiliser la création du CFCM comme l’une des « œuvres majeures » de son quinquennat. Voilà donc des prétendus représentants d’un culte qui laissent des politiques cyniques instrumentaliser une religion et qui, tout en prétendant « défendre » les musulmans, s’emploient d’un côté à propager une idéologie archaïque plus politique que cultuelle, à offrir des tribunes à des prédicateurs extrémistes et d’un autre à gérer de basses ambitions personnelles. L’islam de France est décidément un bon fond de commerce.

Dernier ouvrage paru aux Éditions Nouveau Monde. L’histoire secrète de l’Algérie indépendante.
Blog : www.mohamed-sifaoui.com

Lettre à Nicolas Sarkozy

21.03.2012Mohamed Sifaoui

L’Union des Organisation Islamiques de France (UOIF) organise, du 6 au 9 avril 2012, ses « rencontres annuelles » au parc des expositions du Bourget. Nous sommes nombreux à nous insurger, depuis de longues années, contre les agissements de cette association qui prétend, de surcroît, s’exprimer au nom des « musulmans de France » et qui n’hésite pas à offrir des tribunes à des idéologues intégristes connus pour leurs positions extrémistes.

L’UOIF qui siège au sein du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) est une association qui défend et propage sur le territoire de la République, et ce, depuis sa création dans les années 1980, une idéologie qui instrumentalise l’islam à des fins politiques directement inspirée de la pensée des Frères musulmans égyptiens.

Sans esprit de polémique et sans rappeler que vous êtes de ceux, alors que vous étiez ministre de l’Intérieur, qui ont tenu à accorder, probablement par méconnaissance, une « respectabilité » à l’UOIF en exigeant leur incorporation au sein du CFCM, je souhaite vous alerter, en prenant à témoin l’opinion publique, sur la dangerosité de banaliser les idées prêchées par les Frères musulmans qui continuent de provoquer des ravages dans les sociétés maghrébines et, au-delà, dans les pays faisant partie de la sphère « arabo-musulmane ».

Probablement, vos conseillers ne vous ont-ils pas suffisamment alerté sur les réalités de la pensée des Frères musulmans, sur leur parcours et sur l’itinéraire des fondateurs historiques de l’UOIF, organisation intégriste s’il en est, dont les leaders se sont toujours distingués par un double discours connu de la plupart des spécialistes et chercheurs ayant travaillé sur la question relative à l’islam politique en général et à l’UOIF en particulier.

Les organisateurs des prochaines « rencontres annuelles » de l’UOIF ont décidé cette année d’inviter, ce n’est d’ailleurs pas la première fois, des idéologues intégristes parmi lesquels le tristement célèbre prédicateur égyptien Youssouf Al-Qaradhaoui. J’ai appris que ce dernier a pu bénéficier d’un visa qui l’autorise à fouler le sol de la République et la patrie des Droits de l’homme. Ce qui est, à tout le moins scandaleux. C’est d’autant plus scandaleux que cet extrémiste vient en France, dans ce contexte particulier de tragédie nationale, alors que l’opinion publique constate les ravages que peut provoquer l’extrémisme religieux en général dans des esprits fragiles ou fragilisés.

Il y a de cela quelques années, Youssouf Al-Qaradhaoui s’était illustré par des propos d’une rare violence antisémite. Il annonçait en effet : « Tout au long de l’histoire, Allah a imposé aux [Juifs] des personnes qui les puniraient de leur corruption. Le dernier châtiment a été administré par Hitler. Avec tout ce qu’il leur a fait – et bien qu’ils [les Juifs] aient exagéré les faits -, il a réussi à les remettre à leur place. C’était un châtiment divin. Si Allah veut, la prochaine fois, ce sera par la main des croyants [musulmans] ». Je vous laisse apprécier la teneur particulièrement abjecte de ces propos qui ne reflètent, en aucun cas, l’esprit de la religion musulmane. Je vous laisse, par ailleurs, apprécier le fait que vos « protégés » de l’UOIF n’aient jamais condamné ces propos. Pire, ils offrent une tribune à leur auteur qui n’est en réalité autre que l’une de leurs références idéologiques et l’un de leurs maîtres à penser.

Les services spécialisées et les institutions de la République compétentes en la matière vous fourniraient de plus amples informations sur le personnage, mais également à propos des autres invités comme le « cheikh » Mahmoud El-Masri par exemple, connu pour des positions tout aussi extrémistes.

Par conséquent, je vous demande, M. le Président, d’intervenir personnellement pour faire annuler toutes les autorisations d’entrée sur le territoire français de ceux, parmi les invités de l’UOIF, qui sont connus pour leurs positions extrémistes, leur discours antisémite, sexiste ou homophobe et de tous ceux qui appellent à la violence à partir de certaines chaînes satellitaires ou de sites internet.

Les événements tragiques de ces derniers jours et la vive émotion qui continue de traverser la société après les assassinats barbares perpétrés contre trois soldats français d’origine maghrébine et quatre Français de confession juive, dont trois enfants, ne peut nous permettre d’accepter que des tribunes soient offertes, en France, aux tenants de la haine. Des idéologues de la trempe d’Al-Qaradhaoui mettent à mal le « vivre-ensemble » et favorisent, outre la violence, le communautarisme et le repli sur soi.

D’un autre côté, si vous décidez enfin, à juste titre, de criminaliser les sites internet qui prônent le salafisme djihadiste et les idées extrémistes, il est nécessaire, d’agir avec cohérence, à l’égard de personnages comme Youssef Al-Qaradhaoui, car il vous incombe aussi de mettre à l’abri les jeunes français de confession musulmane, dont les esprits sont déjà fragilisés par des conditions socio-économiques difficiles, des stigmatisations et des discriminations qu’ils subissent au quotidien, et qui seraient tentés d’accorder du crédit aux propos haineux de certains idéologues ou encore d’être perméables aux discours extrémistes que la morale républicaine réprouve.

 Mohamed Sifaoui

Mohamed Sifaoui porte plainte

Dans un communiqué rendu public dès le 27 Novembre 2004, et largement relayé les jours suivants par plusieurs médias, l’Union des Organisations Islamiques de France (UOIF), membre du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM), demandait en substance à la chaîne publique France 2 de « déprogrammer » un film sur Tariq Ramadan que j’ai réalisé pour le compte de l’émission « Envoyé Spécial« .

Le communiqué de l’UOIF précisait que sa demande était motivée par le fait que j’étais un homme « connu pour son hostilité contre les symboles de la pratiques musulmanes« . Cette phrase qui pourrait paraître a priori anodine pour un non-musulman comporte un sens extrêmement lourd.

Si une telle affirmation est d’abord fausse, elle peut incontestablement entraîner pour moi des conséquences très graves puisque elle me décrit ni plus ni moins comme apostat. En effet, prétendre que je serais « connu pour [mon] hostilité contre les symboles de la pratique musulmane« , c’est dire que j’aurais renoncer à l’islam, ma religion. C’est là, la définition même de l’apostasie. Or, certaines références théologiques de l’UOIF comme Youssef Al-Qaradaoui rappelle dans une contribution sur le site internet « islamophilie.org » datée du 30 décembre 2002 que « les juristes de l’Islam sont unanimement d’avis que l’apostat mérite une peine – même s’ils peuvent diverger sur sa nature. Leur grande majorité estime que cette peine est la peine de mort. C’est l’avis des quatre écoles de jurisprudence islamique, voire des huit écoles« . Le même Al-Qaradaoui explique dans son texte qu’il y aurait plusieurs types d’apostasie dont ce qu’il qualifie « d’apostasie intellectuelle » qui, selon lui, s’exprime à travers différents supports médiatiques.

Par ailleurs, l’imam Nawawi, l’une des références théologiques du monde musulman estime que « L’apostasie consiste à abjurer l’islam – en sortir – par l’intention, les mots, les actes, le fait de nier, ou encore par des propos qui ont été dit en plaisantant, par rejet ou par contradiction ou en y croyant« . Cette définition correspond à l’affirmation de l’UOIF à mon endroit puisque celui qui serait « hostile aux symboles de la pratique musulmane » est forcément quelqu’un qui abjure la religion musulmane.

Dans cet ordre d’idées, étant décrit publiquement par l’UOIF comme étant quelqu’un qui serait « hostile aux symboles de la pratique » de sa propre religion, sous-entend que j’aurais renoncé à l’islam et par conséquent passible au regard de certaines interprétations de la loi islamique de la peine de mort.

Etant journaliste et réalisateur, je me rends souvent dans des pays musulmans, il m’arrive d’aller réaliser des reportages dans des Etats théocratiques appliquant la charia. Quel sort pourrait m’être réservé dans un pays islamiste où les dirigeants ou la population auraient pris connaissance de l’accusation de l’UOIF ?

Au regard de ce qui précède, j’ai décidé de poursuivre l’UOIF et son secrétaire général Fouad Allaoui, signataire du communiqué devant les tribunaux de la République.

Par ailleurs, j’ai officiellement écrit à MM Le Président de la République pour l’informer de ce grave précédent, le Ministre de l’Intérieur pour lui demander de prendre les mesures nécessaires pour renforcer ma sécurité et au Président du CFCM, Dalil Boubekeur, pour lui demander de dénoncer et condamner publiquement l’odieux communiqué de l’UOIF.

Je tiens à travers ce communiqué prendre à témoin l’ensemble de la presse française et internationale et à travers elle l’ensemble de l’opinion publique afin que cessent les intimidations à l’égard des journalistes ou intellectuels qui critiquent les islamistes ou leurs organisations. D’autre part, j’informe l’opinion publique qu’une plainte va être déposé à la suite des insultes et des menaces que j’ai subies au niveau de la librairie Al-Tawhid au cours de la réalisation du film sur Tariq Ramadan.

L’année dernière, des journalistes préparant un documentaire pour Canal + ont été agressés par des islamistes et leur leader, considéré pourtant par certains comme « respectable ». Cette affaire a été passée sous silence. Je n’accepterais pas que l’intégrité physique d’un journaliste ou d’un quelconque citoyen soit menacée et passée par pertes et profits exceptionnels. C’est la raison pour laquelle, j’utiliserai tous les moyens légaux et civilisés pour que justice me soit rendue dans cette affaire que je considère très grave.

Mohamed Sifaoui

COMMUNIQUÉ DE PRESSE du 6 décembre 2004