COLLOQUE SUR L' »ISLAMOPHOBIE » À LYON 2 ANNULÉ : UN PROBLÈME DE « CADRAGE » SCIENTIFIQUE ?

Colloque sur l'"islamophobie" à Lyon 2 annulé : un problème de "cadrage" scientifique ?

Colloque sur l’”islamophobie” à Lyon 2 annulé : un problème de “cadrage” scientifique ?

12.10.2017Carla Parisi

Le colloque anti-« islamophobie d’état, intitulé « Lutter contre l’islamophobie, un enjeu d’égalité ? » qui devait se tenir à l’université Lyon 2 le 14 octobre 2017 a t-il été annulé définitivement ou repoussé ?

Ce colloque était mis en place par la chaire “Egalité, inégalités, Discriminations” en partenariat avec l’Institut supérieur d’étude des religions et de la laïcité (ISERL).

La polémique autour du colloque a enflé sur les réseaux sociaux après l’annonce de ses participants, et notamment lorsque des militants laïques ont découvert qu’il y serait lu un texte préparé par Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la Laïcité. Aux côtés de quelques universitaires tels que François Burgat et Djaouida Sehili, ou d’avocat comme Gilles Devers, on retrouvait de nombreux militants associatifs habituels.

Pour n’en citer que quelques uns, nous retrouvons Khalid El Khadiri, trésorier de Participation et Spiritualité Musulmane (PSM), qui se réjouissait de sa participation à l’université d’Alliance Vita sous le thème « musulmans et chrétiens pour la défense de la vie ». PSM se fait le relai sur son site internet de Tariq Ramadan et du parti islamiste marocain Al Adl Wal Ihsane. Ismahane Chouder, membre de PSM et du Collectif Féministe pour l’Egalité est aussi présente.

Abdelaziz Chaambi, président de la Coordination contre le Racisme et l’Islamophobie (CRI) et cofondateur des Indigènes de la République, était également annoncé. Il y a quelques années, il comparait le Hamas à Jean Moulin, tout en soutenant le Hezbollah. Lors de l’affaire Salman Rushdie, il avait appelé à l’interdiction de son « livre qui insulte l’Islam« . Opposé au mariage pour tous, qu’il compare à l’inceste et à la pédophilie, il avait appelé à se rendre à la Manif Pour Tous. Aux dernières élections législatives françaises, il soutient des candidats du parti islamiste turc PEJ. Jamila Farah, responsable CRI, candidate PEJ aux élections, est également présente.

Souhail Chichah, connu pour avoir appelé à la « lapidation » de Caroline Fourest avant d’avoir saboté sa conférence à l’Université Libre de Bruxelles en organisant une « Burqa Pride », obligeant les organisateurs à annuler la conférence, devait être présent. Il a reçu une « Quenelle d’Or » de Dieudonné, avant de se brouiller avec lui, mais a toujours le soutien du PIR.

Et bien sur, le CCIF n’était pas en reste avec la présence de Yasser Louati, son ancien porte-parole, ainsi que Lila Charef, directrice exécutive du CCIF. Lorsque le CCIF a appris l’annulation du colloque, il a déposé référé-liberté pour obtenir la suspension de la décision de l’Université Lyon 2 « au motif qu’elle portait une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d’expression et sa liberté de réunion ». Le juge des référés a rejeté la demande du CCIF le 9 octobre 2017.

Ce mercredi 12 octobre 2017, la présidente de l’Université Lyon 2, Nathalie Dompnier, s’est exprimée pour préciser les causes de l’annulation décidée par l’équipe de la Présidence de l’Université. Elle a reconnu que la Présidence avait du reprendre la main sur le colloque car le cadre universitaire impliquant une démarche scientifique n’était pas respecté : »un colloque universitaire suppose un certain cadre. On s’est d’abord posé la question d’amender le programme dans le sens d’un colloque de recherche. Mais c’était trop tard. On a préféré annulé ».

S’agissant des intervenants, sans rentrer dans les détails, la présidente a rappelé qu' »ils doivent être sélectionnés après un appel à communication, comme dans tout colloque ». Au delà du profil de ces militants associatifs, leur nombre important ici, et le fait qu’ils soient issus de la même nébuleuse semble être problématique. Nathalie Dompnier précise : « le colloque était porté en partie par des associations, sous la responsabilité de l’université. Ce n’est pas possible ».

Enfin, même si Nathalie Dompnier ne se prononce pas spécifiquement sur certains propos problématiques qu’ont pu tenir ces militants, elle s’interroge sur l’utilisation du terme « islamophobie » : « il faudra reposer la question de l’utilisation du terme d’« islamophobie ». Dans une démarche scientifique, il faut toujours se poser la question des catégories que l’on emploie ».

Ni annulé définitivement, ni repoussé officiellement, ce colloque aura démontré qu’il existe une volonté de la part des soutiens de l’islamisme d’investir le terrain universitaire, mais aussi une importante vigilance laïque sur le sujet.

Carla Parisi

CAIR MASSACHUSETTS OÙ COMMENT DIFFUSER LA HAINE DE MANIÈRE POLICÉE

CAIR Massachusetts où comment diffuser la haine de manière policée

CAIR Massachusetts où comment diffuser la haine de manière policée

13.12.2016

L’organisation CAIR (Council on American-Islamic Relations), une des plus grandes association frèristes américaines, crée depuis des années des antennes locales dans plusieurs états américains. Ils aspirent à être les seuls représentants des musulmans américains. Au risque de faire en sorte que le grand public confonde « musulmans » et « islamistes » comme on a pu le constater lors de la dernière campagne électorale.

Le quartier général de CAIR est situé à Washington. Nous allons nous intéresser aux dirigeants de l’une des dernières antennes créées, CAIR-Massachusetts (CAIR-MA), instaurée en juin 2015, et dont le siège est basé près de Boston dans une école théologique.

John Robbins est le directeur de CAIR-MA. En parallèle, John Robbins officie à l’Islamic Society of Boston Cultural Center (ISBCC) où il organise des séances de lectures islamiques et des rencontres avec des auteurs d’ouvrage sur la pratique de l’Islam aux Etats-Unis.

CAIR-Massachusetts organise également de nombreux événements dans les locaux de l’ISBCC. Les deux entités partagent locaux et personnel. Le 16 octobre, CAIR-Massachusetts y invitait les musulmans à venir s’y enregistrer pour recenser les électeurs musulmans pour l’élection présidentielle. CAIR-Massachusetts   propose aussi régulièrement des conférences pour l’orientation des étudiants musulmans ou autour de sujets de société.

L’Islamic Society of Boston dépend de la Muslim American Society (MAS), qui a été fondée par et pour les Frères musulmans, comme en témoigne son ancien secrétaire général Shaker Elsayed : « Ikhwan members founded MAS », littéralement : « des membres de la confrérie ont fondé la MAS ». Abdulrahman Alamoudi a aussi reconnu l’appartenance frériste lors de son procès. Youssef al-Qaradawi , leader spirituel des frères musulmans, a également été listé parmi les curateurs de la mosquée de l’ISB.

L’Islamic Society of Boston (ISB, qui comprend l’ISBCC et une mosquée) a été fondée en 1981 par des associations étudiantes musulmanes, dont MSA-MIT (voir plus bas) et par Abdulrahman Alamoudi qui en a été le premier président. Ce dernier est connu de l’administration américaine depuis les années 1990 pour apologie de groupes terroristes. En 1996, Abdulrahman Alamoudi appelait le Président Clinton à libérer le Cheikh Omar Abdel Rahmane, pourtant reconnu coupable dans l’attentat du World Trade Center de 1993. En 2000, il appelait ouvertement à soutenir le Hamas et le Hezbollah. Cela n’empêcha pas le président Bush de l’inviter à la Maison Blanche pour commémorer les attaques terroristes du 11 septembre 2001. Il purge actuellement une peine de prison de 23 ans depuis 2004 pour sa participation à un complot de Kadhafi visant à éliminer via Al-Qaïda le Prince Abdallah d’Arabie Saoudite. Il a avoué avoir financé Al-Qaïda et le Jihad Palestinien Armé.

De nombreux prêcheurs de haine ont été invités par l’ISB.

En octobre 2015, Hussain Kamani, qui affirme que « l’homme doit assouvir ses besoins sexuels avec sa femme (…) ou avec une esclave qui lui appartient » et que « celui qui commet l’adultère doit être lapidé à mort », appelle les musulmans de l’ISB à « ne pas ressembler aux juifs » et à « battre leurs enfants » si ceux-ci ne prient pas.

Un autre invité de l’ISB, Abdul Nasir Jangda, légitime également l’esclavage : « l’esclavage dans l’Islam et vraiment différent et supérieur, moralement et spirituellement, à l’atroce et obscène esclavage transatlantique » et affirme le « droit divin d’un homme d’avoir ses désirs physiques satisfaits ».

En 2016, l’ISB recrute un imam-associé, Abdul Malik Merchant, qui considère le voile pour les femmes comme une obligation si elle ne veut pas être « kufr » (apostat) et qui affirme que l’homosexualité est un choix et que la Charia combat les hommes efféminés. Le New York Post rapporte que la librairie de l’ISB contient des livres de Sayyid Qutb, Frère musulman pionnier du djihadisme moderne.

Souhait Webb, alors imam de l’ISB, diffuse même en 2012 un programme pour les jeunes intitulé Young Muslim qui comporte l’étude de textes de Mawdudi, Hassan al-Banna ou encore Sayyid Qutb.

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L’ISB a refusé de participer au programme d’Obama contre la radicalisation de 2015 intitulé « Countering Violent Extremism » alors que Boston faisait partie des trois villes pilotes au niveau national. Boston avait été choisie pour son fort taux de djihadistes d’al-Qaïda ou de l’Etat Islamique originaires ou ayant vécu dans la ville. Le directeur de l’ISB, Yusufi Vali, se défend en disant que ce programme « stigmatise les musulmans ».

L’ISB a été mis sous les projecteurs par la presse et le FBI en 2013 après les attentats du marathon de Boston lorsqu’il a été révélé que les deux terroristes, les frères Tsarnaev, avaient fréquenté la mosquée de l’ISB depuis 2009.

Tahirah Amatul-Wadud est membre du Conseil d’Administration de CAIR-MA et… de la Commission du gouvernement du Massachusetts pour les femmes. Elle a aussi été invitée à la Maison Blanche en 2015 au Bureau des partenariats confessionnels. CAIR a été listé comme terroriste par les Emirats Arabes Unis, mais l’administration Obama a systématiquement soutenu l’organisation.

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Le 14 novembre 2015, elle participait en tant qu’intervenante à la Conférence Annuelle contre l’Islamophobie organisée par l’association Muslims Of America. Cette organisation a été fondée en 1980 par le Cheikh Mubarak Ali Gilani. Le Département d’Etat Américain a décrit le Cheikh Gilani comme en lien direct avec l’organisation Jamaat ul-Fuqra. Décrite comme une terroriste et comme « une secte qui veut purifier l’Islam par la violence » dans un rapport du Département d’Etat de 1999, interdite au Pakistan, plusieurs de ses membres ont été condamnés pour meurtre ou tentative de meurtre aux Etats-Unis et au Canada.

Tahirah Amatul-Wadud partage sur sa page Facebook des articles du Cheikh Gilani, comme l’article complotiste « Extreme Wahhabism is the Brainchild of British Intelligence Agency » qui affirme que les « services secrets britanniques » ont créé l’Etat Islamique, que le 11 septembre n’est pas le fait de Ben Laden mais d’ « insiders », que la tour 7 du World Trade Center s’est effondrée par « démolition contrôlée », que « Hitler et les juifs avaient une animosité mutuelle », qu’ « Hitler n’était pas un ennemi de l’Amérique », et que « les chiites ne sont pas des musulmans ».

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L’association Muslims Of America a été épinglée plusieurs fois par l’Anti Defamation League pour des propos antisémites (« les juifs sont un exemple de Satan humains »), homophobes (« il existe des agents de Satan (…) immoraux (…) l’homosexualité en est un parfait exemple »), antichrétiens (« les chrétiens (…) croient en la suprématie et au pouvoir de Satan »),

Tahirah Amatul-Wadud est par ailleurs l’avocate du Cheikh Gilani.

Troisième dirigeant de CAIR, Nadeem Mazen est également membre du Conseil d’Administration de CAIR-MA… ainsi que conseiller de la ville de Cambridge.

Il a été dans les années 2000 président de l’association d’étudiants MSA-MIT (Muslim Students Association – Massachusetts Institute of Technology), alors que l’imam de l’association était Suheil Laher, un ancien dirigeant de l’organisation de charité islamique CARE international soupçonnée d’avoir levé des fonds pour des djihadistes en Bosnie, en Afghanistan et en Tchétchénie. Il ne faut pas confondre Care International fondé par Abdullah Azzam, qui n’existe plus, et Care International, une ONG fondée en 1945 aux Etats-Unis dans l’optique du plan Marshall avant de se diversifier.  Suheil Laher a promu sur son site web le djihadiste Abdullah Azzam, mentor d’Oussama Ben Laden. Le journal allemand Spiegel décrit la MSA-MIT comme un repaire d’ « islamistes engagés ».

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Nadeem Mazen a créé en 2014 MassMuslims, un site web et une page Facebook qui proposent des conférences avec des prédicateurs intégristes comme Omar Suleiman (pour qui l’homosexualité est « une maladie » et « un péché répugnant et honteux « ) ou Yasir Qadhi (pour qui la Shoah est une « propagande fausse »).

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Nadeem Mazen a apparaît en 2014 dans une vidéo produite par le gouvernement américain créée pour « décrire » les musulmans américains. Il a par ailleurs annoncé son opposition au programme d’Obama « Countering Violent Extremism » créé pour lutter contre la radicalisation. Il considère que la lutte anti-terroriste du gouvernement Obama « cible les musulmans ».

Enquête, News

CONFÉRENCE EUROPÉO-TURQUE SUR L' »ISLAMOPHOBIE » À SARAJEVO

Conférence européo-turque sur l’”islamophobie” à Sarajevo

06.07.2016Carla Parisi

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Un « Premier Sommet Européen sur l’Islamophobie » a eu lieu à Sarajevo du 24 au 26 juin 2016. Malgré le titre « conférence européenne », la rencontre était surtout une l’initiative du think-tank turc SETA (Fondation pour la recherche politique, économique et sociale).

Seta est un think tank gravitant autour de l’AKP. La SETA, a été mise en place sous la tutelle du Ministère des Affaires Etrangères, qui finance les projets de recherche et les nominations. Appelés « Instituts de Recherche Stratégique » (stratejik düşünce kuruluşu), ces think-tank font le relais entre l’AKP de Recep Tayyip Erdogan et le milieu universitaire, en circuit quasi-fermé. Le Monde diplomatique s’était félicité en 2010 de la présence d’un tel maillage du milieu intellectuel et politique et avait même osé un titre : « Les think tanks turcs, agents du changement ». Tout un programme.

Gilles Kepel a qualifié la SETA de « boîte à idées d’Ahmet Davutoglu ». Universitaire, ancien premier ministre, ancien ministre des Affaires Etrangères turc, ancien patron de l’AKP il est considéré comme le penseur de la « profondeur stratégique » de la Turquie post-kémaliste de l’AKP ».

La SETA possède une antenne à Washington. La Seta y fait du lobbying, invite des militants de l’association controversée CAIR. Ou même Dalia Mogahed. Un lobbying qui a du succès puisque les responsables de cette Fondation sont invités sur des chaines internationales sans que soit systématiquement rappellé pour qui il font du lobbying. Sur France 24, le 7 octobre 2014 Kadir Ustun était invité à parler de Kobane ! La SETA a conservé son implantation au Caire. Elle considère le maréchal Al-Sissi comme illégitime, et fait l’éloge de l’ancien président Morsi.

La SETA a présenté au Parlement Européen en mai dernier un rapport sur l’ « Islamophobie en Europe » portant sur l’année 2015. Le rapport de 600 pages a été rédigé par Farid Hafez, chercheur de l’université de Salzbourg, et Enes Bayrakli, responsable de département à l’université germano-turque d’Istanbul. Plusieurs rédacteurs se sont chargés des parties nationales. Des « universitaires extraordinaires » selon les mots du Think Tank. On noter Olivier Esteves, Agrégé d’Anglais, qui a rédigé la partie consacrée à la France.

La partie anglaise a elle été rédigée par Arzu Merali. Elle est une des contributrice de l’ Islamic Human Rights Commission, la maison mère pro-khomeiniste qui a diffusé le terme confus en Grande Bretagne. En 2015, Islamic Human Rights Commission a trouvé pertinent de remette à Charlie Hebdo le prix de l’islamophobe de l’année.

Une cinquantaine de personnalités politiques, n’ont pas du tout été gênés de participer à un forum organisé par un think tank de L’AKP. Parmi eux Bernard Kouchner, José Luis Zapatero, Jack Straw et Mustapha Chérif ancien ministre algérien de l’Enseignement supérieur.

Que nous dit ce rapport ?

Au delà d’un paragraphe sur la montée du Front National et le danger qu’il représente, ou sur les quelques odieux cas de racisme décrit, le reste du rapport est édifiant.

Le rapport reprend tout d’abord les chiffres peu fiables du CCIF concernant les cas d’ « islamophobie » en France. Plusieurs observateurs ont à de nombreuses reprises signalé les erreurs, les approximations et les affabulations des chiffres du CCIF. Comme l’histoire tragique d’un musulman assassiné. Un crime islamophobe d’après le CCIF qui oubliera tout simplement que cet homme assassiné est certes musulman mais qu’il est assassiné par un autre musulman dans une affaire de règlement de comptes et de stupéfiants. (Pour en savoir plus voir IciIciIci, et Ici.)

La partie française du rapport met en accusation ceux qui ceux qui refusent d’utiliser le terme « islamophobie » pour décrire le racisme anti-musulmans : Manuel Valls, Caroline Fourest ou encore… Charb.

S’ensuivent des interviews de personnalités membres ou proches des Frères musulmans : des membres d’Etudiants Musulmans de France, du CCIF, du lycée musulman Averroès de Lille…

La laïcité est plusieurs fois décrédibilisée : « la laïcité sert souvent à légitimer une respectable forme d’hostilité anti-musulmans ».

Le journal Charlie Hebdo est à nouveau pointé du doigt, avec la même rhétorique qui a conduit au pire : les assassinats de Charb, Cabu, Bernard Maris… ont « provoqué des conditions difficiles pour les musulmans pour exprimer à la fois leur détestation des attaques mortelles ainsi que leur distance critique envers Charlie Hebdo qui a largement flatté et attisé des préjudices islamophobes dans la société française et européenne ».

Le slogan « Je suis Charlie » fait également partie du rapport contre l’ « islamophobie ». Emmannuel Todd aurait même eu le tord de le renforcer…

Plusieurs livres sont qualifiés d’ « islamophobes », avec au coté d’Eric Zemmour, les ouvrages d’Alain Finkielkraut, Michel Houellebecq ou Isabelle Kersimon. Au contraire, le livre d’Edwy Plenel, Pour Les Musulmans, est salué.

Le rapport est également critique envers le CFCM et Anouar Kbibech qui a déclaré au gouvernement que le CFCM allait « certifier les imams pour qu’ils ne donnent que des sermons de paix, et non-radicaux ».

La conclusion est attendue : finalement, les « voies de la radicalisation » sont les « prisons surpeuplées, le faible niveau académique, les discrimination dans le monde du travail, ou comme le dit Olivier Roy, un environnement où la seule cause romantique est le djihad »… mais au lieu de ça le gouvernement fait du seul problème « l’Islam, via les imams radicaux, les mosquées qui ont des choses à cacher, ou les musulmans médiatiques qui ont du mal à embrasser la laïcité ». Jamais l’idéologie islamiste, la propagande religieuse, ne sont mis en cause : « le manque de causes politiques et le déclin de la foi expliquent que François ou Marie embrassent le djihadisme ».

La conférence de Sarajevo a donc été l’occasion de reprendre les éléments de langage anti-laïcs de ce rapport.

Yasser Louati, porte-parole du CCIF pour l’année 2015, a pris la parole pour démontrer via un tableau la « Guerre institutionnelle de la France envers ses citoyens de confession musulmane ». Une hallucinante liste dans laquelle on trouve mêlé des lois qui viennent de l’état et qui concernent juifs, chrétiens et musulmans comme visant uniquement les musulmans. Ou des affaires provoquées par une revendication communautaire. Ou même un débat.

Nu besoin de décrire la mauvaise foi de cette liste, mêlant Charte de la laïcité, crèche privée, voile intégral… et dont les effets législatifs concernent toutes les religions.

Devant un auditoire international, le ton est volontairement catastrophé :

− « voici ce qui est en train d’arriver aux français de confession musulmane au XXIème siècle, une série de mesures prises pas les institutions, l’État lui-même, pour rendre acceptable le fait de toucher a la constitution pour cibler les musulmans ».

− « on a transformé la laïcité pour en faire un outil de stigmatisation et de ciblage des musulmans, en appliquant l’obligation de neutralité religieuse aux citoyens,(…) c’est comme si on vous disait par exemple : vous avez votre liberté d’expression, très bien, mais à la maison »

− « une série d’abus ciblant spécifiquement les jeunes filles de confession musulmane »

− « nous venons de recevoir un nouveau projet de loi pour contrôler de manière plus sévère l’émergence d’écoles privées ». A noter que Yasser Louati rejoint ici le seul parti politique vent debout à s’opposer au projet de loi, qui est le Parti Chrétien Démocrate de Christine Boutin.

− « ce qui est en train de se passer, c’est ce que j’appelle une Résistance des français de confession musulmane »

Yasser Louati présente ensuite, selon ses termes, « plusieurs histoire (de réussite) qui ont fait la Une en France » :

− « Wahiba », une jeune entrepreneuse, a qui un chef d’entreprise aurait dit: « avec ce bout de tissu sur ta tête, nous ne t’embaucherons pas, nous embaucherons des LBGT, des transsexuels, tout autre être humain, mais pas toi ».

− En recherchant sur Internet, il s’agirait de Wahiba Khallouki, qui a tweeté en réponse à une journaliste d’Orient XXI, Warda Mohamed : « Le recruteur d’une célèbre agence m’a dit de me réorienter parce qu’un transsexuel avait plus de chances que moi ».

− « Al Kanz : célèbre bloguer, un des plus influents de twitter, avant gardiste qui donne le la, quand il tape quelque chose, tout le monde suit ».

− Ah bon. Intéressant, pour un blogeur salafiste.

− « Le Lycée Averroès, premier lycée confessionnel musulman de France, meilleur de France, meilleures notes au bacs chaque année scolaire ».

− Yasser Louati oublie que le Lycée Averroès a quitté le top 100 depuis plusieurs années, et qu’il est classé 258ème en 2016.

− « Les coalitions pour faire face à l ‘état d’urgence en France »,

− où « la communauté musulmane a été traitée par le gouvernement comme l’ennemi intime », comme « lorsque Valls dit plusieurs mois avant le 13 novembre : ‘nous menons une guerre contre un ennemi invisible, un ennemi interne’. L’état d’urgence décrété après le 13 novembre est un projet qui avait déjà été écrit quelques mois avant même les attaques de novembre 2015 ». Preuve irréfutable, bien que complotiste, pour Yasser Louati.

− La suite est explicite : « la coalition a gagné, notre victoire majeure a été d’harceler les membres du parlement, harceler les médias, travailler avec la CNCDH ». Yasser Louati avoue que c’est « première victoire, d’une convergence d’associations non musulmanes et musulmanes travaillant ensemble ». Le CCIF tente depuis plusieurs mois d’associer la lutte contre l’ « islamophobie » à des luttes sociales, sous couvert de « convergence de lutte », comme lors de sa présence à Nuit Debout contre la Loi Travail.

− Yasser Louati affirme enfin : « Le gouvernement français a dit : nous allons nous retirer de la Convention Européenne des droits de l’homme ». Il déforme une fois de plus la réalité. L’article 15 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme prévoit de déroger à certains droits en cas de danger public menaçant la vie de la nation, la France a donc fait une demande officielle au vu des attaques terroristes, tel que le prévoit le droit, sans se retirer de la Convention.

Yasser Louati dit rapporter les paroles d’une rédaction d’un journal majeur : « nous avons des ordres clairs, ne pas critiquer l’état d’urgence en France ».

Il compare la France aux pires régimes dictatoriaux sanguinaires : « le guide du ministère des affaires étrangères, 10 Idées Reçues sur la France, l’Islam et les musulmans, ça m’a rappelé la propagande de l’ère soviétique ou de l’Afrique du Sud pendant l’apartheid »

Pour l’ancien porte-parole du CCIF, la France « fabrique l’ennemi interne », comme en 2003 « pour faire passer lois régimes de retraites », ou actuellement pour « faire passer l’état d’urgence ». Les musulmans seraient donc « le baromètre de la démocratie et de l’état de droit dans les « démocraties » occidentales ».

Il conclue sur son plan d’action :

− 1) faire parler les victimes

− 2) faire du lobbying (UN, EU, Conseil européen, OSCE, association non musulmanes, réseaux sociaux, médias)… pour « ridiculisez votre pays face à l’opinion internationale »

− 3) éduquer (fonctionnaires, journalistes, événement public…) et investir les médias.

Le mot de la fin revient à Haroon Moghul : « les efforts contre l’islamophobie sont essentiels pour les efforts contre l’extrémisme. » Au moins tout le monde est prévenu.

Carla Parisi

Ce article est également disponible en العربية.News