
Qui se cache derrière la “Marche pour la dignité” ?
01.11.2015 Carla Parisi
Le 8 mai 2015, en présence d’Angela Davis, Amal Bentounsi annonce la marche sous le drapeau du Parti des Indigènes de la République. Cette annonce est faite lors de l’événement intitulé « les 10 ans du PIR » (Parti des Indigènes de la République). Amal Bentounsi intervient dans les différentes publications du PIR depuis décembre 2013.

LES PROTAGONISTES MIS EN AVANT :
• Amal Bentounsi : « à l’origine de la marche »
La figure de proue mise en avant par la marche est Amal Bentounsi. Elle est même désignée par le site Streetpress* comme « la militante à l’origine de la Marche de la dignité ».
Amal Bentounsi est la soeur d’Amine Bentounsi, tué par un policier. Peu de média s’en souviennent mais elle expliquait alors que son frère avait été délibérément liquidé par la police, qui « lui en voulait » depuis plus de 10 ans. A l’en croire, il était persécuté pour avoir déclaré au commissariat de Meaux toucher de l’argent liquide de la part d’un responsable de l’office HLM local pour brûler des voitures dans les quartiers, et ce afin de justifier la politique sécuritaire de Jean-François Copé… Et Amal Bentounsi d’expliquer au Parisien : « Ils ne l’ont pas digéré ». Une théorie du complot qu’elle a longtemps défendu, notamment au micro de Jean-Jacques Bourdin sur RMC. Etrangement cette interprétation complotiste a disparu des récentes interventions d’Amal Bentounsi.
En 2009, avant le mort de son frère, Amal Bentounsi a commencé un roman intitulé « Ce petit frère qu’on assassine ». Il était écrit trois ans avant la mort de son frère, condamné à plusieurs reprises pour braquage. Amal Bentounsi a ensuite produit un clip : Urgence notre police assassine.
Elle y dit notamment : « Vous voulez commettre des violences et des crimes en toute impunité, sans jamais être inquiétés par la justice. Vous êtes insultants, violents, ne respectez pas le code de la déontologie. Méprisants, arrogants, sont vos qualités. Prêt à tuer sans être en état de légitime défense. En argent de poche, pour arrondir vos fins de mois, coller des outrages à agent. La police recrute, et la justice vous protège et vous acquitte. Même si vous êtes coupables, ne vous inquiétez pas, on fera en sorte que vous ne le soyez plus. Nos syndicats sont puissants. Alors n’attendez pas, la police est le meilleur métier pour être au dessus des lois. »
Poursuivie pour ce clip, le procureur demandera et obtiendra sa relaxe.
• Hanane Karimi
Hanane Karimi apparait dès la première conférence de presse, le 7 juillet 2015. Elle est doctorante et porte-parole du collectif « Les Femmes dans la Mosquée« . Les Inrocks lui ont consacré un portrait élogieux en 2014, où elle est présentée comme une féministe qui lutte contre l’archaïsme de … la Grande mosquée de Paris.
Pour être plus précis, Hanane Karimi écrit des textes pour le Centre de recherche sur la législation islamique et l’éthique, un centre membre de la Faculté des études islamiques du Qatar et créé par… Tariq Ramadan et Youssef Al Qaradawi (recherché par Interpol).

Touchée par la violence des attentats de janvier, elle propose à ses « amis non musulmans… de se rendre aux abords des mosquées pour éviter les attaques et débordements, pour faire un pied de nez aux racistes« .
Le 15 janvier, elle écrivait sur le site islamiste Saphirnews : « Alors lorsque Charlie décide de sortir à 1, 3 puis 5 millions d’exemplaires un numéro dont la Une est une caricature du Prophète de l’islam, je m’interroge. Cet homme qu’il représente, s’appelle Mahomet. Je ne le connais pas. Il est l’archétype de l’arabe musulman, en turban et djellaba, auquel Charlie attribue tous les stigmates. Il est une projection française réductrice et contextualisée d’un homme qu’ils désignent comme nôtre. Il ne l‘est pas. Il n’est pas Muhammad. Il n’est qu’une image tronquée, une projection stylisée d’un ensemble de clichés pérennes. Charlie qui n’aime pas les symboles a son symbole de l’islam qui est Mahomet, « celui qui n’est pas béni ». Il est le symbole de l’autre : l’Arabe et le musulman caricaturés à l’extrême. » Une position qui lui permet d’être invitée à Berkeley sur l' »islamophobie » suite aux attentats de Charlie Hebdo.
Hanane Karimi est un relais du Parti des Indigènes de la République. Le 8 mai, elle retweetera :

Le 6 mars 2015, Hanane Karimi participait au meeting « Contre l’islamophobie et le climat de guerre sécuritaire ».
Le 1er novembre, elle a sous-entendu que Tariq Ramadan n’avait pas de rapport avec la marche. Sans doute Hanane Karimi a-t-elle oublié que Tariq Ramadan a été l’un des premiers à appeler à la Marche… Et que ses étudiantes motivées, dont elle même fait partie, sont mises en avant comme à l’origine de la marche.
DES SIGNATAIRES MARQUES
• Houria Bouteldja : porte-parole du PIR
• Mamans toutes égales : Collectif fondé pour défendre le droit des mères accompagnant les sorties scolaires à porter le voile.
• Tariq Ramadan : on ne le présente plus.
Non seulement, il appelle à la marche, depuis le début, mais il l’encourage à plusieurs reprises.


• Le rappeur Medine
Medine, auteur d’un clip appelant à « crucifier les laïques« , fournira son camion au discours et au concert de fin de journée.
Medine a expliqué avoir cofondé l’association Havre du Savoir. Un site internet qui relaie la prose des Frères musulmans en français. On y apprend qu’il faut se méfier des Chiites, Zaydites, Alaouites et Yazidis, et « comprendre pourquoi ils ne sont pas conformes à la voie du Prophète ».
A la tribune, il a été annoncé que Medine avait donné de l’argent pour la manifestation.

Mais aussi :
• Ismahane Chouder, Participation et Spiritualité Musulmanes.
• Le Collectif des musulmans de France (proche de Tariq Ramadan)
• 15 mars et libertés (contre la loi sur le voile à l’école)
UNE MANIFESTATION ULTRA-MEDIATISEE
La manifestation sera annoncée et chroniquée par un nombre impressionnant de médias.
- France 3
- Arte
- Itélé
- BFM TV
- Le Monde
- Libération
- Le Parisien
- La dépêche
- 20 Minutes
- La Croix
- L’Obs
- Le Figaro
- Buzzfeed
- Oumma
- Safirnews
- Mediapart
Quasiment aucun de ces médias ne fera une enquête sur les signataires, les organisateurs ou même le texte de l’appel se contentant de reproduire les éléments de langage fournis. Seuls quelques groupes et individus ont eu le courage de pointer les ambiguïtés de la démarche. Ici, ici, ici et ici. Ils ont immédiatement été pris en chasse par les trolls habituels.
Le battage médiatique annonçait un tsunami. Il devait renvoyer aux oubliettes de l’histoire les premières marches contre le racisme. A l’époque, 100 000 personnes avaient manifesté. Le 31 octobre 2015, selon les organisateurs, 10 000 ont battu le pavé.
LE DEROULE DE LA MARCHE :
De nombreuses personnes ont manifesté en toute bonne foi contre le racisme sans forcément adhérer aux thèses des organisateurs.
• Slogans entendus
« Et un, et deux, et trois Intifada »
« De Gaza à Jenin, liberez la Palestine »
« Les ‘je suis Charlie’, on en veut pas ! Les femens, on en veut pas ! L’islamophobie, on en veut pas ! »
• La banderole du Parti des indigènes de la République précédée par une militante arborant portrait de Morsi et signe de la Rabia.

• Le cortège du BDS récemment condamné par la justice, avec ici encore une militante arborant la Rabia en solidarité avec les Frères musulmans.

• L’absence de la CNT a été très remarquée. Les anars historiques ne veulent pas/plus marcher avec le PIR. Tout le long de la manifestation des stikers critiquaient les options racialistes de la marche.
• Houria Bouteldja, dont tout le monde s’est acharné a minimiser la présence était en tête de cortège.

• Karima Souid, politicienne tunisienne (ex Etakatol) était présente lors de la marche. Le 21 juillet 2015, Karima Souid avait menacé le journaliste Mohamed Sifaoui.

• Parmi les pancartes, on a pu voir des appels à soutenir Georges Ibrahim Abdallah :

Et un moment nostalgie pour le dictateur Sekou Touré mort en 1984 après 26 ans au pouvoir :

• A la tribune Saïd Bouamama a déclaré « nous sommes fiers de ne pas être Charlie ».
• Une manifestante s’est émue de voir « un mec blanc » oser manifester avec elle.

La même se félicite du slogan refusant l' »intégration par le jambon », un concept développé par le prédicateur Hassan Iquioussen :

• Le Maire PCF de la Courneuve a été accusé, sur le camion de tête de la manifestation, de racisme car il a démantelé un camps de Roms.• En fin de manif, une petite centaine d’intervenants seulement écoute les leaders du mouvement.

• Bref, une manifestation sur mesure pour ravir l’extrême droite française

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