Le terme « hamas« signifie en arabe « enthousiasme, exaltation ». Ce mouvement sunnite se réclame de la mouvance des Frères musulmans, déjà influents à Gaza durant l’administration égyptienne. Toléré par les Israéliens pour faire face à l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) de Yasser Arafat, le Hamas dispose d’une forte assise religieuse.
Sa véritable percée sur le front palestinien remonte à la première Intifada (1987). Son leader spirituel, Cheikh Ahmad Yassine, emprisonné en Israël, est libéré le 1er octobre 1997. Les membres fondateurs du Hamas qui ont une importance dans son développement sont : Abd el-Fattah Dukhan, Mohamed Chamaa, Ibrahim al-Yazouri, Issa Al-Najjar, Salah Chehadeh et Abdel-Aziz al Rantissi. En 1988, le Hamas déclare que la Palestine est une terre de musulmans, sur laquelle doit s’édifier un État islamique et où doit s’appliquer la châri‘a. Il ne conteste cependant pas le rôle historique du Fatah et ne remet pas en cause le rôle international de l’OLP en tant que représentant des Palestiniens.
Durant les deux Intifadas, le Hamas développe une influence religieuse et sociale prépondérante en venant à l’aide de la population palestinienne, démunie de tout et devant parfois faire face à la destruction de ses habitations. Le mouvement devient ainsi un opposant au Fatah, même si la collaboration entre les deux organisations durant cette période existe réellement. Ainsi, en décembre 1987, un « Commandement unifié de l’Intifada », qui comprend un tiers de membres du Hamas et deux tiers appartenant à l’OLP, est mis sur pied. Le Hamas s’en retire pour continuer le combat seul en mai 1988.
Les alliés militaires du Hamas sont les brigades Izz el Din Al Qassam, qui s’attaquent régulièrement aux troupes israéliennes depuis 1994 mais font l’objet d’une répression de la part de l’Autorité nationale palestinienne. Se prononçant contre le processus d’Oslo, le Hamas se joint par la suite à l’« Alliance des Forces palestiniennes », un ensemble de mouvements opposés à la paix. Le bouclage des Territoires palestiniens par les Israéliens, malgré les accords d’Oslo, les retards dans les négociations de paix et les tendances peu démocratiques de l’Autorité palestinienne, ont conduit le Hamas à trouver une assisse certaine et précieuse auprès de la population locale. En 1996, Palestiniens et Israéliens observent une trêve de dix-huit mois, négociée par l’OLP pour le compte du Hamas, à laquelle met fin l’assassinat ciblé par les Israéliens de Yahya Ayache, responsable d’une série d’attentats en Israël. Sa mort provoque en réplique une série d’attentats suicides à Tel-Aviv et Jérusalem, et précipite ainsi la victoire de Benyamin Netanyahou aux élections législatives d’avril 1996.
Le déclenchement de la seconde Intifada va conduire à l’assassinat du dirigeant spirituel du Hamas, cheikh Ahmad Yassine, en mars 2004, puis de son successeur Abdelaziz Al Rantissi le mois suivant. Le 25 janvier 2006, le Hamas remporte les élections législatives palestiniennes (74 sièges contre 45 sièges au Fatah, sur un total de 132). Le nouveau gouvernement est boycotté par Israël, qui refuse de traiter avec des « terroristes ». Les subventions internationales cessent et la situation se dégrade entre les deux mouvements palestiniens. Une escalade s’ensuit, culminant avec le souhait de Mahmoud Abbas de dissoudre l’Assemblée palestinienne et l’éclatement d’une guerre civile entre le Fatah, installé en Cisjordanie, et le Hamas, implanté à Gaza. La partition du territoire palestinien laisse alors craindre un pourrissement du conflit israélo-palestinien, malgré les efforts des Égyptiens pour rapprocher les deux antagonistes, privant les Palestiniens de représentant légitime dans les négociations internationales. L’accord de réconciliation entre les deux factions, intervenu en mai 2011 sous l’égide de l’Égypte, prévoit notamment des élections et une réforme de l’OLP.
Le chef de file du Hamas est aujourd’hui Khaled Mechaal.
Source : Dictionnaire du Moyen-Orient, sous la direction d’Antoine Sfeir, Bayard, 2011.
Sa conférence était intitulée « Comment profiter du mois Béni dans nos jours ».
Larbi Kechat a longtemps favorisé les Frères musulmans dans sa mosquée, même si ses prêches étaient plus radicaux.
La mosquée Addawa a longtemps abrité le groupe de femmes de Meherzia Laabidi dans les années 80. Une brouille contraindra le groupe à partir. En 2011, Meherzia Laabidi sera élue à l’Assemblée constituante tunisienne pour le mouvement Ennahdha et deviendra la première vice-présidence de l’Assemblée.
Larbi Kechat a reçu des dons de nombreux Frères musulmans pour sa mosquée, notamment :
Habib Ellouze a été élu le 23 octobre 2011 au sein de l’Assemblée constituante tunisienne sur la liste du parti Ennahda.
Il est né à Sfax en 1953. Travaillant comme entrepreneur dans les années 1970, il est connu pour son activisme dans les mosquées de Sfax. Il est un des membres fondateurs du mouvement Ennahda. Il préside l’organe de décision, le Conseil de la Choura, entre 1988 et 1991, puis le mouvement lui-même de juin à septembre 1991. Il sera condamné par contumace à dix ans de prison.
A aucun moment Habib Ellouze n’a regretté les pratiques du parti islamiste de la fin des années 80. Notamment l’affaire Bab Souika : un gardien de nuit du siège du parti au pouvoir immolé par le feu. Ou encore la campagne d’attaques à l’acide.
Dans de ses articles, Martine Gozlan, spécialiste de la Tunisie rappelle que Habib Ellouze n’est pas un anonyme dans la mouvance islamiste. Il dispose d’une grande influence au sein du Conseil de la Choura. « Lors de la crise politique qui a divisé le parti, il a été le plus brûlant supporter de la tendance hard regroupée autour de Rached Ghannouchi. Ellouze n’a pas eu de mots assez durs pour flétrir la proposition de l’ex-Premier ministre Hamadi Jebali qui réclamait un nouveau gouvernement apolitique. Jebali, pour lui, c’était un » contre-révolutionnaire »! »
Habib Ellouze est même, toujours selon Martine Gozlan, cité à comparaitre devant un juge pour avoir menacé directement le leader du Front populaire Chokri Belaid, peu de temps avant son assassinat? Sans se démonter le moins du monde, il lance à nouveau un appel au meurtre contre un autre député du PDU, Mongi Rahoui en janvier 2014 en l’appelant « ennemi de l’islam ». Suite à ces déclarations, Mongi Rahaoui a été mis sous protection policière.
« Je suis musulman, ma mère est musulmane, mon père est musulman, mon grand-père est musulman (…) et je n’ai pas besoin de vous pour le savoir. Vous êtes le cheikh des menteurs, comme disait le martyr Chokri Belaïd » (Mongi Rahaoui)
Suite à cette affaire, l’ANC à révisé l’article 6 portant sur la liberté de conscience en y ajoutant un amendement qui avait pourtant été rejeté. Par 131 voix pour, 23 contre et 28 abstentions, l’interdiction de porter des accusations d’apostasie (« takfir ») y est désormais inscrite dans la Constitution. L’accusation d’apostasie est un des éléments essentiel de la propagande des Frères musulmans.
Le 10 mars 2013, dans les colonnes du quotidien arabophone « Al Maghreb », Habib Ellouze déclare que l’excision des filles est une affaire d’esthétique.
« On excise ce qu’il y a en plus, mais ce n’est pas vrai que l’excision supprime le plaisir chez les femmes, c’est l’Occident qui a exagéré le sujet. L’excision est une opération esthétique pour la femme »
L’excision n’est pas du tout une pratique tunisienne. Ses propos déclenchent un tollé. Très vite, on apprend que Habib Ellouze s’appuye sur les théories du prédicateur Wajdi Ghonim, Frère musulman égyptien qui vit alors au Qatar.
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Hamman Saïd, d’origine palestinienne vit en Jordanie.
Homme clef des Frères musulmans, il soutient activement la branche armée des Frères musulmans, le Hamas.
Hamman Saïd est un des opposants les plus farouches au roi Abdallah a qui il reproche de ne pas soutenir le Hamas. A plusieurs reprises, il a repris la rhétorique qotbiste et à réclamé la destitution des dirigeants qui auraient des relations avec les Etats-Unis.
Pour le leader des Frères musulmans jordaniens, tout pour-parler de paix est une hérésie.
A l’occasion de la loi française sur les signes religieux à l’école publique, le chef des Frères musulmans jordanien, Hammam Saïd, a estimé qu’elle était « contraire aux principes des droits de l’homme dont se targue la France ». « Pour nous, cette décision porte atteinte à l’islam et à tous les musulmans dans le monde » (Le Monde, 4 décembre 2011)
Autre orthographe : Hamman Saeed
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La Finlande compte une population musulmane depuis cinq siècles. La Suomen Islam-seurakunta est créée en 1925. Déjà de nombreux musulmans, plutôt Tatars, étaient opposés à toute forme d’institutionnalisation. En 2010, Anas Hajjar prend la tête de l’organisation.
Il est né à Damas (Syrie) en 1969 et vit en Finlande depuis 1988. Son discours est très éloigné du discours de tolérance des musulmans traditionnels finlandais.
Selon Anas Hajjar, les actes sexuels hors mariage sont un péché. Il dit aussi qu’il ne voit aucun inconvénient à couper la main d’un voleur. Interrogé sur la formation des imams, il déclare que les musulmans ne peuvent pas recevoir un enseignement religieux prodigué par des non-musulmans. Il déclare condamner certains aspects de l’Etat islamique mais sans expliquer lesquels.
En novembre 2014, les Emirats Arabes Unis déclaraient Suomen Islam-seurakunta (Finnish Islamic Association), son organisation, terroriste.
Hassan al-Tourabi est certainement la figure la plus intéressante et la plus charismatique de la mouvance jihadiste des années 90. Né en 1932 à la frontière de l’Erythrée dans une famille de tradition soufie, Tourabi connaît bien l’occident, parle plusieurs langues, dont l’anglais et le français. Après un premier cycle en droit à l’université de Khartoum, il a obtenu un master à la London School of Economics de Londres, et passé une thèse à la Sorbonne où il a étudié de 1959 à 1964. A l’instar de Sayyed Qutb, son maître à penser, c’est au cours d’un périple aux Etats-Unis, alors qu’il était encore étudiant à Paris, qu’il a forgé son rejet de la laïcité et du capitalisme, et dans la Confrérie, l’idéologie islamiste qu’il a su imposer à la tête de l’Etat. Son radicalisme religieux est néanmoins tempéré par le pragmatisme du politicien habitué à composer avec la réalité parlementaire. Il n’est pas non plus étranger à une forme d’humanisme qui déplaira d’ailleurs fortement à Ben Laden (Tourabi parle par exemple de réconcilier l’islam avec les arts et la musique), mais dont on ne sait trop s’il est motivé par de véritables convictions ou de tortueux calculs politiques.
Dans la foulée d’une guerre civile entre le nord musulman et le sud chrétien qui fait 2 millions de mort, le général Omar al-béchir, un militaire ayant fait ses armes dans l’armée égyptienne pendant la guerre du Kippour, prend pouvoir par un coup d’Etat militaire en 1989. Hassan al-Tourabi, à la tête des Frères musulmans soudanais, lui a prêté main forte dans le but d’instaurer la charia. Devenu le principal conseiller d’al-Béchir, il impulse dans l’ombre des réformes qui imposent le crime de blasphème, l’amputation pour les voleurs, la lapidation des femmes infidèles, la peine de mort pour les homosexuels.
Au début des années 90, non content de diriger le Soudan, Tourabi s’est lancé dans un projet qui aura de graves conséquences durant la décennie suivante. Il avait été très attentif à la guerre livrée par les djihadistes arabes contre le communisme en Afghanistan. Il avait observé l’ascension de Ben Laden et de Zawahiri, et déploré le désœuvrement des combattants qui, quand ils rentraient chez eux, finissaient inévitablement en détention. Il fallait canaliser cette énergie, offrir aux soldats de l’islam un havre de tranquillité et une plateforme qui leur permettrait d’échanger leurs vues et de poursuivre leurs entrainements militaires. Ce que voulait créer Tourabi, c’était un « komintern » islamiste, une internationale terroriste dont il aurait pris le contrôle comme il avait pris en main les destinées du Soudan. Le mouvement avait perdu sa guidance ; il lui fallait un nouveau chef. Ben Laden était important, mais il n’avait pas (encore) l’aura de son prédécesseur, Abdullah Azzam. Qui d’autre que Tourabi pouvait le mieux l’incarner ? C’est ainsi qu’il adressa des lettres d’invitation aux principaux chefs des organisations les plus radicales de l’islam politique. Zawahiri, Ben Laden, d’autres leaders d’Al Jihad, de la Gamaa al-islamiya, et même du Hezbollah chiite libanais en accusèrent réception. Tous répondirent positivement à son invitation et le rejoignirent à Khartoum au milieu des années 1990. Ben Laden y passera ses plus belles années. Il y fait des affaires et des rencontres déterminantes. Au contact du Hezbollah, il apprend des techniques nouvelles ; à savoir la conception et la réalisation des attentats suicides et simultanés (pratiquées la première fois au Liban en 1981 par le Hezbollah d’Imad Moughnieh) qui seront bientôt sa marque de fabrique. En tant qu’organisation du terrorisme international, c’est au Soudan que se forme et devient opérationnelle Al Qaïda. Mais en 1996, le « paradis soudanais » s’effondre sous la pression américaine. Le 25 juin 1995, un commando de la Gamaa al-islamiya avait tenté d’assassiner le président Egyptien Hosni Moubarak. Or, les dirigeants de la Gamaa al-Islamiya, comme de toutes les organisations islamistes inscrites sur la liste noire des Etats-Unis étaient à Khartoum. Tourabi est certes une autorité religieuse, c’est aussi un politique avisé à l’instinct de survie démesuré. Accusé d’être le principal soutien du terrorisme international, il cède aux Américains : Ben Laden, Zawahiri, et les autres sont expulsés du Soudan. Deux ans plus tard, conséquence directe du séjour de Ben Laden à Khartoum, les ambassades américaines de Nairobi et Dar es Salam sont soufflées par des attentats à la voiture piégée ; les deux premières attaques frontales d’Al Qaïda contre les Etats-Unis.
De son côté, l’homme fort des milieux politiques soudanais tombe en disgrâce en 1999. Malgré de nombreux séjours en prison, Tourabi est parvenu à se maintenir dans les cercles décisionnels. Ces dernières années, il a considérablement atténué son radicalisme islamique, poussant à l’ouverture religieuse – difficilement acceptable aux yeux des Frères musulmans – , qui prône par exemple la tolérance aux mariages interreligieux. Même entre Juifs et musulmans.
« A nous l’action, à Dieu le succès », disait Hasan al-Bannâ, un jour de mars 1928 à l’en croire, à ses premiers disciples. « Faisons un serment d’obédience à Dieu, par lequel nous serons des soldats du message de l’Islam, message qui contient la vie de notre patrie et la force de la nation musulmane. (…) Notre groupement sera en premier, et foncièrement, une idée, avec toutes ses implications et toutes les actions qui en découlent. Nous sommes des frères au service de l’Islam, nous sommes “les Frères musulmans”. »
Hasan al-Bannâ, Mémoires du message et du messager
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A la fin des années 80, après la série d’attentats menée par la branche militaire et clandestine d’Ennahda, et une tentative de coup d’Etat, Rached Ghannouchi, le fondateur et le chef charismatique de branche tunisienne des Frères musulmans, doit fuir la Tunisie. A l’invitation du FIS, il s’installe en Algérie. Parachuté conseiller politique du parti islamiste, Ghannouchi se charge notamment des relations avec l’Arabie Saoudite et le Qatar. Mais, quand éclate la guerre civile, que les dignitaires du FIS sont arrêtés, le contexte ne lui permet pas de demeurer plus longtemps en Algérie. Il reprend le chemin de l’exil.
« Avec l’avènement de la démocratie au début des années 90, et le coup d’état perpétré contre elle durant cette même période, les centaines de cadres d’Ennahda qui résidions en Algérie et moi-même avons été contraints de trouver un autre pays où résider. Nous sommes allés au Soudan. Hassan al-Tourabi, chef des Frères musulmans soudanais, était l’un de nos amis. Nous étions très influencés par son mouvement lorsqu’il était opposant. Après son arrivée au pouvoir [en 1989 dans l’entourage du nouveau chef d’Etat le général Omar El Béchir], la donne a changé. Mais, dans les années 70, la mouvance islamiste soudanaise est l’une de celles qui a le plus inspiré la mouvance islamiste tunisienne. Ajoutons à cela la révolution iranienne, et le mouvement islamiste de Nadjm Eddine Arbakan en Turquie, qui ont également eu un impact important sur nous. »
Dans un entretien accordé au journal Al Shira au mois d’octobre 1994, alors installé à Londres, le chef d’Ennahda n’a pas de mot assez fort pour traduire son admiration pour Hassan al-Tourabi :
« Dr Tourabi est un « Mujaddid » (un réformateur). Il a inspiré toute une génération d’islamistes. Je suis l’un d’entre eux. Cela tient à l’engagement de son intelligence pour la tradition établie (Fikr Usuli), à son approche réaliste et pratique de l’islam. Cela ne signifie pas que son opinion sur certains problèmes ou cas particuliers soit admis par tous les islamistes. Je ne peux parler qu’en mon nom, et, pour ma part, je pense que Tourabi est le maître de notre génération. »
Le Conseil des Imams australiens est presque complètement contrôlé par les Frères musulmans. Créé en 2006, le Conseil cherche a servir d’intermédiaire entre l’Etat et les musulmans.
250 imams font partie de ce Conseil qui publie des Fatwa et nomme le Mufti d’Australie. Le premier Mufti est Taj al-din al-Hilali. Il est élu en toute vitesse en 1988 pour lui éviter d’être expulsé par le gouvernement australien. Il se fait remarquer pour ses sermons extrémistes. Il compare les femmes non voilées avec de la viande non enveloppée.
« Si vous placez de la viande non enveloppée et que vous la laissez dans la rue, dans un jardin (…) sans la couvrir et que les chats viennent et la mangent. De qui est-ce la faute, les chats ou la viande non enveloppée. La viande non enveloppée est un problème. Si elle était dans sa chambre, dans sa maison, dans son hijab, il n’y aurait eu aucun problème ». (Sermon, octobre 2006)
Taj al-din al-Hilali décide ensuite de se lancer en politique, sans grand succès. On se souviendra surtout de lui pour avoir donné sa permission au concept de « Burkini« .
Il démissionne et le Conseil des Imams australiens des imams le remplace par Fehmi Naji qui démissionnera a son tour pour problèmes de santé.
Le grand mufti actuel, élu en 2011, est Ibrahim Abu Mohamed. Il jouit d’une réputation d’homme de dialogue et de paix. Enfin du moins jusqu’en 2012, ou il entreprend de défendre le Hamas, qui est considéré par l’Australie comme une organisation terroriste.
Lors de son séjour dans la Bande de Gaza en 2012, il déclare
« Je suis heureux d’être sur une terre de Jihad et d’apprendre de ses fils ».
Ou encore
« Nous sommes venus pour apprendre de Gaza. (…) Nous ferons des pierres, des arbres (…) pour apprendre le sacrifice et le droit de se défendre ».
Lors des attaques terroristes à Sydney, le Conseil est ses représentants passent en boucle sur toutes les télévisions. Ils expliquent que le terrorisme n’a aucun lien avec l’Islam, et qu’ils condamnent « sans équivoque » le meurtre d’innocents. C’est grâce a ce type d’interventions que le Conseil apparait pour la population australienne comme un organisme de recours et de paix.
Pourtant une des principales activités du Conseil est de retarder les mesures anti-terroristes.
Le Conseil des Imams australiens se mobilise contre les loi antiterroristes qu’il juge dangereuses contre la liberté d’expression. Ibrahim Abu Mohammad a ainsi expliqué que la pénalisation de la « défense du terrorisme » est une atteinte à sa liberté d’expression. En effet selon le Mufti, la lecture de certains passages du Coran pourraient être vus comme de la « défense du terrorisme ». Et de citer le jihad en Afghanistan, en Syrie et en Irak.
Au moment ou le gouvernement australien décide de trouver le moyen de pénaliser les « prêcheurs de haine comme le groupe Hizb ut-Tahrir, le Conseil des Imams australiens et Ibrahim Abu Mohammad courent à leur secours.
“Hizb ut-Tahrir n’est pas contre la liberté d’expression. Au contraire, ils sont très pro liberté d’expression. Il sont même en train d’exercer cette liberté. Ceux qui sont contre la liberté d’expression sont ceux qui essaient d’interdire à Hizb ut-Tahrir d’exprimer leurs opinions. »
Une position que le premier ministre australien a jugé « pas très utile ».
Le Conseil est vent debout contre les lois antiterroristes. Il est auditionné par les diverses commissions gouvernementales et parlementaires. A plusieurs reprises, les Frères musulmans ont même été jusqu’à lire des extraits du Coran pour convaincre les décideurs qu’interdire l’apologie du terrorisme risquait d’interdire la foi elle même.
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Durant les vingt derniers mois, du 30 juillet 2013 au 30 avril 2015, l’Union des Organisations Islamiques de France (UOIF), a publié sur son site Internet (ici), cent et un communiqués officiels. En moyenne, un communiqué officiel tous les six jours. Ainsi, comme l’indique le graphique ci-dessous, cette organisation, représentant l’idéologie islamiste, et s’inscrivant incontestablement dans le projet Tamkine des « Frères Musulmans », appliqué à la France, s’est précipitée à condamner, ou à exprimer sa profonde tristesse, ou à prendre position « pour » ou « contre » quelque chose, à chaque fois elle a jugé indispensable de le faire. Et à chaque fois où sa prise de position politique devait préserver quelques intérêts (surtout en terme d’image et de résonance médiatique) et aussi lorsqu’une telle expression officielle ne mettait surtout pas en péril d’autres intérêts politiques et financiers supranationaux.
Ses prises de positions peuvent être ainsi classées en six groupes synthétiques :
Condamnation du terrorisme islamiste international : Vingt-neuf communiqués ;
Informations au sujet des affaires courantes de l’UOIF et de l’islam « en » France : Vingt-six communiqués ;
Condamnation de ladite « islamophobie » (et sommairement du racisme) : Dix-neuf communiqués ;
Soutien à la Palestine et au Gaza : Douze communiqués ;
Questions internationales diverses (inondations, accident minier, glissement de terrain, tremblement de terre, etc.) : Dix communiqués ;
Soutien aux « Frères Musulmans » d’Egypte et ceux de la diaspora : Cinq communiqués.
L’UOIF s’est habituée à condamner, entre autres, des attentats et autres exécutions barbares, commises par « l’Etat Islamique », ou par « Boko Haram », ou par d’autres groupes salafistes jihadistes, en Orient comme en Occident. Elle se montre, à chaque drame, solidaire des familles des victimes du terrorisme islamiste international. Elle exprime ses inquiétudes lorsque ses leaders égyptiens souffrent de la répression et des lourdes condamnations judiciaires, prononcées sous le régime putschiste pseudo-militaire en place. Elle se positionne systématiquement du côté palestinien, et des gazaouis du Hamas en particulier, lors des hostilités contre Israël. Elle pleure la mort d’un ministre palestinien ou le décès d’un leader « frère musulman » syrien, résident en Espagne. Elle déplore les victimes des frappes aériennes israéliennes contre la bande de Gaza, etc. Bref, la ribambelle des communiqués de l’UOIF fait croire à une réactivité impartiale de condamnation de tout ce qui pourrait, voire devrait, être condamnable. Cependant, l’UOIF, comme bien d’autres organisations politiques, a bel et bien ses limites, ses partialités, ses partis pris, ses intérêts, ses complicités et ses silences.
D’ailleurs, force est de constater que cette entité frériste se tait, volontairement, quand il s’agit de prendre clairement position par rapport aux racines idéologiques, religieuses et historiques des violences commises au nom d’Allah. Mis à part ses répétitions machinales à outrance devant des caméras, à chaque attentat commis par des jihadistes, que : « l’islam est une religion de paix et d’amour », « les musulmans de France ne peuvent être comptables des actes terroristes », « Not in my name », etc. Aucun communiqué officiel, aucun article instructif et documenté, aucune publication sérieuse, s’attaquant frontalement, et sans ambiguïté, aux racines idéologiques de toutes ces calamités islamistes sanguinaires, contenues expressément dans de nombreux textes et fatwas, ne sont hélas disponibles aujourd’hui, ou accessibles sur ses plateformes numériques et interfaces publiques. S’agirait-il d’oublis ? De simples erreurs d’appréciation ? De condamnations très sélectives ? De partialités non avouées ? De silences à peine troublés par le retentissement des bombes ici ou là ? Ou bien de choix idéologiques assumés de «dire », en vérité, pour « ne rien dire » ? De montrer ses larmes, tout en exaltant les armes?
En effet, l’UOIF condamne l’exécutant jihadiste mais ne condamne jamais le cheikh salafiste pétrodollar, ultra-médiatisé qui le télécommande depuis l’Arabie Saoudite ou le Qatar. L’UOIF condamne celui qui appuie sur la gâchette, tuant au passage enfants, hommes et femmes, mais ne condamne jamais le « prince de guerre » qui lui livre armes, munitions, fatwas et couverture médiatique. Elle condamne le soldat jihadiste et épargne le grand cheikhtakfiriste. Elle condamne l’acte terroriste mais ne condamne jamais le texte religieux qui le sous-tend et le justifie (lire par exemple le hadith authentique ci-dessous). Elle condamne, parfois, le sabre mais épargne, toujours, les recueils « sacrés » qui attribuent ce genre de paroles au Prophète, je cite : « Sachez que le paradis est à l’ombre des sabres »[1] !
Ce même hadith est l’un des nombreux textes, Coran et Sunna, que le guide Hassan Al-Bannaavait cités dans son épître intemporelle du Jihad, adressée de son vivant aux « Frères Musulmans », ceux de son temps, comme ceux de tous les temps après lui. Une épître idéologique rouge-sang, très explicite en dix-sept pages, que je traduirai prochainement et qui se termine par cette prière peu surprenante : « Chers frères, sachez que la nation qui excelle dans l’industrie de la mort, et qui sait comment mourir honorablement, Allah lui offre une vie généreuse ici-bas et la béatitude dans l’au-delà … Œuvrez, chers frères, pour une mort noble, vous obtiendrez certainement le bonheur parfait. Qu’Allah nous accorde la dignité du martyre pour sa cause »[2]. Amen !
Les « frères », ennemis de la liberté de conscience ?
Par ailleurs, l’UOIF se dit « pour » la liberté de conscience, de religion et d’expression. L’on pourrait presque s’en réjouir. Cependant, elle ne condamne jamais les atteintes graves à ces mêmes libertés fondamentales, surtout dans des pays arabo-musulmans où ces libertés ne sont ni reconnues par la loi, ni protégées dans les faits. De mémoire d’ancien « frère », l’UOIF n’a jamais condamné des textes sacrés fondateurs de la peine de mort, pour apostasie, ou de la lapidation ou d’autres châtiments corporels ancestraux, toujours sollicités par des dictatures wahhabites ou par des gouvernements islamistes, qui comme l’UOIF, sont liés par allégeance, explicite ou tacite, au guide-suprême égyptien. Le « frère Tariq » avait osé évoquer vaguement, dans un passé antérieur, l’idée d’un « moratoire ». L’UOIF, jamais !
Bien au contraire, des imams métropolitains de l’UOIF n’hésitent pas à solliciter ce même « arsenal » textuel meurtrier et délirant pour terroriser des intelligences critiques, et assombrir bien des perspectives. Là-bas, quelque part dans la région lyonnaise, il y a presque un mois, un imam « frère musulman », visiblement irrité par la parution de quelques témoignages, publia une tribune, sur son profil Facebook public, contre ceux désignés, par son éminence verte, et dès le titre, comme étant des « Faux-musulmans ». Sa sainteté les a prénommés : Malek, Rachid, Abdennour, Farid et Mohamed. Les concernés se reconnaitront de toute évidence.
Quelques heures plus tard, en prenant conscience, me semble-t-il, de la dangerosité de son propos, d’un point de vue légal – peut-être, a-t-il été averti, presque à temps, par le service juridique de la confrérie ? – il supprima sitôt cette tribune inquisitoire de son profilFacebook, mais certainement pas de certains disques durs, qu’il en soit rassuré ! Ensuite, il la republia sur son blog (ici) après avoir modifié le titre et supprimé les prénoms de ses cibles vilipendées. Il n’était plus question de « Faux-musulmans » – les Malek, Rachid, Abdennour,Farid et Mohamed – mais plutôt de «Faux réformateurs musulmans ». Toute une nuance, me dirait-on. Mais, une chose est sûre, son texte regorge toujours de jugements graves, de procès inquisiteurs, de prétentions vaniteuses, de suspicions dangereuses, et de contre-vérités et autres confusions très malhabiles. Comme d’habitude, aucune critique instructive du fond des idées des uns et des autres. Toujours fidèle à la pratique d’étiquetage, différenciant ce qui est produit halal de ce qui ne l’est pas. C’est juste Calvin qui s’en prend à Servet. Ainsi parla sa sainteté valentinoise !
Ici, quelque part dans la métropole lilloise, un autre cheikh « frère » n’hésite pas a usé des « perles » de cet « arsenal » moyenâgeux, pour désigner des apostats, des hypocrites, des égarés et j’en passe. L’actuel président national de l’UOIF, en personne, s’en sert fréquemment dans ses prêches de vendredi, pour parler d’un « nous » et d’un « eux », d’un axe du bien et d’un axe du mal. Un « nous » le désignant lui le baron du Nord et ses inféodés comme des bons croyants, des bons musulmans, le groupe sauvé selon un autre hadith. Et un « eux » désignant, instrumentalisation et perversion des versets et hadiths à l’appui, les autres, des faux-croyants, des hypocrites, des égarés, des musulmans non-pratiquants – s’adressait-il par médias interposés à Manuel Valls – une cinquième colonne au sein de ladite communauté musulmane et des musulmans qui, à l’entendre, ne seraient pas si musulmans que ça. Ah, comme ils sont tolérants les « frères » d’Hassan !
Au demeurant, l’UOIF n’a jamais condamné les fatwas ou les jugements des tribunaux d’inquisition islamiste, accusant des libres-penseurs musulmans d’apostasie et les sanctionnant à de la peine de mort, ou aux coups de fouets, ou à de l’emprisonnement, etc. L’UOIF entretient des paradoxes et des confusions. D’un côté, elle s’est toujours montrée solidaire et sensible aux douleurs des familles des journalistes et autres humanitaires occidentaux, pris en otage ou exécutés lâchement par la barbarie islamiste : Sa tactique l’oblige. De l’autre côté, elle ne s’est jamais montrée solidaire avec des blogueurs, des journalistes, des libres-penseurs et des hommes politiques, menacés ou exécutés par ce « fascisme vert » – qui ne doit pas être confondu avec la confession de la majorité des français musulmans – et qui s’étend aux quatre directions de Riyad, de Doha et de Paris : Sa stratégie l’interdit.
En vingt mois, l’UOIF, bien qu’elle soit associée aux manifestations d’unité nationale condamnant les attentats de Paris de janvier dernier, et bien qu’elle ait exprimé ses profondes (!) et sincères (!) convictions en faveur de la liberté d’expression et de conscience – Il ne faudrait tout de même pas oublier qu’elle avait porté plainte contre « Charlie Hebdo » et que, désormais, l’une de ses structures de conquête tamkiniste porte plainte contre un professeur de philosophie – elle n’a publié aucun communiqué, parmi ses cent et un communiqués mis en ligne, condamnant, par exemple, l’excommunication de l’auteur algérien Kamal Daoud par un cheikh salafiste. Elle n’a publié aucun communiqué de condamnation du jugement à la peine de mort, pour apostasie, du jeune écrivain mauritanien Mohamed Cheikh Ould Mkheitir, qui croupit toujours dans le couloir de la mort. Elle n’a publié aucun communiqué condamnant le jugement saoudien sanctionnant à mille coups de fouets, le jeune blogueur Raïf Badawi. Elle n’a publié aucun communiqué condamnant le jugement de la soudanaise Meriam Yahia Ibrahim Ishag à la de peine capitale pour avoir, soi-disant, renié la religion musulmane. Elle n’a publié aucun communiqué condamnant l’assassinant de l’opposant tunisien Mohamed Brahmi, par un jihadiste franco-tunisien, et juste avant lui l’opposant ChokriBelaïd. D’autres noms n’ont jamais figuré sur aucun communiqué officiel de l’UOIF. Hassan Al-Banna ne priait-il pas ses « frères » d’exceller dans « l’industrie de la mort » ?
L’on pourra facilement multiplier les exemples concrets et incontestables des silences de l’UOIF. Ceux-là sont hélas très nombreux, à l’image de ses partialités doctrinales, partisanes et sectaristes. L’on me dirait, peut-être, qu’il n’est pas condamnable en soi de ne pas condamner. Soit. Et que l’UOIF n’est pas obligée de prendre position, pour tout et pour rien, concernant des affaires extra-hexagonales. Néanmoins, lorsque l’on est habitué à prendre, toutes les semaines, sur un coin d’une table ovale à La Courneuve, ce genre de positionnements politiques, pour atteindre différents objectifs, tantôt clairs tantôt obscurs, certains silences deviennent embarrassants. Certains silences sont coupables. Qui ne dit mot …
C’est vrai, le Yémen n’est pas Gaza !
Sur un autre registre, l’UOIF a certes condamné l’explosion de plusieurs bombes dans des mosquées chiites du Yémen. Mais, elle n’a jamais condamné les fatwas émanant de son « hémisphère droit » sacré, le cheikhYoussef Al-Qaradawi – devenu avec l’âge mufti officiel de l’OTAN – qui excommunie sans ambiguïté les chiites et appelle à les tuer et à les combattre partout : au Yémen, en Irak, en Syrie, au Liban, et partout ailleurs. Plus clairement, que dire du silence de l’UOIF au sujet de l’opération militaire baptisée « Tempête de fermeté » ou « Tempête décisive », lancée le 25 mars 2015 au Yémen, depuis Washington ? Une opération sanglante qui vient de prendre fin, depuis quelques jours, en annonçant au passage, le début d’une nouvelle opération militaire, menée toujours par ces coalisés sunnites, baptisée « Restaurer l’espoir ». Depuis le 25 mars, l’UOIF n’a dit mot à ce sujet ! Maintenant, si c’était des « sunnites » attaqués par l’Iran, ou des gazaouis par Israël, ou des « frères » égyptiens par Al-Sissi, l’UOIF aurait-elle préféré le silence ? Simple question.
En effet, une coalition militaire « sunnite », conduite par l’Arabie Saoudite et huit autre pays arabes – parmi lesquels le Qatar, le Koweït, le Maroc, etc. – sous l’œil bienveillant des Etats-Unis, et avec la bénédiction religieuse, très fervente et très optimiste, de Youssef Al-Qaradawi, et de son « Union Internationale des Savants – frères – Musulmans » (UISM) – à lire ici un communiqué datant du 17 mars 2015 – cette coalition a bombardé sans miséricorde, durant vingt-sept jours consécutifs, une bonne partie du Yémen, habitée par une population majoritairement « chiite ».
La coalition militaire « sunnite », cumulant pas moins de cent-quatre-vingt avions de chasse et quatre navires de guerre, a mené plus de deux mille raids aériens, causant la mort sous les décombres de presque mille personnes, dont de nombreux civils, parmi eux des enfants et des femmes, et d’environ quatre mille trois cent blessés. Sans parler des dégâts matériels, des infrastructures terrassées et d’une situation humanitaire et sanitaire juste dramatique. Ni avant ces vingt-sept longues journées d’agression « sunnite » meurtrière, ni pendant, ni après, l’UOIF n’a jugé indispensable – humainement parlant – de publier un quelconque communiqué de condamnation (ou même de soutien). Pire encore, lorsque la coalition balançait aveuglement ses bombes sur les « chiites » du Yémen, l’UOIF amusait la galerie, avec sa foire annuelle à Paris-Le Bourget, sous le thème : « Mohammed, Prophète de miséricorde et de paix » ! L’on ne sait plus de quel « Mohammed » parle l’UOIF ? Est-ce celui qui appuyait sur le bouton de lance-missile à partir de son Rafale ou de son F16 ? Est-ce celui qui vient de perdre ses parents et ses deux jambes dans un village désertique au Nord de Sanaa ? Est-ce « Mohamed » le sunnite ? Est-ce « Mohamed » le chiite ? Dans son communiqué du 6 avril (ici), clôturant sa foire annuelle, l’UOIF relégua le Yémen à la queue d’un peloton de pays rongés par des conflits religieux et des guerres civiles. Le mot condamnation n’y figure pas. Elle se déclarait être du côté de la justice et de la dignité humaine : Un comble de cynisme et de perversion. En somme : Silence, on tue !
Ce silence devient symptomatique d’« un deux poids, deux mesures » sordide, lorsque l’on sait que l’UOIF avait publié, le 10 décembre 2014, un communiqué intitulé : « Assassinat d’un ministre palestinien par l’armée de l’occupation » (ici). Ou lorsque l’on se rafraichit un peu la mémoire en lisant, au moins, les quatre communiqués de l’UOIF publiés en un peu plus d’un mois, lors du dernier conflit israélo-palestinien à Gaza : « Gaza sous les bombes », le 10 juillet 2014 (ici) ; « Appel à la mobilisation pour la Palestine », le 12 juillet 2014 (ici) ; « Gaza face au silence de la France », le 25 juillet 2014 (ici) ; « Un lourd tribut et des crimes contre l’humanité à Gaza », le 31 août 2014 (ici).
Je suis vraiment désolé car j’avais oublié que le Yémen n’était pas Gaza. J’avais oublié qu’un enfant, né dans une famille « chiite », avait moins d’importance, et peut-être était moins humain, aux yeux des « frères », que l’enfant d’un kamikaze « sunnite » du Hamas. J’avais oublié que le goût de la mort d’un yéménite « chiite », sous les bombes de « l’Etat Islamique » dans une mosquée – que l’UOIF avait condamnée – était plus amer que le goût de la mort sous les bombes d’une coalition d’ « Etats islamiques » sous les décombres d’autres mosquées et bâtiments. L’UOIF a certes condamné l’attaque commanditée par le calife Al-Baghdadi, tentant de se distancier de la barbarie de Daesh, mais elle n’a pas dit mot contre l’attaque commanditée par le roi Salman, le prince Tamim et le cheikh Al-Qaradawi. Ces quatre saintetés respectives, ne promeuvent-elles pas la même « industrie de la mort » ?
L’on est presque pressé d’entendre les explications de l’UOIF – qui n’arriveront jamais de toute façon. Que le lecteur soit rassuré ! – pour savoir si la vie d’un ministre palestinien avait-elle, par exemple, plus de valeur, aux yeux de la confrérie politico-religieuse, que celles de mille vies yéménites ? Ou si les raids israéliens, sur la bande de Gaza, étaient-ils plus condamnables que les raids arabo-sunnites visant la population chiite du Yémen ? Ou si l’agression arabo-sunnite contre des civils et milices chiites d’opposition était plus « légitime », et donc moins condamnable, que les attaques, ou les ripostes, du Tsahal contre le Hamas et la population civile gazaouis ?
Les « frères » : moines salafistes et cavaliers sunnites.
En somme, l’abondance des prises de positions officielles et publiques de l’UOIF dissimule, en vérité, plus de choses qu’elle en exprime. Entre silence à peine gêné et partialité totalement assumée, de nombreux slogans, valeurs et principes, tant scandés et pérorés, ici ou là, se vident de toute substance humaniste présumée, de toute miséricorde et de toute paix, pour céder la place aux constances idéologiques authentiques et immuables de la confrérie internationale depuis sa création, en Egypte en 1928. Il semblerait que l’essence d’une idéologie de conquête ait toujours le dernier mot face à la superficialité des apparences et face aux masques de circonstances.
Ainsi, les « frères musulmans », en France, semblent avoir bien compris et assimilé la lettre de leur guide-suprême de tous les temps, Hassan Al-Banna, lorsque celui-ci a défini, dans son discours prononcé lors du fameux « cinquième congrès », célébrant le dixième anniversaire de la confrérie en 1938, ce qu’était réellement l’idée et l’identité même des « Frères Musulmans ». Hassan Al-Banna définissait, en arabe et en huit points, la confrérie islamiste comme une combinaison, presque fourre-tout, étant à la fois : un « appel salafiste », une voie « sunnite », une « vérité soufie », une « organisation politique », un « groupe sportif », une « ligue scientifique et culturelle », une « entreprise économique » et une « idée sociale et sociétale »[3].
Hassan Al-Banna après avoir rappelé, lors de ce congrès, la définition idéologique frériste de l’islam comme étant à la fois, je cite : « croyance et cultes, patrie et nationalité, religion et Etat, spiritualité et action, Coran et sabre »[4], il a répondu à la question cruciale de l’usage de la « force des armes » en expliquant que le recours à la violence et à la « force des bras et des armes » est le dernier degré d’une stratégie progressive, articulée autour de trois degrés ou priorités consécutives : Premièrement, « la force de la croyance et de la foi ». Deuxièmement, « la force de l’union et du lien d’appartenance » et troisièmement, « la force des bras et des armes »[5]. Il expliqua ensuite que « les frères » useront de la violence des armes, si nécessaire, dès lors que les deux premiers niveaux sont atteints.
La stratégie du Tamkine nécessite l’usage des « bras et des armes » à partir d’un certain niveau de domination politique, mais pas avant. Il ne faudrait jamais brûler les étapes. Préserver le pouvoir religieux, exercé par les « frères » au nom du Coran, a besoin d’au moins deux sabres. Gare à la tête qui se place au point d’intersection des deux ! Ceci étant très explicite dans toutes les épîtres du guide-suprême aux « frères ». Il répétait dans tous ses discours un leitmotiv, repris par certains « frères » ici, qui décrivait les « frères musulmans », à l’image des compagnons du Prophète, comme étant, je cite : « Des moines la nuit et des cavaliers le jour »[6]. Comment l’UOIF pourrait-elle donc contredire ses constances idéologiques ?
Par conséquent, l’on ne peut pas s’attendre, par exemple, à ce que l’UOIF puisse condamner ses propres sources scripturaires et références religieuses « salafistes », surtout celles qui sous-tendent les violences, les exécutions barbares et la haine. L’on ne peut pas s’attendre à ce que l’UOIF puisse se détourner de son identité « sunnite » et ses dogmes anti-chiisme. L’UOIF ne pourrait jamais soutenir la cause humanitaire des populations « chiites » ensevelies sous les bombes du wahhabisme et des monarchies pétrodollars et asservies. L’on ne peut pas s’attendre à ce que l’UOIF puisse faire l’économie de sa dimension théologico-politique en contredisant, au passage, un consensus religieux et des intérêts géostratégiques de ses mécènes financiers. L’on ne peut pas s’attendre à ce que l’UOIF puisse se démarquer et se désolidariser de la vision stratégique de son fondateur salafiste, sunnite, tamkiniste et guerrier. Un « frère musulman » est, par définition, à la fois « moine » et « cavalier ».
L’UOIF reste donc fidèle à cette définition octogonale. Sa parole officielle reste emprisonnée de ce schéma statique originel. Ses partialités et ses silences ne sont en rien conjoncturels, ils sont bel et bien structurels. Peut-être, existerait-il encore un mince espoir pour un rebond salutaire ? Cette confrérie, oserait-elle un jour rompre avec le sectarisme et les oppositions meurtrières, dont elle est habituée, sunnite/chiite, nous/eux, au risque de perdre tous ses soutiens financiers étrangers ? Oserait-elle engager une vraie « réforme radicale », qui la réconcilierait avec une certaine idée républicaine, humaniste, libre, désintéressée, dépolitisée et totalement indépendante de toutes les influences étrangères, idéologiques et financières ? Peut-être. Désormais, entre être « moines » ou « cavaliers » sur le chemin du Tamkine politique global, les « frères » et les « sœurs » de l’UOIF doivent choisir, pour l’amour de la Terre et du Ciel.
Libres « grenouilles » de France, unissons-nous !
En attendant ce choix difficile et quasi improbable, il va falloir rester sur ses gardes, en méditant au passage, en la moralité philosophique de la métaphore dite de « La grenouille qui ne savait pas qu’elle était cuite … », qui est aussi le titre d’un livre passionnant du philosophe Olivier Clerc, paru en 2005, dans lequel ce conte philosophique est cité, approché et analysé.
Ce conte propose d’imaginer « une marmite remplie d’eau froide dans laquelle nage tranquillement une grenouille. Le feu est allumé sous la marmite, l’eau chauffe doucement. Elle est bientôt tiède. La grenouille trouve cela plutôt agréable et continue à nager. La température continue à grimper. L’eau est maintenant chaude. C’est un peu plus que n’apprécie la grenouille, ça la fatigue un peu, mais elle ne s’affole pas pour autant. L’eau est cette fois vraiment chaude. La grenouille commence à trouver cela désagréable, mais elle s’est affaiblie, alors elle supporte et ne fait rien. La température continue à monter jusqu’au moment où la grenouille va tout simplement finir par cuire et mourir. Si la même grenouille avait été plongée directement dans l’eau à 50° C, elle aurait immédiatement donné le coup de patte adéquat qui l’aurait éjectée aussitôt de la marmite » !
Je n’ai jamais tenté de reproduire cette expérience. Je n’ai jamais testé « pratiquement » cette thèse dans ma cuisine. D’ailleurs, je n’aime pas tuer les grenouilles. Je ne sais pas si ce conte renferme une quelconque vérité scientifique, vérifiable par des procédés expérimentaux empiriques. Cependant, ce dont je suis presque certain, c’est que les « Frères Musulmans » n’aiment pas les cocottes minutes (!) Je sais aussi que la marmite de l’UOIF, remplie d’eau « wahhabénite », est posée sur un feu doux, depuis maintenant trente deux ans, sans couvercle, mais avec plein de grenouilles dedans, de toute origine, et de toutes les couleurs. Je sais aussi que l’UOIF avait compris ce qui a échappé à François Bayrou lorsqu’il avait dit : « Vouloir rassembler les centres, c’est comme vouloir mettre des grenouilles dans une brouette, elles sautent tout le temps ». L’UOIF, quant à elle – tout comme l’extrême droite – n’utilise jamais de brouettes pour avancer sur le chemin duTamkine. Elle préfère la marmite pour rassembler, dans la chaleur fraternelle, les centres de son « juste-milieu ». De temps en temps, quelques grenouilles conscientes, épuisées par la chaleur, réussissent tout de même à s’échapper. Mais la majorité s’habitue, avec beaucoup de passivité, à l’étourdissement suffisamment lent, progressif et redoutablement efficace.
Par-dessus la « marmite », je suis convaincu que la vision islamiste de l’UOIF, tout comme d’autres extrémismes, ne doit jamais être banalisée. Daesh, pour ne pas la citer, et les « Frères musulmans » puisent le même salafisme des mêmes sources doctrinaires et défendent la sacralité des mêmes références scripturaires. Pour l’anecdote, Al-Qaradawi confirme, dans une vidéo, que le calife Al-Baghdadi était « frère musulman »[7]. La différence entre les deux est juste une différence de degrés, d’ordre et non de nature. Daesh vise leTamkine immédiat. C’est maintenant le Califat. Les « frères » de l’UOIF préfèrent le long terme. Daesh coupe les têtes sans foi ni loi. Les « frères », une fois le Tamkine est atteint, ou presque, se précipitent pour imposer des lois, pour couper ensuite des têtes. Les « frères » du Maroc, ces islamistes du PJD par exemple, tentent déjà au nom d’une certaine modernisation du « Code pénal », à criminaliser le « mépris des religions » (?) et à maintenir des peines, plus ou moins, lourdes contre l’adultère, le prosélytisme des autres religions, l’homosexualité, le non-respect, en public, du jeûne durant le mois de ramadan, etc.
Ainsi, derrière des slogans « attrape-grenouilles », comme : « Mohammed, Prophète de miséricorde et de paix » se cache, en vérité, un autre paysage brumeux. Il va falloir avancer avec prudence et scruter les marécages obscurs et terrifiants, d’une idéologie de conquête très pragmatique, avant que ce ne soit vraiment trop tard. D’ailleurs, ne sommes-nous pas déjà à moitié cuits ?
Certes, la République, la Laïcité et la Démocratie, peuvent traverser des épisodes et des séquences de faibles intensités. Ceci n’est point réjouissant par ailleurs. C’est une situation compliquée qui exige le sursaut de toutes les consciences éveillées, surtout celles qui ont échappées, par chance, au gradient calorifique de la marmite frériste. Maintenant, si par malheur ce sursaut laïque et démocratique est empêché, par le silence des uns et les connivences des autres, il me paraît évident que notre sort collectif ressemblerait, peut-être, à celui de toutes ces « grenouilles » qui, lassées de l’état démocratique, demandèrent un nouveau monarque, une première fois, puis une deuxième, puis une troisième à « Jupin », le roi des dieux dans les « Fables de Jean de La Fontaine ». En réponse à ces requêtes, « Jupin » leur a envoyé d’abord un « soliveau » pacifique – en bois massif – puis « une grue » tyrannique qui les gobait à son plaisir. Et juste avant de leur envoyer un « frère calife », si je ne me trompe pas, il s’adressa à ces amphibiens désabusés, par leur propre faute, en ces termes :
« … Vous avez dû premièrement Garder votre gouvernement ; Mais, ne l’ayant pas fait, il vous devait suffire Que votre premier roi fut débonnaire et doux De celui-ci contentez-vous, De peur d’en rencontrer un pire. »
Enfin, qu’y a-t-il de plus pire que l’habituation et l’indifférence ?
Mohamed Louizi
[1]Hadith authentique rapporté par Al-Bukhari, Muslim et Abu Daoud.
[2]Hassan Al Banna, Épîtres de l’imam martyr Hassan Al-Banna(en arabe),DãrAl-Hadarah Al-Islamiyyah, p. 437.