DERRIERE LE VOILE CHIC D’ATTIKA TRABELSI ET DE LALLAB

DERRIERE LE VOILE CHIC D'ATTIKA TRABELSI ET DE LALLAB

DERRIERE LE VOILE CHIC D’ATTIKA TRABELSI ET DE LALLAB

18.01.2017Mohamed Louizi

Lors de l’ « Emission politique » de France 2 du jeudi 5 janvier 2017, présentée par le duo Pujadas et Salamé, l’on a proposé à l’ex-premier ministre socialiste et actuel candidat aux « Primaires citoyennes », de débattre avec une jeune femme voilée, Attika Trabelsi. Le journaliste Karim Rissouli la présenta en ces termes: « Attika Trabelsi, vous êtes jeune diplômée de l’Ecole Normale Supérieure. Vous êtes entrepreneure. Vous avez créé une entreprise en ligne de l’artisanat marocain, et vous êtes également engagée au sein de l’association Lallab dont le but est, je cite : « montrer la pluralité des femmes musulmanes ». Vous vous dites musulmane et féministe … ». Fin de citation.

S’en est suivi une séquence larmoyante à dessein, où la jeune femme, se disant humiliée à l’écoute des propos de Manuel Valls – « Marianne a le sein nu parce qu’elle nourrit le peuple ! Elle n’est pas voilée, parce qu’elle est libre ! » – a plutôt cherché à émouvoir, en endossant l’habit de l’éternelle victime, au lieu d’engager une réflexion digne, responsable, dépassionnée et débarrassée de toute victimisation mesquine, face à un potentiel candidat aux prochaines élections présidentielles, sur le principe même de la laïcité et les dangers réels qui menacent la République : l’islamisme, ses agents agitateurs et ses voiles, en tête du peloton.

En effet, la laïcité demeure méthodiquement fragilisée, systématiquement attaquée par le réseau islamiste, de concert avec une certaine gauche clientéliste, multiculturaliste et néo-internationaliste, substituant le « prolétaire » d’hier par la femme « voilée » d’aujourd’hui.

Après tout, Attika Trabelsi est parfaitement dans son droit de défendre mordicus son bout de tissu sacré, dissimulant son cuir chevelu au nom du Ciel. Cependant, France 2 est-elle en droit de faire le jeu de l’islamisme et de banaliser, de la sorte, son discours victimaire et ses étendards identitaires ? Est-elle en droit de lui offrir une tribune libre, devant presque deux millions de téléspectateurs [1], ce soir-là ?

Car Attika Trabelsi est loin d’être uniquement une jeune normalienne comme présentée par France 2. Elle n’a pas passé le concours de Normale Sup mais a fait un master en géopolitique à l’ENS [2]. Sur les réseaux sociaux elle n’hésite d’ailleurs pas à entretenir l’ambiguïté. Quoiqu’il en soit, elle fait de ce titre universitaire un argument de liberté.

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Loin d’incarner et de représenter cette citoyenne lambda, triée arbitrairement sur le volet, lors d’un casting ordinaire, elle est une vraie militante d’un réseau islamiste. Elle fait de son voile un label identitaire revendiqué et revendicatif. Elle n’est pas simplement « engagée au sein de l’association Lallab » dixit Karim Rissouli, mais elle occupe le poste stratégique de trésorière de cette très jeune association, citée furtivement, et une seule fois, dans cette émission. Attika Trabelsi est venue,  en porte-voix, défendre une vision idéologique de Lallab [3]. C’est-à-dire, au nom du pluriel, cette association, riche en voiles de toutes formes, tente de légitimer et de banaliser l’uniformisation islamiste des corps féminins et d’interdire, par la même, la mise en cause nécessaire de toute la construction théologique et jurisprudentielle sous-jacentes des revendications islamistes identitaires moyenâgeuses, qui s’en réclament.

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L’on s’étonne parfois de voir une très jeune association, créée depuis seulement quelques mois, inconnue du grand public, invitée à défendre sa cause à la télé lors d’un créneau magistral, alors que de nombreuses associations, très anciennes, très actives aussi, n’arrivent même pas à faire parler de leurs activités, ne serait-ce que dans un journal local !

Mais qui se cache derrière Lallab ?

Officiellement, cette association (et média numérique aussi) est cofondée par deux jeunes femmes non-voilées : Sarah Zouak et Justine Devillaine [4]. Toutes les deux ont passé par la case IRIS Sup’, dirigée par un certain … Pascal Boniface. Celui-là même qui, le 1 juin 2016, a consacré son « édito » au parcours de … Sarah Zouak, son ex-étudiante [5].

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Il lui a offert cette tribune pour qu’elle puisse expliquer le sens d’un documentaire intitulé « Women Sensetour in muslim countries »[6], qu’elle a co-réalisé, présentant les portraits de 25 femmes musulmanes, issues de cinq pays : le Maroc, la Turquie, l’Indonésie, l’Iran et la Tunisie … pour s’en servir, médiatiquement et politiquement, ici en France !

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« Alors à ces personnes qui ne cessent de se cacher derrière le vivre-ensemble, l’égalité et la justice, je pose une simple question : quel modèle de société souhaitez-vous ? Une société française qui accepte seulement les personnes capables de s’intégrer et de s’assimiler quel qu’en soit le coût, ou une société qui accepte toutes les personnes avec leurs différences et multiples identités ? » [7] avait conclu, Sarah Zouak, son échange avec son professeur Pascal Boniface. Et ce sont très exactement ces mêmes éléments de langage qu’a exprimés Attika Trabelsi face à … Manuel Valls !

Dans un autre entretien, accordé au site « Clique », le 12 octobre 2016, la franco-marocaine Sarah Zouak – inspirée des travaux de la sociologue franco-irakienne Zahra Ali [8] – a déclaré :

« j’en ai marre de Manuel Valls et sa « Marianne au sein nu » » [9] !

Le journaliste Karim Rissouli a choisi exactement ce propos de Manuel Valls pour permettre, à la trésorière de Lallab de faire son numéro de femme voilée victime, sur le plateau de France 2. De la même façon comment comprendre que ce soient imposées en un temps record les icônes de Lallab, à l’image de Zouak et Trabelsi, comme interlocutrices médiatiques supposées être représentatives des femmes musulmanes !

Je dis bien « un temps record », car Sarah Zouak n’a que 27 ans, fraîchement diplômée de l’IRIS de Pascal Boniface, mais qui cumule déjà des prix, des trophées et des titres honorifiques – comme ceux accordés à Soufiane Iquioussen – pour son seul et unique « œuvre », sur les femmes musulmanes dans les cinq pays précités. En juin 2016, elle a remporté le « Prix Coexister 2016 », dans la catégorie « Femme française émergeante », de l’association Coexister, qui demeure très proche des Frères musulmans de l’UOIF. Et c’est bien un certain Jean Louis Bianco, le président de l’Observatoire de la Laïcité, qui s’est chargé de le lui remettre en personne. En octobre 2016, elle a remporté le prix « Déclics Jeunes » de la Fondation de France ainsi qu’une bourse, versée par la même fondation philanthrope, pour « finaliser mon rêve », dit-elle !

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A Lallab, les partisans de la banalisation de l’intégrisme se bousculent. On peut y voir Samuel Grzybowski, fondateur de l’association Coexister et qui trouve intéressantes les thèses de Hassan El Banna.

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Ou encore Hanane Karimi qui tenta sur un plateau de France télévision d’humilier publiquement David Thomson qui s’inquiétait du retour des jihadistes de Syrie. (Ici)

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Lallab est donc l’expression d’une nouvelle mutation « pokislamiste », remplaçant les structures vieillissantes des Frères musulmans, en ces temps durs, par de nouvelles jeunes structures 3G, soignant attentivement leurs apparences, pour faire passer les mêmes messages idéologiques, voire plus, dans une ambiance bon enfant, là où les vieilles structures reconnaissables de loin, n’avaient que peu ou pas d’influence. Toutefois, c’est grâce aux circuits islamistes (et islamogauchistes) que Lallab prêche librement sa parole.

En effet, du 13 octobre au 27 novembre 2016, Lallab a présenté le premier épisode de son « documentaire » dans presque 14 villes françaises. Pour cela, le réseau frériste local d’EMF (Etudiants musulmans de France), à Lille comme à Montpellier, a été efficace. A Paris, c’est l’institut IREMMO, présidé par Jean-Paul Chagnollaud, qui a projeté le film de Sarah Zouak [10]. Ce même IREMMO a invité ce mardi 10 janvier 2017, l’un des membres de son conseil scientifique, François Burgat pour ne pas le nommer, à présenter son dernier essai : « Comprendre l’islam politique » [11] !

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A Grenoble, Sarah Zouak remercie particulièrement une professeure de français, prénommée Delphine, d’avoir mis plus de 300 élèves collégiens, âgés de 11 à 15 ans, devant la projection de son « documentaire », dans le cadre d’un atelier de « sensibilisation sur le féminisme mais surtout pour lutter contre les préjugés sur les femmes musulmanes » écrit-elle le 21 novembre 2016 sur sa page Facebook. Un autre message du 23 décembre 2016 annonce que Lallab compte investir le champ scolaire par l’animation d’autres ateliers en 2017. Le Ministère de l’Education Nationale appréciera !

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Lallab se sont aussi des liens à l’international : le 4 novembre 2016, Sarah Zouak – qui n’est pas journaliste ! – publia sur son profil, une photo d’elle en Alexandrie en Egypte, au milieu d’autres femmes voilées, ou pas, présentées comme étant des femmes journalistes, venant « de Palestine, de Jordanie, d’Egypte, du Liban et du Maroc » pour participer, dit-elle, au séminaire « Defying threats and hate speech against female journalists from the MENA région »[12], organisé par l’Institut suédois d’Alexandrie que préside le social-démocrate Peter Weiderud, depuis avril 2015 [13].

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Ce même Peter Weiderud, qui par le passé a animé des conférences dont l’invité principal était Tariq Ramadan, a déclaré le 17 septembre 2016, dans la presse égyptienne, en réaction à « l’affaire du burkini », survenue l’été dernier au lendemain des attentats de Nice, que « la France n’a pas le droit d’interdire le burkini sur ses plages car il s’agit là d’une liberté individuelle » avant de fustiger ce qu’il a considéré comme étant une « islamophobie claire de l’Etat français » [14] !

Mais Lallab est aussi une filiation européenne au réseau ENAR [15] – le CCIF à l’échelle européenne – demeurant noyauté par des islamistes et leurs standards victimaires, et qui est financé, entre autres, par la Commission Européenne et par l’OSF (Open Society Foundation) de Georges Soros !

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Le 26 mai 2016, lit-on sur la page Facebook de Lallab, Sarah Zouak a participé à un symposium organisé par le réseau ENAR sous le thème : « Muslim women : forgotten women ? Understanding the gender dimension of islamophobia » [16]. Parmi les intervenants annoncés l’on trouve, entre autre, Malika Hamidi, directrice générale de l’EMN (European muslim network) que préside Tariq Ramadan, ainsi que le franco-égyptien Marwan Muhammad, directeur exécutif du CCIF. Dans le post de Sarah Zouak, elle a écrit, je cite : « une journée entière consacrée à l’étude de cette double oppression dont sont victimes les femmes musulmanes en Europe : le sexisme et le racisme. On a terriblement hâte de rencontrer des expert.e.s de toute l’Europe sur le sujet … » !

Par conséquent, il est clair que la puissance médiatique surprenante de cette très jeune association s’explique en partie par ses liens locaux, nationaux, européens et internationaux. Sur le site de Lallab, presque rien n’est dissimulé. Il suffit juste de lire et d’analyser. Les partenaires public-privés, financiers, stratégiques et médiatiques de cette association y sont affichés. En plus de la Fondation de France, il y la ville d’Ivry sur Seine, dont le maire est le communiste Philippe Bouyssou (PCF). L’on trouve aussi le Conseil Général du Val de Marne : le seul département français présidé par un communiste, Christian Favier (PCF) ! Attika Trabelsi qui se présente comme une victime de la France est donc membre d’une association ultra subventionnée par de l’argent public

Parmi les partenaires, il y a aussi le site SaphirNews dont la proximité idéologique avec les Frères musulmans n’est plus à prouver. Lallab peut compter aussi sur « l’armée numérique » des islamistes, amplifiant ses annonces sur les réseaux sociaux, à l’image de la page du World Hijab Day France, promouvant l’organisation de la « journée du voile », comme celle organisée l’année dernière à Sciences-Po Paris !

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Malgré tous ces éléments factuels, Lallab est loin de livrer tous ses secrets. Des indices, à recouper et creuser encore, démontreraient des proximités révélatrices avec la RMGE (Réseau des Musulmans des Grandes Ecoles), directement influencé par le CCIF, par l’UOIF et surtout par Tariq Ramadan et son projet « d’islamisation par le haut ».

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Le fait que Karim Rissouli présenta la « sœur » Attika Trabelsi d’abord comme une normalienne, n’est pas dénué de sens. Quelques noms figurant parmi les cadres et bénévoles de Lallab, sont aussi très actifs au sein du RMGE comme par exemple la chroniqueuse Maïssa Leroy, la fondatrice de « l’atelier des p’tits mouslims » (l’atelier des petits musulmans), faisant l’apologie du « voile islamiste » au milieu d’enfants en bas-âges.

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La même Maïssa Leroy a publié sur sa page FB une image de la carte de l’Europe « en position – dit-elle – de prosternation pour le Seigneur de l’univers » ! Un rêve islamiste.

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Enfin, Lallab est aussi un média qui vulgarise les standards islamistes, concernant la justification « religieuse » du voile. En témoigne cette tribune destinée aux filles voilées, publiée conjointement avec le site SaphirNews. Elle s’intitule : « Ma réponse aux 14 arguments les plus courants contre le voile » (à lire ici et ici). A la question n° 13, que l’on pourrait opposer aux filles voilées, je cite : « Ce n’est pas écrit textuellement dans le Coran [le voile, ndlr] », Lallab dicte aux filles voilées les éléments de réponse suivante :

« Ok, je veux bien discuter d’interprétation religieuse, mais il vaut peut-être mieux qu’on parte avec les mêmes bases. Quand je discute avec quelqu’un qui a une foi différente de la mienne, j’ai l’humilité de reconnaître que cette personne a très probablement plus de connaissances que moi dans ce domaine». De mon côté, je me réserve le droit de ne pas donner beaucoup de poids aux arguments « religieux » de quelqu’un qui, loin de présenter les années d’étude et la maîtrise de l’arabe coranique nécessaires pour émettre des avis religieux, n’a même pas des connaissances de base. Parmi celles-ci, le fait que les musulmans s’appuient sur deux sources principales, le Coran ET la Sunna (la vie et les paroles rapportées du Prophète Muhammad). Si tu ne sais même pas ça, tu peux servir ton exégèse bidon sur les plateaux télé, mais moi je ne vais pas apprendre la physique quantique avec un élève de CM2. »

Fin de citation.

Qui a dit que les femmes voilées de Lallab étaient libres et insoumises ? Cette réponse démontre le contraire : le voile est bel et bien le symbole de leur soumission assumée au clergé sunnite, émettant des avis religieux moyenâgeux, sur la base de la soi-disant connaissance de … l’arabe coranique et de ladite sunna du Prophète.

Pour que l’on apprécie mon propos à sa juste valeur, je fais partie de ces citoyens musulmans qui considèrent que le voile dit islamique n’a d’islamique que le nom. Cela étant dit, ma position ne traduit aucun rejet des femmes voilées, quelles qu’elles soient. Penser que le voile n’est pas islamique fait partie, que l’on veuille ou pas, de ce débat réformiste vital qui, n’en déplaise aux islamistes, traverse l’islam, ses textes et ses représentations. Lutter contre la xénophobie, d’où qu’elle s’exprime, ne doit pas interdire le débat sur l’islamisme et sur ses étendards et autres marqueurs identitaires fragilisant le pacte social et sociétal.

Enfin, l’on n’aura que l’islamisme que l’on soutient médiatiquement. France 2, comme d’autres médias français, devront se rendre compte qu’ils jouent avec le feu, en faisant passer pour victimes de la laïcité et de la République, des activistes islamistes, femmes et hommes, foncièrement hostiles à la laïcité et depuis toujours. De la promotion des Iquioussen à la promotion de Lallab, France 2 se rend coupable de connivence flagrante avec l’islamisme et son réseau. Ceux qui paient la redevance devront peut-être exiger plus de professionnalisme de la part de la télé du service publique et de ses chroniqueurs. Pour finir, j’aime bien cette belle phrase, écrite sur le fronton du blog de mon ami tunisien Salah Horchani, je cite : « qui tolère l’islamisme, récolte le terrorisme » [17] … à méditer !

Mohamed Louizi

[1] https://www.youtube.com/watch?v=KU_7KfvyGi4

[2] http://www.liberation.fr/…/pres-de-2-millions-de-telespect…/

[3] Voir son profil ici : https://www.linkedin.com/in/attikatrabelsi

[4] Lire la présentation ici : http://www.lallab.org/association/

[5] Lire l’interview ici : http://www.iris-france.org/77029-women-sensetour-in-muslim…/

[6] Ici le site officiel : https://womensensetour.com/

[7] Lire ici : http://www.iris-france.org/77029-women-sensetour-in-muslim…/

[8] Lire ici : http://www.la-croix.com/…/Sarah-Zouak-feministe-et-musulman…

[9] http://www.clique.tv/es-sarah-zouak-visage-dun-feminisme/

[10] http://iremmo.org/rencontres/archives-activites/projections/

[11] http://iremmo.org/…/francois-burgat-comprendre-lislam-poli…/

[12] https://www.facebook.com/AssoLallab/photos/a.941745922611112.1073741828.934802616638776/1087273588058344/?type=3&theater

[13] Voir son profil ici : https://www.linkedin.com/in/peter-weiderud-bb2aa327

[14] Lire en arabe ici : http://www.innfrad.com/News/19/361188/ المعهد-السويدى-بالإسكندرية-لا-يحق-لفرنسا-منع-المسلمين-من-ارتداء

[15] Voir ici : http://www.enar-eu.org/

[16] Télécharger le programme en PDF ici : http://www.enar-eu.org/…/pdf/agenda_symposium_draft_25-04-5…

[17] A consulter ici : https://blogs.mediapart.fr/salah-horchani

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EnquêteNews

MOHAMED BAJRAFIL, IMAM COOL ?

MOHAMED BAJRAFIL, IMAM COOL ?

Mohamed Bajrafil, imam cool ?

Mohamed Bajrafil, imam cool ?

16.09.2016La rédaction

Personnalité montante de l’islam en France depuis la parution de son livre Islam de France, l’an I, l’imam d’Ivry-sur-Seine Mohamed Bajrafil est rapidement devenu la nouvelle coqueluche des médias qui lui ouvrent leurs pages d’entretiens et leurs plateaux télé. (ICIICI)

Ancien enfant précoce (il connaît par coeur le Coran depuis l’enfance), multidiplômé, incisif et cabotin, il aime à se flatter d’avoir lu tous les livres et de parler un français châtié et précis, résultat de ses études de linguistique. Très sollicité par ses fidèles sur les réseaux sociaux et lors de ses prêches et conférences, il prône un « islam du juste milieu » et les conseille aussi bien sur leur spiritualité la plus haute que sur la longueur de leurs sourcils : « Il est très déconseillé (…) de modifier le corps (…)… Les raser complètement, non, mais peut-être les disposer de manière à ce que (sic) vous plaisiez à votre époux. »

Ce qui séduit chez ce bel homme policé, c’est aussi son talent pour les punchlines et le patriotisme à toute épreuve qu’il affiche volontiers.

Revendiquant lumineusement son salafisme, qu’il qualifie de vrai salafisme, il œuvre à la réconciliation des divers courants de l’islam dans le giron de la France qui, selon lui, applique la charia mieux que n’importe quel pays au monde, au sens où cette dernière générerait in fine le régime politique le plus sage, le plus tolérant et le plus pacifique.

Ce premier article s’attache aux figures de l’islam contemporain auxquelles il se réfère.

Coutumier depuis 2011 des conférences en duo avec Tariq Ramadan, Mohamed Bajrafil affirmait à la mosquée de Vigneux-sur-Seine que celui-ci est « un penseur musulman respectable » bien qu’il ne soit « pas d’accord avec lui sur deux ou trois choses, ou une centaine de choses ». Une prise de distance respectable et suffisamment floue pour que l’on ne sache rien de ce désaccord. Sauf à entendre une explication donnée quatre ans plus tard à l’UOIF : « L’essentiel c’est que je le porte dans le cœur, mais que je sois divergent avec lui sur le plan des idées, parce que c’est ce qui va nous faire avancer. »

Et pour être certain d’être bien compris, il ajoute : « Si vous voulez que l’on soit intellectuellement siamois, on va rester là et faire du sur-place. »

Mohamed Bajrafil ne fait pas de sur-place, effectivement. Il applique la stratégie développée par Tariq Ramadan : « gagner en visibilité ».

« Le Frère Tariq », comme il le nomme affectueusement, ne peut en effet réaliser seul cette tâche : « Il est devenu porte-drapeau (…), mais il faudrait qu’il y en ait 36 000 comme lui pour faire savoir ce qu’est l’islam », déclare-t-il en 2015.

Pourtant, il parvient à persuader du contraire. Comme l’affirme le site FMMonitor, « d’une façon plus générale, il conspue également les intégristes déguisés, l’UOIF, Tariq Ramadan et certains de ses confrères, ajoutant que les jeunes musulmans ne se reconnaissent pas dans l’UOIF. »

Mais Tariq Ramadan n’est pas le seul Frère à bénéficier des faveurs du jeune prédicateur. L’imam d’Ivry, qui engage à l’amour et au lissage des désaccords mineurs et somme toute tellement humains, rend aussi hommage à Youssef Al Qaradawi à de nombreuses reprises. En 2012, il déclare que « c’est un humaniste convaincu avec lequel on peut être d’accord ou ne pas être d’accord » qui « n’est pas contre le peuple ou la religion judaïque ». Il questionne la véracité de l’antisémitisme de Qaradawi et considère qu’il s’agit d’une erreur négligeable, simplement à la mesure du prédicateur : « S’il l’a dit, c’est une erreur. Mais les erreurs des grands hommes sont grandes. » Selon lui, Qaradawi « est un très grand savant, quelqu’un qui a fait énormément de bien à notre communauté ». Et comme à l’accoutumée, il il prêche le juste milieu (« Il n’est pas prophète, donc on prend de lui des choses et on en contredit d’autres ») et la sagesse (« Mieux vaut une mauvaise action dont émanera une prise de conscience et de la modestie qu’une bonne action dont émanera de l’orgueil. Le prophète lui-même l’a dit dans un haddith. Et c’est ça l’esprit de Qaradawi et ce que je veux retenir de lui »), conseillant de « surtout éviter d’être manichéen ».

Mohamed Bajrafil prétend condamner l’antisémitisme : « Celui qui s’oppose fermement à l’importation en France du conflit israélo-palestinien de quelque bord que ce soit, rappelle également que l’antisémitisme est une hérésie. » Mais s’oppose-t-il à cette importation ?

Au sujet de l’antisémitisme de Qaradawi, il déclare en 2012 : « C’est mal connaître Qaradawi que de dire qu’il est contre les juifs et les chrétiens. Par contre, il a des positions claires sur l’occupation des Territoires palestiniens. (…) Plus de 99% des habitants de la planète trouvent la situation palestinienne inacceptable. »

Un an plus tôt, tandis qu’il s’exprime sur la démocratie, il déclare qu’elle « est bonne quand elle opprime les Palestiniens, mais quand ces derniers veulent jouir de la démocratie on leur dit Non » et précise au sujet d’Israël et du Droit international que « des personnes nous donnent des leçons, mais elles n’existent plus dès lors qu’elles sont applicables par un groupe de personnes bien précis ».

Par ailleurs, les mots clés (tags) sur son compte Dailymotion sont les suivants : « Gaza, droit international, politique, colonisation, indigène, Gandhi, Occident … ».

Enfin, il a participé à la Fondation Kawakibi avec d’autres Frères musulmans, mais l’a quittée après qu’elle a reçu des accusations en sionisme, insulte et soupçon suprêmes.

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Que doit-on en déduire ?

L’imam d’Ivry défend et promeut des prédicateurs radicaux violemment antisémites.dnan Ibrahim est imam à la mosquée Shura de Vienne (Autriche). Il tente de se bâtir une réputation de personnalité progressiste, alors qu’il est le disciple de Saïd Ramadan al Boutih, l’un des plus violents Frères musulmans syriens prônant le djihad et la haine d’Israël. Adnan Ibrahim est accusé par Al Hayat TV d’avoir, le 16 septembre 2012, qualifié les Juifs de « nains bâtards » ayant empoisonné le prophète de l’islam et provoqué finalement sa mort des années plus tard, enjoignant à « venger Muhammad ». Dans ce prêche, Adnan Ibrahim maudit les Juifs qui « ne savent que faire vile infamie, meurtre, assassinat et trahison ».  (Voir ici et ICI)

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Mohamed Bajrafil s’étonne de l’indignation suscitée par ces propos : « Pourquoi se fait-il attaquer autant ? Ce qu’il dit, c’est pas lui qui l’invente. »

Comment, dès lors, interpréter son affirmation selon laquelle « il n’y a pas de verset poussant à tuer dans le Coran » ?

Mohamed Bajrafil fait la promotion, sur son compte Dailymotion, du blog de Tariq Ramadan et de celui de Zakir Naik, un télé-prédicateur conspirationniste et suprémaciste interdit de séjour au Royaume-Uni et au Canada depuis 2010, qui préconise la peine de mort pour les apostats, les musulmans qui renient leur foi et les homosexuels. Il a été accusé par des terroristes notamment de l’attentat de Dakha de les avoir radicalisés, bien qu’il condamne publiquement avec la plus grande fermeté l’État islamique, qu’il juge anti-islamique, et bien qu’aucune preuve n’ait pu être retenue contre lui. Pour lui, seul l’islam peut apporter la paix dans le monde.

Est-ce parce qu’il a « lu Ibn Salah avec lui » qu’il ne renie pas son maître Safwat Hegazy, figure majeure des Frères musulmans d’Égypte, mais que, bien au contraire, il s’en réclame ? Celui-ci fut nommé en 2012 candidat à la présidence de la Jamaa Islamiya, une branche dissidente et armée de la puissante Confrérie, créée en 1970, dont l’ancien président, Omar Abdelramane, est soupçonné d’avoir participé à l’attentat de 1993 contre le World Trade Center. La Jamaa El-Islamiya est également tenue responsable de l’attentat de Louxor en novembre 1997. Considérée comme une organisation terroriste par les États-Unis et l’Union européenne, la Jamaa El-Islamiya a affirmé renoncer à la terreur en 2003 et s’est convertie à la politique en créant en 2011 le Parti de la Construction et du Développement qui prône l’établissement de la charia.

Quant à Safwat Hegazy, il a été arrêté près de la frontière libyenne par les autorités égyptiennes pour avoir incité à la violence au Caire en 2013. Il tentait de fuir le pays, déguisé en femme sous un niqab.

Comment, dès lors, interpréter son affirmation selon laquelle « en islam, même en temps de guerre, tu n’as pas le droit de tuer quelqu’un sans l’avertir » ?

« Je ne suis pas frériste », assure-t-il. « Je suis universitaire, je n’ai pas une pensée post-it. Il y a des gens parmi les Frères musulmans qui ont des convictions qui ne sont pas différentes de celles que moi je partage. Mais il y en a d’autres, qui ont été exclus, qui ont des positions pas très loin de celles de Daech. »

Invité jeudi 15 septembre 2016 sur France 2, Mohamed Bajrafil  a repris le discours prononcé la veille par Amar Lasfar sur Europe 1, selon lequel les terroristes ne fréquentent pas les mosquées. Un discours type des Frères musulmans en France et dans le monde.

Pas frériste, mais favorable à Tariq Ramadan et Nabil Ennasri, qu’il cite comme s’ils étaient des (et comme s’ils étaient les seuls) représentants légitimes des Français musulmans en raison de leur connaissance de la culture occidentale et, surtout, comme s’ils étaient des représentants potentiels que les médias refuseraient d’entendre. Il ironise sur le frérisme : « On nous dit, c’est la franc-maçonnerie ! » Car ces Frères musulmans sont, selon Mohamed Bajrafil, bien plus légitimes que l’imam Chalghoumi, leur bête noire. Ce pourquoi l’imam d’Ivry clame à qui veut l’entendre que l’imam de Drancy n’est pas imam et qu’il n’a pas de mosquée.

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Pas frériste, mais présent au congrès de l’UOIF en 2014, en compagnie de Abdallah Benmansour , Tariq Ramadan, Hani Ramadan, Amar Lasfar, Ahmed Jaballah, Nabil Ennasri… Cette même année, il invite dans sa mosquée Nabil Ennasri, Abdallah Benmansour et Mohamed Ashaini.

Mohamed Bajrafil se rendra de nouveau au Bourget en 2015 et en 2016. En 2015, il est aussi présent à la Foire musulmane de Bruxelles, où se trouve également l’Égyptien Omar Abdelkafi, Frère musulman violemment antisémite délivrant par ailleurs des prêches violents contre les femmes non voilées. On retrouve Mohamed Bajrafil en compagnie de Moncef Zenati et Hassan Iquioussen (et Tareq Oubrou) à la première Rencontre annuelle des musulmans de Rouen.

Pas frériste, mais ne dédaignant pas disserter au côté d’Hassan Iquioussen, il défend le « prêcheur des cités » des « dénigrements » dont celui-ci serait victime. Membre de l’UOIF, Iquioussen affiche un antisémitisme et un négationnisme décomplexé. Selon lui, « les sionistes ont été de connivence avec Hitler » car « il fallait pousser les Juifs d’Allemagne, de France à quitter l’Europe pour la Palestine. Pour les obliger, il fallait leur faire du mal ». Il estime que Hamas, la branche palestinienne des Frères musulmans responsable de nombreux attentats et de vagues de terreur dans Gaza même, « fait du bon boulot ».

Pas frériste, mais partie prenante du Conseil théologique des musulmans de France (CFTM), dont l’UOIF a annoncé la création le 5 mai 2015 dans un communiqué de presse. Le CFTM rassemble une cinquantaine de théologiens, imams et prédicateurs gravitant dans la mouvance des Frères musulmans. Le Bureau exécutif se compose de neuf membres, dont Mohamed Bajrafil et quatre professeurs de l’IESH, inclus Ahmed Jaballah. Le CFTM s’inscrit selon celui-ci « dans une vision de modération » et a pour but demettre des avis juridiques (fatawas) sans les imposer sur la citoyenneté, l’enseignement, le ramadan…

Pas frériste, mais ardent défenseur du concept d’islamophobie et du CCIF , dont il loue les mérites et pour lequel il appelle aux dons le 20 janvier 2015, quelques jours seulement après les attentats de Charlie et de l’HyperCasher.

Isabelle KersimonEnquêteEntretienNews