L’UOIF organise depuis 33 ans une rencontre annuelle. En 2015, les invités se sont exprimés devant des Rabia, symbole du soutien aux Frères musulmans. L’organisation est sur la liste des organisations terroristes des EAU comme la plupart des organisations des Frères musulmans. L’UOIF qui a longtemps bénéficié d’une bienveillance politique et médiatique qui semble s’écorner peu à peu. Lors de son rassemblement de Lille, l’UOIF avait du décommander plusieurs prédicateurs de haine*.
L’UOIF diffuse par bribes les noms de ces conférenciers, nous mettrons donc cet article à jour dans les heures qui viennent.
Parmi les intervenants :
• Omar Abdelkaffy. Ce prédicateur égyptien expliquait le 18 janvier 2015 que les attaques de Paris étaient la suite du 11 septembre et ne concernait pas les musulmans. « Cette pièce de théâtre, dans laquelle les musulmans sont confinés ad nauseam dans le monde entier, est la suite de la comédie du 11 septembre. Le premier acte s’est déroulé à New York, et la suite a lieu à Paris. » (…) « Mes frères bien aimés, c’est nous qui avons enseigné la miséricorde au monde. Notre prophète Mohammad est le prophète de miséricorde. Très bientôt vous vous apercevrez que les attentats de Paris étaient une comédie, dans laquelle nous n’avons joué aucun rôle. » La notion de la miséricorde selon Omar AbdelKafi est assez floue, mais pleine de promesse comme cette vidéo titrée : « Le judaïsme, le sionisme et la maçonnerie« . Omar AbdelKafy a déclaré qu’il n’était pas Frère musulman mais qu’il les appréciait. Il fait cependant partie de l’Union des savants musulmans de Youssef Al Qaradhawi, ce qui contredit la première moitié de la phrase précédente. Comme d’autres membres plus récents de l’Union des savants musulmans, Omar AbdelKafi fait un usage peu conforme des hadiths, ce qui a amené le journal Al Chourouq à s’interroger sur les motivations du prédicateur. Pendant la présidence de Mohamed Morsi, Omar Abdelkafi a travaillé avec Mohamed Khaled (commission pour le retour des bonnes moeurs). En mai 2012, Omar Abdelkafi est intervenu à la Grande Mosquée de Lyon. Il prêche aussi la Mosquée Qatar Education City.
• Issam Al-Bachir discutera de « Radicalisation : des concepts à corriger ». Partisan d’un loi internationale contre le blasphème de toutes les religions, Issam Al-Bachir n’hésite pas à pousser ses ouailles à un discours plus guerrier. Le cheikh a signé en février 2012 avec nombre de Frères musulmans un appel à rejoindre la lutte armée des révolutionnaires islamistes en Syrie. La même année, sa venue en Belgique avait suscité des débats mais Issam Al-Bachir avait reçu le soutien de Tariq Ramadan. Tariq Ramadan avait même qualifié le cheikh Al-Bachir de « représentant de la voie médiane » et fustigé : « L’ignorance des journalistes »
• Abdallah Ben Mansour. Cofondateur de l’UOIF, proche d’Ennahda, il est désormais président de la FOIE (Fédération des organisations islamiques d’Europe). En 1999, le Conseil d’Etat a rejeté sa demande de naturalisation, bien que on épouse était française. « M. Ben Mansour était en 1995 l’un des principaux dirigeants d’une fédération à laquelle étaient affiliés plusieurs mouvements extrémistes prônant le rejet des valeurs essentielles de la société française » ( Extrait de la décision du Conseil d’État, 7 juin 1999, n° 178449, Ben Mansour.) Mais moins de dix ans plus tard, ce sera Abdallah Ben Mansour qui accueillera Nicolas Sarkozy au Bourget, donnant le tempo des sifflets et des applaudissements. Partisan du voile islamique, Abdallah Ben Mansour expliquera au sujet du voile : « On interdit aujourd’hui aux femmes musulmanes de porter le voile, comme on forçait naguère les juifs à porter l´étoile jaune ». Pour plus de détails sur ses discours lire le portrait qu’Isabelle Kersimon lui consacre.
• Mohamed Ghamgui (Iesh de Paris) : « la citoyenneté et l’histoire musulmane ». Il a été correspondant en France d’une émission de la chaîne Iqraa.
• Hassan Iquioussen. Dans une cassette, « Palestine, histoire d’une injustice », Hassan Iquioussen comparait le Hamas à Jean Moulin et que «Les Juifs ne cesseront de comploter contre l’islam». Des juifs décrits comme «ingrats» et«avares» et qui «ont toujours méprisé les êtres humains». Mis à l’écart pendant quelques mois (en 2004) suite à la révélation du contenu de cette cassette par Cecilia Gabizon (Le Figaro), Hassan Iquioussen est rapidement redevenu une valeur sûre de l’UOIF. La cassette, elle, est devenu un collector, elle n’est plus diffusée. Les magnetos à cassette non plus. En revanche, on la trouve facilement en mp3. Pour lire le décryptage.
• Père Michel Lelong. Très vieux compagnon de route, il expliquait déjà en 1995 dans les colonnes du Monde que les islamistes algériens étaient des interlocuteurs dignes de confiance.
• Mahinur Ozdemir, femme politique belge controversée. En mai 2015 elle a été exclue de son parti (CDH) pour avoir refusé de reconnaître le génocide arménien.
• Sayida Ounissi, députée d’Ennahda en Tunisie, elle n’hésite pas à propos du statut des femmes, à parler de « mythologie bourguibiste » et de « l’instrumentalisation benaliste ».
• Tariq Ramadan (désormais présenté comme « théologien ») et Ahmed Jaballah discuteront de « Comment être bien ensemble? »
• Nisrine Zaibi, élue du Parti Socialiste a été vice-présidente de la région Bourgogne. Elle est aujourd’hui membre de la Commission finances. Elle a relayé le meeting du 6 mars 2015 contre l’islamophobie et le climat de guerre sécuritaire, moins de deux mois après les massacres de Charlie Hebdo. En avril 2015, dans un tweet elle notait que BFM et Itélé parlaient du FN et que M6 parlait des banlieue et en déduisait : « Ces chaînes sont des succursales du FN ».
• Moncef Zenati, prédicateur de Havre du Savoir a traduit plusieurs textes de Hassan Al Banna.
Personnalité montante de l’islam en France depuis la parution de son livre Islam de France, l’an I, l’imam d’Ivry-sur-Seine Mohamed Bajrafil est rapidement devenu la nouvelle coqueluche des médias qui lui ouvrent leurs pages d’entretiens et leurs plateaux télé. (ICI, ICI)
Ancien enfant précoce (il connaît par coeur le Coran depuis l’enfance), multidiplômé, incisif et cabotin, il aime à se flatter d’avoir lu tous les livres et de parler un français châtié et précis, résultat de ses études de linguistique. Très sollicité par ses fidèles sur les réseaux sociaux et lors de ses prêches et conférences, il prône un « islam du juste milieu » et les conseille aussi bien sur leur spiritualité la plus haute que sur la longueur de leurs sourcils : « Il est très déconseillé (…) de modifier le corps (…)… Les raser complètement, non, mais peut-être les disposer de manière à ce que (sic) vous plaisiez à votre époux. »
Ce qui séduit chez ce bel homme policé, c’est aussi son talent pour les punchlines et le patriotisme à toute épreuve qu’il affiche volontiers.
Revendiquant lumineusement son salafisme, qu’il qualifie de vrai salafisme, il œuvre à la réconciliation des divers courants de l’islam dans le giron de la France qui, selon lui, applique la charia mieux que n’importe quel pays au monde, au sens où cette dernière générerait in fine le régime politique le plus sage, le plus tolérant et le plus pacifique.
Ce premier article s’attache aux figures de l’islam contemporain auxquelles il se réfère.
Coutumier depuis 2011 des conférences en duo avec Tariq Ramadan, Mohamed Bajrafil affirmait à la mosquée de Vigneux-sur-Seine que celui-ci est « un penseur musulman respectable » bien qu’il ne soit « pas d’accord avec lui sur deux ou trois choses, ou une centaine de choses ». Une prise de distance respectable et suffisamment floue pour que l’on ne sache rien de ce désaccord. Sauf à entendre une explication donnée quatre ans plus tard à l’UOIF : « L’essentiel c’est que je le porte dans le cœur, mais que je sois divergent avec lui sur le plan des idées, parce que c’est ce qui va nous faire avancer. »
Et pour être certain d’être bien compris, il ajoute : « Si vous voulez que l’on soit intellectuellement siamois, on va rester là et faire du sur-place. »
Mohamed Bajrafil ne fait pas de sur-place, effectivement. Il applique la stratégie développée par Tariq Ramadan : « gagner en visibilité ».
« Le Frère Tariq », comme il le nomme affectueusement, ne peut en effet réaliser seul cette tâche : « Il est devenu porte-drapeau (…), mais il faudrait qu’il y en ait 36 000 comme lui pour faire savoir ce qu’est l’islam », déclare-t-il en 2015.
Pourtant, il parvient à persuader du contraire. Comme l’affirme le site FMMonitor, « d’une façon plus générale, il conspue également les intégristes déguisés, l’UOIF, Tariq Ramadan et certains de ses confrères, ajoutant que les jeunes musulmans ne se reconnaissent pas dans l’UOIF. »
Mais Tariq Ramadan n’est pas le seul Frère à bénéficier des faveurs du jeune prédicateur. L’imam d’Ivry, qui engage à l’amour et au lissage des désaccords mineurs et somme toute tellement humains, rend aussi hommage à Youssef Al Qaradawi à de nombreuses reprises. En 2012, il déclare que « c’est un humaniste convaincu avec lequel on peut être d’accord ou ne pas être d’accord » qui « n’est pas contre le peuple ou la religion judaïque ». Il questionne la véracité de l’antisémitisme de Qaradawi et considère qu’il s’agit d’une erreur négligeable, simplement à la mesure du prédicateur : « S’il l’a dit, c’est une erreur. Mais les erreurs des grands hommes sont grandes. » Selon lui, Qaradawi « est un très grand savant, quelqu’un qui a fait énormément de bien à notre communauté ». Et comme à l’accoutumée, il il prêche le juste milieu (« Il n’est pas prophète, donc on prend de lui des choses et on en contredit d’autres ») et la sagesse (« Mieux vaut une mauvaise action dont émanera une prise de conscience et de la modestie qu’une bonne action dont émanera de l’orgueil. Le prophète lui-même l’a dit dans un haddith. Et c’est ça l’esprit de Qaradawi et ce que je veux retenir de lui »), conseillant de « surtout éviter d’être manichéen ».
Mohamed Bajrafil prétend condamner l’antisémitisme : « Celui qui s’oppose fermement à l’importation en France du conflit israélo-palestinien de quelque bord que ce soit, rappelle également que l’antisémitisme est une hérésie. » Mais s’oppose-t-il à cette importation ?
Au sujet de l’antisémitisme de Qaradawi, il déclare en 2012 : « C’est mal connaître Qaradawi que de dire qu’il est contre les juifs et les chrétiens. Par contre, il a des positions claires sur l’occupation des Territoires palestiniens. (…) Plus de 99% des habitants de la planète trouvent la situation palestinienne inacceptable. »
Un an plus tôt, tandis qu’il s’exprime sur la démocratie, il déclare qu’elle « est bonne quand elle opprime les Palestiniens, mais quand ces derniers veulent jouir de la démocratie on leur dit Non » et précise au sujet d’Israël et du Droit international que « des personnes nous donnent des leçons, mais elles n’existent plus dès lors qu’elles sont applicables par un groupe de personnes bien précis ».
Par ailleurs, les mots clés (tags) sur son compte Dailymotion sont les suivants : « Gaza, droit international, politique, colonisation, indigène, Gandhi, Occident … ».
Enfin, il a participé à la Fondation Kawakibi avec d’autres Frères musulmans, mais l’a quittée après qu’elle a reçu des accusations en sionisme, insulte et soupçon suprêmes.
Que doit-on en déduire ?
L’imam d’Ivry défend et promeut des prédicateurs radicaux violemment antisémites.dnan Ibrahim est imam à la mosquée Shura de Vienne (Autriche). Il tente de se bâtir une réputation de personnalité progressiste, alors qu’il est le disciple de Saïd Ramadan al Boutih, l’un des plus violents Frères musulmans syriens prônant le djihad et la haine d’Israël. Adnan Ibrahim est accusé par Al Hayat TV d’avoir, le 16 septembre 2012, qualifié les Juifs de « nains bâtards » ayant empoisonné le prophète de l’islam et provoqué finalement sa mort des années plus tard, enjoignant à « venger Muhammad ». Dans ce prêche, Adnan Ibrahim maudit les Juifs qui « ne savent que faire vile infamie, meurtre, assassinat et trahison ». (Voir ici et ICI)
Mohamed Bajrafil s’étonne de l’indignation suscitée par ces propos : « Pourquoi se fait-il attaquer autant ? Ce qu’il dit, c’est pas lui qui l’invente. »
Comment, dès lors, interpréter son affirmation selon laquelle « il n’y a pas de verset poussant à tuer dans le Coran » ?
Mohamed Bajrafil fait la promotion, sur son compte Dailymotion, du blog de Tariq Ramadan et de celui de Zakir Naik, un télé-prédicateur conspirationniste et suprémaciste interdit de séjour au Royaume-Uni et au Canada depuis 2010, qui préconise la peine de mort pour les apostats, les musulmans qui renient leur foi et les homosexuels. Il a été accusé par des terroristes notamment de l’attentat de Dakha de les avoir radicalisés, bien qu’il condamne publiquement avec la plus grande fermeté l’État islamique, qu’il juge anti-islamique, et bien qu’aucune preuve n’ait pu être retenue contre lui. Pour lui, seul l’islam peut apporter la paix dans le monde.
Est-ce parce qu’il a « lu Ibn Salah avec lui » qu’il ne renie pas son maître Safwat Hegazy, figure majeure des Frères musulmans d’Égypte, mais que, bien au contraire, il s’en réclame ? Celui-ci fut nommé en 2012 candidat à la présidence de la Jamaa Islamiya, une branche dissidente et armée de la puissante Confrérie, créée en 1970, dont l’ancien président, Omar Abdelramane, est soupçonné d’avoir participé à l’attentat de 1993 contre le World Trade Center. La Jamaa El-Islamiya est également tenue responsable de l’attentat de Louxor en novembre 1997. Considérée comme une organisation terroriste par les États-Unis et l’Union européenne, la Jamaa El-Islamiya a affirmé renoncer à la terreur en 2003 et s’est convertie à la politique en créant en 2011 le Parti de la Construction et du Développement qui prône l’établissement de la charia.
Quant à Safwat Hegazy, il a été arrêté près de la frontière libyenne par les autorités égyptiennes pour avoir incité à la violence au Caire en 2013. Il tentait de fuir le pays, déguisé en femme sous un niqab.
Comment, dès lors, interpréter son affirmation selon laquelle « en islam, même en temps de guerre, tu n’as pas le droit de tuer quelqu’un sans l’avertir » ?
« Je ne suis pas frériste », assure-t-il. « Je suis universitaire, je n’ai pas une pensée post-it. Il y a des gens parmi les Frères musulmans qui ont des convictions qui ne sont pas différentes de celles que moi je partage. Mais il y en a d’autres, qui ont été exclus, qui ont des positions pas très loin de celles de Daech. »
Invité jeudi 15 septembre 2016 sur France 2, Mohamed Bajrafil a repris le discours prononcé la veille par Amar Lasfar sur Europe 1, selon lequel les terroristes ne fréquentent pas les mosquées. Un discours type des Frères musulmans en France et dans le monde.
Pas frériste, mais favorable à Tariq Ramadan et Nabil Ennasri, qu’il cite comme s’ils étaient des (et comme s’ils étaient les seuls) représentants légitimes des Français musulmans en raison de leur connaissance de la culture occidentale et, surtout, comme s’ils étaient des représentants potentiels que les médias refuseraient d’entendre. Il ironise sur le frérisme : « On nous dit, c’est la franc-maçonnerie ! » Car ces Frères musulmans sont, selon Mohamed Bajrafil, bien plus légitimes que l’imam Chalghoumi, leur bête noire. Ce pourquoi l’imam d’Ivry clame à qui veut l’entendre que l’imam de Drancy n’est pas imam et qu’il n’a pas de mosquée.
Pas frériste, mais présent au congrès de l’UOIF en 2014, en compagnie de Abdallah Benmansour , Tariq Ramadan, Hani Ramadan, Amar Lasfar, Ahmed Jaballah, Nabil Ennasri… Cette même année, il invite dans sa mosquée Nabil Ennasri, Abdallah Benmansour et Mohamed Ashaini.
Mohamed Bajrafil se rendra de nouveau au Bourget en 2015 et en 2016. En 2015, il est aussi présent à la Foire musulmane de Bruxelles, où se trouve également l’Égyptien Omar Abdelkafi, Frère musulman violemment antisémite délivrant par ailleurs des prêches violents contre les femmes non voilées. On retrouve Mohamed Bajrafil en compagnie de Moncef Zenati et Hassan Iquioussen (et Tareq Oubrou) à la première Rencontre annuelle des musulmans de Rouen.
Pas frériste, mais ne dédaignant pas disserter au côté d’Hassan Iquioussen, il défend le « prêcheur des cités » des « dénigrements » dont celui-ci serait victime. Membre de l’UOIF, Iquioussen affiche un antisémitisme et un négationnisme décomplexé. Selon lui, « les sionistes ont été de connivence avec Hitler » car « il fallait pousser les Juifs d’Allemagne, de France à quitter l’Europe pour la Palestine. Pour les obliger, il fallait leur faire du mal ». Il estime que Hamas, la branche palestinienne des Frères musulmans responsable de nombreux attentats et de vagues de terreur dans Gaza même, « fait du bon boulot ».
Pas frériste, mais partie prenante du Conseil théologique des musulmans de France (CFTM), dont l’UOIF a annoncé la création le 5 mai 2015 dans un communiqué de presse. Le CFTM rassemble une cinquantaine de théologiens, imams et prédicateurs gravitant dans la mouvance des Frères musulmans. Le Bureau exécutif se compose de neuf membres, dont Mohamed Bajrafil et quatre professeurs de l’IESH, inclus Ahmed Jaballah. Le CFTM s’inscrit selon celui-ci « dans une vision de modération » et a pour but demettre des avis juridiques (fatawas) sans les imposer sur la citoyenneté, l’enseignement, le ramadan…
Pas frériste, mais ardent défenseur du concept d’islamophobie et du CCIF , dont il loue les mérites et pour lequel il appelle aux dons le 20 janvier 2015, quelques jours seulement après les attentats de Charlie et de l’HyperCasher.
Farida Tahar est une conseillère municipale voilée, du groupe socialiste, élue en octobre 2012, sur la Liste du Bourgmestre, dans la célèbre commune belge : Molenbeek-Saint-Jean [1]. Sur son affiche électorale, sur fond rouge vif, elle afficha un sourire de charme, portant un foulard au couleur pourpre. En plus de son voile, dit islamique, elle multiplie les casquettes et les adhésions aux différentes structures associatives communautaristes et de lutte contre ladite islamophobie. Elle s’engage désormais contre le projet d’inscription du principe de la neutralité [laïcité] de l’Etat dans la constitution belge, et par la même, contre l’interdiction des signes convictionnels dans la fonction publique [2]. Elle dit avoir « peur qu’on arrive à une laïcité extrémiste [à la française, précise-t-elle] » [3]. D’un média à l’autre, elle prône la même approche de la laïcité que les faucons de l’islam politique, en Belgique, en France et partout ailleurs en Europe et dans le monde : Une laïcité au rabais, totalement effacée face aux multiples revendications islamistes. Le présent billet propose de remonter son passé récent pour tenter de percer des secrets d’un engagement citoyen et politique certes, mais avec, en arrière plan, la main invisible de l’islamisme et son réseau hyper actif et hyper structuré. Décryptage.
Parcours universitaire, associatif et professionnel
Farida Tahar est une jeune femme belge d’origine marocaine, née le 20 novembre 1977, diplômée en 1999 de l’ISFSC (Institut Supérieur de Formation Sociale et de Communication) [4]. En 2002, elle obtint une licence en science sociale à l’ULB (Université Libre de Bruxelles)[5]. En 2003, elle fut engagée comme conseillère sociale au CPAS (Centre Public d’Actions Sociales) [6]. Elle est membre du conseil d’administration de la MAIS (Molenbeek Agence Immobilière Sociale) et de la cellule LES (Lutte contre l’Exclusion Sociale) [7].
Farida Tahar est aussi une militante associative très engagée. En juin 2007, elle rejoint, non sans fracas, le MRAX (Mouvement contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Xénophobie) [8] – créé en 1966 – lors d’une opération décrite par « L’observatoire citoyen du MRAX », comme étant une opération de noyautage massif, ou de « putsch légal », lorsque Farida Tahar ainsi que 74 autres nouveaux arrivants, dont « l’ex-frère musulman » Mickael Privot, y avaient adhéré massivement une semaine seulement avant la tenue de l’assemblée générale élective [9], en augmentant l’effectif des adhérents de 50% en quelques jours ! Ladite assemblée générale avait reconduit, en son poste de président, pour une nouvelle mandature, le très contesté Radouane Bouhlal, soupçonné par le même observatoire d’être « instrumentalisé par certains milieux proches des Frères Musulmans, adeptes de l’entrisme »[10]. L’on a même parlé de « dérive islamiste et communautariste grave qui se manifeste de plus en plus chez le président du MRAX »[11].
Anne Morelli, directrice du « Centre interdisciplinaire detude des religions et de la laïcité » à l’ULB[12] avait tiré la sonnette d’alarme, en février 2008, au sujet de cette dérive. Dans un courriel adressé à la direction, elle dit, je cite : « Je vous avoue que je me sens de plus en plus détachée de ce Mouvement auquel j’ai tant donné car je ne me sens plus concernée par ses prises de position communautaristes, sa défense systématique de la religion musulmane et ses exagérations continuelles d’une soi-disant « islamophobie » menaçante ». Et de rajouter : « De plus en plus le MRAX apparaît à l’extérieur comme un groupement d’auto-défense utilisé par des musulmans avec quelques hommes liges extérieurs. » [13].
En 2010, Farida Tahar fonda l’association TETE (Toutes Égales au Travail et à l’Ecole) pour défendre le droit des femmes [voilées] à l’enseignement et à l’emploi[14]. Elle est aussi membre de l’ABPM (Association belge des professionnels musulmans) [15]. Depuis 2010, elle a rejoint le think-tank TAYUSH [16], situé à gauche, et a participé en 2014 à la rédaction d’un ouvrage collectif intitulé : Les défis du pluriel : Égalité, diversité, laïcité. Ouvrage publié aux éditions Couleur livres asbl. Farida Tahar y rend compte « des stratégies de jeunes musulmanes visibles qui se posent en actrices de leur vie et s’adressent collectivement à la société, alors que celle-ci continue – selon Farida Tahar – de les stigmatiser et de les considérer comme des victimes à protéger » [17]. Elle est aussi administratrice au CCIB (Collectif Contre l’Islamophobie en Belgique) [18], adhérant au réseau ENAR (European Network Against Racism)[19] présidé par « l’ex-frère » Mickaël Privot[20].
Le 30 novembre 2013, elle a participé au forum « Quelle Europe voulons-nous en 2020 ? »[21] visant à « favoriser une cohérence dans nos actions communes pour avancer ensemble vers l’Europe que nous souhaitons pour 2020 ». Les « nos » et « nous » désignent « les membres d’European Muslim Network en provenance de toute l’Europe » ainsi qu’ « une vingtaine de membres de la société civile musulmane engagée »[22], tous ou presque ont un lien direct ou indirect avec le réseau européen des Frères Musulmans. L’organisateur de ce forum n’est autre que l’EMN (European Muslim Network), présidé par le « frère » Tariq Ramadan [23] !
En 2014, elle était l’invitée de la 4ème foire musulmane de Belgique, organisée par les Frères Musulmans de la LMB [24] en collaboration avec la société dedition GEDIS, détenue par les Frères Musulmans de l’UOIF (Union des Organisations Islamiques de France) [25]. Farida Tahar avait débattu avec la professeur Brigitte Marechal, professeur à l’UCL (Université Catholique de Louvain), autour des « Nœuds du dialogue entre musulmans et non-musulmans » [26]. Farida Tahar avait clôturé ce débat en relevant « trois impératifs pour un réel dialogue entre musulmans et non-musulmans : le respect, l’empathie et la volonté » [27]. Elle avait regretté que « malgré quarante ans de reconnaissance de l’islam en Belgique, le culte musulman n’est toujours pas visible dans l’espace public » [28]. Pour avancer, disait-elle : « il faut cesser de culturaliser les questions du vivre ensemble et mettre en application les mesures nécessaires. » [29] Serait-ce cela aussi le sens de son engagement politique ?
Elle est aussi coordinatrice au « Service Social Musulman Le Figuier », actif au sein de la commune de Schaerbeek [30]. « Le figuier » est officiellement arrosé, financé et soutenu par l’administration communale de Schaerbeek ; par la COCOF (Commission Communautaire Française) ; par le FIPI (Fond d’Impulsion à la Politique des Immigrés) et par Actiris (l’Office Régional Bruxellois de l’Emploi) [31] !
Talent d’Achille de Farida ?
Toutefois, sa présentation, sur différents sites, ne laisse apparaître que les éléments de sa formation et qualification universitaire ainsi que de son expérience professionnelle et associative. Mais il y a un élément fondamental qui n’apparaît presque nulle part, si ce n’est sur un site marocain (en langue française) presque inconnu du grand public belge et européen[32]. Il s’agit de sa formation « religieuse », voire idéologique, durant quatre années, de 1999 à 2003, au sein d’un établissement qui flirte sérieusement avec le salafisme et la mouvance des Frères Musulmans. Cet établissement est l’Académie Européenne des Sciences Islamiques et Culturelles de Belgique, connue auparavant sous le nom d’Alkhayria Belgica et qui, depuis juin 2015, à en croire une modification statutaire, se nomme désormais : « Al-Mizan : Académie Islamique de Bruxelles » [33]. Dans la suite de l’article, c’est l’ancienne dénomination sociale qui sera utilisée, à savoir : Alkhayria Belgica.
Cet établissement a été fondé le 24 juin 1995 dans la commune d’Anderlecht à Bruxelles par le tunisien Mohamed El Alouini, sa femme et ses enfants, entre autres [34]. Mohamed El Alouini fut aussi ancien directeur du CICB (Centre Islamique et Culturel de Belgique)[35], domicilié à la célèbre mosquée wahhabite du Parc du Cinquantenaire à Bruxelles qui est financée et gérée depuis 1967 [36], par l’Arabie Saoudite via la Ligue Islamique Mondiale, et inaugurée en présence du roi Fayçal Ibn Abdelaziz, l’ami des Frères Musulmans, qui a financé aussi le principal centre islamique en Europe : Le Centre islamique de Genève en 1961, géré depuis toujours par la famille Ramadan, père et fils [37].
Qui sort le chèque, impose sa loi
Dans l’Iris et le Croissant, Félice Dasseto précise qu’à partir de l’année 2006, Alkhayria Belgica s’est installée dans ses nouveaux locaux [38], au 17-23 de la rue Broyère à Bruxelles, achetés et transformés grâce aux financements des pays du Golfe. Une partie de ce financement a été assurée par les deniers de « The Zayd Bin Sultan Al Nahayan Charitable & Humanitarian Foundation ». Celle-ci laisse apparaître, sur son site arabe, une ligne de financement, en 2008, portant la mention « Travaux de réhabilitation de l’académie islamique à Bruxelles » [39]. Le site wikipédia en communique un montant total de presque un demi-million d’euros[40].
La présence à Abou Dhabi, de 1994 à 2011 et pour raison professionnelle, du chirurgien-pédiatre Souhaïl El Alouini, membre fondateur aussi d’Alkhayria Belgica et fils de Mohamed El Alouini, son premier directeur, avait peut-être facilité ce financement. D’autant plus que le docteur Souheil El Alouini était remarqué du fait qu’il dirigeait un hôpital très connu et a été élu président de la « Société Émirienne de Chirurgie Pédiatrique » [41]. Un rôle plausible qui reste, toutefois, à confirmer.
Cependant, un autre élément aurait joué un rôle facilitateur pour le déblocage des fonds. Il s’agit de la présence d’un frère musulman [42], de renommé internationale, au sein de la direction centrale de la fondation caritative émiratie, depuis sa création en 1992. Ce frère musulman a été nommé à son poste, par décret en 1993, par le cheikh Zayd Bin Sultan en personne [43]. Il a été reconduit au même poste par son successeur, à plusieurs reprises [44], par décret aussi, jusqu’à sa mort en février 2010 [45]. Il s’appelle Ezzedin Ibrahim (1928-2010), d’origine égyptienne, qui fut conseiller culturel du cheikh Zayd Bin Sultan et qui a reçu un prix en 2006 à « Abu Dhabi Awards » [46].
Depuis, les Emirats Arabes Unis, alertés des dangers que représentent l’idéologie et les activités des Frères Musulmans, ce pays a fini par classer la mouvance islamiste, ses personnalités et ses branches locales et internationales sur la liste des organisations terroristes. Et ce, depuis l’année 2014 ! [47]
Alkhayria Belgica ou le déni du « frérisme »
En mars 2015, dans son enquête « Comment les Frères Musulmans ont pris la Belgique en otage », la journaliste Marie-Cécile Royen avait cité Alkhayria Belgica parmi les organisations fréristes belges. Naturellement, elle a dû faire face à des intimidations mais sans se laisser intimider [48]. Ali Oubila, l’actuel président de cet établissement, avait usé de son droit de réponse en ces termes, je cite : « Nous tenons donc au travers de ce droit de réponse à restaurer notre innocence quant à cette soi-disant prise d’otage et à corriger cette allégation quant à notre appartenance frériste par une déclaration de non-appartenance absolue si ce n’est à Dieu » [49] ! Et de rajouter : « En effet, Alkhayria Belgica a la vocation d’être une institution scientifique islamique dont l’indépendance (intellectuelle, idéologique, politique, philosophique, doctrinale…) constitue l’essence même de son identité, une valeur fondamentale et nécessaire dans l’accomplissement de ses objectifs loin de tout esprit d’activisme ou de prosélytisme quelconque » [50].
En janvier 2016, Ikhwan Info, avait publié un article intitulé « Alkhayria Belgica » [51]. Ali Oubila a envoyé aux responsables du site un « droit de réponse » le 21 mars dernier dans lequel il dit, je cite : « Près de 90% de nos intervenants ne sont pas frères musulmans … ». Dans la foulée, le 26 mars, un communiqué officiel est publié sur le site Internet d’Alkhayria Belgica et sur sa page Facebook qui dit, je cite : « L’Académie Islamique de Bruxelles (Alkhayria Belgica) est une institution indépendante, financièrement et scientifiquement. Elle est libre de toute tutelle étatique et de toute appartenance doctrinale, idéologique ou politique. Elle n’est pas dans la propagande, le dogmatisme ou encore le prosélytisme. Elle serait plutôt attachée à des principes déontologiques et académiques comme l’intégrité, la transparence, la rigueur scientifique, l’objectivité, l’ouverture, l’approche descriptive, la critique, la cohérence … » [52]–[53]. La phrase « Elle serait … » usant du conditionnel présent, laisse planer le doute et l’incertitude et suffit, à elle seule, pour justifier les doutes à l’égard de cet établissement !
Cependant, avant d’examiner la véracité, ou pas, de ses propos, il ne serait pas inutile de préciser ce que voudrait dire le terme « frériste » dans mon usage. D’autant plus que moi-même j’étais « frère musulman » [54], et donc connaissant comment les Frères Musulmans et leurs proches tentent à limiter le rapport au « frérisme » à un bulletin d’adhésion, sans tenir compte de comment Hassan Al-Banna définissait sa mouvance comme étant d’abord une « idée ». En effet, dix après la création des Frères Musulmans, Hassan Al-Banna a rappelé cette évidence en 1938, lors du 5ème congrès de sa mouvance. Cette idée, il l’a résumé de son vivant. Les Frères musulmans ne l’ont jamais remise en question, je cite : « l’islam est dogme et adoration, patrie et nationalité, religion et état, spiritualité et action, Coran et épée »[55].
Plus qu’une idée, il s’agit d’une idéologie, au sens d’un système plus au moins ordonné d’idées, caractérisant la vision globale d’un groupe, concernant l’humain et ses relations verticales et horizontales, à partir duquel le passé est invité, le présent est approché et le futur est projeté. Ainsi, être « frériste » ne se limite pas au fait d’avoir un lien organique affiché et établi officiellement avec la guidance suprême égyptienne ou de posséder une sorte de « déclaration d’appartenance »[56]. Dire par exemple : « Nous n’avons pas de liens organiques avec … » n’engage que ceux qui y croient. D’ailleurs, tout est fait pour brouiller les cartes des filiations : Taqiya (dissimulation)[57], double-discours, et j’en passe et des meilleurs !
« Frérisme », quelques repères …
Est « frériste », toute personne, physique ou morale, porteuse presque dans ses gènes de l’idéologie islamiste d’Hassan Al-Banna et des autres idéologues de la mouvance après lui.
Est « frériste », en Belgique, en France ou en Europe, toute personne, physique ou morale, liée directement ou indirectement à des organisations telles que la FOIE (Fédération des Organisations Islamiques en Europe) [58], le CERF (Conseil Européen des Recherches et de la Fatwa) [59], l’UISM (Union Internationale des Savants Musulmans) [60], entre autres.
Est « frériste » aussi, toute personne, physique ou morale, qui, consciemment ou inconsciemment, sert le dessein politique des Frères Musulmans et fait avancer le processus stratégique du Tamkine [61].
Est « frériste » ne sont pas uniquement des personnes physiques issues de la mouvance islamiste en Égypte ou en Syrie. D’ailleurs, la plupart des frères musulmans français et belges sont des maghrébins, notamment des marocains et des tunisiens !
En somme, un « frériste » n’est pas uniquement celui qui s’intègre dans un schéma organisationnel pyramidal ancien et démodé (type spider) mais aussi celui ou celle qui occupe une place, dans un nouveau schéma dit « Etoile de mer à cinq bras » [62], se basant théoriquement et aussi de façon opérationnelle sur l’islamisme comme idéologie d’action et de conquête ; sur un ou plusieurs champions d’identification ; sur des cercles connectés indépendants et interdépendants ; sur des catalyseurs animant ces cercles ; et sur un réseau moderne et puissant drainant beaucoup d’argent, des ressources humaines et techniques et des leviers d’influences politiques et médiatiques.
Force est de constater qu’en France, en Belgique, en Europe et dans le monde entier, lorsque les Frères Musulmans organisent une quelconque activité publique, ils prennent toujours des précautions tactiques pour « noyer le poisson », faire diversion, et ne pas paraître sectaires et isolés. Raison pour laquelle, ils invitent des personnalités « non-fréristes », de gauche, de droite, de l’interreligieux, du monde des médias, des chercheurs à l’université, souvent dont le nom n’est pas à consonance arabe et parfois ce sont des convertis n’affichant pas leur islamité, pour se donner cette image de « fréquentabilité », d’ouverture d’esprit et surtout d’avoir cette caution morale, en cas de reproches qui leur sont souvent adressées, à juste titre. Toutefois, la diffusion des standards idéologiques et doctrinaux de la mouvance a besoin de vrais propagandistes, noyautant le corps de l’administration, parfois sans que les autres membres de la direction ne se doutent de quoique que ce soit, et constituant la partie presque invariable de la liste des intervenants permanents ou occasionnels.
Ossature frériste d’Alkhayriya Belgica
A la lumière de cette approche du « frérisme » opérationnel sur le terrain de la prédication, il est quasi impossible de dédouaner Alkhayria Belgica de la présence de tout lien, direct ou indirect, avec au moins, le réseau frériste européen. Ceci étant dit, ce rapport peut évoluer, dans un sens comme dans l’autre sens, en fonction du ratio des « fréristes » parmi le collège des invités et aussi le collège directionnel. Si l’on n’analyse que l’évolution de la composition du conseil d’administration, presque stable depuis la création, ce conseil ne contient désormais presque aucun des membres fondateurs, qui seraient garants d’une certaine continuité. Souheil El Alouini, le fils de Mohamed El Alouini, a quitté définitivement le CA en juin 2013 [63]. Il est parti s’installer en Tunisie pour poursuivre une carrière politique, d’abord à l’UPL (Union Patriotique Libre) et ensuite à « Nidaa Tounes », en tant que député élu le 26 octobre 2014 [64].
Le seul membre fondateur, présent depuis toujours au sein du conseil d’administration, s’occupant au quotidien de la gestion des affaires courantes de l’établissement est un « frériste ». Il s’appelle Abderazak Sidhom [65]. C’est un peu le seul trait d’union entre l’équipe des fondateurs et la relève.
Sur son profil Facebook [66]–[67], il ne cache pas son admiration pour Hassan Al-Banna. Son adhésion au mouvement islamiste tunisien Ennahda est plus qu’ostensible et ne fait presque aucun doute. Un jour, il regretta amèrement la chute du « frère » Mohamed Morsi et laissa s’exprimer son espérance pour une nouvelle victoire. D’autres jours, il multiplie les éloges à l’égard du président islamiste turc Recep Tayyip Erdogan. Son admiration pour des leaders islamistes tunisiens comme Rached Ghannouchi et Abdelfattah Mourou est sans limites. Il n’hésite pas à diffuser sur son profil un appel à participer à un rassemblement islamiste, organisé par le bureau bruxellois de la mouvance Ennahda. Comme par mimétisme, son « frérisme » assumé l’amène à avouer clairement son refus à reconnaitre l’Etat d’Israël. Irait-il jusqu’à espérer sa disparition comme l’iranien Ahmadinejad ? Ou légitimer le « jihad armé » des frères du Hamas à son encontre ? Simples questions.
Farida Tahar et le tandem Amdouni et Bouzouina
Farida Tahar a certainement connu Abderazak Sidhom durant ces quatre années de formation à Alkhayria Belgica. En plus, à l’époque où elle y suivait ses cours, entre 1999 et 2003, deux autres enseignants étaient présents au sein de l’établissement à cette époque : Hassan Amdouni et Abdelhamid Bouzouina.
Dans son livre : Les Frères Musulmans en Europe, racines et discours, Brigitte Maréchal consacre un paragraphe à ces deux frères en les présentant comme suit : « Le cheikh Hassan Amdouni, un théologien diplômé de la Zeitouna, assure des conférences sur la famille, les relations familiales et le bon comportement. Entre autres, notons encore le cheikh Abdelhamid Bouzouina décédé en 2005 : prêcheur de renom, d’origine algérienne, qui insiste notamment sur la responsabilité d’être musulman, la pratique religieuse au sens large et l’intention qui y est associée » [68].
Sur le site « www.Fatawas.be », dans un compte-rendu d’une journée d’hommage dédiée au frère algérien après sa mort, le rapporteur dit : « Le cheikh Abdelhamid Bouzouina était aimé par tous. Il était aimé par tous, car comme l’a décrit le Dr Hassan Amdouni, son compagnon de route, c’était un homme de cœur et de rassemblement » [69]. Preuve que les deux frères étaient très proches : Une proximité surtout idéologique.
Hassan Amdouni et l’héritage doctrinal d’Hassan Ayyoub
Pour exemples, Hassan Amdouni a collaboré à la traduction en français du livre Tabsith al-Aqa’id al-Islamiyah (تبسيط العقائد الإسلامية) de son auteur, le frère musulman égyptien Hassan Ayyoub (1918 – 2008) [70]. Le livre publié aux éditions Al-Qalam, dans sa version française, est intitulé : La foi musulmane : Dogme et dissidences [71] qui considère le seul dogme « ach’arite » [72] sunnite, comme seule foi authentique. A la fin du livre, dans sa version arabe, son auteur consacra dix-sept pages, pour décrire les différents groupes et tendances dogmatiques qui ont traversé et qui traversent toujours le monde arabo-berbère, depuis plusieurs siècles et qui ne sont pas reconnus par les Frères Musulmans.
Il cita les dissidents, attentistes, qadarites, chiites, zaydites, imamites, etc. Le frère Hassan Ayyoub écrit dans son livre, je traduis : « Le Qadianisme et le Bahaïsme sont les dogmes les plus dangereux pour les nations musulmanes. Qadianistes et bahaïsites sont encore plus mécréants que les juifs, les chrétiens et les zoroastriens » [73]. Il dit encore, je traduis : « Les nosaïrites [alaouites de Syrie dont est issue la famille des Assad, père et fils] sont plus dangereux pour l’islam que les juifs. Ainsi, Ibn Taymiyya avait décrété une fatwa, à son époque, rendant obligatoire [d’un point de vue religieux] le fait de les combattre [par les armes] et de combattre aussi les druzes » [74].
Ce livre du frère Hassan Ayyoub est mentionnée aussi comme référence bibliographique de Tariq Ramadan dans son livre : De l’islam et des musulmans[75]. Pour rédiger son essai, le frère Tariq s’est appuyé sur l’ancienne version traduite et éditée par les éditions Okad en 1991. Cette ancienne traduction portait le titre de : Clarification de la foi musulmane [76]. Elle a été améliorée et rééditée ensuite, avec le concours d’Hassan Amdouni, aux éditions Al-Qalam en 2004, sous le nouveau titre : Foi musulmane : Dogmes et dissidences.
Par ailleurs, Hassan Ayyoub est cité dans le livre : Al-Qaida dans les textes[77], présenté par Gilles Kepel. L’on apprend que lorsque la figure frérojihadiste Abdellah Azzam – un frère musulman palestinien et l’un des principaux repères idéologiques et guides d’Oussama Ben Laden – avait rédigé une fatwa considérant comme « obligation individuelle » le jihad en Afghanistan, il l’avait présentée à de nombreux savants fréristes et wahhabites qui l’ont unanimement approuvée, validée et signée. Parmi ces savants, il y avait un certain Hassan Ayyoub qui était à cette époque professeur à l’université du roi Abdelaziz à Djeddah. Hassan Amdouni a donc participé, par cette traduction, à faire connaître la pensée dogmatique radicale, intolérante et sectaire du frère musulman Hassan Ayyoub auprès de la jeunesse francophone, de la jeunesse belge. Une responsabilité ? Certainement.
Hassan Amdouni a aussi écrit d’autres livres puisant toute la matière première des écrits théologiques et jurisprudentiels des références fréristes connues, notamment au sujet dudit statut de la femme musulmane. Celle-ci se doit, par prescription religieuse dit-il, de se voiler tout le corps, excepté le visage et les mains. Dans son livre : Le Hijab de la femme musulmane : Vêtements et toilette [78], en plus des textes religieux qu’il interprète comme prescripteurs de cette obligation, il a même usé de son talent de dessinateur pour montrer aux femmes ce que devrait être une « mode islamique » conforme au textes « sacrés ». Hassan Amdouni n’a pas attendu à ce qu’on lui demande de faire un dessin. Il l’a déjà fait.
Abdelhamid Bouzouina, persona non grata en France depuis 1994
Quant à Abdelhamid Bouzouina (1954 – 2005), son appartenance à la mouvance frériste ne fait aucun doute. Dès son arrivée d’Algérie pour rejoindre la France, il intégra l’UOIF (Union des Organisations Islamiques de France) et est devenu son secrétaire général [79]. En parallèle, il composa le programme et la méthodologie de l’apprentissage de la langue arabe à l’institut idéologique frériste l’IESH (Institut Européen des Sciences Humaines) à Château-Chinon, créée en 1990, où il enseigna aussi i[80].
Un de ses élèves se souvient de lui, très récemment, en octobre 2014, en ces termes, je cite : «Un grand Hommage et Pensée à mon Professeur d’Arabe, Cheikh Abdelhamid Bouzouina qui nous a quitté en 2005 ! Il fut mon Professeur d’Arabe en 1992, à raison d’environ 20h/semaine à Château Chinon ! Ce Croyant était à lui seul un Livre, sa Modestie, son ouverture, il était un Puits de Science […]. J’ai vécu des moments intimes avec lui, ils sont encore dans mon cœur même 20 ans après ! » [81]. Cet élève n’est autre que l’imam salafiste Mohamed François [82], imam de la mosquée de Joué-Lès-Tours (ICM37 [83]), en Indre et Loire, qui fut citée à la marge de l’affaire Bertrand Nzohabonayo [84], alias Bilâl. Celui qui avait attaqué, le 20 décembre 2014, à l’arme blanche, trois policiers dans un commissariat!
Bernard Godard, Monsieur « islam de France » au Ministère de l’Intérieur de 1997 à 2014[85], valide l’information concernant la formation de l’imam Mohamed François à l’IESH et confirme son côté salafiste, branché sur les ondes du wahhabisme saoudien. Il dit, je cite : « […] l’imam de la mosquée de Joué-Lès-Tours, Mohamed François, en Indre et Loire. De son nom originel François Bordenave, converti en 1989, il a suivi ensuite des cours à l’IESH (Institut Européenne des Sciences Humaines), le centre de formation de l’UOIF à Saint-Léger-du-Fougeret, dans la Nièvre. Infidèle à ces formateurs proches des Frères musulmans, il adopte la voie salafiste avant de s’installer près de Tours. Il est l’illustration d’un stricte rigorisme wahhabite en même temps qu’il ne néglige pas les problèmes de son temps ni de son environnement. Lié à ses imams de la même mouvance, fidèles disciples des oulémas saoudiens, il invite dans sa mosquée le Brestois Abou Houdeyfa … » [86]. Seul bémol, Mohamed François ne serait pas si infidèle que cela pourrait paraître à l’UOIF. Car premièrement, le témoignage qu’il rédigea en octobre 2014 démontre plutôt une fidélité et un grand respect pour son modèle, le frère musulman Abdelhamid Bouzouina. Et deuxièmement, parce qu’aujourd’hui Amar Lasfar, le président de l’UOIF, tente de réhabiliter l’image de l’imam salafiste brestois Abou Houdeyfa et n’éprouve aucune gêne à l’inviter, par l’intermédiaire d’un jeune imam dans une mosquée roubaisienne, à une conférence intitulée : « L’union dans la diversité » [87]–[88]. Ce qui prouve une chose : Frères musulmans et salafistes sont des … frères, certes divers, mais parfaitement unis !
C’est peut-être pour cela qu’en 1994, un arrêté ministériel français expulsa du territoire pour raison de radicalisme islamiste, semble-t-il [89], le frère Abdelhamid Bouzouina, qui s’installa, ensuite, en Belgique, le restant de sa vie et y joua un rôle majeur dans l’organisation officielle du culte musulman. Les liens de ce dernier avec la mouvance sont restés intacts. Le 19 et 20 mai 2001, il participa au premier séminaire européen : « Comment éduque-t-on nos enfants en Europe ? »[90], organisé par le département « Prédication et présentation de l’islam » de la FOIE.
Ce séminaire avait rassemblé à Genève, autour du frère franco-tunisien Mohamed Karmous – le président de la LMS (Ligue des musulmans de Suisse) – d’autres islamistes comme Ahmed Jaballah (UOIF-IESH), entre autres, ainsi que le psychiatre franco-tunisien Ahmed Eleuch, clinicien installé à Seine-Saint-Denis, issu de la mouvance islamiste Ennahda. Ce dernier avait défrayé la chronique en 2009, après son arrestation en Tunisie, à l’époque de Ben Ali, et son inculpation pour « atteinte à la sureté de l’Etat ». Sa défense avait plaidé non coupable et avait nié tout lien du psychiatre avec le mouvement islamiste Ennahda depuis qu’il avait quitté la Tunisie en 1987. Le fait est qu’en mai 2001, il était bel et bien présent à une réunion islamiste, au plus niveau européen, à proximité du Lac Léman !
Lors de ce séminaire, le frère musulman Abdelhamid Bouzouina avait exposé, en langue arabe, sa vision et ses recommandations au sujet des : « Incubateurs éducatifs pour nos enfants en Europe »[91] – famille, mosquée, centre islamique, association, … – et leur rôle facilitateur dans la stratégie du « Tawtine »[92] (Territorialisation) poursuivie par la mouvance islamiste en Europe comme préalable du projet politique « Tamkine ». Les actes, en arabe, de ce premier séminaire révélateur d’une vision « islamisante » de l’Europe et de l’Occident, y compris la contribution d’Abdelhamid Bouzouina, ont été publiés en 2002 par la société dedition MEDIACOM, gérée à l’époque, depuis Amiens en France, par un autre islamiste franco-tunisien, Abdellah Benmansour, qui préside désormais la FOIE, la branche européenne des Frères Musulmans.
Hassan Amdouni et Abdelhamid Bouzouina ont donc influencé la vision et la compréhension de Farida Tahar au point qu’elle s’en souvient aujourd’hui, après plus de dix ans de l’obtention de son diplôme à Alkhayria Belgica. L’on pourrait légitimement se poser la question sur le degré de l’influence des enseignements de cette structure sur ses engagements citoyens et politiques. Alors qu’elle est très combative médiatiquement pour s’opposer aux propositions concernant la laïcité et les signes convictionnels, l’on pourrait se demander si cette farouche opposition est dictée par une idée personnelle des droits humains ou bien par une volonté d’imposer une « Loi d’Allah » comme l’écrit Hassan Amdouni.
Le même Hassan Amdouni diffusa le 22 octobre 2015 une citation sur son profil Facebook, je traduis : « Embrasser la religion sans faire de la politique, c’est ressembler à un prêtre. Faire de la politique sans être dans la religion, c’est ressembler à un laïque. Embrasser la religion et faire de la politique, c’est posséder les clefs du Tamkine ». Une citation attribuée à Ahmed Raïssouni, l’islamiste marocain ancien président du MUR (Mouvement Unicité et Réforme), pressenti pour succéder à Youssef Al-Qaradawi à la tête de l’UISM (Union Internationale des Savants Musulmans). Farida Tahar semble avoir très bien assimilé cette vision politico-religieuse des choses. Son engagement en serait la parfaite synthèse.
Le frérisme, des visages et … un discours !
Peu importe, l’auteur de L’Iris et le Croissant décrit l’enseignement au sein d’Alkhayria Belgica comme étant « très classique et conservateur »[93]. La longue liste des invités de cet établissement depuis l’année 2013/2014 confirme ce constat et montre une tendance à inviter davantage de fréristes que d’autres sensibilités : Un choix. Sur une liste de 33 intervenants, animant 23 séminaires, au moins 18 invités de renommé nationale ou internationale sont fréristes ou assimilés.
Parmi lesquels, l’on cite :
Ahmed Jaballah[94] (UOIF-IESH) ; Moncef Zenati [95], membre du bureau de l’UOIF, chargé de l’enseignement et de la présentation de l’islam et traducteur des 20 principes d’Hassan Al-Banna ; Tariq Oubrou (UOIF) ; Hani Ramadan, le directeur du centre islamique de Genève ; Tariq Ramadan, directeur du CILE qatari et président de l’EMN ; Tahar Mahdi [96], membre de l’UISM présidée par Al-Qaradawi ; Hassan Iquioussen (UOIF) ; Othman Iquioussen [97]–[98], son fils et imam à la mosquée de Raismes ; Mohamed Bajrafil [99]–[100]–[101], qui, tout en niant toute adhésion à la mouvance, il avoue que ses références sont Youssef Al-Qaradawi et Safwat Hijazi, entre autres ; Zakaria Seddik [102]–[103]–[104], ancien professeur à l’IESH et membre de l’UISM ; Shaqeel Seddiq [105]–[106]–[107], formé et diplôme à l’IESH ; Mohamed Ramoussi [108], théologien formé à l’IESH ; Mehmet Saygin [109]–[110], soutenant sans réserve l’AKP et le président islamiste turc Erdogan ; Moataz Al-Khateeb [111], un frère syrien, écrivain et journaliste et qui était le préparateur de 2004 à 2014 de la fameuse émission « La charia et la vie » (الشريعة و الحياة) de Youssef Al-Qaradawi sur la chaîne qatarie Al-Jazeera ; Malika Hamidi [112]–[113], la directrice de l’EMN présidé par Tariq Ramadan ; Abdelhamid Temsamani Chebagouda, universitaire et professeur de religion islamique dans un lycée, qui s’est fait remarqué le vendredi 13 mars 2009 par des propos « révisionnistes » tenus devant des élèves, lorsqu’il a reproché à Henri Kichka, un juif survivant des camps d’Auschwitz, d’avoir « exagéré » et « romancé » son récit. Tamsamani évoqua comme référence Roger Garaudy [114] !
D’autres invités flirtent avec le frérisme, directement ou indirectement, et soutiennent ses acteurs à l’image de : Farid Al-Asri [115]–[116] qui a soutenu par le passé Tariq Ramadan et Yacob Mahi ; Michael Privot [117] qui bien qu’il ait annoncé son départ de la mouvance semble en être toujours proche sur le terrain de l’action associative et de la lutte contre l’islamophobie, etc. Aussi, d’autres invités ne se revendiquent pas fréristes mais partagent avec le frérisme la matrice salafiste doctrinaire à l’image de Yaya Michot [118] (alias Nasredin Lebatelier), celui qui s’est rendu célèbre en 1997 en marge de l’assassinat des moines de Tibéhirine lorsqu’il a exhumé une fatwa d’Ibn Taymiyya (1263 – 1328). Un autre habitué d’Alkhayria Belgica est Mouhamed Balaye Ndiaye [119], qui n’est autre que l’actuel imam du Centre islamique de Bruxelles, au Parc du Cinquantenaire, dont la tendance wahhabite et le financement saoudien ne sont un secret pour personne.
D’autres invités agrémentent un peu le cortège comme le célèbre Adnan Ibrahim ou Idris De Vos ou Eric Geoffroy. Ces deux derniers sont convertis à un islam spirituel et soufi. Leur présence peut être aussi interprétée comme une volonté de la part de l’équipe pédagogique de combler la dimension soufie chez les étudiants d’Alkhayria Belgica. D’autant plus qu’Hassan Al-Banna définissait aussi sa mouvance islamiste comme une « vérité soufie »[120].
Un autre prédicateur yéménite est passé à Alkhayria Belgica, par deux fois, pour délivrer un message prosélyte clair bien que très doux et souriant. Il s’appelle Al-Habib Ali Al-Jifri. Ses critiques occasionnelles du comportement politique des Frères Musulmans n’éclipsent point ses nombreuses convergences doctrinales, idéologiques et salafistes avec la mouvance. Il entretenait un lien particulier avec Mohamed El Alouini qu’il considère comme le père spirituel de l’action islamique en Belgique. Il s’est rendu à Alkhayria Belgica, une première fois en juin 2003. Mohamed El Alouini était alors le président de son conseil d’administration. Le cheikh yéménite a participé le samedi 14 juin à l’attribution des diplômes aux étudiants et aux étudiantes. La formation de Farida Tahar ayant pris fin en 2003. J’ignore si elle a reçu aussi son diplôme de la main droite de ce cheikh yéménite qui a animé ensuite des conférences et débats au sein de cette structure.
Lors de sa conférence du dimanche 15 juin, en présence du frère Mohamed Boulif, alors président de l’EMB (Exécutif des Musulmans de Belgique), il s’est adressé aux étudiants belges présents, en ces termes, je traduis : « La prédication et l’appel à Allah est la seule raison valable pour votre résidence dans ce pays. Sans prédication, il n’y a aucun prétexte qui pourrait motiver votre présence ici » ! Pour ce prédicateur, les étudiants formés se doivent d’accomplir un devoir prosélyte, sans violence certes, mais avec détermination en suivant l’exemple de la prédication dans des pays comme « la Malaisie et l’Indonésie »[121].
En juin 2012, quelque temps avant le décès de Mohamed El Alouini, le prédicateur yéménite lui a rendu visite à l’hôpital et s’est rendu ensuite à Alkhayria Belgica pour animer une nouvelle conférence[122].
Alkhayria Belgica : islams ou islamisme ?
Ainsi, après cette courte analyse, lorsqu’Ali Oubila, l’actuel président d’ Alkhayria Belgica, dit : « Nous tenons donc au travers de ce droit de réponse à restaurer notre innocence quant à cette soi-disant prise d’otage et à corriger cette allégation quant à notre appartenance frériste par une déclaration de non-appartenance absolue si ce n’est à Dieu » ou : « En effet, Alkhayria Belgica a la vocation d’être une institution scientifique islamique dont l’indépendance (intellectuelle, idéologique, politique, philosophique, doctrinale…) constitue l’essence même de son identité, une valeur fondamentale et nécessaire dans l’accomplissement de ses objectifs loin de tout esprit d’activisme ou de prosélytisme quelconque », l’on est forcé de le contredire car tout un faisceau concordant d’indices et de preuves matérielles démontrent, par leur fréquence, leur similitude et leur répétition le caractère établi de l’inscription d’ Alkhayria Belgica dans un schéma idéologique d’un réseau frérosalafiste qui porte un nom depuis 1928 : Les Frères Musulmans.
Farida Tahar, la conseillère communale voilée de Molenbeek-Saint-Jean a appris, dans ce cadre, les rudiments de « la religion » telle qu’elle est interprétée suivant les standards de l’idéologie frérosalafiste. En était-elle consciente ? En était-elle instrumentalisée ? Quoi que l’on puisse supposer, son engagement citoyen et politique et ses combats et revendications ne peuvent être différenciés des combats et revendications des sœurs musulmanes et des frères musulmans, en Belgique, en France, en Europe et dans le monde entier.
L’on pourrait croire qu’elle prendrait plutôt la marocaine Asma Lamrabet comme repère sur le chemin d’un certain engagement féministe. Seul bémol, elle n’est pas sur la même ligne qu’elle au moins sur la signification et la perception du « voile » dit islamique, en tant que signe convictionnel. Alors qu’Asma Lamrabet dit : « Pour les femmes musulmanes d’aujourd’hui le véritable défi c’est de retrouver le souffle libérateur du message spirituel de l’islam. Porter le foulard n’est pas une finalité spirituelle en soi »[123] et : « Le port du hijab n’est pas révélateur de la religion musulmane, et que même la loi religieuse ne lui confère pas cette priorité que lui accorde l’islam politique »[124].
Farida Tahar, elle, se trouve plutôt en phase avec la conception d’un Hassan Al-Banna, ou d’un Hassan Ayyoub, ou d’un Hassan Amdouni, et aussi d’un certain Tariq Ramadan. Ceux-là font du « voile » dit islamique, à l’image des Frères Musulmans d’hier et d’aujourd’hui, l’étendard même d’une stratégie d’islamisation globale, à tous les niveaux, par le haut et par le bas, par étapes et par étages : Dis-moi combien de têtes de fillettes et de femmes tu as réussi à voiler, je te dirais quel pourvoir tu as ici et maintenant et quel pourvoir tu auras demain.
Enfin, au-delà de l’idéologie frérosalafiste et des raisons, diverses et variées, qui ont permis ce communautarisme islamiste de la commune belge de Molenbeek, il serait intéressant de comprendre le fonctionnement de la mécanique de ce rouleau compresseur qu’est l’islam politique, et de décrypter, avec le recul nécessaire, comment il opère, un peu partout en Europe, depuis plusieurs décennies, dans une complémentarité entre les frères et les salafistes, lesdits modérés et les radicaux. Une complémentarité qui réussit grâce aux concours et aux connivences intéressées de certains femmes et hommes politiques et de certains acolytes et relais médiatiques.
En ce sens, l’exemple de l’engagement de Farida Tahar, qui est loin d’être un cas isolé, pourrait servir de repère. D’autres parcours pourraient livrer d’autres secrets avec des particularités insoupçonnables. L’erreur serait de soumettre l’analyse du cas Molenbeek, surtout après les attentats de Paris et de Bruxelles, à la seule grille de lecture jihadiste. Car la matrice doctrinale qui engendre le jihadisme, depuis toujours, est identique à celle qui alimente l’islamisme en général. Le jihadisme ne représente qu’un cas particulier de l’islam politique qui le couvre et le légitime. Celui-ci est à la fois divers et uni. Divers comme le sont les doigts d’une main à cinq ou à quatre doigts. Uni, lorsque les doigts se joignent mutuellement, au « juste milieu », pour former un coup de point, prêt à frapper là où l’on ne s’y attend pas. D’ailleurs, lorsque l’on critique l’islamisme frérosalafiste, ses connivences avec le jihadisme et les textes scripturaires dits « sacrés » qui valident et légitiment ses revendications, certains acteurs bien placés sur l’échiquier associatif et politique, national et européen, crient en une seule voix à l’islamophobie. Farida Tahar en sait quelque chose !
[12] Selon des observateurs, l’ULB elle-même serait victime de cet entrisme de mouvement religieux. Elle aurait commencé à rompre, petit à petit, avec sa tradition du libre examen et de la rationalité, presque à la même vitesse avec laquelle s’opère l’entrisme de mouvement exigeant qui demande que l’on respecte leur opinion.
[33] Selon un acte officiel déposé le 27/08/2015 au Greffe du tribunal de commerce francophone de Bruxelles, publié aux annexes du Moniteur Belge. Acte n° 15127306 (n° d’entreprise : 456.303.044).
[48] Quatre associations (Vigilance musulmane, Empowering Belgian Muslim, l’Association belge des professionnels musulmans-ABPM et Alkhayria Belgica) ont réagi par des demandes de droit de réponse après la publication du dossier : « Comment les frères musulmans ont pris la Belgique en otage » (6 mars 2015) et, surtout, à cause de l’encadré présentant « L’infrastructure FM ». Le Vif/L’Express a publié ces textes en Forum des lecteurs. Des procédures ont été lancées contre l’hebdomadaire et Marie-Cécile Royen. L’ABPM a agi par voie judiciaire (affaire en appel). Trois personnes individuelles (dont Hajib El Hajjaji) et quatre associations (ABPM, Comité contre l’islamophobie en Belgique-CCIB, Empowering Belgian Muslims-EmBem et Vigilance musulmane ont également introduit des plaintes auprès du Conseil de déontologie journalistique. L’avis du CDJ a été rendu le 14 octobre 2015. http://lecdj.be/telechargements/CDJ-15-23-Divers-c-M-C-Royen-LeVif-avis-14-oct-2015.pdf. Cependant, le dossier « Comment les Frères musulmans ont pris la Belgique en otage » a continué à circuler sur Internet après son retrait du site levif.be. Le Vif/L’Express a, depuis lors, publié deux nouvelles enquêtes, sans se laisser intimider : « La frérosphère à Charleroi » (15 janvier 2016) et « Le Qatar investit chez les Frères » (11 mars 2016), auquel la Ligue des musulmans de Belgique a réagi par un communiqué daté du 13 mars dernier : http://lmbonline.be/2016/03/13/communique-la-lmb-identite-financement-freres-musulmans/.
[57] Sur son blog Mediapart « Qui tolère l’islamisme récolte le terrorisme », mon ami, l’universitaire tunisien Salah Horchani donne cette explication du terme « Taqiya » (= تقيّة, en arabe) que je reproduis ici : « Taqiya peut être traduit par « pratique de la dissimulation pour se prémunir» dont un corollaire immédiat est la pratique du double discours. Cette pratique a, principalement, deux utilisations dans les milieux islamiques. La première, qu’on pourrait appeler la Taqiya défensive ou positive et qui fut, historiquement, la plus répandue, a consisté à dissimuler ses convictions religieuses afin deviter les persécutions. Ce fut le cas, par exemple, de groupes minoritaires chiites vivant au sein d’une majorité sunnite ou bien des minorités musulmanes de l’Espagne et du Portugal de la Reconquista, en observant clandestinement leur pratique religieuse tout en se comportant cultuellement, publiquement, comme la majorité. La seconde utilisation, qu’on pourrait appeler la Taqiya offensive ou négative, fut théorisée à l’extrême par Hassan Al-Banna et a retrouvé sa réelle dimension avec la Confrérie des frères musulmans qu’il a fondée et dont le parti islamiste tunisien Ennahdha est la succursale tunisienne. Ainsi, Hassan Al-Banna exige de ses ouailles d’être capables de faire preuve de « patience, de dissimulation et de préservation du secret ». Cette théorisation, qui a mis Machiavel et ses théories échec et mat, a impliqué dans la pensée des frères musulmans plusieurs corollaires parmi lesquels on peut citer : garder secret ce que l’on prépare et dire et montrer le contraire ; pour les besoins de la cause, pour éviter les confrontations directes ou pour gagner en respectabilité, la pratique de la tromperie active est permise et même conseillée, par exemple, participer à des processus électoraux tout en étant, en son for intérieur, de farouches adversaires de la démocratie qu’ils incarnent, puisque le label de l’islamisme est constitué par l’axiome : La Sharia est Constitution et Codes » Source : https://blogs.mediapart.fr/salah-horchani/blog/271015/dis-moi-les-islamistes-comment-les-reconnait
[63] Selon un acte officiel déposé le 22/11/2013 au Greffe du tribunal de commerce francophone de Bruxelles, publié aux annexes du Moniteur Belge. Acte n° 13181734 (n° d’entreprise : 456.303.044), l’assemblée générale du 16 juin 2013 a procédé à la révocation du conseil d’administration de Souheil El Alouini. Toutefois, l’acte officiel déposé le 27/08/2015 au Greffe du tribunal de commerce francophone de Bruxelles, publié aux annexes du Moniteur Belge, n° 15127306, le fait apparaitre à l’article 4.1 comme membre fondateurs parmi une liste contenant 19 noms dont 4 sont issus de la famille El Alouini.
[65] Selon un acte officiel déposé le 27/08/2015 au Greffe du tribunal de commerce francophone de Bruxelles, publié aux annexes du Moniteur Belge, acte n° 15127306 (n° d’entreprise : 456.303.044), Abderrazak Sidhom est un membre fondateur (article 4.1), il a toujours été membre du conseil d’administration, réélu administrateur lors de l’AG du 16 juin 2013.
[70] Lire (ici : http://www.ikhwanwiki.com/index.php?title= حسن_أيوب) sur l’encyclopédie officielle des Frères musulmans (en arabe) une présentation de son parcours de frère parmi les frères. L’on apprend que parmi ses élèves il y a Khaled Mechaal, leader politique du Hamas vivant au Qatar et qui est considéré terroriste par l’union européenne.
[71] Hassan Ayyoub, La foi musulmane : Dogme et dissidences, traduction : Salaheddine Kechrid, Hassan Amdouni, Asmaa Godin, Editions Al-Qalam, 360 pages.
[75] Tariq Ramadan, De l’islam et des musulmans, Presses du Châtelet, 2014, p.219.
[76] Hassan Ayyoub, Clarification de la foi musulmane, traduit par Salaheddine Kechrid, Okad, 1991.
[77] Gilles Kepel et autres, Al-Qaida dans le texte : Ecrits d’Oussama ben Laden, Abdallah Azzam, Ayman al-Zawahiri et Abou Moussab al-Zarqawi, Presses Universitaires de France, 2008, 474 pages.
[78] Hassan Amdouni, Le Hijab de la femme musulmane : Vêtements et toilette, Najah El-Jadida, Casablanca, 2001, 87 pages.
[107] Shaqeel Seddiq a été formé à l’IESH. Son mémoire, soutenu en 2000/2001 avait comme tuteur le « frère » Larbi Bechri (IESH, responsable Dar-Al-Fatwa de l’UOIF …).
[117] Ici son texte d’annonce de son départ des rangs des Frères musulmans. Un texte pour le moins ambigu qui laisse croire que son départ ne serait motivé que pour une histoire de protection de son organisation ENAR des feux des critiques qu’il justifia par ladite islamophobie. Il a écrit : « … Pour couper court à tout amalgame qui nuirait à mon combat personnel pour la justice et l’égalité de toutes et tous – et par voie de conséquence à celui de l’organisation que je dirige – ainsi que par soucis de neutralité, j’ai mis fin à tous mes liens avec la mouvance des Frères Musulmans européens. » S’il n’y avait pas ces critiques et cet enjeux pour ENAR, serait-il encore frère musulman ? Simple question. Lire ici : http://xxiv-35.blogspot.fr/search?q=getting
Havre de Savoir est un site internet qui relaie la prose des Frères musulmans en français. Dans sa présentation, Havre du Savoir explique :
« Havre de Savoir est une association qui a pour but de présenter l’Islam à travers une compréhension saine et authentique. Elle se donne pour objectif également de promouvoir ses valeurs éthiques et morales. »
De nombreuses organisations de la mouvance des Frères musulmans prétendent représenter la voie officielle et « authentique » de l’islam, alors qu’il s’agit en réalité de délivrer un message politique. Moncef Zenati, membre du bureau de l’UOIF et chargé de « l’enseignement et de la présentation de l’Islam » est l’auteur de la plupart des textes et vidéos du site. Les autres principaux intervenants sont Hassan Iquioussen ou Hani Ramadan. Un Club de lecture de l’organisation est organisé au Havre. Y ont été invités Christophe Oberlin, Nabil Ennasri ou encore Médine pour son livre avec Pascal Boniface.
L’organisation se félicite de la « réussite » des islamistes turcs et n’hésite pas à déclarer que la Turquie est le seul pays « où l’islam et la démocratie ont réussi là où aucun pays musulman n’a réussi ».
Par le biais de Havre de Savoir, de jeunes français apprendront à se méfier des Chiites, Zaydites, Alaouites et Yazidis, à « comprendre pourquoi ils ne sont pas conformes à la voie du Prophète ». En d’autres termes pourquoi ils sont l’ennemi. Rappelons qu’en Syrie, sous la loi de l’Etat islamique, les Yazidis sont réduits en esclavage et exterminés.
• Hussem AYLOUCH, président du CAIR de Los Angeles pour expliquer comment résister au « discours médiatique véhiculé après des événements comme le 11 septembre ou Charlie hebdo« .
Hassan Al Banna est régulièrement cité comme un guide incontournable, comme on peut le voir sur cette capture d’écran. L’organisation se réclame non seulement du fondateur des Frères musulmans mais aussi de Sayyid Qutb qui jusqu’à peu était renié par la Confrérie qui avait du mal à présenter sous un jour positif son apologie de la violence.
En juillet 2015, l’organisation illustre son profil Facebook avec une symbolique de la Rabaa.
108 000 personnes suivent le profil Facebook de Havre du Savoir. 108 000 personnes qui ont pu lire qu’il fallait se méfier des médias et des politiques français. Moncef Zenati a en effet déclaré lors de la condamnation à mort de Mohamed Morsi :
« Pas un mot dans le journal de 20h de France2. La France pays qui a vu naître les droits de l’homme, le pays défenseur de la démocratie n’est même pas capable de dénoncer une telle injustice. La France des valeurs républicaines est en train de tourner le dos à ses valeurs. Quand je pense que Manuel Valls ne s’est pas empêché de rappeler aux musulmans de France sa phobie des Frères Musulmans qu’il qualifie de mouvement inquiétant. Les opprimés sont inquiétants, alors que leur bourreau est accueilli à l’Elysée avec les honneurs. écœurant!!! »
Ce que Moncef Zenati oublie de dire c’est que :
• comme de nombreux autres leaders des Frères musulmans, il a été invité par le gouvernement de Manuel Valls à parler de l’Islam de France.
• plusieurs intellectuels, journalistes et militants ont déclaré leur opposition à la peine de mort pour des raisons politiques. Y compris parmi nos éditorialistes, qui ne sont pourtant pas connus pour être tendres avec la Confrérie.
Mais le dire impliquerait d’éviter de radicaliser les lecteurs de Havre du savoir, de leur donner le sens de la nuance, ce qui n’est visiblement pas le but de l’organisation.
Havre du savoir jouit d’une très bonne réputation en France. Le rappeur Médine n’a pas hésité à déclarer lutter contre l’islamophobie, au sein de l’association Havre De Savoir.
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