Recep Tayyip Erdogan en guest-star à Brooklyn

Le président turc Recep Tayyip Erdogan est cette année l’invité vedette de l’organisation américaine TASC (Turkish American Steering Committee). TASC se donne pour mission d' »amplifier une voix unifiée turque aux Etats-Unis », en relayant sur son site internet et sur les réseaux sociaux un discours très orienté en faveur de l’AKP, et à la gloire du président Erdogan. Les médias qu’elle conseille et relaie sur son site internet sont dirigés par des proches de ce dernier, où bien souvent des journalistes ont été purgés (Anadolu Agency, l’agence gouvernementale, TRT World, Aksam Daily Newspaper, Hurriyet Daily News ainsi que Daily Sabah). L’organisation TASC organise le 22 septembre à Brooklyn une conférence intitulée « Uniting the Ummah, stronger together » (Unir la Oumma, plus forts ensemble) profitant de la visite d’Erdogan à l’assemblée annuelle des Nations Unies pour le promouvoir au public turcophone américain. Outre le président islamiste turc, sont également invités :
– Siraj Wahhaj. Imam de la mosquée al-Taqwa de Brooklyn, leader de la MANA (Muslim Alliance in North America) et ancien vice-président de la très frèriste ISNA (Islamic Society of North America). Il a été formé par la Nation of Islam, coutumière des déclarations antisémites, complotistes et homophobes, qui l’a converti à un Islam orthodoxe. Fervent supporter de la Charia, Siraj Wahhaj défend les châtiments corporels, y compris la lapidation, et considère que « l’Islam est meilleur que la démocratie ». En août 2018, trois de ses enfants ont été accusés par la police de terrorisme et de crime après la découverte d’un camp d’entrainement djihadiste au Nouveau-Mexique.
– Abdullah Hakim Quick, imam américano-canadien officiant dans la région de Toronto, qui soutient la peine de mort pour les homosexuels : « dans l’Islam, l’homosexualité est punie par la mort et il est impossible de changer l’Islam », déclare t’il en 2016 à propos d’El-Farouk Khaki, imam gay de Toronto. Dans plusieurs de ses prêches diffusées sur Youtube, il pourfend un complot démoniaque qui voudrait mettre en place un « Nouvel Ordre Mondial ».
– Oussama Jamal, secrétaire général de l’USCMO (Conseil des organisations musulmanes américaines), qui comprend plusieurs entités représentatives des Frères musulmans, y compris la MAS (Muslim American Society), CAIR (Concil of American Islamic Relations), ou encore l’ICNA (Islamic Circle of North America).
Fait notable, trois autres invités vedettes, également proches de l’idéologie des Frères musulmans, ont indiqué sur les réseaux sociaux avoir finalement décliné l’invitation à cette conférence sensée « unir l’Oumma« , malgré leur nom inscrit sur l’affiche :
– Dalia Mougahed, très complaisante avec l’application de la Charia comme décrit dans ce précédent article d’Ikhwan Info,
– Yasir Qadhi, qui a tenu par le passé des propos négationnistes sur la Shoah, récemment épinglé par le Times pour ses propos tenus en 2017 : « tuer les homosexuels et lapider les personnes adultères fait partie de notre religion »
– Omar Suleiman
Le journal turcophone Ahval, dont le directeur de publication a fui le régime, a interrogé Lorenzo Vidino, directeur du Centre Universitaire George Washington pour la sécurité Nationale à ce sujet. Ce dernier conclue également que les invités qui ont renoncé à l’invitation sont proches des Frères musulmans. Concernant les annulations des personnalités aux Etats-Unis Dalia Mougahed, Yasir Qadhi et Omar Suleiman, il avance l’explication d’une Turquie (non arabe) devenue encombrante à cause de son influence grandissante dans le milieu islamiste, accompagnée d’une mauvaise réputation due à ses attaques contre les droits de l’Homme. Les atteintes aux libertés opérées par Erdogan deviendraient-elles trop récurrentes, trop encombrantes ? Son idéologie islamiste deviendrait-elle trop « visible » ?