
Au Maroc, Tariq Ramadan ne fait pas recette
Une rencontre de soutien au profit de Tariq Ramadan était prévu le 17 Février 2018 au théâtre Mohammed VI de la commune de Roches Noires de Casablanca au Maroc. Le public marocain était incité à se déplacer. Une lettre ouverte exprimant un soutien total à Tariq Ramadan était diffusée sur les réseaux sociaux marocains ainsi qu’une invitation à signer une pétition en ligne initiée par Siham Andalouci (France) et Abdourahman Kahin (Canada).
Cette initiative de soutien était portée par des associations proches du PJD : Al Massar, Anwaar, Al Hidn, Espace cadres, Arri’aya et l’association marocaine de l’indépendance de la justice (*). Tous disent vouloir apporter « un soutien moral au penseur (sic !) Tariq Ramadan, de jeter la lumière sur son affaire et de l’assister dans l’épreuve qu’il traverse ».
Faux et usage de faux
Une affiche portant les noms des intervenants, les logos des associations et le visage souriant de Tariq Ramadan accompagnait les différentes publications. Sur la liste des intervenants, figuraient deux noms connus de la scène politique et culturelle marocaine : le penseur Hassan Aourid et Abdelali Hamieddine, le leader du PJD. Problème, les deux hommes avaient décliné.
Le premier Hassan Aourid a démentit « catégoriquement » sa présence dans la conférence. « On m’a contacté et j’ai dis non (…) je n’incrimine personne, je suis neutre dans l’affaire, c’est une affaire qui devant la justice. Je vous fait donc un démenti catégorique » (*)
S’empressant de changer l’affiche pour ne pas rentrer en conflit avec cette illustre personnalité, les organisateurs ont immédiatement édité une autre affiche avec le nom de Abdelali Hamieddine. En relisant les propos du leader frériste, on sent un gêne. « C’est une association qui a l’habitude d’organiser des conférences avec Tariq Ramadan, et donc leur solidarité à un caractère humain (…) de mon côté, j’interviendrais pour parler de la pensée de Tariq Ramadan et non pas de l’affaire. L’affaire est devant le juge, dans un pays où la justice est indépendante« . (*) On peut difficilement faire plus prudent. Abdelali Hamieddine expliqua qu’il ne voyait pas « en quoi il est inconcevable que des associations soutiennent une personnalité pareille, car leur soutien n’interfère pas avec le travail de la justice française réputée pour sa transparence« . (*) Il n’en fallait pas plus pour provoquer la colère des réseaux sociaux marocains (*). «(…) Une honte ». Soutien qui est « moralement inacceptable » estime Said Lakhal, l’écrivain et chercheur dans les affaires islamiques et membre du mouvement «Damir » (conscience). Lors de la réunion de son bureau le 14 février 2018, la Fédération de la ligue des droits des femmes au Maroc a dénoncé la campagne de solidarité et de soutien avec le prédicateur islamiste dans un communiqué adressée au chef de gouvernement marocain, estimant que ce soutien était « une tentative de légitimer la culture du viol et de peser sur la justice ».
Le blog entre ami du 360.ma signé Karim Boukhari soulignera l’indécence de ce soutien, sans détour : « Par quelle extraordinaire aliénation mentale, sentimentale, en vient-on à soutenir massivement, aveuglément, des hommes accusés de viol? », mettant à plat tous les arguments des défenseurs de la cause de l’islamologue, il précise que « Non, nous ne sommes pas tous Tariq Ramadan ». Selon lui les fausses croyances à l’origine de ce soutien ont encore de beaux jours devant elles et pour ne citer qu’un échantillon de ces croyances il évoque la tolérance vis-à-vis du viol et des violences faites aux femmes, qu’Un bon musulman ne peut pas faire ça, en aucun cas, qu’il est beau, il peut avoir toutes les femmes, que l’homme peut (se permettre de faire des choses que) la femme ne peut pas, que la justice n’est pas indépendante ou encore que quand une célébrité de confession ou de culture musulmane est attaquée, c’est l’islam qui est attaqué ! En résumé, « la culture remise en question (qui) n’existe pas ».
Devant la polémique, Hamieddine s’est finalement rétracté pour des raisons « personnelles » justifiera-t-il en précisant qu’il « avait exprimé son accord de principe à assister à une réunion de nature intellectuelle » (*) en sa qualité d’académicien, et déclare ne pas avoir été consulté en ce qui concerne l’affichage de son nom sur l’affiche.

Vice de forme
A peine une cinquantaine de « pèlerins » se sont manifestés au portail du théâtre à la demande des 7 associations. Toutes ont connu ou invité Tariq Ramadan à donner une conférence au Maroc. Le Directeur du théâtre a refusé d’ouvrir la porte pour cause d’insatisfaction de l’autorisation aux conditions d’éligibilité à l’accès et à l’utilisation des locaux du théâtre Mohammed VI. Abderrahmane Lahlou un des animateurs de cette rencontre a déclaré « nous devions organiser cette rencontre ici à l’intérieur au théâtre, mais apparemment nous n’avons pas toutes les clefs ». Il manquait un cachet sur l’avis qui devait être livré par le ministère de l’Intérieur.
D’autres participants se sont érigés en procureur comme l’avocat Abdellah Hatimi, de l’Association marocaine pour la défense de l’indépendance de la justice qui a préféré profiter de la présence de la presse pour donner le ton des objectifs visés par la rencontre « la justice française n’est pas indépendante et Tariq Ramadan n’a pas à être placé en détention provisoire vu qu’il n’y a aucune preuve des accusations pour lesquelles il est incarcéré ».
