POUR LA CORDOBA FOUNDATION LA RADICALISATION ISLAMISTE N’EXISTE PAS

Pour la Cordoba Foundation la radicalisation islamiste n'existe pas

Pour la Cordoba Foundation la radicalisation islamiste n’existe pas

11.10.2016 Carla Parisi

« Circulez, y’a rien à voir » aurait dû être le sous titre du rapport publié par la Cordoba Foundation. La Fondation  a été créée en Grande Bretagne par Anas Al Tikriti est le fils du leader officiel des Frères musulmans en Irak. En 2009, David Cameron a dénoncé la Fondation Cordoba, comme étant un faux nez des Frères musulmans en Grande Bretagne. Raison pour laquelle elle apparaît sur une liste publiée par le gouvernement des Émirats arabes unis d’organisations musulmanes soutenant le terrorisme.

Malgré ce lourd contexte, Anas Al Tikriti  et la Cordoba Foundation sont régulièrement sollicités pour délivrer leurs analyses. Dernier rapport en en date, les mythes de la menaces djihadistes à l’Ouest et la radicalisation islamique ». L’auteur : Alain Gabon est professeur au Wesleyan College (Wesleyenne), institution de la grande bourgeoise wasp américaine.

En introduction, le Dr Abdullah Faliq, responsable du Forum islamique européen explique sur un ton alarmiste que des gouvernements européens ont actuellement « commencé à confisquer et interdire la littérature islamique », à « confondre les pratiques religieuses conservatives avec de l’extrémisme », à « surveiller les mosquées, madrasas et centres de jeunesse (avec le pouvoir de les fermer) », et à « cibler les leaders de la communauté et les organisations islamiques mainstream ». Les « attaques islamophobes » envers les musulmans seraient le fruit d’une « menace surévaluée du djihadisme ». Et finalement, les djihadistes utiliseraient seulement « des slogans anti-autorité (pour un monde meilleur) », dans une « culture rebelle qui peut se retrouver dans presque toutes les communautés ».

A sa suite, Anas Al Tikriti, rend hommage à l’ancien maire de Londres, Ken Livingston, pour son comportement qu’il juge exemplaire après les attentats qui ont frappé la capitale britannique en 2005. Néanmoins, il reconnaît que des attaques racistes touchent Londres, comme les autres capitales mondiales. Il en profite pour fustiger le gouvernement actuel, moins accommodant envers les demandes communautaristes, dont la stratégie de lutte contre le djihadisme conduirait à des pratiques dignes de « l’Inquisition » et du « McCarthysme ». Plusieurs centaines d’enfants, d’après le lobbyiste, auraient été arrachés à leurs parents « sous le prétexte de radicalisation ». Et Anas Al Tikriti de déplorer « la criminalisation de chaque suggestion autour de la responsabilité de la politique étrangère britannique  et de ses interventions étrangères dans l’augmentation du terrorisme ».

Dans son étude, Alain Gabon veut démonter 3 réalités qu’il décrit comme mythes :

  • la plupart des terroristes sont des musulmans islamistes ou djihadistes
  • le terrorisme en général, et sa variété djihadiste en particulier, constitue une grande menace pour la vie humaine dans ces sociétés
  • il existe une radicalisation alarmante d’une partie significative des populations musulmanes européennes.

Ces trois « mythes » seraient propagés et renforcés par les discours politiques, médiatiques et académiques, dans un contexte quasi « orwellien ». En France, ces mythes auraient pour résultat l’interdiction des « voiles et niqab dans l’espace public » ainsi que « la surveillance des mosquées », et donc une « islamo-paranoïa ». Alain Gabon oublie bien sur de préciser que le voile n’est pas interdit dans la rue,  et que la loi contre les signes religieux à l ‘école date de 2004, bien avant les attaques terroristes de Toulouse, de janvier 2015 ou de novembre 2015 à Paris.

En juillet 2016, juste après l’attaque terroriste de Nice, Alain Gabon n’avait pas hésité à publier un article dans Middle East Eye, expliquant que  le tueur n’était « ni un islamiste, ni un djihadiste, ni même un « terroriste » ». En mettant bien entendu le terme mot terroriste entre guillemets.

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Pour minimiser les attaques terroristes islamiques, Alain Gabon explique que seuls 6% des attentats sont perpétrés par des djihadistes sur le sol américain. Le reste serait du à des groupes « latinos, chrétiens, juifs, d’extrême-gauche, écologistes, suprématistes blancs, anti-gouvernement, anti-avortement, souverainistes ou sécessionnistes ». Les attentats islamistes seraient les seuls que la presse couvrirait, alors que le nombre de victimes serait « statistiquement négligeables », et dûs  à des « loups solitaires ». En France, on entend parfois le chiffre de 1% du terrorisme qui serait djihadistes. Si le nombre d’attaques djihadistes est inférieur au nombre d’attaques des séparatistes régionaux par exemple, les attentats djihadistes sont de loin bien plus meurtriers : 245 morts en France depuis 2012. De plus, l’ampleur mondiale du terrorisme islamique, ses réseaux, son budget est incomparable à des groupuscules séparatistes ou anarchistes locaux. Cela n’empêche pas Alain Gabon de blâmer en priorité « l’hystérie et la quasi-apocalyptique rhétorique » autour du djihadisme.

Alain Gabon liste 6 raisons à ce qu’il nomme l’ « hystérie collective » :

  • le choc traumatique du 11 septembre 2001 puis du 13 novembre 2015 couplé à une « absence de distance rationnelle et à une absence de mise en perspective » : en effet, dans les attentats sur le sol européen, il n’y aurait « rien de ressemblant au 11 septembre avant (…) ni après ». Rien à voir, laisser passer. Alain Gabon prend même le pari que rien de similaire au 13 novembre ne se produira de nouveau. En effet, si l’on parle de projeter à nouveau deux avions sur les tours jumelles qui n’existent plus, ou de lancer le même commando dans les mêmes bars et salle de concerts parisiens, il y a peu de chance que cela se reproduise. En revanche, on ne compte plus le nombre d’attentats déjoués en Europe depuis 2 ans. Sans oublier les autres attentats en Irak, en Indonésie, au Bangladesh…
  • le rôle des médias et des politiciens qui « cultivent et nourrissent la mémoire du 11 septembre, de Charlie Hebdo et du 13 novembre ». Les « commémorationnisme » et les hommages aux victimes participeraient donc à ce qu’il décrit comme de l’hystérie… sous forme d’ « auto-asphyxie ».
  • la « mauvaise image rapportée par les médias de » : la Révolution Iranienne, de l’Irak, de la Syrie ou du Yemen…et le fait de présenter certains conflits comme des « divisions chiite-sunnites comme si l’Islam était la cause ».
  • les « calculs électoraux » des gouvernements occidentaux qui veulent « garder les populations focalisées sur la menace djihadiste (…) tout en autorisant des régimes despotiques comme Assad ou Al-Sissi en Egypte, dont le régime de terreur est encore pire que Daesh (…) et en justifiant des interventions militaires néocoloniales ». Cela permettrait à ces gouvernements de « supprimer toute dissidence » dans leur pays par la mise en place d’ « états d’urgence » et de regagner en « popularité » grâce au statut de chef de guerre. «La liste des bénéfices s’allonge », et Daesh serait même « utile ». Alain Gabon n’est pas loin de la vision complotiste du false flag, qu’il induit sans le nommer.
  • l’ « obsession vis-à-vis du terrorisme islamique pour ne pas parler des violences domestiques ou par armes à feu (…) pour retrouver les anciens stéréotyes racistes et islamophobes anti-arabes et anti-musulmans ».
  • le « traitement politique et médiatique qui souligne systématiquement le terrorisme de musulmans en ignorant ou en minimisant les autres formes de terreur, surtout si elles concernent des blancs, chrétiens, de droite ». L’auteur blâme la mobilisation en soutien à Charlie Hebdo, comparée à celle de Charleston ou Dylann Roof tua neuf afro-américains dans une église.

De plus, Alain Gabon prend le parti de définir Bachar al-Assad et Saddam Hussein comme des tyrans laïcs . Il oublie que ces deux personnages n’ont pas tué leur peuple au nom de la laïcité, que la Syrie et l’Irak n’étaient pas laïcs au sens propre, et qu’il n’a jamais existé de mouvement laïque terroriste appelant à soutenir ces criminels. Le général al-Sissi est également épinglé pour avoir massacré « 1000 civils sans défense supporter de Morsi ». Le fait que ces régimes ne soient pas taxés de terroristes prouveraient que nous ne sommes pas loin du « négationniste révisionnisme » au service d’ « objectifs de politique étrangère des Etats-Unis ».

Dans son rapport Alain Gabon affirme que croire que « le terrorisme est une menace majeure pour la vie humaine dans les sociétés occidentales est une grosse erreur ». Il s’agirait même de la  « plus petite cause de mortalité, violente ou non violente, de toutes »…. En la comparant à des accidents domestiques ou de la route, donc par définition, non prévisibles ! Il rajoute même, avec cynisme, qu’un cancer est « bien plus long et plus douloureux qu’une mort rapide ».

Alain Gabon parle de « mythe de la radicalisation islamique », qui induirait que de nombreux jeunes hommes musulmans « se radicaliseraient ».  Il considère que la notion de radicalité ou d’extrémisme est arbitraire, et qu’elle ne veut rien dire. Il rejette l’idée selon laquelle des comportements « salafistes », comme refuser de serrer la main à une femme, mèneraient au djihadisme. Alain Gabon ne propose cependant pas d’autre qualification pour désigner cette « radicalité ». Il pointe du doigt Manuel Valls pour avoir déclaré que « la France doit combattre le djihadisme, mais également le conservatisme et le fondamentalisme » dont « les Frères musulmans et les salafistes (…) et en particulier l’UOIF ». Manuel Valls irait même « plus loin » en faisant appel à la société civile, ou en proposant une ligne téléphonique contre le djihadisme ou en mettant en ligne des vidéos comme antidote à la propagande de Daesh. Les signes de radicalisations décrits seraient « paternalistes ». Alain Gabon dénonce également la fermeture de trois mosquées salafistes, qui serait « injustifiée ».

Finalement, selon Alain Gabon le djihadisme serait un « minuscule phénomène »,  et ce serait avant tout le médias et les gouvernements, qui travaillent à convaincre et à apeurer les populations.

Carla Parisi

Ce article est également disponible en English.

MIDDLE EAST EYE

Middle East Eye

11.06.2016 La rédaction

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Sur le papier Middle East Eye, c’est l’histoire d’une réussite.

Près de 30 000 pages vues par jour. 329 000 fans anglophones sur Facebook et 62 600 fans francophones.

20 permanents dans le bureau londonien.

Une dizaines de freelancers dans plusieurs pays.

Plusieurs sont des professionnels et leur carrière donne au media un vernis sérieux et professionnel. En tête : David Hearst. Il est le rédacteur en chef du Middle East Eye. Il a longtemps été grand reporter pour The Guardian à la section internationale. Il a travaillé sur les conflits en Yougoslavie, en Tchétchénie, en Irlande et en Russie.

En deux ans le site est devenu incontournable. Les Online Media Awards ont même récompensé Peter Oborne de Middle East Eye pour son reportage sur le siège de Damas. Middle East Eye a également été nommé pour le prix du meilleur site web d’actualité mondiale. Mais quel genre de journalisme Middle East Eye fait-il ?

« Ils entrent militants et sortent journalistes » #presswashing 

De nombreux militants qui écrivent dans des organes de presse s’arc-boutent sur le fait qu’ils sont journalistes et donc objectifs. En déclarant que les collaborateurs de MEE entre « militants et sortent journalistes » David Hearst joue sur cette confusion. Comme si, des êtres humains, qui se battent passionnément pour une cause ou une idéologie éteignaient l’interrupteur de leur cerveau pour écrire.

Certains contributeurs de Middle East Eye sont engagés. Encore heureux.

En revanche faire croire qu’ils cessent de l’être en écrivant est une insulte à l’intelligence, des lecteurs et des contributeurs de Middle East Eye.

Le biais de l’islam politique

Hanan Chehata est une des contributrices régulières du site. A propos des laïcs elle n’hésite pas à parler « secular fanatics » (laïcs fanatiques) qui la prendraient en étau avec la « police religieuse ».

Basheer Nafi est chargé de recherche principal au Centre detudes d’Al Jazeera. Il a écrit plusieurs papiers pour Middle East Eye. Dans l’un d’entre eux il rappelle à l’ordre Rached Ghannouchi.

« Ennahdha peut changer son discours, mais pas la réalité de l’islam politique ».

« La relation entre Ennahdha et les Frères musulmans n’a pas résulté d’un effort missionnaire conspirateur mais était un choix purement tunisien. Il est tout à fait faux de prétendre aujourd’hui qu’Ennahdha a été prisonnier pendant plusieurs décennies d’une identité politique islamique qu’elle ne désirait pas ».

« Les forces du courant général de l’islam politique, menées par les Frères musulmans, ont lutté depuis près d’un siècle pour l’indépendance de leur État ; elles ont lutté pour la liberté des peuples et pour la mise en place d’un système juste de gouvernance qui exprime la volonté de la majorité du peuple et se porte garant de ses intérêts. Dès le moment où il faisait face au despotisme du leader tunisien Habib Bourguiba, Ennahdha n’était pas une exception. Il n’y a rien de honteux dans cette histoire et il n’y a rien qui justifie une condamnation. »

Et de lancer « la peur et la sensibilité ne doivent pas pousser un mouvement politique ayant une aussi longue histoire de luttes et de sacrifices à prendre des décisions hâtives et précipitées. »

Indépendante… des studios de Hollywood et de son arrière grand-oncle.

Dans la rubrique en anglais “about” on peut lire queMiddle East Eye est « une organisation d’infos  en ligne financée de manière indépendante qui a été créée en Février 2014 ». Au fond que veut dire « financée de manière indépendante » ? Indépendante des gros groupes de presse ? Indépendante des studios d’Hollywood ? Indépendante des fonds de pensions des retraités américains ? La seule solution pour tenter d’y voir clair c’est de demander les documents légaux fournis par la société. On y lit que le directeur de la compagnie est Jamal Awami Jamal dit Jamal Bessasso. Il est directeur de 2 sociétés aux noms quasi similaires : MEE limited et Middle East Eyes limited.

Jamal Bessasso, d’origine palestinienne, est né en 1969 au Koweït. Il est néerlandais. Et vit en grande Bretagne. Jamal Bessasso, a été anciennement directeur du planning et des ressources humaines pour Al Jazeera. Il a aussi été le directeur de Samalink TV au Liban qui diffuse la chaine proche du Hamas Al Quds TV. Jamal Bassasso a également travaillé pour une société immobilière de Dubaï avec Anas Mekdad, un autre Palestinien lié à Al Islah, l’aile émiratie des Frères musulmans, aujourd’hui interdite et dont plusieurs membres purgent des peines de prison pour avoir tenté de renverser le gouvernement Anas Mekdad est le fondateur du forum web islamiste AlMakeem, qui a fait l’éloge du Hamas. Un forum auquel contribue Jamal Bessasso.

Interrogé par le site émirati, The National, David Hearst, le rédacteur en chef de Middle East Eye a complétement nié que Jamal Bessasso, ait de l’importance dans Middle East Eye. Au mieux a-t-il concédé que Jamal Bessasso était « un collègue, le responsable des ressources humaines et le directeur légal » ! Pourquoi nier qu’il soit aussi le représentant des propriétaires anonymes de Middle East Eye, voire son propriétaire puisque c’est le seul nom qui apparait sur les documents officiels fournis à l’l’administration britannique. Jamal Bessasso est le seul nom qui apparait pour la société Middle East Eye Limited qui est la propriétaire du site Middle East Eye.

Toujours dans la rubrique « indépendance », il faut souligner le prêt industriel qu’a représenté l’apport d’un coach : Jonathan Powell. Salarié d’Al Jazeera depuis 2009, il a passé 6 mois à Londres pour créer le site Middle East Eye.

Autre coincidenc, le site Middle East Eye a été déposé par Adlin Adnan. Incidemment employé comme Responsable des politiques de développement de l’organisation Interpal longtemps liée à l’Union du bien de Youssef Al Qaradhawi basée au Qatar.

Toujours un hasard sans doute, on retrouve dans le staff de Middle East Eye, Rori Donaghy directeur entre 2012 et 2014 de l’Emirates Center for Human Rights, une structure destinée à soutenir les Frères musulmans dans les Emirats. Rori Donaghy a reconnu que la structure avait été fondée grâce à Anas Al Tikriti, patron de la Cordoba Foundation et soutien des Frères musulmans.

David Hearst publie des vidéos sur internet oùu il continue à plaider son indépendance politique et financière, sans pour autant outer ses financiers. Pour un site de cet ordre, avec les bureaux spacieux, à Londres, 20 permanents et des dizaines de freelances dans plusieurs pays. Sans parler des traductions. Il faut compter environ 2 millions d’euros par an pour faire vivre le site par an.

Ce article est également disponible en العربية et English.