CAIR MASSACHUSETTS OÙ COMMENT DIFFUSER LA HAINE DE MANIÈRE POLICÉE

CAIR Massachusetts où comment diffuser la haine de manière policée

CAIR Massachusetts où comment diffuser la haine de manière policée

13.12.2016

L’organisation CAIR (Council on American-Islamic Relations), une des plus grandes association frèristes américaines, crée depuis des années des antennes locales dans plusieurs états américains. Ils aspirent à être les seuls représentants des musulmans américains. Au risque de faire en sorte que le grand public confonde « musulmans » et « islamistes » comme on a pu le constater lors de la dernière campagne électorale.

Le quartier général de CAIR est situé à Washington. Nous allons nous intéresser aux dirigeants de l’une des dernières antennes créées, CAIR-Massachusetts (CAIR-MA), instaurée en juin 2015, et dont le siège est basé près de Boston dans une école théologique.

John Robbins est le directeur de CAIR-MA. En parallèle, John Robbins officie à l’Islamic Society of Boston Cultural Center (ISBCC) où il organise des séances de lectures islamiques et des rencontres avec des auteurs d’ouvrage sur la pratique de l’Islam aux Etats-Unis.

CAIR-Massachusetts organise également de nombreux événements dans les locaux de l’ISBCC. Les deux entités partagent locaux et personnel. Le 16 octobre, CAIR-Massachusetts y invitait les musulmans à venir s’y enregistrer pour recenser les électeurs musulmans pour l’élection présidentielle. CAIR-Massachusetts   propose aussi régulièrement des conférences pour l’orientation des étudiants musulmans ou autour de sujets de société.

L’Islamic Society of Boston dépend de la Muslim American Society (MAS), qui a été fondée par et pour les Frères musulmans, comme en témoigne son ancien secrétaire général Shaker Elsayed : « Ikhwan members founded MAS », littéralement : « des membres de la confrérie ont fondé la MAS ». Abdulrahman Alamoudi a aussi reconnu l’appartenance frériste lors de son procès. Youssef al-Qaradawi , leader spirituel des frères musulmans, a également été listé parmi les curateurs de la mosquée de l’ISB.

L’Islamic Society of Boston (ISB, qui comprend l’ISBCC et une mosquée) a été fondée en 1981 par des associations étudiantes musulmanes, dont MSA-MIT (voir plus bas) et par Abdulrahman Alamoudi qui en a été le premier président. Ce dernier est connu de l’administration américaine depuis les années 1990 pour apologie de groupes terroristes. En 1996, Abdulrahman Alamoudi appelait le Président Clinton à libérer le Cheikh Omar Abdel Rahmane, pourtant reconnu coupable dans l’attentat du World Trade Center de 1993. En 2000, il appelait ouvertement à soutenir le Hamas et le Hezbollah. Cela n’empêcha pas le président Bush de l’inviter à la Maison Blanche pour commémorer les attaques terroristes du 11 septembre 2001. Il purge actuellement une peine de prison de 23 ans depuis 2004 pour sa participation à un complot de Kadhafi visant à éliminer via Al-Qaïda le Prince Abdallah d’Arabie Saoudite. Il a avoué avoir financé Al-Qaïda et le Jihad Palestinien Armé.

De nombreux prêcheurs de haine ont été invités par l’ISB.

En octobre 2015, Hussain Kamani, qui affirme que « l’homme doit assouvir ses besoins sexuels avec sa femme (…) ou avec une esclave qui lui appartient » et que « celui qui commet l’adultère doit être lapidé à mort », appelle les musulmans de l’ISB à « ne pas ressembler aux juifs » et à « battre leurs enfants » si ceux-ci ne prient pas.

Un autre invité de l’ISB, Abdul Nasir Jangda, légitime également l’esclavage : « l’esclavage dans l’Islam et vraiment différent et supérieur, moralement et spirituellement, à l’atroce et obscène esclavage transatlantique » et affirme le « droit divin d’un homme d’avoir ses désirs physiques satisfaits ».

En 2016, l’ISB recrute un imam-associé, Abdul Malik Merchant, qui considère le voile pour les femmes comme une obligation si elle ne veut pas être « kufr » (apostat) et qui affirme que l’homosexualité est un choix et que la Charia combat les hommes efféminés. Le New York Post rapporte que la librairie de l’ISB contient des livres de Sayyid Qutb, Frère musulman pionnier du djihadisme moderne.

Souhait Webb, alors imam de l’ISB, diffuse même en 2012 un programme pour les jeunes intitulé Young Muslim qui comporte l’étude de textes de Mawdudi, Hassan al-Banna ou encore Sayyid Qutb.

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L’ISB a refusé de participer au programme d’Obama contre la radicalisation de 2015 intitulé « Countering Violent Extremism » alors que Boston faisait partie des trois villes pilotes au niveau national. Boston avait été choisie pour son fort taux de djihadistes d’al-Qaïda ou de l’Etat Islamique originaires ou ayant vécu dans la ville. Le directeur de l’ISB, Yusufi Vali, se défend en disant que ce programme « stigmatise les musulmans ».

L’ISB a été mis sous les projecteurs par la presse et le FBI en 2013 après les attentats du marathon de Boston lorsqu’il a été révélé que les deux terroristes, les frères Tsarnaev, avaient fréquenté la mosquée de l’ISB depuis 2009.

Tahirah Amatul-Wadud est membre du Conseil d’Administration de CAIR-MA et… de la Commission du gouvernement du Massachusetts pour les femmes. Elle a aussi été invitée à la Maison Blanche en 2015 au Bureau des partenariats confessionnels. CAIR a été listé comme terroriste par les Emirats Arabes Unis, mais l’administration Obama a systématiquement soutenu l’organisation.

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Le 14 novembre 2015, elle participait en tant qu’intervenante à la Conférence Annuelle contre l’Islamophobie organisée par l’association Muslims Of America. Cette organisation a été fondée en 1980 par le Cheikh Mubarak Ali Gilani. Le Département d’Etat Américain a décrit le Cheikh Gilani comme en lien direct avec l’organisation Jamaat ul-Fuqra. Décrite comme une terroriste et comme « une secte qui veut purifier l’Islam par la violence » dans un rapport du Département d’Etat de 1999, interdite au Pakistan, plusieurs de ses membres ont été condamnés pour meurtre ou tentative de meurtre aux Etats-Unis et au Canada.

Tahirah Amatul-Wadud partage sur sa page Facebook des articles du Cheikh Gilani, comme l’article complotiste « Extreme Wahhabism is the Brainchild of British Intelligence Agency » qui affirme que les « services secrets britanniques » ont créé l’Etat Islamique, que le 11 septembre n’est pas le fait de Ben Laden mais d’ « insiders », que la tour 7 du World Trade Center s’est effondrée par « démolition contrôlée », que « Hitler et les juifs avaient une animosité mutuelle », qu’ « Hitler n’était pas un ennemi de l’Amérique », et que « les chiites ne sont pas des musulmans ».

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L’association Muslims Of America a été épinglée plusieurs fois par l’Anti Defamation League pour des propos antisémites (« les juifs sont un exemple de Satan humains »), homophobes (« il existe des agents de Satan (…) immoraux (…) l’homosexualité en est un parfait exemple »), antichrétiens (« les chrétiens (…) croient en la suprématie et au pouvoir de Satan »),

Tahirah Amatul-Wadud est par ailleurs l’avocate du Cheikh Gilani.

Troisième dirigeant de CAIR, Nadeem Mazen est également membre du Conseil d’Administration de CAIR-MA… ainsi que conseiller de la ville de Cambridge.

Il a été dans les années 2000 président de l’association d’étudiants MSA-MIT (Muslim Students Association – Massachusetts Institute of Technology), alors que l’imam de l’association était Suheil Laher, un ancien dirigeant de l’organisation de charité islamique CARE international soupçonnée d’avoir levé des fonds pour des djihadistes en Bosnie, en Afghanistan et en Tchétchénie. Il ne faut pas confondre Care International fondé par Abdullah Azzam, qui n’existe plus, et Care International, une ONG fondée en 1945 aux Etats-Unis dans l’optique du plan Marshall avant de se diversifier.  Suheil Laher a promu sur son site web le djihadiste Abdullah Azzam, mentor d’Oussama Ben Laden. Le journal allemand Spiegel décrit la MSA-MIT comme un repaire d’ « islamistes engagés ».

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Nadeem Mazen a créé en 2014 MassMuslims, un site web et une page Facebook qui proposent des conférences avec des prédicateurs intégristes comme Omar Suleiman (pour qui l’homosexualité est « une maladie » et « un péché répugnant et honteux « ) ou Yasir Qadhi (pour qui la Shoah est une « propagande fausse »).

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Nadeem Mazen a apparaît en 2014 dans une vidéo produite par le gouvernement américain créée pour « décrire » les musulmans américains. Il a par ailleurs annoncé son opposition au programme d’Obama « Countering Violent Extremism » créé pour lutter contre la radicalisation. Il considère que la lutte anti-terroriste du gouvernement Obama « cible les musulmans ».

Enquête, News

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TERREUR EN OCCIDENT : LA PROPHÉTIE DE RACHED GHANNOUCHI

Terreur en Occident : la prophétie de Rached Ghannouchi

Terreur en Occident : la prophétie de Rached Ghannouchi

19.10.2016Mohamed Louizi

Lui aussi est barbu mais il ne s’appelle pas Nostradamus (1503 – 1566). De ce dernier, il tient le sens d’une certaine prophétie de nouvelles alarmantes. A la différence de Nostradamus, qui était étranger aux prédictions qu’il annonçait à la cour, dans ses « Centuries », le Frère musulman tunisien Rached Ghannouchi, le leader du parti islamiste Ennahdha, est au cœur de l’idéologie panislamiste qui l’anime depuis sa jeunesse. Il est l’un de ses théoriciens les plus influents, les plus virulents, les plus connus et étrangement, les plus bien perçus par une certaine caste de la cour politico-médiatique parisienne. Pourtant, c’est lui qui disait dans les années 80 en Tunisie :

« Donnez-moi cent martyrs, je vous donne un état islamique » !

A l’aube du 21ème siècle, il a publié depuis son ex-exil britannique, un livre en arabe intitulé : Approches autour de la laïcité et de la société civile [1] (مقاربات في العلمانية و المجتمع المدني), préfacé par un autre frère musulman libanais Fayçal Mawlawi, cofondateur en 1983 de l’UOIF (Union des organisations islamiques de France), la branche française des Frères musulmans.

La résonnance de certains passages de cet essai islamiste avec le climat de terreur, qui règne en France et en Europe, est peu étonnant. Cet essai mérite d’être traduit intégralement de l’arabe au français, au moins pour que ceux qui ont reçu ce chantre du panislamisme en hôte de grande importance à Paris en juin 2016 [2], comprennent son vrai discours anti-laïcité, anti-démocratie et anti-libertés fondamentales. Au total, ce sont dix approches essentielles [3], détaillées sur plus de 200 pages, expliquant pourquoi l’islamisme doit gouverner et dominer des esprits, des corps et des territoires. Il y explique avec clarté et conviction pourquoi l’Etat Islamique rêvé, soumise à la loi des fouqahas (juristes religieux musulmans), doit être ressuscité de ses cendres pour accomplir sa fonction protectrice de la foi musulmane – y compris par le recours à la violence et par l’application anachronique des sanctions et châtiments corporels d’une charia moyenâgeuse – et pour faire face à l’Occident et à ses intérêts, y compris par la voie du jihad armé.

Cette traduction mérite d’exister surtout que Rached Ghannouchi risque fort d’être très probablement, et sous peu, le calife de la Tunisie, à proximité immédiate de l’Etat Islamique en Libye, et à presque 160 km seulement de la porte sud de l’Europe : Lampedusa. Les deux autres portes de l’Europe sont déjà « gardées » par deux Frères musulmans (!) : Le Sultan Erdogan, régnant autour du Détroit du Bosphore, et le vizir Benkirane gouvernant sur l’autre cote du Détroit de Gibraltar, à 15 km des cotes ibériques.

A présent, ce sont trois pages « prophétiques » terrifiantes résonnant étrangement avec ce climat d’horreur et de terreur qui s’installe dans les esprits, petit à petit, par-ci et par-là, au gré de la multiplication d’attentats et d’actes terroristes de massacre de masse : à Paris, à Nice, à Bruxelles, à Londres, à Munich, à Istanbul, à Tunis, à Orlando et ailleurs. En effet, ce « prophète » tunisien avait tout prédit depuis 1999, comme s’il regardait dans une boule de cristal, en feu et en sang. Il avait expliqué, bien avant le 11 septembre 2001, ce qui allait se passer une décennie plus tard. Ceux qui défendent, ici en France, l’idée d’une « islamisation de la radicalité », à l’image d’Olivier Roy [4], sont désormais désavoués par le propos même de Rached Ghannouchi qui défend justement l’idée contraire, celle de Gilles Kepel : « la radicalisation de l’islam »[5]. Il s’agit bel et bien d’attaques islamistes punitives, conduites au foyer même de l’Occident, motivées par son supposé refus pour que l’islam politique, dans sa version salafiste assumée, puisse gouverner ses terres au nom d’Allah. Rached Ghannouchi dit, je traduis :

« […] La persécution est le destin du musulman ainsi que sa quote-part de la civilisation. Le musulman paie le prix de sa décadence civilisationelle et de sa naïveté à répondre à l’appel de tout charlatan. Il paie le prix de son immobilisme ; ressassant les rêves du passé ; refusant le renouveau et l’évolution ; incapable d’acquérir les techniques modernes appliquées aux domaines de l’organisation politique, administrative et économique ; courant de façon effrénée et sans boussole vers l’imitation de l’autre, l’étranger et ses modes de vie. Nous avons détruit notre passé et nous n’avons pas su construire notre présent.

Tout démontre aujourd’hui la mise en place, à l’échelle planétaire, d’un nouvel ordre mondial qui ne se limite pas à marginaliser et à ignorer l’islam, mais il considère les musulmans comme un marché de consommation, une zone de pouvoir et un terrain d’influence [à dominer, ndlr]. Ce nouvel ordre mondial marginalisent les musulmans pour qu’ils restent en dehors de l’histoire, tournés vers le passé et étrangers à la modernité. Ce nouvel ordre est davantage plus dangereux. Il s’agit, en effet, d’une nouvelle phase de « Sykes-Picot » alimentant les divisions, les guerres fratricides et les séditions internes pour détruire l’islam une deuxième fois, de manière encore plus vigoureuse que les fois précédentes.

Il suffit de jeter un coup d’œil sur la carte géographique du monde islamique et d’observer ce qui se passe sur son sol. L’on découvre l’existence d’un double-plan, en phase d’exécution, visant à résister contre l’islam :

La première partie de ce plan concerne la périphérie du monde islamique, c’est-à-dire les minorités musulmanes représentant un tiers des musulmans dans le monde. Concernant cette périphérie, le but est la destruction intégrale de toute existante islamique en son sein. L’objet est de tourner la page de l’islam définitivement, à travers l’intensification des animosités et de la xénophobie envers les musulmans en leurs déclarant une guerre génocidaire, détruisant leurs mosquées et monuments, spoliant leurs biens et argent, et intensifiant les tueries contre eux. L’exemple le plus criant de ce plan se passe au vu et au su du monde entier, au milieu de l’Europe, dans les Balcans (en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo). Le même plan est réédité en Inde, au Tadjikistan, en Azerbaïdjan et en Birmanie.

La deuxième partie de ce plan est exécutée au cœur même du monde islamique, là où les musulmans représentent l’écrasante majorité. Leur nombre empêche qu’on les expulse de chez eux ou que l’on détruise leurs lieux saints. Impossible de les pousser à l’exil, sauf dans le cas de la Palestine. Le but de ce plan, dans cette zone centrale du monde islamique, est donc d’empêcher l’islam,  par tout moyen, de gouverner ses terres et ses fidèles. Pour atteindre un tel but, l’on coopère même avec des dictateurs et des criminels et l’on fait tout pour assécher les sources de l’islam au sein des institutions éducatives, enseignementales, législatives et médiatiques. L’on s’attache à affaiblir financièrement les musulmans, en perquisitionnant leurs institutions, en les empêchant de participer à la vie politique et d’atteindre des postes sensibles au sein de l’état, lequel est conçu pour qu’il ait comme principale mission : la répression de l’islam et des musulmans. L’on empêche même cet état, malgré sa laïcité, sa subordination à l’Occident et sa répression de l’islam et des musulmans, d’atteindre un niveau raisonnable de développement économique et de progrès technique, notamment au niveau militaire où la possession de l’arme nucléaire est interdite au même titre à tous les musulmans, qu’ils soient vertueux ou pervers.

La conduite de ce plan, sur ces deux versants, suffit pour transformer les musulmans dans le monde, en entités affaiblies et guerroyantes. Pour l’Occident, le monde islamique deviendra son marché, sa poubelle et sa source d’énergie à bas coût. Un nombre croissant de musulmans deviendront affamés et sans toits. Le destin de ceux qui résisteront à la mort sera mis entre les mains d’organisations humanitaires, messianiques chrétiennes et entre les mains d’autres organisations s’occupant de l’exil politique.

L’Occident déploie tous ses efforts pour fermer ses portes face à l’immigration musulmane (80% des exilés dans le monde sont musulmans). Mais ce problème est assez suffisant, surtout en présence du mouvement islamique, pour transformer le monde musulman en un volcan explosif. Car ce comportement de l’Occident n’affaiblira pas ce mouvement. Il va simplement créer un déséquilibre en son sein, en faveur des courants extrémistes, qui eux, privilégient la force comme seul et unique moyen pour défendre l’islam et les musulmans et qui affirment que les prédicateurs modérés, représentant désormais le corps principal de ce mouvement, sont dupés. Leur argument : l’Occident qui a soutenu la démocratie et continue de le faire en Europe de l’Est, en Amérique Latine et en Afrique, est le même Occident qui, dans le monde musulman, soutient, dans sa guerre contre l’islam, les régimes les plus réactionnaires, les plus répressifs et les plus corrompus.

Si l’Occident parie sur la solution sécuritaire pratiquée en Tunisie, en Algérie et en Egypte, que lui dictent les sionistes, dans son comportement à l’égard des mouvements de l’islam politique, cela n’aboutira pas à l’anéantissement de l’islam. Mais bien au contraire, cela favorisera la radicalisation de l’islam. Ainsi, le jihad deviendra le mot clé du discours islamique. Le discours jihadiste et l’esprit du martyr ainsi que l’envie d’accéder au paradis, seront alimentés à la fois par les histoires des génocides, que subissent les minorités musulmanes de la périphérie, et aussi par les récits de la persécution que subissent les musulmans au cœur même du monde islamique. Et c’est parce que le niveau culturel et technique des membres des mouvements de l’islam politique est très élevé, la fabrication des armes et leurs utilisations deviendront une culture générale chez les musulmans. La résistance face aux intérêts occidentaux et la liquidation des traitres deviendront l’activité quotidienne des mouvements islamiques. Tout ceci trouvera racine et puisera son énergie dans le patrimoine historique du jihad ainsi que dans l’intolérance occidentale envers l’islam. Dans un monde où les peuples sont mélangés ; où les informations sont largement diffusées ; où les intérêts s’entrecroisent et où les musulmans sont présents partout, l’on peut imaginer son portrait futur comme le façonne, consciemment ou inconsciemment, les dirigeants de ce nouvel ordre mondial, sous l’influence des sionistes !

Il s’agit sans doute d’un portrait terrifiant. Mais quel diable, ennemi de l’humanité et de la civilisation, celui qui trouve son intérêt à façonner un monde sous un tel portrait ! Nous persistons à nous convaincre et à tenter de convaincre les autres que les forces islamiques raisonnables et modérées, reconnaissant l’altérite et cherchant les issus de la coexistence, gagneront la bataille, par la permission de Dieu, au sein du monde musulman comme à l’intérieur même de la structure occidentale, sur la base de nombreux dénominateurs communs, au lieu de parier sur l’exclusion de l’autre alimentée par ce qui semble être la fatalité du choc des civilisations […] »[6]. Fin de traduction.

Rached Ghannouchi recycle ici les standards idéologiques basiques de la rhétorique islamiste et de ses ingrédients habituels : le fourvoiement dans la posture victimaire ; l’errance calculée dans le délire de persécution ; l’infantilisation des musulmans ; l’absolution de l’islam salafiste historique ; l’exaltation de l’islam politique et du panislamisme ; l’affirmation de la prééminence du volet religieux de l’identité sur les autres volets ; la glorification du jihad armé et du martyr ; la diabolisation de l’Occident tenu pour fondamentalement islamophobe ; le rejet de la laïcité et de la modernité occidentale ; l’entretien du fantasme du complot sioniste ; le takfirisme sournois des états et gouvernements des pays arabes ; et surtout, l’entretien du rêve du rétablissement du califat islamique. Ainsi, l’évocation des accords secrets de « Sykes-Picot » de 1916, dans ce passage traduit, n’est pas anodine. Alors qu’Hassan Al-Banna, le fondateur des Frères musulmans, justifiait la création de sa mouvance islamiste en 1928 par la nécessité de rétablir le califat après la chute de l’Empire Ottoman, Rached Ghannouchi préfère lui placer le curseur historique sur ces accords secrets qui avaient fragilisé davantage « l’homme malade » de l’Europe avant sa désintégration en 1924.

En toile de fond de ces passages traduits, il s’agit bel et bien d’un chantage menaçant que résume l’équation suivante : l’Occident doit composer avec la branche dite modérée de l’islam politique, sinon, il endurera les attaques violentes de sa branche jihadiste. Les deux branches sont donc très complémentaires, la limite entre elles étant inexistante, Rached Ghannouchi agite même la menace du basculement des islamistes modérés vers le jihadisme car leur « niveau culturel et technique » est très élevé. Ils sauront fabriquer des « armes » pour attaquer quotidiennement les « intérêts occidentaux » et « liquider les traitres », écrit-il !

Rached Ghannouchi est en phase avec l’identité bicéphale du panislamisme : mi-politique, mi-jihadiste. Alors qu’une certaine élite politico-médiatique française le présente imprudemment comme l’avenir de la démocratie tunisienne [7], lui demeure fidèle à son idéologie jihadiste de conquête, s’appuyant sur un Coran et sur deux sabres croisés. Devrait-on rappeler que son nom figure parmi le top 10 des islamistes qui ont signé le 13 juin 2013 au Caire, à côté de Youssef Al-Qaradawi,  l’appel mondial au jihad armé en Syrie, qui a donné naissance, directement ou indirectement, à l’Etat Islamique ? Comme l’UOIF, et pour se refaire une virginité en permanence, il édite pour la consommation médiatique des communiqués de presse condamnant les actes terroristes de Daesh. Toutefois, lorsqu’un journaliste tunisien lui a demandé son avis concernant Daesh, le 16 octobre 2016, il a dit clairement que les jihadistes de l’Etat Islamique représentent un « islam en colère »[8][9], un « islam radicalisé », comme ce qu’il avait déjà prédit en 1999. Une constance[10] !

Mohamed Louizi

[1] Rached Ghannouchi, Approches autour de la laïcité et de la société civile, Maghreb Center for Researches & Translation, Londres, 1999, 204 pages (en arabe).

[2] Lire ici un compte-rendu de sa visite officielle à Paris : http://www.jeuneafrique.com/336218/politique/tunisie-operation-seduction-rached-ghannouchi-a-paris/

[3] Ces dix approches sont, par ordre : 1)- Les libertés générales en islam ; 2)- Les droits de l’homme en islam ; 3)- Les fondements de la société civile en islam ; 4)- La notion de l’égalité entre la charia islamique et les conventions de l’Organisation des Nations Unies ; 5)- L’idée de la société civile entre l’Occident et l’islam ; 6)- La philosophie politique de l’islam ; 7)- La culture, l’autorité et les droits de l’homme ; 8)- Quelle modernité ?! ; 9)- « Un peuple au service de l’Etat » ou « un état au service du peuple » ? ; 10)- La laïcité nous est arrivée sur le dos d’un char et elle est restée sous sa protection.

[4] Lire le propos ici : http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/11/24/le-djihadisme-une-revolte-generationnelle-et-nihiliste_4815992_3232.html

[5] http://www.liberation.fr/debats/2016/03/14/radicalisations-et-islamophobie-le-roi-est-nu_1439535

[6] Rached Ghannouchi, Approches autour de la laïcité et de la société civile, Maghreb Center for Researches & Translation, Londres, 1999, p.191-194 (en arabe).

[7] Lire par exemple cet article du quotidien Le Monde : http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/05/19/rached-ghannouchi-il-n-y-a-plus-de-justification-a-l-islam-politique-en-tunisie_4921910_3212.html

[8] Lire en arabe et écouter l’extrait de sa déclaration ici : http://www.mosaiquefm.net/ar الغنوشي-لا-يمكن-أن-نكف-ر-الدواعش-وهكذا-اصف-واقعهم/34321/ أخبار-سياسة-تونس.html

[9] Lire en français ici : http://www.dreuz.info/2016/10/18/le-chef-des-freres-musulmans-tunisiens-prend-la-defense-religieuse-de-letat-islamique/

[10] Lire ici le décryptage de la stratégie de communication de Rached Ghannouchi et de son parti Ennahda, par le directeur de rédaction du journal Le Maghreb : http://mlouizi.unblog.fr/2016/07/01/la-democratie-tunisienne-et-le-defi-islamiste/

LE CONSEIL CENTRAL ISLAMIQUE SUISSE DANS LA TOURMENTE

Le Conseil Central Islamique Suisse dans la tourmente

05.08.2016La rédaction

Selon la Tribune de Genève, la police suisse a découvert chez Abdullah C, jeune converti à l’islam de 31 ans résidant à Arlesheim, plusieurs produits chimiques destinés à la fabrication de bombes. Abdullah C., a participé à la création du Conseil Central Islamique Suisse (CCIS), où il a été responsable de l’information jusqu’en 2010. Il est toujours membre du CCIS, et est décrit comme un proche du sulfureux président du CCIS, Nicolas Blancho. Il affirme que phosphore rouge retrouvé à son domicile était destiné à des « expérimentations scientifiques », et que sa « sympathie envers l’EI diminue de plus en plus». Face à la polémique, le CCIS dit «suspendre ses activités de membre actif et passif », tout en l’invitant à la prochaine assemblée générale pour « s’expliquer ». Abdullah C. avait affirmé en novembre 2015 que « la France l’avait bien mérité ».

Le CCIS est déjà sous le coup de poursuites par le Ministère Public de la Confédération suisse pour des vidéos de son communicant Naim Cherni, qui mettent en scène un leader de l’organisation terroriste Jaysh al-Fath, ou encore des responsables d’Ahrar al-Sham en 2013, toutes deux proches de Jabhat al-Nosra (Front Al Nosra) et d’Al Qaïda. Le responsable des relations publiques du CCIS, Qaasim Illi, a été condamné en 2005 pour détention d’images pornographiques, violation de la loi sur les armes et discrimination « raciale » envers les Juifs. En 2015, il rend hommage à Majd N, un dihadiste ayant rejoint les Shebab en Somalie.

Très actif sur les réseaux sociaux, les responsables du CCIS pratiquent également un fervent prosélytisme avec des stands sur la voie publique. Invité sur des chaînes TV comme Al Jazeera, ou dans des conférences enregistrées sur son site internet izrs.ch, le président Nicolas Blancho se prononce souvent sur le thème controversé de l’ « islamophobie ».

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D’obédience neo-salafiste, le CCIS invite régulièrement des orateurs proches de Frères musulmans comme Hani Ramadan, directeur du Centre Islamique de Genève, qui participe à la Conférence Annuelle de 2013, et qui invite les musulmans à se rendre à cet événement dans une vidéo. Ali Al-Qaradaghi, membre de l’International Union of Muslim Scholars du guide frériste Youssef Qaradawi, était également orateur lors de cette conférence.

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En 2014, le CCIS est présent aux manifestations de Bern et de Zurich en soutien aux Frères musulmans égyptiens et à Mohamed Morsi. Nicolas Blancho est présent à la tribune, où il s’adresse en soutien à ses « frères égyptiens » aux cotés des symboles de la Rabia, et des portraits du maréchal al-Sissi piétinés.

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La secrétaire générale du CCIS, Ferah Ulucay, était présente à la tribune du World Hijab Day de Francfort en 2015, où elle appelle toutes les musulmanes à se voiler. Elle a créé en juin 2015 un hotline pour les « jeunes en cours de radicalisation », dont elle a assuré la promotion dans de nombreuses écoles alémaniques.

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L’enquête pénale suite à la découverte des produits explosifs est en cours.

Mise à jour : 21/09/17 : Trois dirigeants du Conseil central islamique suisse, Nicolas Blancho, Naim Cherni et Qaasim Illi ont été inculpés pour propagande et réalisation de vidéos sur Al-Qaïda en Syrie. Qaasim Illi se défend en accusant une « vague islamophobe ». 

Carla ParisiNews

INSTITUT INTERNATIONAL DE LA PENSÉE ISLAMIQUE

Institut international de la pensée islamique

02.08.2016La rédaction

L’Institut international de la pensée islamique, IIT en anglais, a été créé en 1977 lors de la conférence islamiste à Lugano, Suisse. Les organisateurs étaient membres de la confrérie égyptienne : Jamal Barzinji, Dr Hisham Yahya Altalib, Dr Abdul Hamid Ahmad Abu Sulayman. Youssef al-Qaradawi participait à cette conférence tout comme Youssef Nada, banquier de la confrérie.

L’Institut s’est installé aux États-Unis en 1981. Le siège de l’Institut est situé à Herndon, en Virginie, dans la banlieue de Washington DC. L’Institut est dirigé par un conseil d’administration qui se réunit régulièrement et élit périodiquement un de ses membres pour servir en tant que président.

L’organisation publie les traductions de  Yousef al-Qaradawi.

Les Frères musulmans ont par la suite confirmé que l’Institut international de la pensée islamique était l’une de ses organisations : ICI

Tête de pont des intellectuels intégristes

Jamal Barzinji a été vice-président IIIT pour la recherche et des publications. Il est identifié par les autorités américaines comme l’un des leaders des Frères musulmans aux États-Unis. En 2003, sa maison a été perquisitionnée à cause de ses liens avec le Jihad islamique palestinien et aussi avec le Hamas.

Tarik Hamdi, employé par IIIT a fourni du matériel à Oussama Ben Laden, selon un ancien fonctionnaire américain du Département du Trésor en 2002.

« Tarik Hamdi, un employé de l’IIIT, a personnellement fourni Ben Laden avec une batterie pour son téléphone par satellite. Un téléphone décrit comme« la téléphone de Ben Laden  utilisé pour mener à biens guerre contre les Etats Unis. «  » * (Sénat américain )

Bashir Musa Nafi, fondateur du Jihad Islamique Palestinien, ancien employé a été expulsé des États-Unis en 1996 pour fraude d’immigration et interdit pendant 5 ans.

« Les deux SAAR (Sheikh SuleimanAbdel Aziz al-Rajh) et IIIT sont également soupçonnés de financer le Hamas et le Jihad islamique palestinien (JIP), y compris (WISE) et le Comité islamique pour la Palestine (ICP), fronts JIP depuis fermé en Floride « . ** (Sénat USA)

Le co-fondateur et directeur des finances Hisham Al-Talib a travaillé pour Al-Taqwa Bank géré par membre des Frères musulmans Youssef Nada. Il est un Frère musulman Irakien.

 Ishaq Farhan du Front d’action islamique (parti politique jordanienne des Frères musulmans) était un fonctionnaire de IIIT 2005-2007.

Visiteurs de prestige

• S.E. Pehin Dato Mohammad Yasmin Umar, ministre de l’Énergie, Brunei est venu à l’IIIT le 7 Juin, 2014.

• Rachid Ghannouchi, co-fondateur du Mouvement En-Nahda, la Tunisie, est venu à l’IIIT le mercredi 26 Février 2014.

• M. Saadine El Othman, un ancien ministre des Affaires étrangères du Maroc, actuellement président du parti de la justice et du développement,est venu à l’IIIT le lundi 3 Février, 2014

• Le 24 Septembre 2012 Dr. Hisham Altalib et le Dr Abubaker Al Shingieti – IIIT, ont rencontré le Président Mohamad Mursi d’Egypte à New York dans le cadre d’une rencontre interreligieuse. Le Président Morsi a salué la participation de l’IIIT dans la réforme de « l’enseignement supérieur en Egypte ».

• En avril 2005, la sénatrice francaise Bariza Khiari s’est rendue au siège de l’IIIT en compagnie de Nadia Bourdi, maire-adjointe de Saint Etienne et Franck Fregosi, chercheur à Strasbourg. Le mois suivant, Olivier Roy y fera une conférence. ICI

Réseau

• Les succursales et bureaux ont également été mis en place dans un certain nombre de capitales du monde entier dans le but de mener à bien les activités et les programmes de l’Institut. L’Institut international de la pensée islamique a des bureaux en France, en Egypte, la Jordanie, le Pakistan, l’Arabie Saoudite, la Bosnie, le Liban, l’Indonésie, le Maroc, le Nigeria, l’Inde, le Bangladesh, le Brunei et le Royaume-Uni.

• L’Université de Georgetown présente l’IIIT comme un centre régulier, sans mentionner ses liens problématiques.

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GUERRES D’INFLUENCES ISLAMISTES À CUBA

Guerres d'influences islamistes à Cuba

Guerres d’influences islamistes à Cuba

12.05.2016Carla Parisi

La plus célèbre des îles communistes, qui n’a pas hésité à emprisonner plusieurs centaines d’ecclésiastiques après sa révolution de 1959 avant de théoriquement « garantir la liberté religieuse » dans sa Constitution, doit faire face à un nouveau défi. Certes, les musulmans pratiquants sont ultra-minoritaires mais leur nombre est en évolution depuis une dizaine d’années. L’organisation du culte islamique cubain ainsi que la construction de mosquées sur l’île font l’objet de convoitises étrangères. Entre prosélytisme wahhabite, intérêts iraniens et manœuvres d’Erdogan, les musulmans cubains se retrouvent pris en étau, au profit des réseaux islamistes.

La population musulmane de Cuba est estimée entre 1 500 et 10 000 personnes dont une très large majorité de convertis. Les non-convertis sont pour la plupart des étudiants pakistanais, en échange scolaire avec des universités cubaines. Il existe environ 20 000 personnes susceptibles d’être reconvertis. Leurs ancêtres originaires du Levant, ont émigré à Cuba à la fin du XIXème siècle

Acte 1 : le prosélytisme de la Ligue Islamique Mondiale

Une des premières connexions sur le sol cubain entre les musulmans cubains et l’islam politique a lieu en mai 2001. Le Cheikh Mohamed Ibn Nasser Al-Aboudi, représentant du Secrétaire Général de la Ligue Islamique Mondiale, est alors en visite à Cuba. Le but du déplacement est de négocier la gestion de l’ « islam cubain », c’est à dire de placer la création de mosquées ou d’associations religieuses musulmanes sous la tutelle de la Ligue Islamique Mondiale.

La Ligue Islamique Mondiale aussi appelée Rabita ou Muslim World League, a été fondée en 1962 à La Mecque. Pour ses promoteurs, dont le plus connu est Saïd Ramadan qui a participé à la rédaction des statuts de la Ligue, il s’agissait de réislamiser et de politiser les sociétés modernes. La Ligue sera placée sous les auspices du prince Faycal d’Arabie pour promouvoir un islam conservateur et politique, en opposition féroce à la modernité, au panarabisme, ou au communisme. Elle se compose d’un comité exécutif de 53 membres originaires de l’ensemble des pays musulmans, qui se réunit une fois par an à Jeddah. Les associations européennes de la Ligue sont coordonnées depuis Londres. Présentes dans près de 120 pays, la Ligue Islamique Mondiale contrôle une cinquantaine de mosquées, dont celle de Mantes La Jolie, Bruxelles, Genève, Copenhague ou encore Rome.

Les activités de la Ligue sont, au départ, fortement influencées par l’idéologie des Frères musulmans. L’Arabie Saoudite a accueilli dans les années 1950 de nombreux Frères formés et expérimentés fuyant la répression nassérienne envers la confrérie en Egypte. La Ligue Islamique Mondiale a financé la création de plusieurs Centres islamiques dont le Centre Islamique de Genève, avec à sa tête le Frère musulman Saïd Ramadan, gendre d’Hassan Al-Banna (fondateur des Frères musulmans) et père de Tariq et Hani Ramadan. Les relations de Ligue et de la famille Ramadan se sont distendues au cours des années.

La mosquée de Genève est, elle, restée dans le giron de la Ligue Islamique Mondiale. En 2015, deux de ses fidèles sont partis rejoindre l’Etat Islamique. La Tribune de Genève a révélé que deux imams promus par la Ligue Islamique Mondiale faisaient l’objet de fiche S, dont un pour ses contacts avec Mohamed Merah. Les mosquées de la Ligue Islamique Mondiale ont, à l’instar des mosquées contrôlées par des associations fréristes, un caractère globalisant : les salles de prières côtoient des bibliothèques, des salles de conférences, des salles de cours ou encore de soutien scolaire. L’Islam n’est plus une spiritualité, mais une politique mêlée aux problématiques sociales, culturelles et politiques européennes. La Ligue Islamique Mondiale est également un des principaux mécènes de l’UOIF, partenariat renouvelé sous l’actuel secrétaire général de la Ligue, Muhsen Al-Turki, qui en cache pas ses sympathie avec la confrérie. En 2003, Al-Turki est reçu par Nicolas Sarkozy pour promouvoir les intérêts de la Ligue, alors que la France est en plein débat autour de la création du CFCM et l’intégration de l’UOIF au CFCM. Abdallah Basfar, le secrétaire de l’Organisation Internationale pour la Mémorisation du Saint Coran, émanation de la Ligue Islamique Mondiale se rend en 2013 au Rassemblement Annuel des Musulmans de France du Bourget, organisé par l’UOIF. Il s’y était déjà rendu en 2008, année où il avait légitimé devant le public parisien le fait de battre sa femme, avant de se faire interdire l’entrée sur le sol français en 2012. La Ligue Islamique Mondiale est régulièrement décriée pour ses liens avec le théologien de référence des Frères musulmans, Youssef al Qaradhawi. Al Qaradawi justifie les attentats-suicides contre les juifs et la peine de mort à l’encontre des homosexuels. Il était, avant d’être recherché par Interpol régulièrement invité au Centre Islamique de Kensington de Londres, mosquée appartenant à la Ligue Islamique Mondiale. Ironiquement, il condamne sans relâche la “laïcité marxiste (…) qui nie l’existence de Dieu”… Pourtant, ce type de déclaration ne semble pas froisser la susceptibilité de dirigeants se réclamant du marxisme.

La Ligue Islamique Mondiale jure n’avoir aucun rapport avec des mouvements terroristes. Cependant elle possède la tutelle de l’organisation de bienfaisance Islamic Relief, déclarée organisation terroriste aux Emirats Arabes Unis.

Brochure diffusée devant la Mosquée

Dans un premier temps le régime cubain refuse la proposition de financement saoudien de la Ligue Islamique Mondiale, car cela impliquerait d’autoriser également la création d’associations chrétiennes, ce que le régime a toujours refusé au nom du communisme. Le Cheikh insiste : une mosquée à Cuba prouverait la coopération de Cuba avec le monde musulman, au nom des pays Non-Alignés. Au siège de l’ONU, Cuba est l’un des membres les plus éminents du bloc des Non-Alignés, aux côtés d’autres pays d’Amérique du Sud, d’Afrique, du Moyen-Orient ou d’Asie. Imaginé en 1956, ce bloc a pour vocation initiale de refuser l’hégémonie des Etats-Unis et de l’URSS, malgré la proximité évidente de Cuba et de l’URSS. Petit-a-petit l’Organisation de la Coopération Islamique qui regroupe les « pays musulmans » à l’ONU, et less pays Non-Alignés se rejoignent. Par exemple, Cuba apporte son soutien à la résolution, proposée par l’OCI depuis les années 1990 jusqu’à son adoption en 2008, visant à introniser le concept de « diffamation des religions, en particulier la diffamation de l’Islam », faisant fi des failles évidentes en matières de libertés individuelles et religieuses sur le sol cubain.

Une alliance racontée dans plusieurs documents. [1]

Les alliances anti-occidentales et surtout anti-américaines semblent prioritaires. En 2007, Fidel Castro reconnaît donc finalement la Ligue Islamique de Cuba, qui comporte 200 membres, après une visite de la Turkey’s Humanitarian Aid Foundation, et promet finalement en 2008 qu’une première mosquée pourra être construite à Cuba.

Acte II : Et l’Iran ?

Pour ne pas froisser l’Iran chiite avec qui Cuba maintient de forts échanges économiques et technologiques depuis la chute de l’URSS, ainsi qu’une complicité dans le camp des Non-Alignés, Fidel Castro décide de ne pas financer cette mosquée avec l’argent saoudien, mais avec des fonds cubains. L’Iran et Cuba ont une vieille histoire de collaboration. Selon Mohammad-Reza Djalili et Clément Therme, dans les années 1980, l’alliance avec Cuba permet à l’Iran de sortir de son isolement diplomatique en Amérique latine*.

Les échanges entre Iran et Cuba sont divers, et concernent à la fois le textile, l’agriculture, la pétrochimie ou le secteur des transports. Pour palier à ses problèmes de circulation intra-nationaux, Cuba a fait appel en 2007 à la société iranienne Wagon Pars pour la mise en place de près de 750 wagons. Les échanges dans le domaine de la recherche médicale et pharmaceutique ont fait l’objet d’un accord signé par les deux pays. Pour avoir un ordre d’idée, le montant des échanges commerciaux entre Cuba et l’Iran a été multiplié par 9 entre 2006 et 2008. Ce commerce s’inscrit dans une coopération économique plus globale entre Cuba, l’Iran et le Venezuela d’Hugo Chavez, et qui concerne aussi l’industrie pétrolière et automobile. Cuba et le Venezuela sont d’ailleurs les seuls pays, avec la Syrie, à soutenir en 2006 le programme nucléaire iranien.

En visite à Téhéran en 2001, Fidel Castro affirmait : « l’Iran et Cuba, en coopérant l’un avec l’autre, peuvent mettre les Etats-Unis à genoux ». Cette amitié va jusqu’à présenter l’athée marxiste Che Guevara comme un héros croyant lors d’une conférence à Téhéran en 2007 pour célébrer son « martyr ». En 2008, l’ambassadeur du régime des Mollah dans l’île communiste enfonce le clou : « Cuba et l’Iran partagent des visions politiques communes dans l’arène internationale ». Mahmoud Ahmadinejad se rend à La Havane en janvier 2012 pour le 14ème sommet du mouvement des Non-Alignés. Fidel Castro en profite pour condamner la politique américaine, européenne et israélienne envers l’Iran. Radio Havane Cuba diffuse régulièrement les éléments de langage du régime iranien : on y apprend par exemple que les « deux pays sont victimes de la manipulation politique de la part des États-Unis et de l’Occident en ce qui concerne le thème migratoire ».

Acte III : le modèle Erdogan

La visite à la Havane du président turc Recep Tayyip Erdogan en février 2015 bouscule les projets saoudiens de construction de la première mosquée cubaine. En novembre 2014, il fait réagir de nombreux universitaires lors d’une conférence à Istanbul réunissant des leaders musulmans d’Amérique Latine. Erdogan déclare que les musulmans avaient « découvert » l’Amérique au XIIème siècle, et que « [Christophe] Colomb a mentionné l’existence d’une mosquée sur une colline de la côte cubaine » à son arrivée. Il s’agit en réalité d’un détournement d’une métaphore du journal du dominicain Bartolomé de la Casas, qui avait rapporté les paroles de Colomb sur les montagnes cubaines en ces termes : « l’une d’entre elles avait une petite colline au niveau de son sommet, comme une mosquée gracieuse ». S’inspirant de cette contre-vérité historique, Erdogan promet en novembre 2014 de bâtir une nouvelle mosquée : « Je souhaiterais en parler avec mes frères cubains ».

Lors de sa visite à la Havane, Erdogan propose alors à Castro de construire une mosquée d’une capacité de 500 personnes, sur le modèle de la mosquée Ortaköy d’Istanbul. Erdogan écarte la possibilité de s’allier au projet de la Ligue Islamique Mondiale : « Nous voulons créer une mosquée nous-mêmes. Nous ne voulons pas de partenaire ».

L’Arabie Saoudite, l’Iran et la Turquie ne sont pas les seules puissances étrangères à convoiter le leadership de l’Islam cubain. La Maison Arabe, dans le quartier historique, appartenait à un riche immigré d’origine arabe dans les années 1940. D’architecture andalouse, elle comporte maintenant un musée sur les traditions moyen-orientales et une salle de prière pour les diplomates musulmans, grâce au don de 40 000 dollars du Qatar. La Maison Arabe organise également de nombreuses conférences sur le conflit israélo-palestinien, avec en avril 2016 la participation du professeur Reinaldo Sanchez Porro, accusé de soutenir le Hamas, pour célébrer la 40ème journée de la Terre Palestinienne.

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La mosquée de La Havane ouvre finalement dans le centre historique en juin 2015. La devanture, ornée de quelques éléments architecturaux islamiques, est discrète. Au niveau de son entrée une exposition de photographies sur le pèlerinage de La Mecque est installée. En avril 2016, un stand devant la mosquée distribuait des livres et dépliants de la World Wide Association for Introducing Islam, branche de la Ligue Islamique Mondiale, chargée de la diffusion d’ouvrages prosélytes. Un homme explique à un passant les similitudes visuelles entre un embryon et un chewing-gum mâché, qui seraient appelés « mugdah » dans le Coran, en s’appuyant sur le dépliant « Una Breve Guia ilustrada para entender el Islam ».

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D’autres « miracles » du Coran sont également décrit. Enfin, un chapitre explique comment se convertir à l’Islam, la profession de foi, ainsi que les 5 piliers islamiques à suivre. Un dépliant intitulé « Los derechos de la mujer en el Islam », explique que les hommes sont « meilleurs » que les femmes pour « les mathématiques » ou encore « la domination », qu’ils sont responsables du « bien être financier » du foyer, alors que les femmes sont responsables du « bien-être émotionnel », insistant sur leur « complémentarité ». Un autre dépliant s’attarde sur « l’esprit islamique [en Andalousie, depuis l’an 711 et pendant 800 ans] qui a amené la lumière et la tolérance en Europe médiévale jusqu’à la Renaissance et l’ère moderne ».

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Ces guides de la Ligue Islamique Mondiale sont distribués localement par une association salafiste cubaine, la Jamma`ah Salafí de Cuba. Sur son site internet, elle revendique ses liens avec la Ligue et renvoie également à ses brochures. Elle déclare également que les chiites ne font pas partie de l’Islam, et célèbre des penseurs islamistes parmi les plus radicaux, comme Ibn Taymiyya qui légitime le recours au djihad armé. La Jamma`ah Salafí de Cuba rejète l’autre association musulmane de Cuba, la Liga Islamica de Cuba, qu’elle considère trop proche du Parti Communiste. C’est pourtant la Jamma`ah Salafí de Cuba qui distribue des dépliants prosélytes devant la mosquée de La Havane.

Carla Parisi 

Voir sur le sujet

 John Andrew Morrow, Religion and Revolution: Spiritual and Political Islām in Ernesto Cardenal, Cambridge scholars, 2012

Mohammad-Reza Djalili et Clément Therme, « L’Iran en Amérique latine : la République islamique dans le pré-carré des États-Unis », Maghreb – Machrek 2008/3 (N° 197)

[1] A propos de la collaboration entre Cuba et les pays de l’OCI :

Jean-Claude Buhrer et Claude Levenson, L’ONU contre les droits de l’homme, 2003, Mille et Une Nuits ;

C. Fourest, F. Venner « L’ONU au service de la lutte anti-blasphème », Charlie Blasphème, 2006 ;

Numéro spécial de Prochoix : Durban, l’ONU contre les droits de l’Homme, n°44, 2008 ;

Malka Marcovich Les Nations désUnies. Comment l’ONU enterre les droits de l’Homme, Mouton Duvernet, 2008 ;

Caroline Fourest et Fiammetta Venner, la Bataille des Droits de l’Homme, 2009, Doc en Stok/Arte ;

Jeanne Favret Saada, Jeux d’ombres sur la scène de l’ONU : Droits humains et laïcité, L’Olivier, 2009.

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