« Bandung du Nord » : nouveau colloque indigéniste et islamiste à Saint Denis

« Bandung du Nord » : nouveau colloque indigéniste et islamiste à Saint Denis

« Bandung du Nord » : nouveau colloque indigéniste et islamiste à Saint Denis

24.04.2018 La rédaction

Du 4 au 6 mai 2018 se tiendra à la Bourse du Travail de Saint-Denis (93) une conférence organisée par le « Réseau Décolonial International », intitulée « Bandung du Nord, vers une Internationale Décoloniale ». Elle réunit pour une nouvelle fois dans ce lieu les mouvances indigéniste et islamiste (tendance Frères musulmans et Hezbollah), accompagnées de quelques têtes d’affiche internationales comme Angela Davis.

Le colloque veut s’inscrire dans l’esprit de la conférence de Bandung de 1955, qui a marqué l’entrée des pays décolonisés du Tiers-Monde dans la scène internationale, et ambitionne de sceller « une alliance politique entre les mouvements décoloniaux d’Occident ». Qui seraient les nouveaux Nasser, Nehru, ou encore Soekarno présents en 2018 à la Bourse du Travail de Saint-Denis ?

Voici les intervenants annoncés :

  • Elie Domota, porte-parole du parti politique guadeloupéen LKP. En février dernier, il rencontre le militant suprématiste noir Kémi Seba, leader de la milice Tribu Ka dissoute en 2006 pour son antisémitisme. Kemi Seba évoque alors sur son compte facebook un « coup de foudre affectif » avec Elie Domota.
  • Houria Bouteldja, membre fondatrice du PIR. Une obsession « antisioniste » la poussera à écrire en 2015 que « Les juifs sont les boucliers, les tirailleurs de la politique impérialiste française et de sa politique islamophobe ». Dans son dernier ouvrage, « Les Blancs, les Juifs et nous », elle se distingue par des propos antiféministes et essentialistes : « J’en viens à préférer les bons gros machos qui s’assument. Je vous le dis mes sœurs, il faut trancher dans le vif. Quand les hommes de chez nous se réforment sur injonction des Blancs, ce n’est pas bon pour nous. Parce qu’en fait, ils ne se réforment pas. Ils font semblant. », ou encore homophobes : « Il n’y a pas d’homosexuels en Iran.” C’est Ahmadinejad qui parle. Cette réplique m’a percé le cerveau. Je l’encadre et je l’admire. (…) Ahmadinejad, mon héros ».
  • Nacira Guénif, sociologue et enseignante à l’Université Paris 8. Lors du procès de George Bensoussan, elle affirme en qualité de témoin que « espèce de juif » n’est pas une insulte.
  • Stella Magliani-Belkacem, éditrice aux éditions La Fabrique. En 2013, elle créé la polémique en affirmant dans son livre « Les féministes blanches et l’empire » que « l’homosexualité, comme identité » est « une notion » occidentale qui n’est pas adaptée au monde arabo-musulman et africain. Par « analogie », l’homosexualité ne serait pas non plus une « notion » adaptée aux habitants des « quartiers populaires ». Elle dénonce alors un prétendu « impérialisme gay », alors même que les rapports des associations anti-homophobie dans les quartiers populaires sont alarmants.
  • Arzu Merali, cofondatrice de l’Islamic Human Rights Commission (IHRC). Reconnue comme un promoteur du khomeinisme iranien en Angleterre et en Europe, cette commission a fait campagne pour la libération du cheikh Omar Abdel Rahmane, condamné pour son rôle dans les attentats du World Trade Center en 1993. A la mort du Cheikh en février 2017, l’IHRC publie une lettre de condoléances intitulée « Le monde a perdu un homme de principes et de foi inébranlable ». Deux mois après les attentats de Charlie Hebdo qui ont décimé une conférence de rédaction, l’IHRC délivre au journal satirique le « prix de l’islamophobe de l’année ».
  • Hatem Bazian, enseignant à l’Université de Berkeley sur la théologie islamique et militant pro-palestinien. En 2017, il doit s’excuser après que l’Université de Berkeley ait condamné plusieurs de ses retweets de dessins antisémites sur le réseau social Twitter.
  • Amal Bentounsi, fondatrice du collectif « Urgence notre police assassine ». En 2015, le collectif est au cœur d’une polémique après avoir affirmé sur son compte Facebook : « nous refusons de nous positionner sur la question de l’homosexualité d’une manière ou d’une autre (….) on ne peut pas en vouloir à un croyant d’être homophobe si sa religion l’est ».
  • Ramon Grosfoguel, enseignant à l’Université de Berkeley, et militant pour une « décolonisation » de l’universalisme.
  • Muntadhar al-Zaidi, journaliste irakien rendu célèbre en 2008 après avoir lancé ses chaussures sur le président américain George W. Bush.
  • Norman Ajari, enseignant à l’Université de Toulouse et membre du PIR.
  • Azzedine Badis, militant toulousain pro-palestinien et anti- « islamophobie ».
  • Hourya Bentouhami, maître de conférence à l’Université de Toulouse en philosophie politique sur l’apport des théories post-coloniales.
  • Redouane Ikil, membre du collectif « Justice pour Redouane Ikil ».
  • Andre-Yanne Parent, élue dans plusieurs commissions d’organismes autochtones au Canada.
  • Michèle Sibony, membre de l’Union Juive Française pour la paix (UJFP), compagnon de route du PIR.
  • Françoise Vergès, intervenante régulière aux côtés du PIR, présidente du Comité nationale pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage.

Il s’agit au final de réunir pour une nouvelle fois la même nébuleuse associative et militante « décoloniale » à la Bourse du Travail de Saint-Denis. Mise à part la présence de quelques personnalités étrangères, dont la présence sert à attirer un public plus large, souvent peu informé, il n’y a pas de renouvellement des intervenants. Notons que le milieu universitaire est très représenté : environ un tiers des intervenants en sont issus (enseignants, chercheurs, chargés de cours…). Au-delà des militants décoloniaux et indigénistes, plusieurs alliés issus de deux grandes mouvances de l’Islam politique sont présents. La tendance issue des Frères musulmans se retrouve avec des participants tels que Ismahane Chouder ou le CCIF, tandis que la tendance islamiste chiite se retrouve avec la présence de l’IHRC, qui promeut ouvertement le Hezbollah (organisation classée terroriste par l’Union Européenne).

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L’ANTIRACISME SELON ISMAHANE CHOUDER : ANTI-CHARLIE, ANTI-MARIAGE HOMO ET ANTI-IVG

L'antiracisme selon Ismahane Chouder : anti-Charlie, anti-mariage homo et anti-IVG

L’antiracisme selon Ismahane Chouder : anti-Charlie, anti-mariage homo et anti-IVG

24.11.2017La rédaction

Il faut se frotter les yeux pour y croire. Dans une appel publié par Libération, une petite liste de communautaristes (en vérité toujours les mêmes) s’auto-proclament donc « représentants de l’antiracisme » et s’en prennent aux antiracistes universalistes, qu’ils amalgament joyeusement avec la fachosphère. A les en croire, l’Affaire Ramadan ne servirait qu’à libérer l' »islamophobie ». Mieux, Jean-Luc Mélenchon aurait rejoint ce complot facho-vallso-laïque en osant lui aussi accuser Houria Bouteldja d' »antisémitisme ». Antisémitisme qu’ils nient absolument…

Trouver les noms d’Eric Fassin et de Christine Delphy aux côtés de Nacira Guénif (sociologue des Indigènes de la République) ne surprendra que les naïfs n’ayant pas suivi leur longue et tragique dérive… Comme si ce n’était pas assez, ils signent ce texte visant à interdire la critique de l’islamisme au nom de l’antiracisme aux côtés d’Ismahane Chouder, dont on ne voit décidément en quoi consiste son engagement antiraciste.

Animatrice de Participation et Spiritualité Musulmane (PSM) et intervenante vedette de Lallab, elle se bat surtout pour le voile, contre le mariage homosexuel aux côtés de la Manif pour tous, contre l’IVG aux côtés d’Alliance Vita et bien sûr contre Charlie Hebdo aux côtés des Indigènes de la République.

Ismahane Chouder sur les pas du Cheikh Yassine et de sa fille Nadia Yassine

Ismahane Chouder est sans doute une des plus actives porte-voix du mouvement islamiste marocain Al Adl Wal Ihsane. Ce mouvement a été fondé et guidé par le Cheikh Abdessalam Yassine. Sa fille Nadia Yassine est par la suite devenue porte parole du mouvement. Passée par le bouddhisme, différentes confréries soufies, Ismahane Chouder découvre le mouvement de cheikh Yassine en 2000. Un coup de foudre et une passion jamais éteinte depuis: « Ce maître spirituel me meut chaque jour davantage » dit-elle. Ismahane Chouder ne s’économise pas pour son maître.

Elle multiplie les interventions publiques… et les casquettes : coprésidente du Collectif Féministes Pour l’Égalité (CFPE), secrétaire générale de la Commission Islam et Laïcité, membre du collectif Une école pour tou-te-s, membre fondatrice du collectif Mamans Toutes Égales (MTE). Une tactique proche de l’entrisme qui lui permet d’intervenir sur les sujets les plus variés : féminisme, école, laïcité, voile, racisme, banlieues…

En mars 2015, Ismahane Chouder représente PSM à la Bourse du Travail de Saint-Denis à une conférence « contre l’islamophobie et le climat de guerre sécuritaire », au côté du PCF, du NPA, des Frères musulmans (de l’UOIF à Présence Musulmane)… A gauche, le rassemblement fait grincer des dents. Le Parti de Gauche ne participera pas, pas plus qu’EELV, plus divisé sur le sujet, qui se retire finalement. Ismahane Chouder apparaît régulièrement dans les débats avec des groupes racialistes post-coloniaux (Les Indigènes de la République, les Indivisibles de Rokhaya Diallo…), Pierre Tévanian et Malika Latrèche, avec qui elle publie Les Filles voilées parlent… ou donnant la réplique à Emmanuel Todd à Saint-Denis, le 26 juin 2015, avec tous les « anti Charlie ».

Main dans la main avec Alliance Vita

Ismahane Chouder se lie même avec les intégristes catholiques d’Alliance Vita avec lesquels son association a effectivement bien des points communs : avortement, gender, euthanasie, recherches sur l’embryon… Entre les deux organisations, c’est l’accord parfait sur tous les sujets ! PSM participe d’ailleurs aux Universités d’été d’Alliance Vita du 30 août au 1 septembre 2013, à Écully, près de Lyon. Participation et Spiritualité Musulmanes y présente, lors d’une séance plénière, son projet éducatif, son organisation et le « point de vue des musulmans sur le thème de la défense de la vie », (c’est bien le point de vue DES musulmans que l’association prétend ici représenter). Des deux côtés, on se réjouit de cette rencontre. Tugdual Derville, co-fondateur d’Alliance Vita, la qualifie même d’« historique ». PSM se retrouvera encore la même année aux côtés de l’association intégriste, dans des manifestations homophobes dénonçant les « dangers du mariage pour tous ».

En octobre 2015, elle est l’une des porte-paroles de la Marche de la Dignité, rassemblant tous les identitaires racialistes, post-coloniaux, du Parti des Indigènes de la République, aux afro-féministes du Mwasi, avec comme un des mots d’ordre : la lutte des races ! PSM se fait largement l’écho de cette Marche.

Pour rappel, celle qui tient la banderole juste à ses côtés, Houria Bouteldja que défend le texte de ces soit-disant « représentants de l’antiracisme », a écrit un pamphlet bourré d’allusions antisémites : Les Blancs, les Juifs et nous. Un livre encensé par Radio Courtoisie. Il invite notamment les « racisées » à ne pas se plaindre si elle se font violées par un « racisé » pour ne pas faire le jeu des « islamophobes ». Une consigne qui ne devrait pas déplaire à Tariq Ramadan.

Camille Rigault avec l’aide de Yann Barte

Les premiers signataires :

SIGNATAIRES : Bams, artiste, militante antiraciste; Ludivine Bantigny, historienne; Maxime Benatouil , membre de l’Union juive française pour la paix; Judith Bernard, metteure en scène, enseignante et journaliste; Daniel Blondet , militant syndicaliste, anti-impérialiste; Alima Boumediene, avocate, association Femmes plurielles; Rony Brauman, enseignant, essayiste; Déborah Cohen, historienne; Ismahane Chouder, coprésidente du Collectif des féministes pour l’égalité; Thomas Coutrot, économiste; Christine Delphy, sociologue et féministe; Eva Doumbia, metteure en scène, autrice, membre du collectif Décoloniser les arts; Annie Ernaux, écrivaine; Eric Fassin, sociologue; Bernard Friot, économiste et sociologue; Sylvain George, cinéaste; François Gèze, éditeur; Nacira Guénif, sociologue; Michelle Guerci, journaliste; Eric Hazan, éditeur; Nicolas Klotz, cinéaste; Stathis Kouvelakis, philosophe; Thierry Labica, enseignant-chercheur; Olivier Le Cour Grandmaison, universitaire; Laurent Lévy, essayiste, militant antiraciste; Philippe Marlière, politiste; Gustave Massiah, économiste; Olivier Neveux, universitaire; Dimitri Nicolaïdis, enseignant école européenne de Bruxelles; Ugo Palheta, sociologue; Elisabeth Perceval , cinéaste; Nathalie Quintane, écrivaine; Lluis Sala Molins, philosophe et essayiste; Catherine Samary, économiste altermondialiste; Michèle Sibony, membre de l’Union juive française pour la paix; Julien Théry, historien; Rémy Toulouse, éditeur; Françoise Vergès, féministe antiraciste et Bernard Stiegler, philosophe.News

COLLOQUE SUR L' »ISLAMOPHOBIE » À LYON 2 ANNULÉ : UN PROBLÈME DE « CADRAGE » SCIENTIFIQUE ?

Colloque sur l'"islamophobie" à Lyon 2 annulé : un problème de "cadrage" scientifique ?

Colloque sur l’”islamophobie” à Lyon 2 annulé : un problème de “cadrage” scientifique ?

12.10.2017Carla Parisi

Le colloque anti-« islamophobie d’état, intitulé « Lutter contre l’islamophobie, un enjeu d’égalité ? » qui devait se tenir à l’université Lyon 2 le 14 octobre 2017 a t-il été annulé définitivement ou repoussé ?

Ce colloque était mis en place par la chaire “Egalité, inégalités, Discriminations” en partenariat avec l’Institut supérieur d’étude des religions et de la laïcité (ISERL).

La polémique autour du colloque a enflé sur les réseaux sociaux après l’annonce de ses participants, et notamment lorsque des militants laïques ont découvert qu’il y serait lu un texte préparé par Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la Laïcité. Aux côtés de quelques universitaires tels que François Burgat et Djaouida Sehili, ou d’avocat comme Gilles Devers, on retrouvait de nombreux militants associatifs habituels.

Pour n’en citer que quelques uns, nous retrouvons Khalid El Khadiri, trésorier de Participation et Spiritualité Musulmane (PSM), qui se réjouissait de sa participation à l’université d’Alliance Vita sous le thème « musulmans et chrétiens pour la défense de la vie ». PSM se fait le relai sur son site internet de Tariq Ramadan et du parti islamiste marocain Al Adl Wal Ihsane. Ismahane Chouder, membre de PSM et du Collectif Féministe pour l’Egalité est aussi présente.

Abdelaziz Chaambi, président de la Coordination contre le Racisme et l’Islamophobie (CRI) et cofondateur des Indigènes de la République, était également annoncé. Il y a quelques années, il comparait le Hamas à Jean Moulin, tout en soutenant le Hezbollah. Lors de l’affaire Salman Rushdie, il avait appelé à l’interdiction de son « livre qui insulte l’Islam« . Opposé au mariage pour tous, qu’il compare à l’inceste et à la pédophilie, il avait appelé à se rendre à la Manif Pour Tous. Aux dernières élections législatives françaises, il soutient des candidats du parti islamiste turc PEJ. Jamila Farah, responsable CRI, candidate PEJ aux élections, est également présente.

Souhail Chichah, connu pour avoir appelé à la « lapidation » de Caroline Fourest avant d’avoir saboté sa conférence à l’Université Libre de Bruxelles en organisant une « Burqa Pride », obligeant les organisateurs à annuler la conférence, devait être présent. Il a reçu une « Quenelle d’Or » de Dieudonné, avant de se brouiller avec lui, mais a toujours le soutien du PIR.

Et bien sur, le CCIF n’était pas en reste avec la présence de Yasser Louati, son ancien porte-parole, ainsi que Lila Charef, directrice exécutive du CCIF. Lorsque le CCIF a appris l’annulation du colloque, il a déposé référé-liberté pour obtenir la suspension de la décision de l’Université Lyon 2 « au motif qu’elle portait une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d’expression et sa liberté de réunion ». Le juge des référés a rejeté la demande du CCIF le 9 octobre 2017.

Ce mercredi 12 octobre 2017, la présidente de l’Université Lyon 2, Nathalie Dompnier, s’est exprimée pour préciser les causes de l’annulation décidée par l’équipe de la Présidence de l’Université. Elle a reconnu que la Présidence avait du reprendre la main sur le colloque car le cadre universitaire impliquant une démarche scientifique n’était pas respecté : »un colloque universitaire suppose un certain cadre. On s’est d’abord posé la question d’amender le programme dans le sens d’un colloque de recherche. Mais c’était trop tard. On a préféré annulé ».

S’agissant des intervenants, sans rentrer dans les détails, la présidente a rappelé qu' »ils doivent être sélectionnés après un appel à communication, comme dans tout colloque ». Au delà du profil de ces militants associatifs, leur nombre important ici, et le fait qu’ils soient issus de la même nébuleuse semble être problématique. Nathalie Dompnier précise : « le colloque était porté en partie par des associations, sous la responsabilité de l’université. Ce n’est pas possible ».

Enfin, même si Nathalie Dompnier ne se prononce pas spécifiquement sur certains propos problématiques qu’ont pu tenir ces militants, elle s’interroge sur l’utilisation du terme « islamophobie » : « il faudra reposer la question de l’utilisation du terme d’« islamophobie ». Dans une démarche scientifique, il faut toujours se poser la question des catégories que l’on emploie ».

Ni annulé définitivement, ni repoussé officiellement, ce colloque aura démontré qu’il existe une volonté de la part des soutiens de l’islamisme d’investir le terrain universitaire, mais aussi une importante vigilance laïque sur le sujet.

Carla Parisi