AMAR LASFAR : LE DÉNI

Amar Lasfar : le déni

11.02.2015 Mohamed Louizi

J’écris ces lignes et je formule ces interrogations, qui me paraissent nécessaires, car vitales, après avoir vu hier soir, au journal régional 19/20 du Nord Pas-de-Calais sur « France 3 »[1], un reportage sur le lycée de l’UOIF – baptisé grossièrement « Lycée Averroès » – donnant la parole à une élève, au directeur-adjoint, Monsieur Eric DUFOUR, et au président de l’UOIF, Monsieur Amar LASFAR, suite aux accusations portées par Monsieur Soufiane ZITOUNI, professeur de philosophie démissionnaire depuis trois semaines, à l’endroit de ce lycée et de ses dirigeants et publiées le vendredi 6 févier dernier dans le journal Libération, sous l’intitulé : « Pourquoi j’ai démissionné du lycée Averroès »[2].

J’ai trouvé que l’élève Sarah, élève en terminale L, se présentant ostensiblement sans voile devant la caméra, exprimait une indignation légitime face au contenu de l’article de son ex-professeur de philosophie.  Elle s’est défendue de tout antisémitisme. Elle a exprimé les cadres de ses échanges avec monsieur Zitouni au sujet des attentats de Charlie Hebdo. Elle s’est exprimée à sa manière, avec ses mots, et a relaté le contenu d’un ancien échange pour le moins étrange. Selon ses dires, celui-ci l’aurait traité de « malade mentale » et « qu’elle devait se faire soigner » … Ce sont ses paroles. Si c’est vrai, c’est naturellement condamnable et même grave venant de la bouche d’un professeur. Mais si c’est faut, elle en assumera seule la responsabilité.

Le témoignage du directeur-adjoint était très digne, très à la hauteur de ses fonctions et s’inscrivant dans une démarche pédagogique respectable. Son article, intitulé : « Pourquoi je suis engagé au lycée Averroès »[3] en témoigne sobrement. Un témoignage intéressant à lire. Néanmoins, son auteur, se tenant sur la défensive, exprime aussi le point de vue de la direction et ne répond pas sur le fond. Je ne crois pas que Zitouni a mis en cause la légitimité du lycée ou le sérieux de nombreux professeurs qui y travaillent. Ce n’est pas ce que j’ai lu en tout cas dans ses deux articles.

Maintenant libre à chacun de se défendre comme il peut. Zitouni témoigne, dénonce subjectivement une ambiance et exprime, avec beaucoup d’audace, un ressenti, de nombreux comportements insoutenables et surtout il met en perspective un jeu pernicieux et malin de la direction, la vraie direction, celle que j’ai connue auparavant et que le directeur-adjoint ne connaîtra jamais assez de là où il se situe aujourd’hui. Cette direction de l’ombre n’hésitera pas à le remercier, si besoin est, si elle sent qu’elle n’est plus maîtresse du temps, du projet et de l’espace. Je rappelle qu’il y avait une directrice bien avant lui, qui est partie sans faire de bruit et qui était traitée, disait-elle, telle une plante verte dans un décor sagement pensé et mis en place !

Quant au président de l’UOIF, il était juste, et comme d’habitude, l’égal de lui-même, ni plus ni moins. Certes, il est aussi en droit de se défendre. Il est en droit de s’exprimer librement. Il est en droit d’user d’un temps d’antenne pour apporter la contradiction ainsi que sa version des faits. Mais il n’a pas le droit d’être dans le déni permanent et dans le mensonge, ni face cachée, ni face caméra. Mais qu’est-ce que ce monsieur n’a-t-il pas dit ?! Il a dit simplement – sourire aux lèvres – que l’UOIF n’a aucun lien avec les « Frères Musulmans ». Mais de qui se moque-t-on ? Comment peut-il dormir l’esprit tranquille, après avoir confirmé ceci, lui et les cavaliers de sa minorité ?

Amar Lasfar

Amar LASFAR a dit, face caméra, les yeux dans les yeux, que l’UOIF n’a aucune espèce de lien avec les « Frères Musulmans ». Non, vous l’avez compris, strictement aucun. Il a dit, les yeux dans les yeux, qu’il se reconnaît pas dans ce courant de pensée et qu’il n’y adhère pas. Monsieur LASFAR ne peut pas dire une telle contre-vérité. C’est un mensonge. Ce n’est pas digne d’un imam. Ce n’est pas digne d’un recteur. Ce n’est pas digne d’un héritier autoproclamé de la prophétie et du message du prophète Mohammed qui était, de son vivant, surnommé le « véridique » et « l’authentique ».

Monsieur LASFAR passe à côté de la vérité, de sa vérité, et de l’authenticité, son authenticité. Monsieur LASFAR n’est pas en droit de proférer de telles affabulations. Il ne peut pas nier l’évidence. Il doit au contraire avoir le courage et la pudeur d’être vrai, de dire vrai et d’assumer un devoir d’exemplarité car il est « imam », qui guide la prière tous les vendredis, avant et après tout !

Oui, monsieur LASFAR, en niant tout lien de l’UOIF avec les « Frères Musulmans », en particulier, et avec l’islamisme dénoncé par l’ex-professeur du lycée en général, fait preuve d’une ignominie insupportable. Surtout, de là où il parle. Il le sait : La parole est un témoignage d’une responsabilité. Il l’apprend aux autres, aux fidèles, aux petits, aux jeunes, aux adultes, tous les vendredis : Peut-il simplement en assumer l’exemple ?

Comment peut-il sous la pression, certes, d’une  conjoncture, nationale et internationale très difficile, et au soir de sa vie, immortaliser devant un enregistreur de son et d’image, et sans sourciller, un déni de la réalité, un mensonge et une contre-vérité ? Comment ose-t-il infirmer l’existence de tout lien de son organisation avec sa maison-mère ?  A-t-il honte de son appartenance idéologique ? craint-il quelque chose en assumant simplement l’évidence ? Tout s’explique, tout se justifie, encore faut-il le dire et l’avouer !

Monsieur LASFAR est un adepte, à l’image de nombreux islamistes, d’un procédé langagier trompeur et assez révélateur : celui de dire la vérité certes,  mais … pas toute la vérité. Il me l’a dit et expliqué une fois à la marge d’une rencontre des « Frères Musulmans » de Lille, dans la salle de prière des femmes, au premier étage de la mosquée de Lille-sud, pour celles et ceux qui connaissent les lieux. Je porte  seul donc la responsabilité de cette confirmation, et nous avons eu une discussion que je garde en souvenir à ce sujet. Pour lui, comme pour de nombreux « frères » sunnites comme chiites, il n’est pas si grave, religieusement parlant, de masquer  et de dissimuler une partie de la vérité pour sauver ainsi certains intérêts et accréditer certaines apparences.

Ce procédé langagier porte un nom, celui de Al Tuqiya – en arabe (التقية) – qui veut dire: la dissimulation, ou comment dire la vérité mais pas toute la vérité, et si besoin, mentir pour la bonne cause. Ce procédé, dit-on, est religieusement permis, voire encouragé, en cas de conflit ou de guerre pour tromper l’ennemi. Monsieur Amar LASFAR, en infirmant cela, en usant de manière outrancière de ce procédé langagier, se considère-t-il d’ailleurs en état de guerre, face à des ennemis ?

L’ADN « Frères Musulmans » de l’UOIF : témoignage d’un repenti !

Maintenant, s’il est vrai, peut-être, que l’UOIF n’a pas de lien organique avec la confrérie des « Frères Musulmans », au sens où l’UOIF n’apparaît peut-être pas, expressément, dans les registres administratifs de la confrérie égyptienne ou sur les autres registres de son Tanzim – sa branche mondiale, il ne peut pas, par ailleurs, ni effacer ni nier les liens objectifs, factuels, historiques, spirituels, idéologiques, jurisprudentiels, affectifs, financiers, … établis depuis toujours avec la confrérie, avec son esprit « saint » (!), avec sa littérature, avec son discours, avec ses symboles, avec ses références, avec ses mouvements implantés, ici ou là bas, et avec ses financiers !

Il ne peut pas nier que jusqu’à récemment, l’ADN qu’injectait l’UOIF dans le sang neuf des personnes sélectionnées, recrutées et embringuées – et c’est peut-être toujours le cas dans les cercles fermés de la mouvance – est un ADN refermant des informations, des enseignements, des dogmes,  héréditaires issues directement des écrits de l’imam Hassan Al Banna, le fondateur de la confrérie et de sa littérature interprétée par Youssef Al Qaradawi, entre autres.

20 principes Hassan Al Banna

A titre personnel, lorsqu’en 2001/2002, j’ai été recruté au campus universitaire de Villeneuve d’Ascq (59) pour rejoindre l’UOIF – par un certain Mohamed Taib Saghrouni, actuellement membre de la direction de l’UOIF et délégué régional du Nord – au terme d’un parcours initiatique à l’idéologie et aux autres rites de la mouvance islamiste, la déclaration de mon adhésion, de mon pacte d’allégeance s’est faite, en présence effective de Monsieur Amar LASFAR avec d’autres notables de son noyau dur, la main dans la main, les yeux dans les yeux, en jurant fidélité et loyauté, non pas aux statuts de l’UOIF, ou à sa charte qui n’existait pas à l’époque, ni à son règlement intérieur, mais aux « dix piliers de l’allégeance », dix critères de l’engagement frériste, et aux vingt principes de la compréhension de l’islam[4], tels qu’ils étaient définis et rédigés par la main droite de l’imam Hassan Al Banna, et tels qu’ils étaient commentés par l’éminent cheikh Youssef Al Qaradawi. Monsieur LASFAR ne peut pas nier cela aussi !

De ma déclaration de ce pacte de loyauté et jusqu’à ma démission salutaire de l’intégralité de la mouvance islamiste en octobre 2006, celle-ci nous recommandait d’utiliser, pour l’encadrement des cellules fermées d’éducation des jeunes et des prochaines recrues de l’UOIF un livre en français, intitulée : « 20 principes pour comprendre l’islam »[5] de son auteur : l’imam Hassan Al Banna. Un livre développé et commenté par Al Qaradawi, traduit par Moncef ZENATI et édité en 2004 à Paris, chez MADIACOM, sous le numéro ISBN : 2-914175-31-0.

Pour précision, Monsieur Moncef ZENATI est actuellement membre du bureau national exécutif de l’UOIF[6], chargé de « l’enseignement et de la présentation de l’Islam » et aussi l’actuel responsable du site « Havre de Savoir »[7] qui se donne comme mission, comme l’indique sa présentation, d’étancher la soif des jeunes d’apprendre les principes et les enseignements de la religion musulmane – selon la conception des frères bien sûr – à travers la publication régulière de brochures, l’organisation de conférences et de forums, ayant pour thème la religion musulmane.

En effet, une simple visite de curiosité de ce site internet, précisément,  dans le menu déroulant « Histoire de l’islam », dans la catégorie « Hommes et femmes illustres de l’islam »[8], le lecteur neutre remarquera, sans aucune difficulté, la prédominance d’articles dont les intitulés suffisent pour appréhender l’ampleur de l’attachement viscéral et assumé à l’idéologie frériste. Pour exemples, je cite les intitulés suivants :

« Les frères Musulmans comme les définit l’imam Hassan al-Banna » ;

« Les fondateurs des Frères Musulmans » ;

« Hassan Al-Banna, un voyage inachevé » ;

« Celui qui me marqua le plus, c’est l’imam Hassan Al-Banna » ;

« Les savants musulmans rendent hommage à Hassan Al-Banna » ;

« Le génie de Hassan Al-Banna » ;

« Zaynab Al Ghazali, un exemple d’engagement » …

Monsieur LASFAR ne peut pas nier cela aussi. D’ailleurs, s’il n’y avait aucun lien entre l’UOIF et les « Frères Musulmans », pourquoi son chargé de l’enseignement et de la présentation de l’islam, au sein de la direction nationale de l’UOIF, abonde ledit site de références revoyant aux œuvres et à l’idéologie de l’imam Hassan Al Banna ?

Ce fantôme d’Hassan Al Banna qui veille sur la Ligue Islamique du Nord !

Par ailleurs, la Ligue Islamique du Nord (UOIF locale), que dirige Monsieur Amar LASFAR, éditait une revue trimestrielle baptisée « L’essence Ciel », destinée aux jeunes lycéens et étudiants, entre autres. Que pouvait-on lire par exemple dans l’éditorial de son numéro 3 du printemps 2004, si ce n’est cette référence explicite, à la pensée frériste, je cite : « … Tout ceci, nous rappelle la parole de l’Imam, Hassan AL Banna, qu’Allah illumine sa tombe : « Ô frères, sachez que votre témoignage (DA’WA) a trois fondements : la connaissance d’Allah, la vertu de l’âme et l’amour des gens … ».

L’essence Ciel

Dans ce même numéro, en page 26, une biographie du Cheikh Ahmed Yassine (1938-2004), cette figure de la résistance palestinienne, assassinée par l’armée israélienne à Gaza, et qui était le fondateur du mouvement du Hamas, la branche des « Frères Musulmans » en territoire palestinien. Dans le numéro 6 de la même revue, édité en hiver 2005, on trouve tout un dossier bilan sur le voile à l’école, sur le foulard et ses valeurs universelles …C’est exactement la diffusion allégorique, obscure, insidieuse, permanente de cette culture, à l’oral comme l’écrit, combinant dans un mélange de genres simplement inquiétant fait de religion et de politique ; de théologie et d’idéologie ; de spiritualité et d’activisme, … que reprochait le professeur Zitouni dans sa deuxième tribune. Cela n’est pas une fantaisie ou un caprice d’un esprit dérangé ou trompé dans la caricature, comme le laisse entendre monsieur LASFAR et ses lieutenants. Ce sont des éléments matériels et tangibles pour ceux qui réclament des preuves. Il s’agit juste du strict contenu d’une revue que la Ligue Islamique du Nord, sous l’égide de monsieur LASFAR, a fiancé, édité et mise à disposition à l’adresse de tout un public, jeune et adulte, y compris aux élèves du « lycée Averroès », créé déjà en 2003 dans les mêmes locaux de la mosquée de Lille sud !

L’UOIF, un pas en France et l’autre dans le Tanzim de l’internationale frériste !

Par ailleurs, l’UOIF ne se gêne pas à revendiquer, même à demi-mot, sa filiation idéologique assumée au Cheikh Fayçal Mawlawi (1941 – 2011)[9]. Cette figure frériste très engagée idéologiquement et politiquement, qui était aussi le vice-président du Conseil Européen des Recherches et de la Fatwa. Mawlawi  était surtout, entre 1992 et 2009, secrétaire général de la « Jamaa Islamiyah »[10], la branche des « Frères Musulmans » au Liban, et c’était lui qui a contribué à la fondation de l’UOIF et à l’Institut Européen des Sciences Humaines à Château-Chinon.

Fayçal Mawlawi

L’UOIF est toujours membre de la Fédération des Organisations Islamiques d’Europe (FOIE)[11]. Elle est toujours en relation intime avec le Conseil Européen des Recherches et de la Fatwa (CERF) et avec l’Union Internationale des Savants Musulmans (UISM)[12], présidée par Al Qaradawi, et regroupant toutes les sommités théologiques et jurisprudentielles, reconnues comme telles, par la confrérie et par ses satellites, en Orient comme en Occident. Le livre de Xavier Ternisien « Les Frères musulmans » éclairera le lecteur francophone sur la genèse de l’UOIF, de son évolution, de ses fondateurs ainsi que de ses rapports idéologiques incontestables avec la maison-mère.

Aussi, une simple analyse des listes des intervenants musulmans aux rassemblements annuels organisés par l’UOIF au Bourget, depuis maintenant 32 ans, montre la prédominance flagrante et incontestable de la pensée idéologique et théologique des « Frères Musulmans », ceux d’hier comme ceux d’aujourd’hui. Cette année, par exemple, le rassemblement du 3 au 6 avril 2015 s’offrira en tribune libre à de nombreux orateurs fréristes[13], venant du Qatar, de Suisse, de Soudan, de France et de Navarre, parmi lesquels : Tariq Ramadan, Hani Ramadan, Issam Al Bachir, Azzedine Gaci, Abdellah Ben Mansour, Ahmed Jaballah, Moncif Zenati

Sur le site de la mosquée Al Imane, dont le recteur n’est d’autre que Monsieur Amar LASFAR, on peut lire cet article intitulé : « vingt principes pour comprendre l’islam »[14], d’Hassan Al Banna, extrait du livre précité, traduit par Moncif Zenati. Monsieur LASFAR peut-il continuer à nier, après tous ces éléments, qu’il ne se reconnait pas dans le courant idéologique des « Frères Musulmans » ?

Incohérence de l’incohérence … ou comment LASFAR trahit AVERROES ! 

Par ailleurs, je ne partage pas totalement la vision et l’analyse de Soufiane Zitouni. Je ne considère pas très pertinents tous ces exemples, tâchés d’un peu de subjectivité, qu’il a cité pour appuyer son propos. Il me semble tout de même qu’il était en colère, très en colère, lorsqu’il a écrit et publié sa deuxième tribune sur Libération du 6 février. Cet état d’esprit est facilement perceptible, l’agitation de monsieur LASFAR et de ses lieutenants, d’un plateau à l’autre, d’un micro à l’autre, dévoile un aperçu de ce qu’a dû endurer ce pauvre Zitouni pendant deux semaines !

En ayant moi-même vécu une rupture difficile avec l’UOIF en 2006, et en ayant subi, comme conséquence directe suite à cette démission, des pressions psychologiques, des intimidations insupportables et des manœuvres d’isolement, orchestrés par des « sœurs » et des « frères », sur la base de rumeurs, d’excommunication même et de mise à mort « sociale », je suis en mesure de comprendre ce qu’il a dû endurer, par un entourage hostile à sa thèse et, j’ose dire, « génétiquement » incapable de contenir la divergence dans son cadre d’idées sans faire appel à des méthodes misérables frôlant le « zéro absolu » de l’indécence. Je relativise donc l’ensemble de son propos et je lui trouve mille et une excuses. Car, vraiment, il faut le vivre pour le savoir, il est très insupportable d’être mis à l’index de l’UOIF, je peux en témoigner !

Par ailleurs, le professeur lui-même avoue que son propos a pu choquer. Lui-même dit que son propos ne peut être généralisé sur l’ensemble des cadres éducatifs, ni sur l’ensemble des élèves, et c’est très bien qu’il le précise ainsi. Car, justement, et c’est le sens de mes interrogations du début de ce papier, il s’agit bel et bien d’une petite minorité perfide, d’une petite caste d’intouchables, se servant des services intéressés de quelques plumes organiques, qui tire simultanément sur de nombreuses ficelles et qui prend en otage les intérêts salutaires de toute une communauté de foi, tout âge compris.

Au fond, le professeur Zitouni ne dit pas autre chose que cela. C’est bel et bien cette minorité islamiste au pouvoir qui se sert de ce mélange explosif, fait de religion, selon une certaine conception frériste, et de politique en phase avec un rêve de domination inavouée, pour assoir, petit-a-petit, son autorité ; pour imposer sa vision du Monde, de l’Humain, de la République, tantôt par les prêches de vendredi, tantôt par tous les autres canaux culturels, électoraux, éducatifs, artistiques, sportifs, et j’en passe ; et pour matraquer et redire toujours les mêmes discours, génération après l’autre, et tenir en otage, éternellement, une communauté de foi par nature diverse, plurielle, indéfinissable, et qui, dans une large mesure, ne demande que de rendre pacifiquement, loin des calculs politiciens, ce qui est à Dieu à Dieu ; et ce qui est à César à César.

Cette communauté de foi est désormais dépossédée  de ses avoirs, de ses établissements et de ses édifices. Qui l’aidera pour se réapproprier à nouveau ce qu’elle a construit pour ses enfants ?  Qui lui permettra d’être dans ses édifices, comme une vraie propriétaire et non pas comme une simple spectatrice dans une sorte de cirque de la « parole confisquée » par tous ces notables, qui monopolisent tout, et qui lui réclament, à la fin de chaque mois, de payer les charges ? Qui l’aidera, en ces temps troubles, pour qu’elle ouvre ses édifices à la lumière, à la diversité, à la pluralité, à l’amour de son prochain et à la paix, d’abord comme exigence de survie collective et ensuite comme préalable à toute construction globale de vivre-ensemble ? Qui rendra à cette communauté de foi sa pleine souveraineté sur ses propres édifices cultuels et culturels ? Qui lui rendra les clefs, toutes les clefs, celles des salles de prières, comme celles des salles attenantes ou celles des bureaux fermés, là où une « minorité », une tout petite, s’isole pour prendre souvent en catimini de lourdes décisions, qui entraînent de lourdes responsabilités collectives ?

Les mots de Zitouni veulent dire cela et rien d’autres. Au sein même de l’UOIF, il y a bien des gens sincères, des imams aussi, qui pensent peut-être comme Zitouni, mais qui ne disent rien. Au sein même des cadres enseignants au lycée, il y a des personnes qui expriment, peut-être en silence, les mêmes craintes, les mêmes objections mais qui comptent, peut-être, réussir un exploit impossible à mes yeux, d’un changement de l’intérieur. J’en connais certains. Mais le temps prouve que la « minorité », la même, empêche et empêchera toujours tout changement de direction ou de projet. Seule son idéologie compte. La référence à l’idéologie des « Frères Musulmans » est une ligne de démarcation éternelle que l’on peut dissimuler mais que l’on ne peut casser ou trahir sous aucun prétexte. Celui qui la remettra en cause en payera le prix le plus cher.

Peut-être un jour viendra où cette masse silencieuse, complice par ailleurs, comprendra que lorsqu’une minorité idéologique est installée, c’est pour toujours. Les dirigeants de cette minorité, que dénoncent publiquement Zitouni et l’auteur de ces lignes aussi, ne quittent généralement un « carré musulman » que pour en occuper un autre. Soit au-dessus, soit en dessous. Et c’est à cela que faisait allusion Zitouni lorsqu’il parlait d’un territoire musulman sous contrat d’association avec l’Etat. Cela est une évidence. J’espère simplement que la communauté de foi ne perde pas ses acquis, ses édifices dans ce jeu de pouvoir et de domination, surtout en ces temps difficiles.

L’Histoire nous enseigne que la disparition des acquis d’une majorité est souvent causée par les aveuglements d’une toute petite minorité. L’Histoire nous enseigne aussi les regrets qu’expriment, après coup, la majorité soumise lorsqu’elle ne sait plus assumer ses  devoirs de veille et de souveraineté sur elle-même. L’Histoire peut-elle se reproduire sous nos yeux à nouveau ? Zitouni a bel et bien fait son travail d’alerter, aux fidèles français musulmans maintenant d’en tenir compte, ou pas.


[1] http://france3-regions.francetvinfo.fr/nord-pas-de-calais/emissions/jt-1920-nord-pas-de-calais

[2] http://www.liberation.fr/societe/2015/02/05/pourquoi-j-ai-demissionne-du-lycee-averroes_1196424

[3] http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/080215/pourquoi-je-suis-engage-au-lycee-averroes

[4] http://havredesavoir.fr/vingt-principes-pour-comprendre-lislam/

[5] http://www.muslimshop.fr/livres/foi-et-spiritualite/initiation-a-l-islam/20-principes-pour-comprendre-l-islam-hassan-al-banna-mediacom-2-914175-31-0-p-2383.html

[6] http://www.uoif-online.com/equipe-de-direction/

[7] http://havredesavoir.fr/

[8] http://havredesavoir.fr/articles/histoire-de-lislam/hommes-et-femmes-illustres-de-lislam/

[9] http://www.saphirnews.com/Adieu-Cheikh-Faysal-Mawlawi_a12583.html

[10] http://fr.wikipedia.org/wiki/Jamaa_Islamiya_%28Liban%29

[11] http://www.fioe.org/ShowCat_en.php?id=5&img=5

[12] http://iumsonline.org/fr/default.asp?MenuID=98

[13] https://www.ramf-uoif.fr/nos-intervenants/

[14] http://www.mosqueelille.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=521:vingt-principes-pour-comprendre-lislam&catid=1:articles&Itemid=29

QUÉBEC : LA CHARTE ET LA LAÏCITÉ

Québec : La Charte et la laïcité

30.03.2014La rédaction

Un important débat national a secoué le Québec à partir de 2006 : les accommodements raisonnables. Pour endiguer les réactions, les autorités ont mise en place une « Commission de consultation sur les pratiques d’accommodements relatifs aux différences culturelles » dirigée par Gérard Bouchard et Charles Taylor. Charles Taylor, un des artisans est pourtant controversé. Il vient alors de recevoir le prix Templeton, une fondation de la droite religieuse américaine. Malgré une débauche de moyens 5 millions de dollars, 59 experts, 4 forums nationaux, 22 forums régionaux, et 241 témoignages, beaucoup de québécois sont ressortis amers de cette expérience. Au lieu d’une véritable mise en plat des problèmes, ils ont eu le sentiment d’assister à une disqualification des témoignages non religieux. A l’automne 2013, le gouvernement de Pauline Marois a relancé le débat avec le dépôt du projet de loi. Sept mois de débats ou tous les camps ont pu s’exprimer. Et qui se concluront en avril par des élections anticipées destinées à donner au Parti québécois une confortable majorité.

20 Aout 2013

Les grandes lignes du projet filtrent dans la presse.

  • Modifier la Charte québécoise des droits et libertés de la personne,
  • Énoncer un devoir de réserve et de neutralité pour le personnel de l’État,
  • Prohiber le port des signes religieux ostentatoires par le personnel de l’État,
  • Rendre obligatoire le visage à découvert lorsqu’on donne ou reçoit un service de l’État,
  • Établir une politique de mise en œuvre pour les organismes de l’État.

Un des problèmes est qu’alors on parle de « Charte des valeurs québecoises ». Plusieurs personnes y compris chez les laïques s’inquiètent d’autant que le crucifix à l’Assemblée lui paraît immuable[1].

5 septembre 2013

La Fédération autonome de l’enseignement qui représente un tiers des enseignants déclare qu’elle usera de tous les recours, y compris légaux (sic), pour défendre le droit de ses membres de porter des signes religieux. Sylvain Mallette son président explique « On va prendre tous les moyens possibles pour défendre nos membres ». « On considère qu’il est normal qu’un enseignant ou une enseignante porte la kippa juive, porte la croix ou le hidjab » [2]

6 septembre

Sous le titre « Nos valeurs excluent l’exclusion », une centaine de professeurs d’universitaires et d’intellectuels signent une lettre ouverte contre le projet. Pour eux, la charte procède « d’une vision autoritaire de la laïcité ». « Il s’agit de normaliser des pratiques sociales à coups d’interdictions retirant des droits et produisant de l’exclusion et des discriminations ». « L’égalité qui nous tient à cœur inclut l’égalité et l’inclusion que désirent nos concitoyens et concitoyennes venus d›ailleurs ou dont les traditions culturelles et religieuses diffèrent des traditions historiques dominantes ».

Parmi les signataires : les professeurs Omar Aktouf, Diane Lamoureux, George Leroux, Abby Lippman et Michel Seymour, la doctorante Blandine Parchemal et le militant et documentariste Will Prosper

10 septembre

  • Le Projet est déposé.
  • Charles Taylor critique le projet.

« C’est une vision ethnocentrique de la religion. Les religions ne sont pas toutes les calques de la religion catholique. Si on est sikh, c’est l’essence même de la religion que de porter un turban. Du point de vue d’un sikh, l’État ne sera pas neutre. »[3]

Pour le responsable de la Commission sur les accommodements raisonnables, les signes religieux ne posent pas de problèmes et ne devraient être interdits au représentants de l’Etat.

« On ajoute une balise, qui est le refus de tous les signes religieux. Or, il n’y en avait pas, de problèmes, avec ces signes!». Pire selon lui, ce débat risque de faire fuir les religieux du Québec : «Dans certains secteurs, comme la santé, il y a des pénuries! On va avoir beaucoup de mal à remplacer ces gens-là.»

Charles Taylor ira même plus loin dans sa critique de la Charte en comparant l’interdiction des signes religieux et la situation des homosexuels en Russie : «Vous avez un peu ce genre d’exclusion en Russie, [même] si c’est beaucoup plus grave, parce que c’est une question de code criminel. Par exemple, en Russie, on a non seulement interdit l’homosexualité, ce qui est assez grave, on interdit même aux gens de préconiser ça » [4]

11 septembre

Le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec donnent son appui au projet.

Lucie Martineau, la présidente explique : « L’idée selon laquelle c’est l’État qui est neutre et non les individus est fausse. Les fonctionnaires doivent refléter concrètement ces valeurs de neutralité. » Pour le SFPQ, il est clair et essentiel que les fonctionnaires qui sont aux services des citoyens n’affichent aucun signe religieux ou politique ostentatoire. S’il n’est pas jugé acceptable qu’un fonctionnaire arbore le symbole d’un parti politique ou appose dans son bureau l’affiche d’une organisation politique, le syndicat ne voit pas pourquoi les employés de l’État devraient davantage afficher leurs convictions religieuses.

Le SFPQ regroupe environ 42 000 membres au Québec dont 31 000 sont issus de la fonction publique québécoise.

14 septembre

Première manifestation contre le projet. La manifestation a été appelée par le Collectif québécois contre l’islamophobie et son porte-parole,  Adil Charkaoui. En 2003, il avait été incarcéré en vertu d’un certificat de sécurité puis remis en liberté en 2005 à condition de porter un bracelet électronique. Autre personnalité de ce Collectif l’imam Salam Elmenyawi qui avait fait des démarches auprès du ministère de la Justice en 2004 pour instaurer au Québec une cour islamique, soit un tribunal de médiation et d’arbitrage basé sur la charia. Malgré ce CV, plusieurs groupes d’extrême gauche et LGBT ont rejoint la manifestation.

Parmi les slogans on pouvait entendre : «Valeurs péquistes, valeurs racistes». Adil Charkaoui, organisateur de la manifestation a lors de sa prise de parole dénoncé la «Charte de la honte».

21 septembre

Une quinzaine d’organismes et d’une cinquantaine de personnalités s’organise autour du « Rassemblement pour la laïcité »[5] Parmi eux : l’Association québécoise des Nord-Africains pour la laïcité, LGBT pour la laïcité, le Syndicat de la fonction publique québécoise, Mouvement laïque québécois (MLQ). Claire l’Heureux Dubé, ex-juge à la Cour suprême du Canada, Martine Desjardins, ex-présidente de la Fédération étudiante universitaire, le cinéaste Bernard Émond et les Intellectuels pour la laïcité, dont fait partie le sociologue Guy Rocher : « Le port de signes ou de vêtements religieux ne fait par ailleurs pas partie de la liberté de religion telle que reconnue par la Déclaration universelle des droits de l’homme, soutient cette coalition. Plutôt que la croix, le Rassemblement pour la laïcité avance plutôt que c’est la laïcité qui fait partie du patrimoine, rappelant que la séparation de l’Église et de l’État figurait déjà dans la Déclaration d’indépendance de 1838 proclamée par les patriotes. »

22 septembre

Manifestation à Montréal, en faveur du projet de charte.

29 septembre

Manifestation contre la charte, la manifestation est organisée par le Rassemblement des citoyens engagés pour un Québec ouvert.

2 octobre

Trois Femen critiquent la présence du crucifix au salon bleu de l’Assemblée nationale du Québec en s’exposant torse nu lors de la période de questions.

14 octobre

Publication de la lettre Janette Bertrand appuyant le projet de charte et cosignée par une vingtaine de personnalité féminines telles que Denise Filiatrault, Denise Robert, Julie Snyder et Djemila Benhabib.

15 octobre

Une vingtaine de psychiatres de l’Université Mc Gill publient une lettre d’opinion contre le projet de charte dans The Gazette. Certains déclarent : «La preuve a été faite que ceux qui pratiquent une religion ou toute autre tradition morale ou spirituelle ont une meilleure santé mentale.»

17 octobre

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse prend position contre le projet. Selon son président Jacques Fremont, « Les orientations gouvernementales soulèvent de vives inquiétudes. Elles sont en nette rupture avec la Charte [des droits et libertés de la personne], cette loi quasi constitutionnelle adoptée par l’Assemblée nationale en 1975. Il s’agit de la proposition de modification de la Charte la plus radicale depuis son adoption. »

26 octobre

Plusieurs milliers de personnes manifestent en faveur de la charte des valeurs dans le cadre d’un grand rassemblement organisé par les «Janette».

Dépôt du projet

7 novembre 

Le projet de loi a été déposé à l’Assemblée nationale du Québec sous le nom de Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l’État ainsi que d’égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d’accommodement. La plupart des dispositions sont conservée. En revanche, le texte propose que ce soit aux députés de retirer ou non le crucifix à l’Assemblée nationale. Le droit au retrait est remplacé par « une période de transition ».

12 novembre

Marc Tanguay, du Parti Libéral déclare : « Les candidates libérales pourront porter le tchador au prochain scrutin». « On ne peut jouer dans les limitations des libertés, et cette personne qui se fait élire (avec son tchador) aurait tout à fait le droit et la légitimité démocratique d’être assise à l’Assemblée nationale ».

14 novembre

La Coalition Avenir Québec (CAQ) propose au PQ de trouver un compromis et faire adopter la charte des «valeurs de laïcité». Elle propose d’interdire les signes religieux aux employés de l’État qui exercent une autorité coercitive (juges, policiers, gardiens de prison, procureurs de la Couronne) ou une autorité morale (directeurs d’école et enseignants au primaire et secondaire).

  • Fatima Houda-Pepin, députée libérale (fédéraliste) commence à se sentir isolée dans son parti. Dans une tribune elle répond à Marc Tanguay. « C’est la goutte qui a fait déborder le vase. Je suis sidérée, blessée et choquée de ce que j’ai lu. (…) Mais avant qu’une « libérale » portant un tchador puisse siéger à l’Assemblée nationale, il faut qu’elle soit candidate, et pour être candidate, il faut qu’elle y soit autorisée, par écrit, par le chef du parti libéral du Québec. Est-ce que c’est ça le modèle de l’égalité hommes-femmes que le parti libéral du Québec veut maintenant présenter à la face du Québec ? Est-ce que les Québécoises ont fait tout ce chemin pour en arriver à prendre comme modèle de l’égalité hommes-femmes celui de l’Arabie Saoudite ou de l’Iran des Ayatollahs ? Je me questionne. Suis-je encore dans le Parti libéral dont les élites politiques et intellectuelles se sont relayées pendant un siècle, pour mener un combat courageux pour la séparation de l’Église et de l’État au Québec ? (…) Suis-je encore au Parti libéral du Québec de la Révolution tranquille qui a fait élire la première femme députée à l’Assemblée législative, Marie-Claire Kirkland qui a mis fin à la tutelle des femmes en faisant adopter la loi sur la capacité juridique de la femme mariée ? Quand on connaît la signification du tchador et de sa variante afghane, le tchadri, comment peut-on justifier l’acceptation d’un tel symbole dans ce haut lieu de notre démocratie qu’est l’Assemblée nationale ?

Je suis libérale et fédéraliste et je refuse toute dérive vers le relativisme culturel sous couvert de religion, pour légitimer un symbole, comme le tchador qui est l’expression même de l’oppression des femmes, en plus d’être la signature de l’intégrisme radical. (…) Oui, en démocratie, il est permis d’interdire, quand l’intérêt public l’exige. L’égalité hommes-femmes est un droit fondamental qui demeure un acquis fragile à l’ère des intégrismes qui caractérise notre siècle, Il faut le protéger et le défendre et non le mettre en péril.« 

5 décembre

La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), qui regroupe les syndicats d’une majorité des professionnels en soins infirmiers de la province, appuie le projet.

12 décembre

La CSN, qui représente quelque 300 000 travailleurs québécois, appuie l’interdiction de signes religieux dans certaines sphères professionnelles, mais estime que cette mesure ne devrait pas s’appliquer à l’ensemble des employés des organismes publics.

20 décembre

Près de 270 regroupements déposent des mémoires.

  • Mémoire du Collectif québecois contre l’islamophobie intitulé : « Un projet discriminatoire vecteur d’islamophobie ». Pour les signataires, le «projet se nourrit de craintes xénophobes, islamophobes et racistes qu’il alimente et renforce du même coup; ce qui laisse craindre une spirale inflationniste de craintes et de surenchères législatives se répondant les unes aux autres sans jamais s’apaiser.» C’est l’occasion pour le mouvement islamiste de diffuser sa propagande. En effet selon lui, quand on parle de laïcité le racisme contre les musulmans augmente. « on remarque que les lois laïcistes donnent prise à l’expression d‘un racisme décomplexé à l’endroit des musulmans. La France est passée d’une islamophobie politique à une islamophobie culturelle relayée médiatiquement et politiquement, nous dit le Collectif contre l’islamophobie en France

En Belgique, le rapport de Musliims rights Belgium (MRB) produit en association avec le European Muslim Initiative for Social Cohesion fait apparaître l’interrelation entre les différentes manifestations de l’islamophobie dans le temps. » A aucun moment les auteurs du texte ne rappelent que les mouvements qui décomptent « l’islamophobie » font partie de la mouvance islamiste. Et les rapporteurs de poursuivre : « MRB constate que le féminisme et la laïcité cache souvent des formes banalisées d’islamophobie, l’islam étant jugés par les uns comme une menace à l’identité, par les autres, comme un obstacle à l’émancipation ». Persuadés de la pertinence de leur démonstration, les auteurs expliquent que du «  15 septembre et le 15 octobre 2013, le Collectif Québécois Contre l’Islamophobie (CQCI) a reçu 117 plaintes pour des actes ou des propos islamophobes. (…) Pour l’année en cours, du 1er janvier au 31 juillet 2013, le CQCI a enregistré 25 plaintes. (…) Voilà une croissance exponentielle. » Afin d’aider les intégristes musulmans le site du Collectif Québécois Contre l’Islamophobie propose de noter les pires islamophobes. Sans surprise on remarquera la présence d’un journaliste et d’une féministe d’origine algérienne.

  • Le Centre consultatif des relations juives et israéliennes n’est pas en reste. Le rapport évoque de « graves entorses au libertés fondamentales». Le Centre « refuse l’importation de l’intransigeante laïcité francaise». Et par avance déclare qu’il n’y a « aucun problème dans le système de santé. » Or comme le rappelle Caroline Fourest dans La denière utopie (Grasset) c’est souvent des juifs religieux qui font des demandes d’accommodements raisonnables notamment pour être traités en priorité par exemple pour arriver chez eux avant Shabbat. Ancien ministre Victor Goldbloom déclare même « Si un avocat porte la kippa et mérite d›être nommé juge, il ne devrait pas être obligé d’enlever sa kippa. » Et de poursuivre : « J’aimerais que les nouveaux arrivants se sentent obligés d’accepter la société telle qu’elle est et ne pas chercher à la modifier »
  • Le Club politique Syndicalistes et progressistes pour un Québec Libre rappelle lui que 61,5 % des écoles privées reçoivent des subventions. « Dans cette centaine d’écoles privées religieuses, on trouve huit confessions : catholique, orthodoxe grecque, apostolique arménienne, évangélique, adventiste, brethren, juive et musulmane.» Le club demande la suppression des subventions publiques aux écoles privées.

« Depuis plusieurs années des ajustements concertés pour des motifs religieux se font dans nos institutions publiques. (…) ». Pour le club il est important de ne pas céder à la rhétorique des intégristes et de leurs partisans qui voient dans le voile une unique tenue vestimentaire.

« Le Parti libéral du Québec parle du voile comme d’une simple tenue vestimentaire et prétend que le projet de loi, voulant notamment interdire le port de signes religieux ostentatoires, rate sa cible, puisque selon eux, le problème ce n’est pas le voile islamique, mais plutôt l’intégrisme. D’abord le voile n’est pas une simple tenue vestimentaire. 

Si c’était le cas, il n’occasionnerait pas autant de controverses et d’opposition partout dans le monde et surtout il ne serait pas à l’origine d’autant de violence vis – à- vis les femmes. Ce voile est un étendard politique. Il est l’emblème d’un islam qui veut imposer une théocratie et remplacer les droits humains par la charia. En l’imposant aux femmes et aux fillettes, les islamistes souhaitent donner un maximum de visibilité à l’islam et nous habituent ainsi à sa présence. C’est pourquoi il est essentiel pour eux de pouvoir introduire ce voile dans no s institutions publiques, particulièrement dans les garderies et les écoles qui sont le lieu de passage obligé de chaque citoyen. Refuser de voir dans ce voile une signification politique ne nous aidera aucunement à comprendre comment pensent et agissent les islamistes qui s’activent au Québec »

D’autres personnes et groupes plus folkloriques ont aussi déposé un mémoire comme la Communauté des druides du Québec.

14 janvier 2014

Les audiences publiques sur le projet de loi de charte des valeurs du gouvernement Marois commencent à l’Assemblée nationale. Avec plus de 270 mémoires il y aura plus de 200 heures d’audiences

20 janvier

Fatima Houda-Pepin, la seule élue de confession musulmane de l’Assemblée nationale, en faveur de l’interdiction des signes religieux ostentatoires pour les juges, les policiers et les gardiens de prison, quitte le Parti Libéral.

25 janvier

Le Conseil du statut de la femme du Québec se range dans le camp pro-charte.

7 février

  • L’ancienne juge de la Cour suprême Louise Arbour dénonce le projet laïque. « Il ne fait aucun doute que, telle que proposée, la Charte porte atteinte à la liberté de religion et que les justifications de cette atteinte à un droit fondamental protégé par le droit québécois, la Constitution canadienne et le droit international sont clairement insuffisants. Banaliser cette atteinte aux droits ne sert aucun objectif utile ; c’est aussi une tactique fréquemment employée par ceux qui nient les droits des autres »
  • Claire L’Heureux-Dubé, ancienne juge de la Cour suprême du Canada apporte son appui inconditionnel au projet de charte

26 février

Des directions d’école donnent un appui massif à la charte[6] 72 % des membres de l’Association montréalaise des directions d’établissements scolaires se disent globalement d’accord avec le projet de charte. Des directions d’école ont donné un appui sans équivoque à la charte de la laïcité. Elles réclament aussi un État neutre et des balises claires pour encadrer les accommodements raisonnables.

Les demandes d’accommodements raisonnables doivent aussi être mieux balisées. C’est le souhait de la presque totalité des membres (94,5 %). « C’est le principal constat, c’est ce qui ressort de notre consultation ».

7 avril

Des élections législatives anticipées vont avoir lieu. Avec à la clef la possibilité pour le Parti québécois d’obtenir une solide majorité pour appliquer la Charte.

Au moment de la dissolution de la Chambre, le Parti québécois (PQ) détenait 54 sièges, le Parti libéral du Québec (PLQ), 49, la Coalition avenir Québec (CAQ), 18, et Québec solidaire (QS), deux, tandis que deux députés étaient indépendants, Daniel Ratthé et Fatima Houda-Pepin.

Luc Heser

Prochoix, n°61, mars 2014

[1] Chronique de Caroline Fourest sur France Culture. Elle condamne l’emploi du terme Charte des valeurs québécoise http://www.franceculture.fr/emission-le-monde-selon-caroline-fourest-controverse-quebecoise-sur-les-accommodements-religieux-201

[2] Charte des valeurs – Conflit en vue entre Québec et les enseignants, Le Devoir, 5 septembre 2013

[3] Une neutralité truquée, La Presse, 10 septembre 2013.

[4] « L’interdiction des symboles religieux serait une erreur, selon Charles Taylor » Le devoir, 20 août 2013.

[5] http://www.ledevoir.com/documents/pdf/enoncefinal.pdf

[6] Lisa-Marie Gervais | Éducation

Sarkozy et l’UOIF: quelques vérités dérangeantes

29.04.2012Mohamed Sifaoui

L’Union des Organisations Islamiques de France (UOIF), représentant officieux de la pensée des Frères musulmans, sera privée cette année, lors de son congrès annuel du Bourget, de plusieurs de ses références vedettes dont un certain Youssef Al-Qaradhaoui. Intégriste notoire, antisémite assumé et danger médiatique propageant un discours qui est à la République ce qu’est l’UOIF à la clarté et à la sincérité.

Nicolas Sarkozy, le candidat – président a annoncé qu’il avait contacté personnellement l’émir du Qatar pour lui faire savoir que le cheikh était indésirable en France. C’est évidemment une excellente nouvelle. Une décision qui devra désormais faire jurisprudence même si elle déplaît aux leaders de l’UOIF et à leurs relais médiatiques qui s’entêtent, en usant de pédalages rhétoriques, à présenter le prédicateur comme un humaniste incompris.

À travers une lettre ouverte, j’avais attiré la semaine dernière l’attention du chef de l’État et celle de l’opinion publique, pour rappeler, entre autres, que le discours d’Al-Qaradhaoui est aux antipodes des valeurs de la République. Mais au-delà de ce prédicateur, prêcheur de haine et d’archaïsmes, quelques réflexions s’imposent quant à la relation très ambiguë qui existe, depuis belle lurette, entre Nicolas Sarkozy et l’UOIF.

Avant toute chose, il est curieux de constater que l’UOIF, organisation islamiste par excellence, qui, pourtant, condamne les attentats et les discours antisémites, dans ses communiqués officiels, estime qu’il est tout à fait cohérent et logique de montrer une image lisse et policée à la société française tout en fréquentant des prêcheurs extrémistes qui prônent ouvertement la haine, l’antisémitisme et la violence en instrumentalisant des conflits à caractère politique. Il est curieux également de voir l’UOIF se présenter comme une association cultuelle tout en s’érigeant quasiment en chapelle politique avec la complaisance de ces responsables qui, aujourd’hui, donnant l’impression de découvrir cette organisation, multiplient les cris d’orfraies tout en jurant la main sur le cœur qu’ils n’instrumentalisent en aucune manière le drame de Toulouse.

Il est enfin tout aussi curieux de voir l’UOIF, prendre en otage, avec la bénédiction des pouvoirs publics, la religion musulmane et les musulmans de France et s’exprimer en leur nom, alors que cette association ne représente qu’un courant minoritaire.

Il est nécessaire de préciser que l’UOIF a gagné en respectabilité et en légitimité grâce à Nicolas Sarkozy, le ministre de l’Intérieur, mais aussi grâce au même Nicolas Sarkozy, élu président de la République. Celui qui semble découvrir, en pleine campagne électorale, le caractère intégriste de cette organisation s’était rendu « en ami », en avril 2003, au congrès de la même association pour faire un discours devant des femmes séparées des hommes légitimant ainsi, par une telle présence, le caractère sexiste du mouvement intégriste.

Certes, il avait défendu, au risque de se faire huer, le principe républicain qui stipule que les femmes devaient ôter leur voile pour les besoins des photos d’identité, mais en contrepartie, il a insisté pour que l’UOIF, mais également le Tabligh, une association prosélyte, intègrent, toutes les deux, le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM), imposant ainsi des organisations intégristes aux autres courants plus ouverts et prônant un islam compatible avec les valeurs universelles.
Pendant cette lune de miel entre le ministre de l’Intérieur, futur chef d’État, et l’UOIF, le chantre de la « laïcité positive » s’est transformé en ardent défenseur de l’association, allant jusqu’à demander aux journalistes, sur des plateaux de télévision, de ne plus la considérer comme une organisation « extrémiste », « islamiste » ou « intégriste », préférant l’affubler du doux euphémisme d’association « orthodoxe » alors qu’il n’existe nulle orthodoxie en islam. Théologiquement parlant, ce concept n’a aucun sens en islam. Mais passons sur la sémantique…

Pour paraphraser le titre du livre très documenté du journaliste Farid Hannache, on peut affirmer, en effet, que Sarkozy entretient avec l’islamisme « des hypocrisies explosives ». Il instrumentalise, à sa manière, l’islam de France et singulièrement les plus intégristes dont il s’accommode allègrement lorsqu’ils peuvent servir ses intérêts. Hassan Chalghoumi qui se laisse complaisamment instrumentaliser par le pouvoir politique, qualifié désormais du sobriquet « imam de l’UMP » ainsi que quelques associations islamistes de la Seine Saint-Denis n’avaient-ils pas mobilisé, parfois à partir des mosquées, quelques barbus et autres femmes voilées, qu’ils ont envoyées par bus au meeting de Villepinte ? Inutile de rappeler qu’évidemment, charia oblige, même lorsqu’on soutient l’UMP, les femmes sont séparées des hommes et expédiées à la Grand-messe sarkozyste dans des bus strictement féminins.

Voyons par exemple comment avait-il, lors de la constitution du CFCM, exigé pour que le Tabligh, organisation prosélyte et intégriste, représenté par Mohamed Hammami l’imam de la non moins intégriste mosquée de la rue Jean-Pierre Timbaud, intègre le CFCM. Aujourd’hui, le même imam qui était aussi intégriste hier qu’aujourd’hui est sous le coup d’une procédure d’expulsion… Décidément, les temps changent pendant une campagne électorale.

Voyons aussi comment est-il en train de fustiger, depuis le drame de Toulouse, l’UOIF qui n’est pas moins ou plus intégriste qu’hier tout en lui envoyant émissaires et messagers pour « rassurer » les actuels responsables de l’association.

En réalité, Nicolas Sarkozy en veut à ces islamistes non pas parce qu’ils sont islamistes. Ils l’ont toujours été et le demeureront. Le président-candidat a une dent contre l’UOIF depuis 2007 car, contre toute attente, ces derniers avaient fait savoir, lors de la précédente élection, qu’ils soutenaient François Bayrou. Sarkozy ne leur a jamais pardonné ce qu’il appelle une « trahison » et n’hésite pas à le faire savoir à certains de ses interlocuteurs.

Et s’il ménage, malgré tout, ses attaques contre l’UOIF, c’est aussi parce qu’il a encore besoin d’eux. Du moins jusqu’au 6 mai prochain. Et pour cause, Nicolas Sarkozy compte bien incorporer dans son bilan et à son actif la création du CFCM.

Or, en vérité, cette organisation n’existe plus. C’est désormais une coquille vide avec une simple existence juridique. L’UOIF a quitté les instances du CFCM sans trop le faire savoir. Elle a ainsi accéder aux demandes du ministère de l’Intérieur et aux conseillers de Claude Guéant qui supplient, depuis près d’un an, les responsables de l’organisation islamiste de ne pas faire trop de vagues au sujet de leur décision de ne pas participer aux élections du CFCM, prévues en juin 2011. Ils ont refusé également de participer à l’élection du bureau de l’institution censée représenter les musulmans. Pourquoi ? Parce qu’ils ont agi comme tous les intégristes. Ces derniers n’aiment généralement les processus électoraux que lorsqu’ils leur sont favorables.

Voyant que chaque élection montrait qu’ils étaient en réalité minoritaires, contrairement à leur discours officiels et aux commentaires de certains de leurs relais médiatiques qui tendent à les présenter souvent comme s’ils étaient LES « représentants » quasi exclusifs, en tout cas les plus importants, des musulmans de France, alors qu’ils ne représentent, en réalité, qu’une infime minorité, recrutée plutôt dans les milieux se reconnaissant dans la pensée des Frères musulmans ou dans le discours fort ambiguë et prétendument « moderne » de Tariq Ramadan, les responsables de l’UOIF ont préféré quitter le CFCM qu’ils souhaitaient diriger. En réalité, même la Grande Mosquée de Paris a refusé de prendre part aux élections de juin 2011, mais contrairement à l’UOIF, les représentants de Dalil Boubekeur font toujours partie du bureau. Du moins, pour l’instant.

En réalité, le deal entre le ministère de l’Intérieur et l’UOIF a amené cette dernière à ne pas critiquer le CFCM ni à formaliser son départ des instances le temps de laisser le président et candidat utiliser la création du CFCM comme l’une des « œuvres majeures » de son quinquennat. Voilà donc des prétendus représentants d’un culte qui laissent des politiques cyniques instrumentaliser une religion et qui, tout en prétendant « défendre » les musulmans, s’emploient d’un côté à propager une idéologie archaïque plus politique que cultuelle, à offrir des tribunes à des prédicateurs extrémistes et d’un autre à gérer de basses ambitions personnelles. L’islam de France est décidément un bon fond de commerce.

Dernier ouvrage paru aux Éditions Nouveau Monde. L’histoire secrète de l’Algérie indépendante.
Blog : www.mohamed-sifaoui.com

Tariq Ramadan indésirable aux USA pour cause de soutien au Hamas

C’est confirmé. Le refus de se voir accordé un visa pour enseigner aux USA a bien été confirmé selon un article paru dans la presse suisse le 25 septembre. Tariq Ramadan avait fait appel de la première décision datant de septembre 2005. Et ce malgré la mobilisation d’une partie de la gauche américaine et l’intervention d’un juge fédéral de New York.

Ne préférant pas entrer dans un débat sans fin sur le « double discours » de Tariq Ramadan, le porte-parole de l’ambassade des Etats-Unis à Berne, Daniel Wendell, a fait savoir que ce visa avait été rejeté pour « soutien matériel à une organisation terroriste ».

En effet, de façon prouvée, Tariq Ramadan, a versé environ 600 euros au Comité de bienfaisance et de secours aux Palestiniens, mis sur liste noire aux USA pour servir de caisse de soutien au Hamas.

Tariq Ramadan s’est défendu en arguant du fait que son don remontait à 2000, soit trois ans avant que cette organisation soit sur la liste noire. Montrant qu’il ne se départi pas de son jeu préféré : se moquer du monde.

Ce n’est pas la première fois que ces liens sont mis en cause. Le 26 novembre 1995, Tariq Ramadan s’était vu refuser l’entrée sur le territoire français à la suite d’une note des services de renseignements français le présentant comme le « traducteur de journaux publiés par le mouvement Hamas dans les Territoires occupés ».

En réalité, cette somme bien modique est dérisoire aux côté du soutien idéologique que fournit Tariq Ramadan au Hamas, la branche armée en Palestine du mouvement des Frères musulmans dont la naissance doit beaucoup à Saïd Ramadan, le père et le modèle politique de Tariq Ramadan. Son fils ne manque d’ailleurs jamais une occasion de louer l’action de son père dans ce domaine ni de défendre l’image du Hamas.

Autre argument invoqué par la défense : le Comité de bienfaisance et de secours aux Palestiniens ne sera pas mal vu en Europe.C’est malheureusement exact depuis que Nicolas Sarkozy, qui ne prend modèle sur les USA que pour le pire, a pris soin d’institutionnaliser l’UOIF au sein du CFCM. Depuis, le ministère de l’intérieur veille jalousement à ce que l’image de son partenaire ne soit pas écornée, ni celle de ses structures alliées… Ce qui est le cas du Comité de bienfaisance et de secours aux Palestiniens.

Ainsi le Centre Simon Wiesenthal et Fiammetta Venner, les rares à avoir osé dévoiler les liens existant entre le CBSP et le Hamas, sont ils poursuivis en justice. Tandis que l’UOIF peut librement continuer à récolter des soutiens pour le Hamas par le biais de cette organisation lors de son Congrès annuel du Bourget, où chercheurs et politiques s’empressent de participer.

Caroline Fourest

Tariq Ramadan et les Frères musulmans

Voici la version courte d’un documentaire d’une heure diffusé sur France culture le Jeudi 17 décembre :  “Tariq Ramadan et son double”. L’extrait démontre que Tariq Ramadan s’inscrit clairement dans le courant de pensée des Frères musulmans.

Pour écouter le documentaire dans son intégralité en mp3 :

Tariq Ramadan et son double : la preuve par l’audio

Pour en savoir + sur les Frères Musulmans, la chronique de Caroline Fourest du 5 juin 2006 (après le discours d’Obama au Caire), qui critiquait aussi le régime égyptien :

Tariq Ramadan : Frère ou pas Frère ?

Il m’est arrivé d’entendre Tariq Ramadan nier qu’il était Frère musulman. Par exemple sur le plateau de l’émission Campus où je venais de le décrédibiliser en citant un extrait de son cours sur son grand-père. « Je ne suis pas Frère musulman ! » a-t-il esquivé juste avant la fin de l’émission. « Je n’ai aucun lien organique avec les Frères musulmans », déclare-t-il volontiers dans la presse.

Comme si les Frères étaient un parti dont on avait la carte.

Comme si cette absence de lien organique le disculpait de réhabiliter et d’enseigner la pensée de son grand-père – sans aucun recul ni esprit critique –, aux musulmans européens. « Il faut arrêter avec ces fantasmes, a-t-il déclaré au Nouvel Observateur. Je suis indépendant, j’ai des différends doctrinaux avec les Frères, même si un de mes oncles, Al-Islam al-Banna, est un des membres de la direction de ce mouvement. Mais vous savez, les Frères ne sont pas une organisation homogène. Il y a des courants, des sous-courants… »[1] Les Frères abritent effectivement plusieurs écoles en leur sein. Mais il faut bien comprendre que ces divergences concernent la méthode et jamais les objectifs.

Il est tout à fait possible que certains Frères musulmans jugent les méthodes de l’héritier un peu trop modernes à leur goût. Cela ne fait pas de Tariq Ramadan un musulman moderniste !

Tariq Ramadan diffuse l’islamisme qu’il a reçu en héritage partout où il passe. Ce qui fait de lui l’un de ses ambassadeurs, d’autant plus dangereux qu’il est insaisissable et prétend être autonome. Antoine Sfeir, fondateur des Cahiers de l’Orient et auteur de plusieurs ouvrages sur l’islamisme, l’un des premiers à avoir souligné le double discours de Tariq Ramadan, ne s’y trompe pas : « Pour moi, il ne fait aucun doute qu’il est un des personnages clefs de la confrérie ».[2] Richard Labévière, journaliste à RFI et auteur de plusieurs ouvrages sur le terrorisme islamiste, confirme. En avril 1998, lors d’un voyage au Caire, il a interviewé le chef de la confrérie, le Guide Machhour. Ce dernier lui a confirmé que l’appartenance aux Frères ne se posait pas en termes de « membre » ou « pas membre » mais d’adhésion à une pensée, avant d’ajouter à propos de Tariq Ramadan et de son frère aîné : « L’action d’Hani et Tariq s’inscrit fidèlement dans la tradition la plus pure des Frères musulmans. »

[1] Serge Raffy, « Le vrai visage de Tariq Ramadan », Le Nouvel Observateur du 29 janvier-4 février 2004.

[2] Entretien avec Antoine Sfeir, le 29 décembre 2003.

Extrait de Frère Tariq, Grasset, 2004

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