Principal mouvement islamiste marocain, Al Adl Wal Ihsane (Justice et Bienfaisance), reste en France assez marginal. Nadia Yassine, porte-voix du mouvement, a longtemps joui d’une certaine aura auprès de journalistes français, séduits par l’exotisme d’un « féminisme islamique ». Aujourd’hui, l’organisation pratique surtout l’entrisme. Elle a aussi ses nouveaux porte-paroles, notamment au sein d’associations comme Participation et Spiritualité Musulmanes (PSM).
Marketing oblige, le premier mouvement islamiste marocain Al Adl Wal Ihsane (AWI) apparaît rarement en France sous son nom. Discret, peu représenté en apparence, AWI est presque un inconnu dans l’hexagone. Dans l’ « islam de France », ce sont ici les Frères musulmans qui se taillent la part du lion: UOIF, Présence musulmane, CMF (1), EMF (2), CCIF (3)… Comment dès lors trouver sa place au milieu de cette énorme machine des Frères musulmans, de cette myriade de groupes salafistes, des Tablighs, des Ahbaches, également très bien organisés… ?
Les adlistes sont pourtant bien là, au sein de la FNMF (4) par exemple, fédération marocaine du CFCM (Conseil Français du Culte Musulman), un temps noyauté par le Makhzen (5). Car le Maroc pratique sans vergogne l’ingérence au sein de l’islam de France pour contrer l’influence de l’UOIF (6), de l’Algérie, mais aussi et peut-être autant de ses compatriotes islamistes du mouvement Justice et Bienfaisance. Le Maroc propulse ainsi des têtes à la FNMF, Mohamed Béchari (qui finira devant les tribunaux, finalement réhabilité), puis crée en 2008 le RMF (Rassemblement des Musulmans de France), très proche alors du ministère marocain des Habous et des Affaires islamiques. Il débauche aussi d’anciens membres et imams importants de l’UOIF, arrose un temps le RMF, puis lance finalement une nouvelle associations en septembre 2013, l’UMF (Union des mosquées de France), suscitant aussi de nouvelles guerres de mosquées…
Alors, que les adlistes pratiquent à leur tour l’entrisme, c’est plutôt de bonne guerre ! Ils seraient ainsi un certain nombre au sein de la FNMF. A tel point que, dans un forum, certains militants se demandent si leur association PSM (Présence et Spiritualité Musulmanes), proche du mouvement adliste, n’est pas une branche de la FNMF. D’autres, moins avertis encore, s’étonnent de la surreprésentation des Marocains au sein de l’association.
Ainsi au sein du CFCM, aberration tant constitutionnelle (loi de 1905) que religieuse (pas de clergé en islam), se joue depuis douze ans, une guerre d’ambassades, notamment entre le royaume chérifien et l’Algérie (RMF, FNMF d’un côté, Mosquée de Paris de l’autre), mais aussi des guerres internes fratricides. Les victimes : les musulmans de France ! Seuls les renseignements généraux se délectent des informations balancées les uns contre les autres, entre et à l’intérieur même des différentes fédérations.
PSM : Une « spiritualité » dispensée qui tue
Si l’association Participation et Spiritualité Musulmanes (PSM) n’est mentionnée qu’en 2007 au Journal Officiel, son nom apparaît en France dès le début des années 2000. Le nom du mouvement marocain Al Adl Wal Ihsane n’apparaît que rarement à son sujet. Il n’est pas une seule fois cité dans le « Qui sommes-nous » du site de PSM. La personnalité d’Abdessalam Yassine est en revanche omniprésente dans l’association : portrait, textes, vidéos… PSM rend hommage au cheikh dans ses différentes sections, Paris, Mulhouse… et invite régulièrement ses militants à redécouvrir la vie et le message du guide. La dernière Assemblée générale PSM-IDF, en octobre 2015, débutait ainsi par la lecture du Coran et une projection vidéo d’Abdessalam Yassine, objet d’un culte permanent. Participation et Spiritualité Musulmanes est bien la « filiale » du mouvement islamiste marocain. Aujourd’hui, PSM est présente dans les régions Languedoc-Roussillon, Paca, Centre, Est, Ile-de-France, Nord et Rhône-Alpes.
Si les membres de l’association interviennent régulièrement dans le débat public, ils sont beaucoup plus rarement désignés comme appartenant à PSM. L’association a cependant fait parler d’elle, dans quelques faits divers, comme cette arrestation, à Lunel, d’un recruteur de djihadistes pour la Syrie et l’Irak. Jawad Salih, recruteur local d’Al Adl Wal Ihsane dispensait des cours tous les vendredis dans le cadre de l’association PSM. Il milite pour un califat et dit rejeter la violence. Plus de vingt jeunes, élèves de ses cours, partiront pourtant en Syrie et Irak, sept mourront, cinq seront interpellés par le Raid, fin janvier 2015. Le mouvement conserve un rapport ambigu avec la violence qu’il prétend rejeter. Au Maroc, deux meurtres politiques ont été attribués à Al Adl Wal Ihsane (7). En France, la « spiritualité » dispensée par PSM ne fait pas que contribuer à la radicalisation de jeunes : elle tue.
Ismahane Chouder sur les pas de Nadia Yassine
La militante pro-voile Ismahane Chouder, membre de PSM, est sans doute une des plus actives porte-voix du mouvement. Passée par le bouddhisme, différentes confréries soufies, elle découvre le mouvement de cheikh Yassine en 2000. Un coup de foudre et une passion jamais éteinte depuis: « Ce maître spirituel me meut chaque jour davantage » dit-elle. Ismahane Chouder ne s’économise pas pour son maître. Elle multiplie les interventions publiques… et les casquettes : coprésidente du Collectif Féministes Pour l’Égalité (CFPE), secrétaire générale de la Commission Islam et Laïcité, membre du collectif Une école pour tou-te-s, membre fondatrice du collectif Mamans Toutes Égales (MTE). Une tactique proche de l’entrisme qui lui permet d’intervenir sur les sujets les plus variés : féminisme, école, laïcité, voile, racisme, banlieues… Elle est par ailleurs rédactrice au site de l’association.
En 2006, le Maroc réussit à empêcher la participation de Nadia Yassine à une conférence de l’UNESCO, à Paris, sur le féminisme musulman. Se présentant sous l’étiquette PSM, Ismahane Chouder, liée au même mouvement, ne sera pas inquiétée. C’est aussi l’intérêt d’agir sous diverses étiquettes, différents noms.
Ismahane Chouder se lie même avec les intégristes catholiques d’Alliance Vita avec lesquels son association a effectivement bien des points communs : avortement, gender, euthanasie, recherches sur l’embryon… Entre les deux organisations, c’est l’accord parfait sur tous les sujets ! PSM participe d’ailleurs aux Universités d’été d’Alliance Vita (8) du 30 août au 1 septembre 2013, à Écully, près de Lyon. Participation et Spiritualité Musulmanes y présente, lors d’une séance plénière, son projet éducatif, son organisation et le « point de vue des musulmans sur le thème de la défense de la vie », (c’est bien le point de vue DES musulmans que l’association prétend ici représenter). Des deux côtés, on se réjouit de cette rencontre. Tugdual Derville, co-fondateur d’Alliance Vita, la qualifie même d’« historique ». PSM se retrouvera encore la même année aux côtés de l’association intégriste, dans des manifestations homophobes dénonçant les « dangers du mariage pour tous ».
Peu de personnalités émergent publiquement de l’association. Même Ahmed Rahmani, membre fondateur de PSM, et très actif au niveau européen, se fait plus discret en France. C’est que l’association a compris aussi l’intérêt sans doute de mettre en avant une femme, maîtrisant parfaitement le français.
Ismahane Chouder suit les traces de Nadia Yassine. Avec sans doute moins de brio, mais beaucoup plus de casquettes, elle arrive cependant à attirer les projecteurs. Elle sait aussi que ce n’est pas en avançant son projet politique de califat qu’elle sera la mieux entendue en France. Alors, comme Yassine, elle utilise le langage de la modernité, parle d’injustice, de discrimination… Elle se montre aussi beaucoup plus offensive à l’égard de la laïcité et se trouve ainsi portée par toute une gauche multiculturaliste et identitaire qui a en exécration la laïcité et l’universalisme. En juin 2015, elle intervenait encore à Science-Po Paris pour une conférence « La laïcité en péril ? » Étrange casting. Des partisans d’une république islamique au secours de la laïcité ?
En octobre 2015, elle est l’une des porte-paroles de la Marche de la Dignité, rassemblant tous les identitaires racialistes, post-coloniaux, du Parti des Indigènes de la République, aux afro-féministes du Mwasi, avec comme un des mots d’ordre : la lutte des races ! PSM se fait largement l’écho de cette Marche. Ismahane Chouder est une des quatre intervenantes à la conférence de presse de la Marche dite « antiraciste », aux côtés d’Amal Bentousi, Françoise Vergès et Fania Noël. Fania Noël défend comme elle un féminisme identitaire. Convaincue que « toute association intégrée dans le système est incompétente », elle se dit en rupture avec « la blanchisserie » (entendez les Blancs). « La non mixité pour toutes les personnes racisées est la planche de salut » affirme-t-elle dans une vidéo du blog Mrs Roots. La présence de l’islamiste Ismahane Chouder ne fera l’objet d’aucun commentaire de la presse qui semble ne voir en elle qu’une féministe antiraciste victime d’une « laïcité de combat » anti-voile. La couverture médiatique de la marche montrera d’ailleurs l’aveuglement inquiétant d’une grande partie de la presse à l’égard de ces groupes religieux et identitaires. Peu de médias se sont d’ailleurs interrogés sur l’absence à la marche des grandes associations historiques antiracistes.
La galaxie frèriste solidaire
Oumma, Saphir News… les sites proches de la mouvance des Frères musulmans soutiennent dans leur ensemble le prosélytisme adliste. Le mouvement est d’ailleurs en lien avec nombre de ces sites. Il a su étendre la communication avec la galaxie islamiste partout dans le monde. Poussée longtemps à la clandestinité, l’organisation a appris rapidement à user des nouvelles technologies, échanges web, prêches par visioconférence… Oumma relaie dès 2003 des communiqués de l’association PSM, notamment des textes de cheikh Abdessalam Yassine. Interviews complaisantes de Nadia Yassine ou d’Ismahane Chouder, article sur la répression contre le mouvement AWI au Maroc, hommage à Cheikh Yassine, «auguste homme parmi les savants musulmans », « immense figure de la pensée »... Les mots des web-islamistes à l’égard du mouvement sont plutôt élogieux. A la mort du cheikh, les portraits d’Abdessalam Yassine sont même dithyrambiques. Tariq Ramadan n’est pas en reste. Sur son site, il raconte ainsi sa dernière visite chez le cheikh : « Il était resté fidèle à sa vision, à ses principes, à ses positions, et à ses espérances. Il imposait le respect et rayonnait de bonté, modestement assis, méditatif, et souriant. Je n’oublierai pas, paix à son âme, profondément ». Le prêcheur islamiste loue l’appel du cheikh « encore d’actualité » à « réformer le pays » », « refuser la colonisation des esprits… ». Emporté par son élan laudateur, il traduit même sur son site le nom du mouvement Al Adl Wal Ihsane par « Justice et Excellence ».
Tariq Ramadan et PSM se renvoie d’ailleurs les politesses. Régulièrement, PSM, sur sa page Facebook comme sur ses sites (site national et en régions), reprend des citations et écrits de Tariq Ramadan, expliquant par exemple, comme dans cet article, la nécessité de dire « nous » : « On se constitue en ‘nous’, en communauté ou en société, quand on a déterminé un projet collectif commun ». Car visiblement, l’association adliste pense partager avec le prêcheur un « projet collectif commun ». En novembre 2015, le porte-paroles du CCIF (Collectif contre l’islamophobie), Marwan Muhammad, dresse une courte liste d’une dizaine de personnes qu’il aimerait voir plus présentes dans les médias : Ismahane Chouder en fait partie aux côtés de Nabil Ennasri ou l’imam Chakil Omarjee.
Journalistes, chercheurs…
Chaque déplacement de Nadia Yassine en France a été l’occasion, pour la presse, de présenter les idées de la pasionaria islamiste. Le ton est souvent affable et les questions inoffensives.
Cette complaisance de la presse à l’égard du mouvement peut sembler plus étonnante lorsqu’il s’agit de journalistes plus avertis ou de chercheurs travaillant sur le Maroc.
Dès l’avènement du roi Mohammed VI, la presse s’intéresse au mouvement. En septembre 2000, le journaliste Jean-Pierre Tuquoi organise ainsi une rencontre entre les lecteurs du quotidien Le Monde et Nadia Yassine. Il présente alors Al Ald Wal Ihsane comme une « association caritative ».
En 2002, il semble déjà beaucoup plus nuancé dans ses propos. Interrogé par El Mundo sur l’usage de la violence au sein du mouvement, il répond qu’ « en réalité, on ne sait pas très bien ce qu’ils veulent ».
Dans son livre Renaissances arabes (2011), coécrit avec Michaël Béchir Ayari, Vincent Geisser, (IREMAM) s’offusque qu’on parle à propos de Al Adl Wal Ihsane d’ « islam radical». Pour le chercheur, qui a modéré en mai 2015 un colloque où était invité Omar Icherchane d’Al Adl Wal Ihsane (« Gauches – Islamistes : pourquoi tant de haine ? »), PJD comme AWI « se situent plutôt dans la nébuleuse de l’islam réformiste et conservateur, ayant renoncé depuis de très nombreuses années à l’usage de la violence et à l’action clandestine ».
C’est à l’occasion de son enquête pour le livre « Quand le Maroc sera islamiste », publié en 2006 avec Catherine Graciet, que Nicolas Beau découvre le mouvement AWI. Il semble aussi découvrir alors les pratiques islamistes d’investissement du champ social et associatif. Dans une interview vidéo d’Oumma.com, il exprime son étonnement face à cette « capacité des gens de Justice et Bienfaisance et de Nadia Yassine à accaparer le terrain concret, social, de la vie de quartier, la plus proche des gens », très loin dit-il des stéréotypes qu’on se fait [qu’il se fait?] de l’islamisme. Il s’offusque aussi contre l’idée d’un islamisme forcément anti-démocratique, or « il y a une culture sinon de la démocratie, au moins du consentement majoritaire, par exemple dans les cercles politiques que le mouvement a créés, il y a des processus d’élections des dirigeants. (…) Il y a des cadres qui réfléchissent à la façon d’adapter leurs théories sur le consentement de la oumma, sur le califat qu’ils affichent toujours comme étant leur but ultime… Ils essaient de voir comment ces valeurs pourraient s’intégrer dans des processus démocratiques plus classiques, tels qu’on peut en avoir la perception ici en France ».
Pourtant, cheikh Yassine n’a cessé d’expliquer en quoi la démocratie « dérange l’absolu islamique », comment le « relativisme » intrinsèque à la démocratie « détruit la religion ». Le fondateur du mouvement n’est pas loin de la désigner comme l’ennemi même de l’islam. « Choura est le nom de notre ‘démocratie’ » écrivait-il dans « Islamiser la modernité ». Pour le cheikh, il s’agit de « mettre en pratique la Loi révélée que les hommes n’ont pas le droit de changer ». L’application, incontestable, de la charia dans le monde rêvé du cheikh, fût elle choisie par une majorité, aurait-elle un rapport quelconque avec le concept de démocratie ? Le journaliste veut le croire. Ce mouvement décrit comme « extrêmement riche » par Nicolas Beau n’a pourtant jamais caché dans ses écrits sa détestation de la démocratie. Il faut croire que certains mouvements islamistes ont un pouvoir de fascination tel qu’ils en mettent en berne l’esprit critique de leurs interlocuteurs.
En France, comme ailleurs
Les adlistes usent, en France, comme ailleurs en Europe, États-Unis, Canada, des mêmes méthodes de séduction, auprès des médias, mais aussi du même recours à l’infiltration des grandes organisations islamiques. Ils s’installent ici au sein de la Fédération nationale des musulmans de France, comme en Espagne, avec d’énormes succès, au sein de la Fédération islamique (notamment de la région de Murcie où 50.000 Marocains auraient déjà cédé aux sirènes du cheikh). Ils approchent les étudiants, les mosquées… et se présentent sous divers noms, toujours comme une « école de pensée », pacifique : PSM, comme en France ou en Italie, CSM (Citoyenneté et spiritualité musulmane), Fraternité comme en Belgique ou ONDA (Organisation nationale pour le dialogue et la participation) comme en Espagne. Brouillant les pistes, l’organisation va même prendre des noms, comme au Canada, sans aucun rapport avec le mouvement religieux, comme Observatoire canadien des droits de l’homme! Hors Maroc, c’est sans doute en Espagne que le mouvement est le mieux implanté. Proche du mouvement, Mounir Benjelloun est à la tête de la FEERI (fédération regroupant près de mille mosquées en Espagne). Il est aujourd’hui depuis novembre 2012, avec une certaine bienveillance du ministère de l’Intérieur, à la direction de la plus haute autorité musulmane en Espagne : la Comisión Islámicade España (CIE, organe équivalent au CFCM en France).
Pour la Jamâa, il s’agit de renforcer partout sa présence, de s’assurer des soutiens à l’étranger, de recruter, récolter de l’argent et de se tenir prêt en cas de confrontation avec l’État marocain. Première force politique organisée au Maroc, Al Adl Wal Ihsane est aussi une organisation qui a déjà tissé sa toile dans tous les pays à forte communauté marocaine. La France y a déjà, depuis plus de dix ans, ses relais dévoués.
(1) Collectif des Musulmans de France (CMF) présidé par Nabil Ennasri
(2) Étudiants Musulmans de France (EMF), association étudiante française créé en 1989 (ex Union islamique des étudiants de France)
(3) Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), association française créée en 2003. Proche des FM, le CCIF, via son porte-paroles Marwan Muhammad, participe aussi à des conférences sur l’ « islamophobie » avec des imams salafistes. Nader Abou Anas ou Rachid Abou Houdeyfa sont ainsi invités en guest-stars aux dîners du CCIF. Le CCIF ne se dit pourtant ni salafi, ni tablighi, ni ikhwani, «juste musulman ». Fédération nationale des musulmans de France (FNMF)
(5) Terme populaire désignant le pouvoir royal marocain et ses instituions (justice, administration, armées, police…). Anciennement, le gouvernement du sultan.
(6) Union des Organisations Islamiques de France
(7) Des disciples de Abdessalam Yassine ont été impliquées dans l’assassinat de deux étudiants d’extrême gauche et militants de l’UNEM (Union Nationale des Étudiants du Maroc): Maâti Boumli en novembre 1991 à Oujda et Mohamed Aït Ljid Benaïssa en mars 1993 à Fès.
(8) A l’origine, « Alliance pour les droits de la vie » créée par Christine Boutin.
Soucieux de la stabilité du royaume, les États-Unis restent depuis plusieurs années les observateurs attentifs du premier mouvement islamiste marocain, Al Adl Wal Ihsane. La porte-parole officieuse de l’organisation, Nadia Yassine, qui avait reçu lors de son procès en 2005 le soutien du Département d’Etat, a régulièrement été invitée à intervenir dans les universités américaines.
L’annonce avait surpris au Maroc. En 2005, Nadia Yassine, lors de son procès intenté par le royaume, avait reçu le soutien inattendu du Département d’État américain. Un coup de pouce, au nom de la liberté d’expression, qui n’était évidemment pas passé inaperçu dans le royaume. Fort de ce soutien, la fille du fondateur du mouvement Adl Wal Ihsane (AWI) a vraisemblablement pris un certain plaisir à embarrasser le pouvoir chérifien. En se présentant comme défenseur des valeurs d’ouvertures, de liberté, elle s’est positionnée aussi comme un interlocuteur respectable aux yeux des États-Unis.
Après les multiples fractures opérées par l’administration Bush, Barak Obama avait désiré dès sa prise de mandat en 2009 un changement de cap majeur en matière de relations internationales et un rapprochement avec le monde arabe. Mais le dialogue avec cet aire culturelle se réduisant pour lui à un échange inter-religieux, il s’était surtout traduit politiquement par un rapprochement des islamistes dits « modérés » (Discours d’al-Azhar, au Caire).
Nouvelle idylle ?
AWI pouvait aussi constituer le poil à gratter utile du royaume. « Les États-Unis n’hésitent jamais à utiliser toute carte qui leur permettrait de préserver le moindre de leurs intérêts » dit Nadia Yassine, mais « nous sommes certainement l’une des dernières cartes que choisirait l’Amérique pour fonder son Grand Moyen-Orient » se défendait-elle dans l’hebdomadaire marocain Al Michaal (18/08.2006). « Puisque la prudence et le réalisme américains s’appuient sur des études et des prévisions rationnelles, elle ne peut que nous considérer comme un acteur politique qu’elle ne peut négliger dans ses calculs impérialistes. Ce qui illustre bien notre popularité effective et non une idylle entre nous et l’Amérique de Bush ».
Les invitations maintes fois réitérées de Nadia Yassine aux Etats-Unis avaient en effet laissé place à quelques commentaires suspicieux, voire de rumeurs conspirationnistes. Nadia Yassine, des accointances avec Washington ? Serait-elle achetée par les États-Unis ? Toujours dans Al Michaal en 2006, Yassine se défendait de ces accusations: « Pourquoi cet intérêt soudain pour les voyages des leaders de la Jamaâ ? Ces voyages ne furent évoqués qu’après la rumeur qui avait suivi mon séjour aux États-Unis et selon laquelle j’étais allée exposer l’idée de la république; ce qui est totalement faux. Mon intervention était dans le cadre d’une université parfaitement indépendante de la politique américaine officielle ». Quitte à retourner la situation quelquefois, Nadia Yassine se défend contre des accusations imaginaires d’anti-américanisme : « Les États-Unis doivent comprendre, quant à eux, qu’il y a des lois historiques qu’ils ne peuvent ignorer, comme ils le font maintenant, sans en payer tôt ou tard le prix. Si vous évoquez encore mes visites aux universités américaines, je vous répondrais que critiquer la politique dévastatrice d’un État ne veut pas systématiquement dire stigmatiser son peuple et haïr sa société civile ».
La tournée des universités
Nadia Yassine s’exprimera dans des universités de Washington, Cambridge, New-York… C’est même une véritable tournée qu’elle réalise du 3 au 20 avril 2006 en collaboration avec les universités de Harvard, Darthmouth, Fordham, Georgetown. Au Darthmouth College (Etat du New Hampshire) elle répond ce 6 avril aux questions d’une pléiade d’éminents chercheurs et spécialistes de l’islam et du Moyen-Orient. Elle est invitée à dîner par l’anthropologue Dale Eickelman et sa femme, qui lui feront même visiter la région de Hanover. Le 14 avril, elle intervient à Harvard à Cambridge (Etat du Massachusetts) sur le thème «Réformes juridiques au Maroc : Opinions d’une féministe marocaine dissidente ». Le titre est élogieux. La dissidence de Nadia Yassine résiderait-elle dans son féminisme ? [Voir article « L’imposture féministe »]. C’est toujours avec cette carte « féministe » qu’elle se présente aux États-Unis, comme en Europe. Même si le mot la gène, il reste bien plus payant en Occident que le mot « islamiste ». Du reste, Nadia Yassine a toujours le souci immédiat de donner au mot « féministe » une couleur plus identitaire et confessionnelle qui passe finalement plutôt bien dans un pays comme les Etats-Unis où la religion tient une place centrale, y compris dans la vie politique.
A la fin de la conférence d’Harvard, elle signe son livre «Full Sails Ahead » (« Toutes voiles dehors » , publié en 2003). Reçue avec toujours autant d’égards, elle présentera également son livre le 18 avril à l’université de Fordham à New York, avant un dîner en son honneur, puis le 20 avril à l’université Georgetown, à Washington. Son organisation est quelquefois présentée comme un « groupe social », « une organisation caritative » et elle, comme une féministe œuvrant à la « réorganisation de la société marocaine et de la politique sur des bases islamiques et démocratiques ». Le Center Berkeley de l’Université de Georgetown dans sa courte présentation de AWI, parle même des activités du mouvement : « diffusion du message de l’islam, organisation d’événements, fourniture de services sociaux aux pauvres, arrangement de mariages »…
La Fondation Carter, créée en 1982 par l’ancien président Jimmy Carter, parle même de Nadia Yassine comme d’une « activiste des droits de l’homme », partie prenante des « forces de modernisation » de la société marocaine. Elle participe selon la Fondation à ce « carburant commun », religieux ou laïque de défenseurs des droits de l’homme qui « défie le despotisme» (Nadia Yassine. Meet The Featured Human Rights Defenders, CarterCenter.org). Le mot « réforme » outre Atlantique, agit aussi tel un mot magique, comme nécessairement synonyme de « progrès ». Aussi, Nadia Yassine, préfère-t-elle toujours insister sur la nécessité qu’il y avait de réformer la Moudawana (1), plutôt que d’en détailler les éléments précis. Elle parle ainsi de l’ancien « statut désastreux de la femme marocaine », sans rapport pour elle avec le Coran et la tradition du prophète et rappelle inlassablement qu’elle seule, la première, avait décrit la Moudawana comme pouvant être réformée, car non sacrée.
La stabilité avant tout
Même si les États-Unis affichent un soutien à la démocratie et aux droits de l’homme, ils semblent parallèlement terrifiés par les perspectives démocratiques dans le monde arabe. C’est d’ailleurs une crainte partagée avec la monarchie marocaine qui a perçu le Printemps arabe comme une véritable menace. Pour les États-Unis, le scénario catastrophe serait, dans cette région, l’arrivée par les voies démocratiques d’un régime hostile à leur politique, comme c’est généralement le cas des régimes islamistes.
Sous la gouvernance démocrate, l’intérêt pour le mouvement Al Adl Wal Ihsane n’a pas faibli. Nul doute d’ailleurs que l’état américain a suivi cette imposante marche pour la Palestine organisée ce 25 octobre dernier à Casablanca par WAI et le Mouvement Unité et Réforme (MUR). Il aura certainement aussi scruté les mots de déni du porte-parole d’Al Adl Wal Ihsane face aux dérapages antisémites de cette marche essentiellement composée des militants adlistes. En 2014, le think-tank WINEP publiait un rapport recommandant à l’administration Obama de diriger une réconciliation entre le Palais royal marocain et la mouvance islamiste de WAI. Pour Washington, une normalisation politique serait à même de préserver la sécurité et la stabilité du Maroc. Et c’est bien cette voie qui est privilégiée, celle de la sécurité avant tout : soutenir les régimes autoritaires amis des États-Unis, en poussant à des réformes mineures qui assureront la continuité de ces régimes. La sécurité avant la démocratie en somme. Un choix à double tranchant qui pourrait bien aussi favoriser les mouvements les plus radicaux.
(1) La Moudawana (ou Code du statut personnel marocain) est le droit de la famillemarocain codifié en 1958. Elle a été amendée en 1993, puis plus largement révisée en 2004. C’est l’actuel Code de la famille marocain.
(2) WINEP (The Washington Institute for Near East Policy), fondé en 1985, est un think-tankinfluent spécialisé sur les questions afférentes au Moyen–Orient.
Parfaitement bilingue, experte en communication, Nadia Yassine, s’est toujours paré, en Occident, avec un certain succès, des atours plus présentables du féminisme et de la modernité. Son projet politique est beaucoup moins glamour: l’instauration, au Maroc, d’une république islamique basée sur la charia.
C’est sa marque de fabrique : le féminisme, islamique s’entend ! C’est aussi sa carte de visite pour séduire l’Occident. « Moderniser l’islam en le féminisant » reste le leitmotiv de la pasionaria du mouvement islamiste marocain. En réalité, il s’agit bien plus d’islamiser le féminisme ! Le livre référence de son père, cheikh Yassine, auquel elle voue une véritable admiration, ne trompe d’ailleurs aucun lecteur sur le projet politique. Le titre ? « Islamiser la modernité » (et non moderniser l’islam). La femme occidentale y est présentée comme détournée de « son cours naturel » (la maternité) pour n’être réduite qu’à être une « poupée maquillée » « jetée en pâture à l’homme, objet consentant de désir ». Une conséquence du « postulat bestial », entendez le postulat darwinien qui fait de nous « des singes évolués traversant cette vie sans destin et sans signification » et contre lequel père et fille s’insurgent.
C’est un peu une constante des modèles totalitaires : la femme n’a pas d’existence en dehors de la famille et la maternité fait la femme. Nadia Yassine aime répéter qu’elle a été la première à déclarer que le Code de statut personnel (ou Moudawana, régissant le droit de la famille au Maroc) n’était pas sacré, et donc réformable. De même, elle aime établir un lien entre le patriarcat et la monarchie héréditaire marocaine, une « néo-patriarchie », convaincue qu’en s’attaquant à l’un, on atteint également l’autre. Pourtant, elle juge « normal » que son mouvement soit dominé par des hommes, « c’est une loi de la nature. Les hommes dirigent toujours les grandes organisations. Mais il y a beaucoup de femmes à la base » rétorque-t-elle à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel en juillet 2007. Elle affirme souhaiter la libération de la femme musulmane. Reste qu’en plein débat sur le Code de la famille, elle a choisi son camp. Alors que le 12 mars 2000 les féministes défilent à Rabat, elle, manifeste aux côtés des islamistes à Casablanca «pour le respect des valeurs musulmanes» et «contre les élites occidentalisées». Elle freinera des quatre fers les réformes du Code de la Famille « pour des raisons politiques » dit-elle, et non religieuses : « C’est bien d’avoir plus de liberté, mais dans la pratique ? Comment une femme peut-elle user de son divorce par exemple, si elle n’a ensuite aucun travail et termine à la rue ? » (Der Spielgel, 3/07/2007). « Nous nous sommes également opposés à la réforme parce qu’elle a émergé après la conférence de Pékin (1), imposée à nous par le monde extérieur. Notre société peut être en difficulté, mais nous devons trouver nos propres remèdes (Monde diplomatique, 2/04/2004). Une fois le texte entré en vigueur en 2004, Nadia Yassine saluera pourtant le nouveau Code de la Famille: « Le discours du roi s’inspire d’une relecture intelligente des textes sacrés. C’est un retour aux sources de la religion » dit-elle. Rédigé de façon un peu schizophrénique, entre la charia et la Déclaration des Droits de l’Homme, le nouveau texte n’a effectivement pas le caractère révolutionnaire que beaucoup ont voulu lui donner. Il est resté un compromis, encore timide, et qui attend toujours aujourd’hui sa version 2. On ne touchera pas de front à la polygamie (rendue toutefois plus difficile), ni au mariage précoce, encore moins à l’épineuse question de l’héritage, même pas mise sur le tapis en commission royale consultative… Pour Nadia Yassine, la charia est d’ailleurs « une source de droit, d’organisation de la société, de liberté ». Même si elle regrette qu’on la réduise à une liste de châtiments corporels et qu’elle aime évoquer l’ijtihâd (2), elle y voit la loi elle-même.
Sous le vernis de la modernité, un autre âge
Son discours a toujours le vernis séduisant de la modernité. Elle parle « féminisme », « droits de l’Homme », « démocratie »… Mais une démocratie sans droits de l’Homme, des droits de l’Homme sans sa dimension universaliste… Des mots creux. « Nous croyons qu’il nous faut un parlement qui prenne des décisions démocratiques, même si elles sont sévères, contre une certaine minorité qui demeure accrochée à la corruption et à la débauche » déclare-t-elle ainsi dans un hebdo marocain. Mais quel sort « sévère » réserve-t-elle à ces minorités ? Interrogée à Paris devant des lecteurs du Monde sur la question du mariage précoce, elle répond : « Je n’aimerais pas voir ma fille mariée à 14 ans, mais de là à prendre ma réalité pour celle de tous les Marocains… ». Le viol institutionnalisé de mineures n’émeut donc pas notre « féministe » qui s’oppose à une loi sur le sujet. En 2014, le mariage précoce concernait encore 102.197 jeunes filles mineures, parmi lesquelles beaucoup encore de 14 ans et moins. La part des mariages en dessous de l’âge légal a presque doublé en une décennie, passant de 7% en 2004 à près de 12% en 2013.
Nadia Yassine se méfie de l’étiquette « féministe ». Elle ne l’accepte qu’en précisant chaque fois qu’il s’agit d’un féminisme lié à la sphère culturelle musulmane. « Vous pouvez m’appelez féministe si vous voulez. Mais je parle d’une culture différente, islamique » (Der Spielgel, 3/07/2007). « Si c’est pour défendre la cause des femmes, alors je me considère comme féministe. Mais je ne défends pas le féminisme à la Simone de Beauvoir, un féminisme occidental » (Le Journal des Alternatives, Canada, 25/09/2008). « Promouvoir un féminisme à l’occidental revient à se tromper d’histoire et de repères » dit-elle encore lors du congrès sur le féminisme islamique organisé a Barcelone en octobre 2005. Nadia Yassine affiche d’ailleurs un profond mépris à l’égard des féministes laïques, qu’elle appelle « matérialistes », notamment les féministes marocaines « [Elles]ne constituent qu’une partie d’une petite élite, vivant dans une bulle intellectuelle et imitant l’Occident » au contraire des islamistes qui « représentent les gens » (Der Spielgel, 3/07/2007). Finalement, du féminisme en Occident, elle ne retient que les âneries essentialistes des militant(e)s différentialistes : « Je pense qu’effectivement il y a une prédisposition des femmes au dialogue et à une compréhension plus humaine de nos différences » dit-elle par exemple dans la revue italienne Volontari per lo sviluppo (Volontaires pour le Développement) en avril 2007. Il ne semble pourtant pas que la féminisation du Parlement avec l’arrivée massive des femmes islamistes du PJD ait beaucoup fait avancer la cause des femmes…
Si elle est contre la parité, les quotas, ce n’est donc pas parce qu’elle rejette l’essentialisme de genre, mais « parce qu’il ne faut pas imiter l’Occident » et par respect à l’ordre naturel assurant la suprématie masculine. Détourné des principes universalistes, sexiste, à la fois religieux et identitaire, le féminisme de Nadia Yassine, a assurément tout de l’imposture.
Après le massacre de Charlie Hebdo, les intégristes et leurs amis avaient attendu un mois pour se réunir contre l' »islamophobie » plutôt que contre l’intégrisme. Certains blessés sortaient à peine du coma.
Après les attentats de St Denis et de Paris, les intégristes et leurs amis se sont retrouvés… à Saint-Denis, pour expliquer qu’ils n’étaient ni Charlie ni Paris. Et qu’au fond les vraies victimes ce n’était pas les 130 êtres humains morts le 13 novembre ni les 350 blessés, dont certains ne sont pas encore sortis de l’hôpital, mais eux… Les victimes d' »islamophobie ».
Qui étaient à la tribune de ce meeting, dont l’annonce a été relayée par « Ensemble« , le courant de Clémentine Autain, sur son site ?
Salma Yaqoob
Salma Yaqoob est un des relais britanniques de Tariq Ramadan. En 2004, c’est elle qui, au FSE de Londres, parvient à inscrire Tariq Ramadan sur huit tables-rondes. Ce dernier ayant le don de double discours et non d’ubiquité, il a fait faux bond à plusieurs d’entre elles.
Par ailleurs, elle a écrit une nouvelle où elle imagine que la Grande-Bretagne deviendra une république islamique et Salman Rushdie quittera le pays effrayé. Quant aux attentats de Londres, ils seraient simplement une réaction aux attaques américaines.
Lors de ce meeting, Salma Yaqoob, a expliqué que lorsque le Sun publie un sondage disant que 1/5 musulmans soutient Daesh, c ‘est une attaque contre les musulmans !
Les puissances impérialistes seraient « comme des parents qui nieraient leur responsabilité de leur enfants incontrôlables, qui se rassurent dans la vengeance ».
L’ »islamophobie », dit-elle encore, est « créée par les élites comme arme de distraction massive en temps de guerre, une population terrorisée pose moins de questions à ses dirigeants », et « cela provoque un retrait de la vie politique des musulmans ».
Alain Gresh
Autre participant, Alain Gresh, vieux compagnon de route de Tariq Ramadan. A ce meeting, il a expliqué que la LDH était la seule « à s’occuper de l’islamophobie ». Ou que lorsque « Valls déclare la guerre à Daesh (…) St denis en paie le prix ». Sic.
Tariq Ramadan
Tariq Ramadan a poursuivi à la tribune en congratulant Alain Gresh qui a « très bien présenté le lien avec la politique étrangère et les attentats ».
Il a ajouté qu’on ne « doit pas interdire ni criminaliser le salafisme ni les lectures littéralistes, car en plus on traite avec les Rois de ces lectures à l’international » et qu' »il faut discuter de la lecture religieuse » mais ne pas faire l’amalgame « entre lecture littéraliste et attentats ».
D’après Tariq Ramadan, les attentats du 13 novembre sont « un prétexte pour déclarer la guerre à la Syrie », guerre qui aurait été « préparée par la France bien avant ».
Mais bien sûr, « des forces pro-israéliennes et sionistes en France ne veulent pas de son discours et provoquent des déstabilisations ». Et de rajouter, qu' »on connaît les sources d’islamophobie, on sait d’où ça vient… Elles sont liées à des associations pro-sionistes mais on a pas le droit de le dire ».
Tariq Ramadan a ensuite évoqué le cas de l’imam Kattabi, assigné à résidence. Seul imam proche des Frères musulmans à être inquiété, il a tout de même expliqué soutenir les jihadistes (qu’il appelle « moudjahidines ») où qu’ils se trouvent. L’imam a également déclaré : « de nos jours, notre société et l’éducation incitent à la fornication ». Il a lancé des campagne de haine contre Mohamed Sifaoui et aurait, selon le Fisc, un petit problème de mémoire avec ses déclarations.
Tariq Ramadan en appelle aux militants dans la salle : après avoir créé des associations contre l’islamophobie, il faut maintenant « passer à la deuxième étape », et « être beaucoup plus offensif en France et à l’international ».
Et de terminer par une diatribe contre la laïcité. « Arrêtez avec cette laïcité a toutes les sauces !! Il y en a marre !!! Unité de la république, laïcité, viande hallal, foulard, journée de la laïcité… c’est quel désordre ça ? On est où ? C’est de la distraction !!! »
Marwan Muhammad
Prenant la suite, l’ancien patron du CCIF, devenu conseiller OSCE et donc diplomate, a dédié la soirée à Caroline Fourest et Eugénie Bastié. Il a plaisanté en disant avoir déclaré vivre chez Caroline Fourest pour qu’elle soit perquisitionnée… Ce qui est effectivement assez drôle puisqu’il y a certainement plus de documents à charge contre Marwan Muhammad au domicile de Caroline Fourest que chez lui.
Et de poursuivre : « Valls a une fracture du cerveau car il ne veut pas comprendre les excuses sociologiques des terroristes ». Ou encore : « On nous a vendu la république, alors maintenant on en veut pour notre argent ».
Un moment surprenant a eu lieu. Au moment de partir, Tariq Ramadan n’a pas pris la peine de saluer Houria Bouteldja. Très peinée, la leader du PIR s’en est émue auprès de Sihame Assbague. Houria Bouteldja serait-elle devenue si repoussoir qu’elle ne lui est plus d’aucune utilité ou est-ce plus personnel ?
La responsabilité de la Mairie de Saint Denis
La Mairie de St Denis avait déjà été mise en cause dans le meeting contre les #JesuisCharlie organisé après les attentats de janvier. Presque 200 personnes, les mêmes réseaux, se sont réunies ce 11 décembre dans la salle prêtée par la même Mairie de St Denis. Elle a d’ailleurs été remerciée à la tribune par Sihame Assbague pour la salle et le local. Quel local !?
Un élu y est également intervenu. Il s’agit de Madjid Messaoudene, élu de gauche connu pour ses diatribes contre la gauche, les laïques (surtout arabes) et son soutien à Tariq Ramadan.
A la tribune, il a expliqué que Saint Denis a été touchée trois fois. Le 13 nov, le 18 nov (avec une intervention policière « qui a choqué les habitants »), puis avec les « attaques à l’encontre de St denis »… Il parle des perquisitions ! Pour Madjid Messaoudene, un attentat faisant 130 morts est donc visiblement équivalent à une action anti-terroriste pour prévenir un autre attentat.
Depuis de nombreuses années, des citoyens de Seine Saint Denis alertent contre la politique de communautarisme venant de la mairie. (voir ici le documentaire de Caroline Fourest sur la laïcité qui leur donne la parole).
C’est le cas de Fewzi Benhabib, universitaire algérien menacé de mort dans son pays et qui a choisi la France, il y a plus de 20 ans, à cause des islamistes. Après les attentats de Saint Denis, il a écrit une tribune dans laquelle il remet les pendules à l’heure (voir ici). La ville de Saint Denis n’a plus rien a voir avec ce qu’elle était quand il est arrivé, et « la patrie des droits de l’homme regarde ailleurs ». Et y décrit un salon de coiffure réservé aux femmes qui s’appelle « Mixte Coiffure« . Pourquoi mixte? Parce qu’au fond du salon, il y a une salle spéciale pour les femmes voilées.
Plusieurs protestations ont eu lieu contre ce meeting de la honte
Bête noire du régime marocain, Nadia Yassine, a longtemps enflammé les débats au royaume. Porte-parole officieuse du mouvement islamiste Al Adl Wal Ihsane, la fille du fondateur du mouvement, cheikh Yassine (1928-2012), n’a jamais eu qu’un rêve : abattre la monarchie. Harcelée par le pouvoir, contestée au sein même de son mouvement, Nadia Yassine s’est mise, ces dernières années, en retrait de la vie politique.
« Atteinte à la monarchie » ou à « la sacralité ». C’est le motif chaque fois avancé par le régime pour intimider les opposants encombrants, journalistes trop critiques, chercheurs, rappeurs ou militants de droits de l’Homme importuns… Nadia Yassine n’a bien sûr pas fait exception. C’est même ce procès en 2005 qui lui vaut ses heures de gloire. Un procès ridicule dont le Makhzen (1) ne parvient plus depuis à se débarrasser, le reportant sans cesse depuis dix ans. Nadia Yassine encourt alors jusqu’à cinq ans de prison et 100.000 dirhams d’amende (plus de 9000 euros) pour avoir déclaré à l’hebdomadaire Al Ousbouya Al Jadida que « la monarchie est inadaptée au Maroc et [que] le régime ne tardera pas à s’écrouler ».
Contrairement aux islamistes du PJD (Parti Justice et Développement) actuellement au pouvoir sous le gouvernement d’Abdelilah Benkirane, les adlistes ne reconnaissent pas le statut religieux du roi de Commandeur des Croyants, ni même la monarchie héréditaire comme principe intrinsèque à l’islam. Il n’en faut pas moins bien sûr pour faire de ce mouvement, très ancré dans la société marocaine, l’ennemi à abattre. Longtemps totalement interdit, aujourd’hui encore empêché de se constituer en parti politique, Al Adl Wal Ihsane (Justice et Bienfaisance), bien qu’illégal, reste cependant toléré. Pour rien au monde, Nadia Yassine n’aurait raté ce procès de 2005, terrible bourde stratégique du Palais, qui allait souligner, à l’international, le caractère anti-démocratique de la monarchie de Mohammed VI. Le Département d’État américain lui-même s’exprimera pour défendre la liberté d’expression de Mme Yassine. La fille du cheikh reçoit même le soutien inattendu du cousin du roi Moulay Hicham. « Le Prince Rouge vire au vert », titre alors la presse.
Ce jour-là, je couvre l’événement. Un grand moment de spectacle ! Des centaines de militants islamistes se sont amassés à l’extérieur du tribunal de Rabat. Des dizaines d’avocats, empêchés d’entrer, brandissent leur robe, tandis que des journalistes, bloqués derrière des grilles, agitent leur carte carte de presse…
A l’intérieur, les femmes voilées de la Section féminine d’Al Adl Wal Ihsane s’activent, repérant les journalistes présents. Alors que l’une d’elle me glisse la carte de visite du mouvement avec adresse et site Web, une autre me propose ses services gracieux de traduction simultanée du procès qui se déroule en arabe classique. Assurément, le ministère de la Communication marocain a beaucoup à apprendre du premier mouvement islamiste du pays !
La sortie du tribunal, plus théâtrale encore, dévoile la personnalité habile de la fille du cheikh. A un mètre de moi, Nadia Yassine plonge ses mains dans son sac et en sort un énorme sparadrap marqué d’une croix rouge qu’elle se colle sur la bouche. La militante islamiste avance, tête dressée, vers le haut des marches du tribunal et triomphe devant les photographes agglutinés derrière la grille. La photo fera le tour du monde. Grâce au Makhzen, Nadia Yassine gagne alors ce jour-là une renommée internationale. Elle sait ce que le Palais n’a pas encore compris : le pouvoir des médias.
Grande comédienne, Nadia Yassine sait émouvoir, pleurer sur la misère dans les bidonvilles du royaume devant les caméras, dénoncer, la larme à l’œil, l’injustice sociale. Totalement bilingue (elle a fait sa scolarité dans les établissements français de Rabat et de Marrakech), elle aime apparaître comme une authentique militante féministe en Occident. [Voir l’article «Nadia Yassin : L’imposture féministe »]. Elle intervient partout dans les médias occidentaux, américains [Voir l’article « Nadia Yassine : Bienvenue chez le Grand Satan! »], canadiens, espagnols, français, allemands, italiens, belges… Nadia Yassine excelle dans cet exercice d’interview hors du royaume. Elle donne aussi son avis, souvent contradictoire, sur les débats qui animent le pays qui l’accueille. Ainsi, à propos du message qu’elle adresserait aux jeunes françaises portant le voile, elle cite en référence le célèbre théologien Al-Qaradawi, aujourd’hui recherché par Interpol pour incitation au meurtre, violence, vol : « On devrait écouter le docteur Youssef Qaradawi, imminent savant de l’Islam, qui dit qu’il y a des priorités dans l’Islam, et la science est une priorité par rapport au voile (…) Je leur dis c’est votre droit, luttez pour vos droits et revendiquez la laïcité à la Jules Ferry (…) Je trouve que c’est aberrant, que la République au lieu d’aider ces jeunes filles, de les laisser aller à l’école pour qu’elles développent un esprit de revendication, les laisse retourner à leur foyers pour en faire des intégristes réelles cette fois-ci » (Radio Orient, sept. 2003).
La presse marocaine, plus avertie de l’animal politique, est beaucoup plus déroutante pour notre militante, habituée au ton souvent assez complaisant des médias occidentaux. Elle souligne aussi l’imprécision du projet politique, raille les prophéties toujours contredites du gourou de la secte adliste… Sur les fameux rêves du cheikh par exemple, longtemps objet de plaisanteries dans le royaume, elle se défend : « Il s’agit d’une centaine de « rouaâs» faites par nos frères et sœurs. Je traduirais «rouaâs» plutôt comme rêves prémonitoires (…). Notre culture islamique nous fait prendre très au sérieux ces rêves pour la simple raison que la prise en considération de cette dimension est recommandée par le Prophète lui-même » (Le Journal Hebdomadaire, 15/01/2006). « Si nos visions font peur au régime et inquiètent nos adversaires, pour nous elles sont des messages de Dieu (…), un lien ininterrompu entre le ciel et la terre » (Assahifa, 26/12/2006). Alors, monarchie, république, khilafa islamique ? Nadia Yassine botte toujours en touche : « ce sont les Marocains qui choisiront » lance-t-elle désinvolte. « Et une constitution basé sur la loi islamique, la charia ? » L’interroge l’hebdomadaire allemand Der Spiegel en juillet 2007. « Si c’est le choix démocratique du peuple, alors oui » répond-t-elle.
Lorsque les questions deviennent trop précises, Nadia Yassine rappelle que sa démarche est spirituelle, avant d’être politique, mais peu de questions la gênent réellement. Ses réponses sont quelquefois aussi énigmatiques qu’inquiétantes, comme à propos de l’interdiction éventuelles des bars, qu’elle qualifie de « lieux de débauche », ou des plages mixtes : « On ne brusquera absolument rien. Il ne s’agit pas d’interdire, il s’agit de convaincre. On prendra le temps qu’il faudra pour cela (…) Mon père dit toujours que nous faisons nos classes et si la révolution iranienne a marqué nos esprits comme beaucoup d’esprits en ces temps-là et pas forcément islamistes, nous en tirons aussi des leçons très édifiantes ».
Brouilles et brouillard chez les adlistes
Fin 2011, la fille du cheikh se dit fatiguée de la politique, des accusations à son encontre de « double discours ». Elle préfère désormais répondre aux « questions d’ordre philosophique ». Mais où est donc passée Nadia Yassine ? S’interroge la presse marocaine en 2011 qui constate son retrait médiatique, voire son retrait de la vie politique. Fatiguée du harcèlement , des rumeurs à son encontre ? En juin 2011, en plein Printemps arabe, des photos supposées « compromettantes » circulent sur Internet : Nadia Yassine aurait une relation extraconjugale. L’histoire fait sourire les Marocains habitués aux méthodes de basse police du royaume (à chacun un crime adapté : scandale sexuel pour les islamistes, trafic de drogue pour les jeunes du Mouvement du 20 Février…). Mais on ignore de quelle manière elle a ou non affecté Nadia Yassine. Omniprésente durant des années dans les médias internationaux, elle s’est faite depuis beaucoup plus discrète, jusqu’à quasiment disparaître.
En décembre 2012, elle ne fera qu’une brève apparition à la mort de son père. L’enterrement rassemble alors plus de cent mille sympathisants. Le mouvement lui-même se montre plus discret depuis l’arrivée des islamistes du PJD au pouvoir en novembre 2011 et son retrait quelques semaines plus tard des manifestations du 20-Février (mouvement contestataire issu du Printemps arabe).
Si l’attitude d’Al Adl Wal Ihsane (AWI) semble quelquefois ambiguë à l’égard de ses frères du PJD, celle de Nadia Yassine reste beaucoup plus sévère. Elle, n’attend rien de l’expérience PJD, islamistes institutionnalisés « à la solde du pouvoir », et l’exprime sans ambages. En 2008 déjà, elle irritait les péjidistes déclarant que les résultats obtenus par le parti faisaient l’objet d’ « entente préalable avec le ministère de l’Intérieur ». « Tout le monde sait que les élections législatives de septembre 2007 ont été falsifiées » s’exclame-t-elle en mars 2008, sur les ondes de la BBC. De quoi fortement titiller les barbes péjidistes. Des militants du parti avaient alors interpellé la Jamaâ pour faire taire cette « grande gueule ». Nadia Yassine ne croit pas plus à l’alternance islamiste PJD qu’elle n’a cru hier à l’alternance socialiste d’Abderrahman el-Youssoufi (2), « paillasson du Makhzen » (sic). Pour elle « le régime cherche toujours du sang nouveau qui prolongerait sa durée de vie » analysait-elle déjà le 18 décembre 2006 dans le magazine marocain Al Michaal. Ces alternances illusoires, sans pouvoir réel, permettraient donc de faire durer un peu plus un régime dont les jours sont comptés. Aussi comme beaucoup d’observateurs de la vie politique marocaine, Nadia Yassine avait prévu la victoire du PJD aux élections suivantes « avec la bénédiction de l’Etat ». Par ses prises de position radicales, Nadia Yassine agace souvent autant les partisans PJD qu’une partie de son organisation. Ainsi, par exemple, lorsqu’en en 2005, elle déclarait sur la BBC « les musulmans ont infligé une terrible injustice aux femmes au nom de l’islam ».
En 2013, Abdellah Chibani, mari de Nadia Yassine, intègre la direction du mouvement, le Conseil d’Achoura (sorte de bureau politique, composé de 15 membres). Mais Nadia Yassine reste toujours absente des médias.
Ces tensions et querelles incessantes au sein du mouvement expliqueraient-elles son retrait aujourd’hui de la vie politique ? Certains disent que Nadia Yassine aurait demandé à être dispensée de ses responsabilités au sein de la Jamaâ, notamment des instances féminines; voire qu’elle aurait totalement quitté le mouvement, ce que Fathallah Arsalane, porte-parole de AWI, n’a jamais ni infirmé ni confirmé. Pour Omar Iherchane, membre du Secrétariat Général du Cercle Politique, il ne s’agit que d’un « retrait médiatique ». Nadia Yassine rejette en effet toute demande d’interview et refuse de répondre aux questions afférentes à sa place actuelle au sein de l’organisation. Mais beaucoup doutent de la voir quitter totalement le mouvement fondé par son père.
Une participation exclue
Dans son fonctionnement, ses mécanismes de désignation, son projet, le mouvement reste opaque, comme à l’époque de sa clandestinité. Toutes ces interrogations nourrissent les spéculations sur un différend existant entre Nadia Yassine et Fathallah Arsalane. Dans son rapport rédigé pour le compte de l’influent think-tank WINEP (The Washington Institute for Near East Policy) (3), l’analyste Vish Sakthivel explique que les personnalités féminines seraient moins valorisées aujourd’hui que sous l’ère Yassine. Elle fait état aussi d’importantes tensions internes depuis la mort de son leader historique, à l’image des oppositions entre Arsalane et Yassine. Des tensions atténuées par la nomination en décembre 2012 de Mohammed Abbadi comme secrétaire général, mais qui semblent avoir durablement miné le moral des troupes, le fonctionnement interne, la stature publique du mouvement et même les adhésions féminines (40% des adhérents seraient des femmes). Le mouvement a toutefois survécu à la mort de son leader. Mais questionné par l’arrivée au pouvoir des islamistes du PJD, il doit faire face aujourd’hui au départ de ses militants les plus impatients, certains de plus en plus tentés par un islamisme participationniste. Sur ce point, Nadia Yassine n’a jamais transigé. Rien de possible avec une constitution émanant « non pas de la souveraineté populaire mais d’une commande régalienne », un Parlement « expression même de la confiscation du pouvoir législatif par le pouvoir exécutif », « une majorité préfabriquée », « des lois qui se font ailleurs… ». Pour Nadia Yassine, une participation au pouvoir relèverait tout simplement de la « bouffonnerie ».
PJD – Parti de la Justice et du développement (Maroc)
05.12.2015 La rédaction
Le Parti de la justice et du développement existe depuis 1998, mais sa structure existe sous un autre nom depuis le milieu des années 60.
L’ancêtre du Parti de la justice et du développement a été créé avant 1967 par Abdelkrim El Khatib : le Mouvement populaire démocratique constitutionnel. Pendant longtemps ses activités ne sont pas connues, mais le parti se veut la vitrine respectable du Mouvement Unité et Réforme, un conglomérat d’individus ayant plus ou moins abandonné la lutte armée de la Chabiba Islamiya.
Abdelkrim El Khatib, fondateur du groupe est Frère musulman et fait référence à Hassan Al Banna mais il est aussi proche du palais. Ses membres ne sont pas inquiétés. Pourtant, comme le rappelle Mohamed Louizi, au lendemain de son décès en 2008, le bureau de la guidance-suprême de la confrérie en Egypte s’est empressé celui rendre un hommage appuyé. Le guide-suprême de l’époque, Mohamed Mahdi Akef, déplora la mort du fondateur de la branche des « frères » au Royaume Alaouite.
Le Parti de la justice et du développement naît en réalité de la protestation des militants du Mouvement populaire démocratique constitutionnel.
Aux élections législatives de 1997, le Mouvement populaire démocratique constitutionnel obtient neuf sièges. Protestant contre les fraudes électorales, les militants du Mouvement refusent de participer au gouvernement et changent de nom. C’est la naissance du « Parti de la justice et du développement » qui se place d’emblée comme un parti d’opposition. Le PJD se présente ainsi : « parti politique national qui œuvre, à partir de la référence islamique, dans le cadre de la royauté constitutionnelle établie sur la commanderie des croyants ».
Le changement de titre ne diminue aucunement les liens idéologiques avec la maison mère égyptienne. Benabdellah El Ouggouti cofondateur de la MPCD en 1967, est très clair avec les nouveaux députés :
« Chers frères, vous êtes les héritiers du mouvement salafiste qui est né du mouvement nationaliste qu’avait fondé les fouqahas (juristes musulmans) dans toutes les régions du Maroc […]. Ce qui était espéré derrière la bataille de la libération du pays, c’était l’établissement d’un état islamique. Néanmoins, la graine que le colonisateur avait laissée derrière lui – en parlant peut-être des forces de gauche – avait empêché cette construction. Aujourd’hui, nous avons une nouvelle chance devant nous pour réessayer, à nouveau, la concrétisation de ce rêve, à travers l’engagement politique de nombreux fils du mouvement du renouveau islamique, que vous êtes. Vous êtes désormais à l’intérieur du ring politique. Une équipe parmi vous a réussi à se faire une place au Parlement. La responsabilité s’est élargie devant vous, je vous souhaite le succès dans ce que vous entreprenez »
Le Parti de la justice et du développement devient le premier parti d’opposition aux élections législatives de 2002, le (42 sièges).
Dans les discours des intellectuels du Parti comme Mohamed Yatim et Saâdeddine El Othmani commence à émerger le fait que l’état islamique n’est pas forcément le but de l’action politique.
Lors des élections législatives de 2007, le parti arrive en seconde place avec 46 sièges.
L’attentat du 28 avril 2011 à Marrakech met en évidence l’existence de cellules terroristes organisées sur le territoire. Dans les médias, les militants du Parti de la justice et du développement apparaissent comme les partisans du juste milieu. D’autant que depuis les attentats de 2003, le parti a arrondi son discours et cherché à gagner en respectabilité
En novembre 2011, le Parti de la justice et du développement gagne les élections législatives. Il obtient outre 11 portefeuilles sur 31.
Le 10 octobre 2013, le gouvernement Benkiran II est nommé suite au départ de l’Istiqlal de la Coalition.
La plupart des ministres PJD le restent, hormis Saâdeddine El Othmani, ministre des affaires étrangères .
Depuis la destitution de Mohamed Morsi en Egypte, les militants du parti insistent qu’ils sont plus Marocains que Frères musulmans afin d’éviter d’être pris pour des membres de l’organisation. Lors d’une réunion, le 15 novembre avec les membres de la jeunesse du PJD, le premier ministre Abdelilah Benkirane insiste pour que l’idéologie des Frères musulmans soit rejetée et «d’établir une barrière entre la méthodologie des Frères musulmans et celle du PJD et du Mouvement Unicité et réforme (MUR)». (Tel Quel, 17 novembre 2015 *)
Voir notamment:
Mohamed Louizi, Pourquoi j’ai quitté les Frères musulmans, Michalon. (à paraître en janvier 2016)
Cet article est également disponible en العربية et English.
Il nous a semblé important de revenir sur les distinctions opérées en 2003 par le Conseil (dominé par la Confrérie) entre les différentes formes de terrorisme. Celles qui seraient légitimes et celles qui le seraient moins.
Le 28 juillet 2003, le Conseil européen pour la Fatwa, réuni à Stockholm pour sa 11ème session, a émis un avis qui commence par distinguer plusieurs formes de terrorisme : « le terrorisme colonialiste, le terrorisme d’État, le terrorisme international, le terrorisme politique, le terrorisme permis par la loi islamique, celui qui ne l’est pas, et les opérations martyres ».
Bien entendu, cette nouvelle catégorisation sert à refuser de classer les « opération martyres » parmi les actions terroristes : « Les opérations martyres perpétrées par les factions palestiniennes pour résister à l’occupation sioniste n’entrent en aucun cas dans le cadre du terrorisme interdit, même s’ils se trouvent des civils parmi les victimes ».
Cela pour plusieurs raisons que nous reproduisons au maximum dans leur intégralité. Les coupures ne sont là que pour faciliter la lecture et ne modifient en rien le fond :
« En premier lieu, vu la nature colonialiste et raciste de la société israélienne qui a naturellement tendance à l’occupation et [l’usurpation], [on peut dire qu’il] s’agit bien là d’une société militaire. Tous ceux qui ont passé le cap de l’enfance, les femmes comme les hommes, sont incorporés à l’armée. Chaque Israélien est un soldat de l’armée, soit par son statut, soit parce qu’en tant que soldat de réserve, il peut être appelé à n’importe quel moment à la guerre. C’est là un fait qui n’a pas besoin d’être prouvé. Les soi-disant ‘civils’ sont des ‘soldats’ de l’armée des fils de Sion ».
« Deuxièmement, la société israélienne possède une caractéristique unique qui la différencie des autres sociétés : c’est une ‘société d’envahisseurs’ non originaires de la région, venus de Russie, d’Amérique, d’Europe ou de pays d’Orient pour occuper la Palestine et s’y implanter. (…) Les victimes de l’invasion ont le droit de lutter contre les envahisseurs par tous les moyens dont ils disposent afin de les chasser de leurs habitations et de les renvoyer chez eux. (…) Ceci entre dans le cadre du djihad par nécessité, selon l’appellation des guides religieux, et non du djihad par choix. (…) La mort d’enfants innocents au cours de ce djihad n’est pas préméditée, mais résulte des impératifs de la guerre. (…) Même avec le temps, des soi-disant ‘civils’ [israéliens] ne cessent pas d’être des envahisseurs, des oppresseurs malfaisants et tyranniques ».
« Troisièmement (…), la loi islamique précise que le sang et la propriété des personnes du Dar al-Harbne sont pas protégés. En luttant contre les musulmans, ces personnes perdent le droit à la protection de leur sang et de leur propriété ».
« Quatrièmement, les guides religieux musulmans, ou du moins la plupart d’entre eux, ont établi qu’il est permis de tuer des musulmans si l’armée ennemie se cache derrière eux, se servant d’eux comme boucliers humains, les plaçant au front afin que le feu, les flèches et les lances des musulmans les atteignent en premier. Les instances religieuses ont permis de tuer ces musulmans innocents forcés de se tenir au front de l’armée ennemie (…) car autrement l’armée envahirait le pays, anéantirait sa descendance et ses récoltes. Il n’y a d’autre alternative que de sacrifier certains [de ces musulmans] pour défendre la communauté [musulmane] dans son ensemble. Ainsi, s’il est permis de tuer des musulmans innocents pour protéger la communauté dans son ensemble, il est à plus forte raison permis de tuer des non-musulmans pour libérer la terre musulmane de ses occupants et oppresseurs ».
« Cinquièmement , dans la guerre moderne, toute la société, toutes ses classes et tous ses groupes ethniques sont mobilisés, afin de fournir le carburant matériel et humain nécessaires à la victoire de l’État. Chaque citoyen doit se charger d’une fonction. Tout le front domestique — professions libérales, travailleurs et industriels — se tient derrière l’armée combattante, sans nécessairement porter les armes. C’est pourquoi les spécialistes affirment que l’entité sioniste forme en réalité une armée ».
« Sixièmement, il existe deux types de Fatwas : les Fatwas à appliquer en situation de calme ou le choix est permis, et les Fatwas à appliquer en situation de détresse et de nécessité. Il est permis à un musulman, en cas de nécessité extrême, de faire ce qui lui est interdit en temps de choix. (…) Ainsi, l’un des guides religieux a adopté la règle qui veut que : ‘la nécessité autorise les interdits’. Nos frères en Palestine sont, sans l’ombre d’un doute, dans l’extrême nécessité de ces opérations martyres visant à repousser les usurpateurs ennemis et à semer l’horreur dans leur cœur afin qu’ils s’en aillent, qu’ils retournent d’où ils viennent. (…) Quelle arme peut atteindre l’ennemi, l’empêcher de dormir, lui ôter le sentiment de sécurité et de stabilité, si ce n’est celle de ces bombes humaines — un jeune homme ou une jeune femme qui se fait sauter au milieu de l’ennemi ? Voilà une arme que l’ennemi ne possédera jamais, même si les États-Unis lui accordent des milliards et les armes les plus puissantes, car c’est là une arme unique, qu’Allah a placée entre les seules mains des croyants. C’est une forme de justice divine sur terre. (…) C’est l’arme avec laquelle les faibles miséreux affrontent le puissant tyran. (…) Ceux qui s’opposent aux opérations martyres et les qualifient de suicides commettent une grande erreur. Le but de l’auteur d’une opération martyre n’a rien à voir avec le but de celui qui se suicide. Quiconque considère ces deux âmes s’aperçoit de l’immense différence qui existe entre elles. [L’auteur du] suicide se tue pour se tuer, parce qu’il a échoué dans les affaires, en amour, son examen, ou quelque chose de cet ordre. Il était trop faible pour affronter la situation et a choisi de fuir la vie pour la mort. Contrairement à lui, l’auteur d’un attentat suicide ne pense pas à lui-même. Il se sacrifie pour un but supérieur, face auquel tous les sacrifices deviennent insignifiants. Il se vend à Allah en échange du Paradis. Allah a dit: ‘Allah a acheté leurs âmes et leurs biens aux croyants parce qu’ils hériteront le Paradis’. Alors que [l’auteur du] suicide meurt pour fuir le monde, celui qui exécute une opération martyre meurt en allant de l’avant et en attaquant. Contrairement au suicide, qui a pour seul objectif d’échapper au conflit, l’opération martyre a un but précis, qui est de réjouir Allah ».
On comprend que cette Fatwa figure en bonne place sur le site Internet du Hamas, mais a-t-elle bien sa place dans un Conseil prétendant représenter l’islam d’Europe ?
Non seulement, un tel Conseil radicalise les musulmans européens mais il n’a aucune chance de modérer les autres musulmans puisque ses avis ne concernent que les Européens. Sert-il au moins à lutter contre les amalgames « islam = barbarie » ? C’est la question posée en 2002 par Martine Gozlan à Fouad Alaoui : « Ce conseil de la Fatwa afin d’éviter les amalgames entre la barbarie et l’islam a-t-il condamné des pratiques comme la lapidation, la flagellation, l’amputation ? » La réponse d’Alaoui est clairement décevante : « Ce n’est pas son rôle. Ce Conseil ne s’exprime que sur les pratiques de l’islam en Europe. Il ne rentre pas dans les affaires de tel ou tel pays »[1]. Un peu plus loin, il dira même qu’« il n’est pas de l’intérêt d’une instance musulmane de se positionner contre tel ou tel État ».
[1] Propos recueillis par Martine Gozlan, Marianne, 7 au 13 janvier 2002.
Hani Ramadan sur les attentats : “Commençons par surveiller le Mossad”
22.11.2015 La rédaction
Quand le prédicateur islamiste Hani Ramadan commente les attentats terroristes, la théorie du complot n’est jamais loin.
« Nous rappelons que les citoyens d’un Etat de droit méritent que les enquêtes se poursuivent dans la plus complète transparence pour déterminer qui sont les véritables coupables et commanditaires de ces crimes odieux » écrivaitHani Ramadan au lendemain des attentats du 13 novembre 2015.
Très rapidement pourtant, les scrupules du directeur du Centre islamique de Genève vont s’évanouir. Dès le 18 novembre, Hani Ramadan-Sherlock Holmes est en effet en mesure de conclure – déjà – que « l’islam n’a rien à voir avec tout cela ». « Commençons par surveiller le Mossad » poursuit-il, revenant à l’une de ses obsessions favorites.
« Pourquoi parle-t-on aujourd’hui encore dans les médias et la presse (BFMTV, Libération, etc.) d’Abdelhamid Abaaoud, comme étant le « cerveau présumé des attentats » ? Pourquoi nous répète-t-on que des passeports ont été retrouvés près du corps d’un « kamikaze » ? (…) êtes-vous sûrs que tout a été envisagé pour capturer cet individu vivant ? (…) Et pourquoi toutes ces informations nous conduisent malgré tout à être certains qu’Abdelhamid Abaaoud est responsable des tueries de Paris, conclusion que seule peut établir une enquête judiciaire dans un Etat de droit ? Au final, on a vraiment l’impression d’avoir à faire à une bande de jeunes gens manipulés, à qui on a fourni des armes (?) Mais manipulés par qui ? (…) Ces questions nous semblent être plus que légitimes… Elles n’innocentent en aucun cas ces actions coupables et odieuses, mais elles nous aident peut-être à comprendre qu’il existe des zones d’ombres persistantes qu’il faudra bien éclairer un jour ! »
Mais au fait, que faisait précisément Hani Ramadan le 13 novembre 2015 entre 21h20 et minuit ? Une « zone d’ombre » persistante qu’il faudra bien éclairer un jour…
Havre de Savoir est un site internet qui relaie la prose des Frères musulmans en français. Dans sa présentation, Havre du Savoir explique :
« Havre de Savoir est une association qui a pour but de présenter l’Islam à travers une compréhension saine et authentique. Elle se donne pour objectif également de promouvoir ses valeurs éthiques et morales. »
De nombreuses organisations de la mouvance des Frères musulmans prétendent représenter la voie officielle et « authentique » de l’islam, alors qu’il s’agit en réalité de délivrer un message politique. Moncef Zenati, membre du bureau de l’UOIF et chargé de « l’enseignement et de la présentation de l’Islam » est l’auteur de la plupart des textes et vidéos du site. Les autres principaux intervenants sont Hassan Iquioussen ou Hani Ramadan. Un Club de lecture de l’organisation est organisé au Havre. Y ont été invités Christophe Oberlin, Nabil Ennasri ou encore Médine pour son livre avec Pascal Boniface.
L’organisation se félicite de la « réussite » des islamistes turcs et n’hésite pas à déclarer que la Turquie est le seul pays « où l’islam et la démocratie ont réussi là où aucun pays musulman n’a réussi ».
Par le biais de Havre de Savoir, de jeunes français apprendront à se méfier des Chiites, Zaydites, Alaouites et Yazidis, à « comprendre pourquoi ils ne sont pas conformes à la voie du Prophète ». En d’autres termes pourquoi ils sont l’ennemi. Rappelons qu’en Syrie, sous la loi de l’Etat islamique, les Yazidis sont réduits en esclavage et exterminés.
• Hussem AYLOUCH, président du CAIR de Los Angeles pour expliquer comment résister au « discours médiatique véhiculé après des événements comme le 11 septembre ou Charlie hebdo« .
Hassan Al Banna est régulièrement cité comme un guide incontournable, comme on peut le voir sur cette capture d’écran. L’organisation se réclame non seulement du fondateur des Frères musulmans mais aussi de Sayyid Qutb qui jusqu’à peu était renié par la Confrérie qui avait du mal à présenter sous un jour positif son apologie de la violence.
En juillet 2015, l’organisation illustre son profil Facebook avec une symbolique de la Rabaa.
108 000 personnes suivent le profil Facebook de Havre du Savoir. 108 000 personnes qui ont pu lire qu’il fallait se méfier des médias et des politiques français. Moncef Zenati a en effet déclaré lors de la condamnation à mort de Mohamed Morsi :
« Pas un mot dans le journal de 20h de France2. La France pays qui a vu naître les droits de l’homme, le pays défenseur de la démocratie n’est même pas capable de dénoncer une telle injustice. La France des valeurs républicaines est en train de tourner le dos à ses valeurs. Quand je pense que Manuel Valls ne s’est pas empêché de rappeler aux musulmans de France sa phobie des Frères Musulmans qu’il qualifie de mouvement inquiétant. Les opprimés sont inquiétants, alors que leur bourreau est accueilli à l’Elysée avec les honneurs. écœurant!!! »
Ce que Moncef Zenati oublie de dire c’est que :
• comme de nombreux autres leaders des Frères musulmans, il a été invité par le gouvernement de Manuel Valls à parler de l’Islam de France.
• plusieurs intellectuels, journalistes et militants ont déclaré leur opposition à la peine de mort pour des raisons politiques. Y compris parmi nos éditorialistes, qui ne sont pourtant pas connus pour être tendres avec la Confrérie.
Mais le dire impliquerait d’éviter de radicaliser les lecteurs de Havre du savoir, de leur donner le sens de la nuance, ce qui n’est visiblement pas le but de l’organisation.
Havre du savoir jouit d’une très bonne réputation en France. Le rappeur Médine n’a pas hésité à déclarer lutter contre l’islamophobie, au sein de l’association Havre De Savoir.
Ce article est également disponible en العربية et en English.
Le courant qotbiste, aux manettes de la confrérie, à l’internationale comme ici en France, et bien qu’il soit assurément fidèle à l’idéologie de Sayyid Qotb, n’a pas tout oublié de celle d’Hassan Al-Banna. Il en garde effectivement quelques souvenirs nécessaires pour sa « légitimité » et reprend quelques idées, en parfaite accord avec celles de Sayyid Qotb.
En effet, lors de la préparation de cet article, et après la lecture attentive de nombreux témoignages surprenants, voire choquants, formulés par des cadres « frères » et d’ « ex-frères », se trouvant au cœur égyptien de cette organisation internationale tentaculaire, j’ai découvert cette chose cruelle, effrayante et monstrueuse : mon ignorance et leur fausseté authentique. J’ai compris que ma connaissance de cette entité islamiste, malgré mes quinze années de loyaux services, reste très limitée et parcellaire, à cause de tous ces voiles opaques superposés, les uns entourant les autres, rendant, par absence de lumière, quasi impossible la lisibilité de l’identité réelle et des véritables projections d’un dessein ultrasecret.
Par conséquent, je me dis que tous ces alliés objectifs, tous ces autres compagnons de routes, tous ces idiots utiles de bonne foi, tous ces complices, inconscients ou intéressés, de l’islamisme, dénoncés dans le dernier numéro de « Marianne »[1], tous ceux qui déroulent le tapis rouge, sur le terrain de la République Française, à l’idéologie qotbiste sont, peut-être, de là où ils sont, dans la même ignorance que moi, voire pire.
Il est conseillé par des sages que dans le doute, la moindre des choses, serait de s’abstenir. Il est aussi conseillé par un prétendu « sage » islamiste, que dans le doute aussi, il faut décréter un … moratoire. D’ailleurs, il est urgent et vital, pour la survie de ce qui reste de la République, d’exiger un « moratoire républicain contre l’islamisme », de faire un état des lieux détaillé et exhaustif et d’allumer de puissants projecteurs pour éclairer, sur la base du peu que l’on sait, l’étendu des zones obscures que l’on ignore. Le salut de la France en dépend.
J’ai découvert, par exemple, que « l’épître des enseignements » (رسالة التعاليم) – se trouvant en seize pages en arabe – n’était autre que le programme spirituel spécifique qui, à l’époque d’Hassan Al-Banna, était exclusivement réservé à la préparation militaire des membres d’ « al-Tanzim al-Khas», pour les amener à rejoindre cette fraction violente. J’ai découvert que ce texte n’était pas destiné à tous les « Frères Musulmans » engagés au sein de la confrérie. Il n’était pas destiné non plus aux différentes catégories socioprofessionnelles qui se cherchaient un chemin et un cadre pour donner sens à leurs existences et leurs engagements associatifs respectifs.
Non, cette « épître » était destinée uniquement, aux membres de cette branche pour leur donner la matière adaptée au conditionnement militaire et à la préparation psychologique des jeunes candidats au Jihad armé. Dans l’esprit du fondateur, il y avait deux catégories de « frères » : les civiles et les militaires. Les civiles avaient un programme idéologique adapté. Les militaires avaient un autre programme idéologique, adapté aussi. Ces derniers devaient, en plus d’être « frères », être prédisposés, à l’issue d’un parcours initiatique très contraignant, à obéir aux ordres du commandement militaire et à y témoigner, sans hésitation, à tout moment, une totale confiance. Ils devaient être prêts à obéir, sans discuter les ordres, et à considérer les décisions des supérieurs comme étant indiscutables.
Le soldat, dans toutes les armées du monde, obéit aux ordres. Le soldat « frère », ce « frère » militarisé, membre de cette branche armée devait obéir, en toute confiance, aux ordres militaires exigeant de porter des armes, de conduire des opérations commando, d’incendier des bâtiments, d’appuyer sur une gâchette pour éliminer des ennemis et autres adversaires politiques, de faire exploser des trains et des bateaux, etc. Les responsables de ce Tanzim secret avaient cette « épître » d’Hassan Al-Banna qu’ils transmettaient, à leur tour, aux nouvelles recrues !
LE QOTBISME AU CŒUR DE L’EUROPE !
J’ai appris aussi que le troisième guide-suprême, Omar Tilmisani, avait interdit définitivement l’usage de cette « épître » purement jihadiste, durant son mandat de guide. Il l’avait écarté de tout programme éducatif de la confrérie, car il la jugeait catastrophique et dangereuse, à bien des égards, et qu’elle était source de nombreuses difficultés qu’a traversé la confrérie, avant et après, l’assassinat de son fondateur.
J’ai appris aussi que le courant qotbiste, et dès le décès du troisième guide a réussi progressivement, à réintroduire à nouveau l’enseignement de cette « épître ». Aussi, avec l’arrivée au pouvoir du cinquième guide-suprême, Mustafa Machhour, qui était, pour le simple rappel, membre dirigeant d’ « al-Tanzim al-Khas », dans les années quarante, en plus, qu’il était le principal suspect dans « l’affaire de la Jeep » susmentionnée, datant de 1948, et qu’il était le fondateur du Tazim international, et accessoirement de l’UOIF, cette « épître » a été officiellement réintégrée, non seulement comme support idéologique d’endoctrinement militaire pour de jeunes jihadistes, mais surtout comme étant « la » base idéologique à enseigner, un peu partout dans le monde, y compris ici en France, à toute personne repérée par les « frères » chasseurs de têtes et sélectionnée pour s’asservir et servir la confrérie. Cette récente découverte m’a bouleversé profondément car sa signification idéologique m’est juste insupportable, bien qu’elle ait le mérite d’éclairer ma lanterne sur d’autres sujets.
Le prédicateur qotbiste, qui m’avait repéré et chassé dans une salle de prière, lorsque j’étais étudiant au campus universitaire de Lille 1, en 1999/2000, me considérait, en réalité, tel un « soldat », obéissant, docile, et apte à défendre l’idéologie qotbiste. Dans sa tête, il voyait en ma pauvre personne, peut-être un jeune guerrier, potentiellement capable de porter des « armes » idéologiques pour défendre son qotbisme, ou des armes tout court, si besoin est. Maintenant, que j’ai découvert tout ceci, je serais intéressé de connaître les raisons réelles qui l’ont poussées à s’intéresser à mon cas, et à me proposer d’intégrer le bataillon de l’UOIF !
Il nous expliquait les dix piliers de l’allégeance. Exactement les mêmes piliers, expliqués dans les années quarante, à tout jeune paramilitaire, lors de sa présence devant un maître d’armes, intégralement voilé, lors de la cérémonie d’allégeance, où ce jeune candidat avait une main posée sur le Coran et l’autre main sur le pistolet. Il nous disait que le « frère musulman » devait s’engager, une fois cette allégeance attestée, à observer ces dix piliers, qui sont : La compréhension (Fahm en arabe) ; la sincérité ; l’action ; le Jihad, y compris le recours aux armes ; le sacrifice ; l’obéissance totale ; la persistance ; la fidélité à l’engagement ; la fraternité et la confiance totale placée à l’endroit de la direction et du commandement.
Les cercles suivants, ce recruteur nous expliquait le sens de chaque pilier ainsi que ses principes fondamentaux. Il nous expliquait les vingt principes de la compréhension et insistait, bizarrement, sur deux piliers en particulier, à savoir : « l’obéissance » et « la confiance totale en la direction ». Il nous expliquait les trente huit devoirs que chaque « frère » devait accomplir, au quotidien, en nom de son allégeance à l’UOIF. Ce sont les mêmes trente huit devoirs qu’Hassan Al Banna exigeaient aux membres de son bras armé, et qui sont explicités dans cette fameuse « épître des enseignements », sur environ cinq pages.
ESPRIT D’UNE ALLÉGEANCE, ENTRE HIER ET AUJOURD’HUI !
Cette découverte m’a fait plongée dans mes pensées. Car, que je le veuille ou pas, lorsque j’avais intégré l’UOIF, une organisation française visiblement civile, j’avais prononcé exactement les mêmes mots que prononçaient, jadis, uniquement les « frères soldats », les « frères moujahidouns » d’ « al-Tanzim al-Khas » !
J’avais prononcé les mêmes paroles que celles récitées par tous les « frères » assassins qui ont tué des hommes politiques égyptiens, brulé des bâtiments, saccagé des espaces publiques, explosé des bombes, etc. Une sorte de continuité et d’alliance symbolique, malgré moi, s’est matérialisée inconsciemment, au moment où j’ai serré la main de mon recruteur, et surtout d’un certain Amar Lasfar, pour lui exprimer mon allégeance et mon engagement de servir l’islam, fidèlement, à côté de mes autres « frères » et « sœurs » de l’UOIF. J’avais cru que j’étais un « simple frère musulman », je découvre aujourd’hui que cela n’était pas tout à fait le cas.
Car un simple « frère musulman », selon la propre littérature d’Hassan Al-Banna, devait juste exprimée une « allégeance générale », faite d’engagement de repentance et de bonnes actions pour servir les musulmans et soutenir la cause de l’islam. Force est de constater que cette « allégeance générale » ne suffisait pas, au début des années deux milles, pour adhérer à l’UOIF. L’UOIF préfère plutôt la version militaire de l’allégeance, en prenant le risque de contredire les recommandations de son guide fondateur et la différenciation, que celui-ci, faisait en son temps, entre des « frères musulmans » et des « frères moujahidouns » !
En introduction de cette « épître » – écrite dans un contexte de colonisation britannique et de guerre – Hassan Al Banna disait, je traduis :
« Voici ma lettre destinée aux « frères moujahidouns » parmi les « Frères Musulmans ». Ceux qui ont cru fermement en la suprématie de leur apologie, et en la sacralité de leur idée, et qui ont décidé véridiquement de vivre avec cette idée, ou de mourir pour sa cause.
A ces « frères moudjahidines », à eux uniquement, j’adresse ces quelques brèves paroles. Ce ne sont pas des leçons à apprendre par cœur, mais ce sont des instructions à exécuter.
Au travail, chers frères authentiques ! Dieu dit : « Dis leurs : Agissez ! Dieu appréciera vos œuvres, ainsi que le Messager et les croyants. Et quand vous serez ramenés vers Celui qui connait l’invisible et l’apparent, Il vous renseignera sur ce que vous aurez fait »[2]. Il dit aussi : « Telle est ma Voie dans toute sa rectitude. Suivez-là ! Ne suivez pas les pistes tortueuses qui ne feront que vous éloigner de la Voie du Seigneur ! Voilà ce que Dieu vous recommande de faire ! Peut-être serez-vous ainsi amené à le craindre ! »[3].
Par contre, les autres « frères musulmans » – poursuit Hassan Al-Banna – ils ont d’autres enseignements et conférences, des livres et des articles, des manifestations et des réunions.
A chacun sa direction vers laquelle il s’oriente. L’essentiel est de chercher à vous surpasser, les uns les autres, dans l’accomplissement du bien. Les promesses divines s’étendent aux uns et aux autres »[4] !
LA SIGNATURE DE MOSTAFA MACHHOUR ?
Ainsi, la différenciation entre les deux catégories, civiles et militaires, est plus qu’évidente. L’UOIF a choisit, elle, ce texte militaire pour engager de simples acteurs civiles, de différentes catégories socioprofessionnelles. Pourquoi ce choix ? Serait-il le choix d’un certain Mostafa Machhour, cet ultraqotbiste, ancien dirigeant d’ « al-Tanzim al-Khas », fondateur du Tanziminternational, qui encourageât en 1983, depuis Munich en Allemagne, son gendre à Nancy, pour créer et présider l’UOIF ? Je n’ai pas la moindre idée !
Ce qui est clair et limpide dans mon esprit, c’est que l’UOIF, minée par le qotbisme jusqu’à sa moelle épinière, n’a pas choisi de suivre les recommandations du fondateur. Elle suit depuis sa création, par des qotbistes, les injonctions des héritiers de Sayyid Qotb, les membres du fameux « Tanzim des dizaines ».
En vérité, ce ne sont pas des « frères musulmans » qu’elle recrute depuis le temps, mais ce sont des « frères moujahidouns ». Pire encore, cette épître prévue pour la branche paramilitaire est désormais enseignée à un public jeune, au sein de l’Institut Al-Qods, par le recteur de la mosquée de Villeneuve d’Ascq, en personne, qui est aussi professeur de mathématiques au « Collège-Lycée Averroès » !
La fidélité de l’UOIF à la lettre de cette « épître » ne s’arrête pas là. Elle se poursuit après l’expression rituelle de l’allégeance. Dès lors, chaque « frère » se doit d’observer les trente huit « ordres et devoirs » qui y sont annexés. Parmi ceux-ci, le vingt-cinquième, dans l’ordre, par exemple, dit clairement, je traduis :
« Il faut que tuboycottes les tribunaux civils et toute justice non islamique. Il faut que tu boycottes aussi les clubs, les journaux, les associations, les écoles et les organisations qui s’opposent à ton idée islamique »[5] ! Le « frère moudjahid » de l’UOIF a apprit cela avant l’allégeance dans des cercles fermés. Par cet engagement, il/elle se doit d’observer les trente huit devoirs, y compris celui qui lui ordonne, sans équivoque, de boycotter les « écoles » qui s’opposent à l’idée islamique. La création d’un établissement privé musulman, comme le « Collège-Lycée Averroès », par les « frères moujahidouns » de l’UOIF est une forme d’exécution de cet ordre même si les prétextes exprimés, face caméra, ne s’y réfèrent pas !
L’UOIF ET LA JEUNESSE …
En octobre 2005, lors d’une assemblée générale élective des « Frères Musulmans » de la métropole lilloise, Amar Lasfar, et le bureau de sa « Ligue Islamique du Nord » (LIN), ont présenté le rapport « moral » de leur mandat précédent. Ce rapport dressait l’inventaire des priorités d’action de la LIN. L’on y trouve, par exemple, la vision claire des « frères » concernant l’école d’apprentissage du Coran et de la langue arabe.
A ce sujet, le rapport d’Amar Lasfar dit expressément, je cite : « Cette institution doit être une de nos préoccupations majeures. Elle est l’un des lieux de renouvellement de notre potentiel humain. Elle est le terrain de culture de nos idées et de notre pensée. Elle est l’institution qui héritera de nos acquis pour en faire un avenir meilleur » !
Ici, il faut comprendre que l’on parle bien d’enfants de cinq à quinze ans, considérés par les « frères moujahidouns » du Nord, comme un terreau fertile, où il est impératif de cultiver l’idéologie qotbiste de la confrérie, dès le jeune âge, pour assurer l’avenir.
Au sujet de la formation religieuse des jeunes, le rapport d’Amar Lasfar précise que: « Ce secteur est très dynamique et affiche de grandes ambitions quant à l’encadrement d’une jeunesse qui a soif de savoir, et d’un public en besoin de langue arabe […]. L’institut doit continuer d’exister et constituer un des outils privilégiés dans la formation et l’éducation ».
A cette époque, la LIN avait un seul centre de formation : « L’institut Al-Imane ». Aujourd’hui, cet institut s’est beaucoup développé et diversifié. Il est très actif à la « Mosquée de Lille-Sud » et au « Centre Islamique de Villeneuve d’Ascq ». Mais de temps en temps, il déborde aussi sur le « Collège-Lycée Averroès », naturellement, avec la bénédiction de la direction actuelle. Et ce, pour deux raisons : D’abords, parce que certains formateurs, « frères moujahidouns », à « L’institut Al-Qods » sont aussi des enseignants au « Collège-Lycée Averroès ». Et ensuite, parce que certaines activités idéologiques de cet institut islamiste sont organisées au sein même de cet établissement privé, sous contrat d’association avec l’Etat !
La littérature idéologique et jurisprudentielle des « frères » y occupent une place centrale, comme en témoigne son programme éducatif et ses invités. Il ne s’appelle plus « L’institut Al-Imane » – Al-Imane, veut dire, selon une acception très répandue : la foi – mais « L’institut Al-Qods » (Jérusalem) : Tout un symbole !
Reste à préciser, encore une fois, que l’idéologie dominante, au moins dans cette puissante baronnie nordiste, si ce n’est pas à l’échelle nationale, est celle d’un courant majoritaire d’obédience qotbiste, salafiste, takfiriste, tamkiniste et califaliste, défendant, si besoin est, ouvertement le recours à la violence, au nom de ladite résistance légitime. Un courant idéologique bien différent de celui des supposés « frères » réformistes séculiers, que pourrait représenter le très minoritaire, et le très médiatique aussi, l’imam Tareq Oubrou, sur l’échiquier national.
Ce courant qotbiste dominant ne se gêne point lorsqu’il s’agit de diffuser et de défendre, à travers tous les canaux, à sa disposition, et depuis plus de trente ans, les standards idéologiques de Sayyid Qotb, en plus de l’ensemble des épîtres d’Hassan Al-Banna. Plusieurs « frères » et « sœurs » participent activement à répandre l’idéologie qotbiste et ses pratiques takfiristes, à l’image de cette puissante « courroie de transmission » : Mon ancien recruteur !
Lorsque l’on sait que derrière le sourire vaurien, mécaniquement entretenu pour séduire les médias et autres interlocuteurs, d’un certain Amar Lasfar, se cache en vérité, un autre visage qotbiste grave et renfrogné, d’un certain Mohammed-Taïeb Saghrouni, de sérieuses inquiétudes devraient être exprimées. Cet homme est une mémoire vivante et très active du courant qotbiste. Il était aussi le « garde du sceau de l’allégeance » dans la région. Rien ne me permet de confirmer qu’il ne l’est plus. D’ailleurs, jusqu’en 2006, l’on ne pouvait pas être coopté pour adhérer à la confrérie qu’après sa totale bénédiction. En Egypte, derrière l’ex-guide-suprême Mohammed Badie, il y avait Mahmoud Ezzat. En France, derrière Amar Lasfar, il y a naturellement, en arrière-plan idéologique, Mohammed-Taïeb Saghrouni, depuis toujours !
N.T.F. : Première cible du « Collège-Lycée Averroès »!
Suite à la réélection d’Amar Lasfar, entouré du même noyau dur – du même arrière plan qotbiste – et de quelques autres « frères moujahidouns » très obéissants, celui-ci nous a réuni, le vendredi 18 novembre 2005, de dix-neuf heure trente à minuit, pour penser l’avenir des « frères », rêver ensemble à haute voix, formuler des propositions et définir des perspectives. La technique Brainstorming a été privilégié et expliquée pour mener à bien cet exercice collectif de projection stratégique à long terme.
Ce soir là, nous étions trente-deux « frères ». Vingt-six ont exprimé diverses propositions et améliorations concernant tous les champs d’action de l’UOIF (Mosquées, CRCM, écoles, femmes, jeunes,…). Dix « frères » ont fait des propositions en lien direct avec la formation religieuse des jeunes et surtout avec le « Lycée Averroès ». Parmi ces dix intervenants, six assumaient, et assument toujours, des fonctions d’enseignement ou de direction au sein de cet établissement privé musulman. Amar Lasfar s’est chargé, à la fin de cette rencontre inhabituelle, de faire la synthèse, avec son bureau exécutif, et s’est engagé d’en faire sa feuille de route pour les années à venir.
Ici, je me permets de publier, pour la première fois, quelques extraits représentatifs d’un état d’esprit collectif, au sein de cette confrérie, et révélateurs de certaines convictions profondes, jamais avouées, surtout en ce qui concerne la raison d’être, le fonctionnement interne, un peu particulier, et les motivations réelles de la création même du lycée de la confrérie qotbiste.
Je ne vais pas respecter, hélas, l’ordre d’Amar Lasfar, qui, à la fin de la réunion, « nous » a interdit de parler de ces propositions en dehors de ce cadre, et par la même « nous » a interdit aussi de critiquer l’équipe dirigeante dans les couloirs ou dans les parkings des mosquées. Je ne respecte plus ce devoir de réserve. Parce que je ne fais plus parti de « ses » sujets. Et, parce que se taire et laisser prospérer l’infâme déni, dans de telles situations, c’est consentir et trahir la cause de la jeunesse française, musulmane en particulier, surtout en ces temps troubles !
Ci-après, je ne respecte pas l’ordre des citations tel qu’il s’est déroulé lors de cette soirée. Toutefois, j’atteste, en toute conscience et sur la base de preuves matérielles en ma possession, de l’authenticité de ces propos et j’assume totalement la responsabilité de les avoir rendus publiques. L’identité des auteurs ne sera pas révélée. La proximité avec le lycée le sera pour permettre au lecteur d’imaginer le degré d’influence, des uns et des autres, au sein de cet établissement. Les auteurs se reconnaîtront sans doute. Car bien que les années passent, le qotbisme idéologique reste sclérosé. L’essentiel n’est pas l’identité de la personne mais plutôt le contenu d’une pensée et les constances d’une stratégie qui, à partir d’un cotexte local, vise le Tamkine à long terme, avec des « armes » différentes de celles utilisées, jadis, par « al-Tanzim al-Khas » !
Pour commencer, je cite le propos d’un « frère », parmi les notables de l’UOIF, à l’échelle nationale, qui qualifia, d’entrée de jeu, la jeunesse française, de confession ou de culture musulmane, en utilisant l’abréviation : « N.T.F. » !?
En effet, bien que cette abréviation pourrait signifier quelque chose de particulièrement vulgaire, surtout lorsqu’elle serait prononcée par un jeune adolescent insouciant. Cette même abréviation, sortant de la bouche d’un « frère moudjahid» cumulard, qui a occupé des fonctions éducatives au sein du « Lycée Averroès » en plus de ses influences remarquées au sein de l’association EMF, est encore plus vulgaire et plus choquante !
« N.T.F. » signifie, pour ce « frère » les « Natifs en Terre Française », pour désigner – sourire aux lèvres pour cette trouvaille linguistique ! – des jeunes citoyens français, issues de familles musulmanes. L’identité de ces jeunes citoyens français est réduite à un territoire de naissance. C’est la terre qui serait française selon ce « frère », les jeunes, eux, ne sont que des « natifs » sur son sol, ce qui n’est pas faux, mais ô combien réducteur et révélateur d’une certaine conception.
« Il faudrait élargir l’UOIF pour qu’il soit profitable pour plus de monde. Il faudrait désigner une personne du bureau exécutif de la LIN, qui soit chargée exclusivement des N.T.F., de la formation et la préparation de ces jeunes », suggérait-il, avant de conclure son propos, en déplorant : « Nous sommes, chers frères, dans l’attentisme par rapport à la question des jeunes ».
Recrutement de jeunes : Comment redémarrer la machine ?
Un autre « frère » regrettait la même chose en disant : « Notre machine de recrutement est en panne, il faut aller davantage vers les jeunes ». Dans le même sens, un « frère » proposa de s’organiser plus, de sonder le terrain de la jeunesse en vue de sa conquête vitale : « Il nous faudrait une cartographie détaillée de la région. Notre esprit doit être un esprit de guerre ». Le propos ici, est celui d’un « frère moudjahid » !
« L’une de nos actions futures devraient-être la promotion de la pensée du « juste milieu » (الوسطية) » précisait un cadre, très intelligent, et l’un des rares à être nettement en dessous de la moyenne du qotbisme ambiant. Il faisait parti du premier cercle qui avait investi le projet de la mise en place du « Lycée Averroès ».
Un autre « frère », fin connaisseur de la littérature frériste – les « épîtres » – et de la pensée stratégique d’Hassan Al Banna, toujours professeur au « Collège-Lycée Averroès », et l’un des conseillers privilégiés de la direction, disait : « Il faudrait rappeler notre tâche principale : « une foi ancrée et profonde », « une formation spécialisée et qualifiante » et une « action ininterrompue ». D’où la nécessité de redéfinir de nouvelles compétences à atteindre. Il faudrait diffuser et promouvoir notre discours, tout d’abord dans les mosquées, et surtout auprès des jeunes » !
Ce « frère », en plus de son ciblage remarquable de la catégorie des « jeunes », utilisa délibérément, dans son propos, trois expressions qui ne sont pas neutres, ni idéologiquement, ni stratégiquement, je cite : « une foi profonde » (الإيمان العميق), « une formation précise » (التكوين الدقيق) et « une action ininterrompue » (العمل المتواصل). Pour comprendre la portée idéologique de ces trois expressions, il faudrait revenir un peu plus de soixante-dix ans en arrière. Ces trois expressions ont été utilisées, mot par mot, par Hassan Al Banna, vers les années 1940, dans une autre épître intitulée : « Entre hier et aujourd’hui » !
Il s’agissait, en effet, d’une épître d’évaluation d’étape et de rappel des idées essentielles du projet tamkiniste de la confrérie. Dans cette épître, le fondateur rappela que les deux buts principaux de sa mouvance islamiste sont : premièrement, libérer la patrie islamique de la colonisation étrangère, et deuxièmement, fonder un état islamique (un Califat), gouverné par les lois de l’islam, en Egypte, dans les pays arabes et sur toute autre terre qui connait le bonheur de la foi musulmane[6]. Le fondateur y explique ensuite les trois moyens généraux et synthétiques pour atteindre ces deux buts, en disant, je cite : «une foi profonde, une formation précise et une action ininterrompue »[7].
Elite, leadership et Tamkine !
Hassan Al Banna avait, depuis la création des « Frères Musulmans » imaginait, pour mener à terme son projet stratégique d’islamisation, vers le Tamkine global, trois étapes : Premièrement, « présentation et diffusion de l’islam ». Deuxièmement, « sélection et formation » et troisièmement, « exécution ». Les échecs et obstacles qu’a connu la confrérie depuis l’assassinat du fondateur, ont convaincu des idéologues et stratèges contemporains de la confrérie – à l’image du libyen Ali Sallabi – d’intercaler une quatrième étape d’autoévaluation intermédiaire entre la phase dite « sélection et formation » et la phase « exécution » ou « Tamkine ». Par ailleurs, les trois expressions réutilisées par le professeur du « Collège-Lycée Averroès », dans le cadre de cette soirée de réflexion stratégique, au premier étage de la mosquée de Lille-Sud, s’intègrent parfaitement dans cette deuxième étape d’un processus à quatre marches et d’une main à quatre doigts. Les mots ont toujours un sens !
Ce professeur recommandait ensuite, je cite : « Il faudrait former nos cadres pendant les périodes des vacances et proposer aussi aux jeunes des stages de formation religieuse et spirituelle. L’objectif étant de faire émerger une élite pour garantir les besoins du leadership ». En effet, parler de la stratégie du Tamkine sans évoquer, naturellement, la notion et le rêve du leadership serait étonnant. Ainsi, les termes « élite » et « leadership » ont été lâchés, avec beaucoup d’assurance et d’espérances.
Ce même terme « élite » a été utilisé par un autre « frère », vieux routiers de la confrérie, à Lille et à Paris, totalement à l’aise avec la stratégie Tamkine, qui disait en arabe, je traduis : « En vue des prochaines élections présidentielles, parlementaires et municipales, il va falloir sélectionner et préparer une élite qui s’occupera de l’action politique. Il faudrait intégrer les partis politiques pour les influencer de l’intérieur » !
L’art de la guerre !
Toutefois, la stratégie Tamkine nécessite la prudence, recommande le secret et préconise la dissimulation. Sun Tzu, dans « l’art de la guerre », recommandait de joindre la ruse à la valeur, la sagesse à la force. « A quoi servent la bravoure sans la prudence ? La valeur sans la ruse ? » S’interrogeait-il. Un « frère moudjahid » recommandait cette prudence nécessaire. Ainsi, l’image renvoyée au public et aux médias ne devrait pas refléter la réalité des faits, les faits de la réalité. Hassan Al Banna répétait toujours ce hadith, supposé authentique, attribué au Prophète : «la guerre est une ruse » !
Ce « frère moudjahid » semble avoir bien assimilé cette maxime stratégique. Lors de cette soirée, il avait juste murmuré : « Il faudrait assurer une indépendance [de façade] du Lycée Averroès et de l’Institut Al-Imane. Ces deux institutions ne doivent pas être présidées par un membre connu du bureau de la LIN ». Les présidents de ces institutions ne devraient pas « être connus » comme étant des « frères moujahidouns » !
D’ailleurs, la première directrice du « Lycée Averroès » fut Madame Sylvie Taleb Duchemin. Elle avait compris par la suite qu’elle n’était là que pour le décor. Elle a fini par démissionner. L’actuel directeur, Hassan Oufkir, a été rapatrié du bastion valenciennois, d’un certain Hassan Iquioussen : son maître. Ce directeur, presque inconnu du microcosme islamiste de la métropole lilloise, est épaulé par un certain Eric Dufour, converti à l’islam, et conseillé par un certain Michel Soussan. Toutefois, il est très difficile de ne pas apercevoir, en filigrane, la main à quatre doigts d’Amar Lasfar !
Toujours au sujet de cet établissement privé musulman, un autre « frère » disait : « Nous devons parachever l’œuvre et la réalisation du Lycée » ! Quelques années plus tard, c’est chose faite. Cet établissement frériste à signer son contrat d’association avec l’Etat en 2008. Il s’est procuré de nouveaux bâtiments et a déménagé de la mosquée de Lille-Sud en 2012. Son exemple tente d’être exporté à d’autres baronnies, à d’autres bastions de « frères moujahidouns ».
Par ailleurs, le « frère moudjahid », fin connaisseur de la littérature d’Hassan Al Banna, que j’ai cité auparavant, toujours professeur dans cet établissement et élément incontournable de l’échiquier islamiste du Nord, après avoir expliqué certaines contraintes que rencontrait cet établissement depuis sa création, il déclarait : « Si aujourd’hui nous subissons les enseignants et les formateurs, demain nous devons les choisir. Il faudrait tout faire pour que nos cadres frères musulmans aient la mission de formation de nos jeunes, au sein du lycée et dans d’autres structures » !
Force est de constater que, désormais, l’Etat finance, avec l’argent du contribuable, et le soutien de l’UMP, plus de dix-sept postes d’enseignants au « Collège-Lycée Averroès ». Parmi ces dizaines de professeurs, il y a bel et bien des professeurs « frères moujahidouns ». Il y a aussi des professeurs, plus ou moins, proches de l’idéologie islamiste. Et il y a des professeurs lambdatiques, recrutés pour simuler l’ouverture et la diversité. Il est toujours conseillé de joindre la ruse à la valeur, dit-on.
Une interrogation me hante désormais : Si l’Etat peut, après la vérification du respect de certains critères, et au nom de la loi républicaine, prendre en charge les rémunérations des professeurs de l’enseignement privé, quel qu’il soit, l’Etat devrait-il continuer à financer des agents connus, qui ne se cachent plus, de l’islamisme et de nombreux héritiers d’Hassan Al Banna et de Sayyid Qotb ? Les fameux critères ne seraient-il pas appelés à évoluer ? Simples interrogations.
Pour le Tamkine, il faudra suivre le modèle juif !
Par ailleurs, puisqu’il est très rare que des « frères moujahidouns » traitent un sujet, un quelconque sujet, sans parler des juifs, les fils d’Israël, ce « frère » recommandait d’étudier la [supposée] stratégie des juifs de France, qui selon ses dires, ont réussi leur Tamkine politique, ici en France et partout ailleurs.
Il disait : « Nous devons prendre l’exemple des juifs de France. Nous devons tirer des enseignements de leur expérience. Ils ont bien ciblé leurs besoins communautaires, en ce qui concerne les institutions et les domaines de spécialisation. Nous voyons le pouvoir qu’ils ont atteint depuis. Ils ont réussi à former des compétences. Nous devons étudier et suivre leur exemple ». Selon ses dires, si la communauté juive de France a réussi à faire émerger une élite « juive » (!) avec des compétences diversifiées et spécialisées, qui influencerait (!) désormais toutes les institutions françaises, les « Frères Musulmans » n’ont qu’à reproduire ce modèle. Ainsi parla ce professeur, loin des caméras et des microphones.
Cette dernière citation résume, sans langue de bois, la visée politique tamkiniste de cet établissement scolaire, ses objectifs réels et le modèle – imaginé et imaginaire – qu’il souhaite produire en utilisant la jeunesse musulmane scolarisée – ces fameux N.T.F. – comme matière première à façonner, selon les standards idéologiques de la confrérie, et en sollicitant les deniers de l’Etat laïque pour financer des agents « d’usinage » islamiste, idéologiquement très « qualifiés » !
La recommandation de ce professeur « frère moudjahid » est parfaitement en phase avec le contenu de la plaquette de présentation[8] (en arabe) de cet établissement, rédigée par l’équipe d’Amar Lasfar, et adressée aux riches donateurs des pays du Golf (Qatar, Koweït, etc.). Celle-ci explique que l’un des objectifs de cet établissement est de : « mettre en place un nouveau prototype éducatif musulman, rivalisant avec les écoles françaises, et permettant de former, en son sein, des hommes musulmans et des femmes musulmanes qui, le moment venu, permettront d’atteindre le Tamkine, pour notre majestueux islam dans ces contrées » !
Quant au but ultime, cette plaquette explique clairement que ce lycée a l’obligation de : « former et préparer une élite, choisie parmi les enfants de la communauté musulmane, pour qu’ils puissent occuper des postes sensibles au sein de la société française comme : l’ordre des avocats, l’enseignement supérieur, la médecine, les médias, etc. » !
Hassan AL Banna, n’avait-il pas ordonné, dans son « épître des enseignements », à ses « frères moujahidouns » de boycotter, les « écoles » qui s’opposent à l’idée islamique ?
Le « Plan Tamkine » de 1992, découvert chez le qotbisteMohamed Khayrat Chater en Egypte, ne préconisait-il pas comme recommandation stratégique d’utiliser l’élite des « Frères Musulmans » pour faire de l’entrisme politique et infiltrer les corps de « l’armée », des « médias » et de la « Justice », entre autres ?
Lorsqu’Hassan Al Banna menaça la France !
Je ne pourrais jamais décrire intégralement ce qui se trame réellement, dans le secret absolu, au cœur de ce véritable « nid de vipères ». Des vipères qui muent, certes, au gré des circonstances, des temps et des interlocuteurs, mais des vipères qui restent naturellement vipères. Chasser le naturel, dit-on, il revient en rampant ! Les « frères moujahidouns » n’oublient jamais leur identité, leur allégeance et leur projet. Ils n’oublient jamais les promesses et les menaces de leur guide-suprême. Ils n’oublient jamais cette « menace » directe d’Hassan Al Banna à l’adresse de la France en particulier. Ils la lisent dans le secret des cercles fermés, mais ne la traduisent jamais. Elle est là, écrite noire sur blanc, dans les « épîtres » qu’ils enseignent aux jeunes recrues, dans les cercles et dans les centres de formation religieuse.
En 1939, dans un discours très particulier traitant de la stratégie du Tamkine global, de ses trois étapes, de ses objectifs et de ses moyens, le fondateur adressa ces paroles dédiées à la France, à ses « frères », réunis au tour de lui, au cinquième congrès de la confrérie. Son propos est fidèlement transmis aux générations suivantes. Il disait, je traduis :
« … La France qui avait prétendu, pendant un temps, être l’ami de l’islam, elle devra rendre longuement des comptes aux musulmans. Nous n’oublierons jamais son honteux positionnement à l’encontre de notre chère Syrie. Nous n’oublierons jamais sa position vis-a-vis de la question marocaine et du Dahir Berbère[9]. Nous n’oublierons pas nos frères nombreux, tous ces jeunes de la patrie marocaine, libre et combative, jetés aux fonds des prisons et aux extrémités des exiles. Viendra le jour où ce compte sera réglé. C’est ainsi que nous faisons alterner les jours fastes et les jours néfastes parmi les hommes »[10], disait-il !
Ce compte sera réglé un jour, les « frères moujahidouns » le pensent vraiment. Certainement pas avec la force des armes mais au terme d’un processus stratégique, qui a commencé en 1983 et qui se poursuit. Un professeur du « Collège-Lycée Averroès » rappela la recette d’Hassan Al Banna, pour gravir chaque palier de la stratégie de règlement de ce différend historique. Je cite : «une foi profonde, une formation précise et une action ininterrompue »[11]. (p. 108)
Pour Amar, l’ère de l’école est venue !
Les « frères moujahidouns » de l’UOIF poursuivent le chemin, petit-a-petit. Amar Lasfar expliqua, le 25 mai 2015, à une journaliste de l’Express qu’après la focalisation sur la construction des mosquées : « l’ère de l’école est venue »[12]. Et « après l’ère de l’école » ? Dommage, la journaliste ne lui a pas posé cette question. Dans la tête du guide français des « Frères Musulmans », à chaque ère, ses structures. « La présentation et la diffusion » de l’islamisme, exigent le contrôle des mosquées. « La sélection et la formation » des jeunes, exige des écoles, collèges et lycées. S’enchaînera, en parallèle, l’infiltration et l’entrisme, avant peut-être, l’assaut final, qui se produirait, ou pas, dans quelques décennies. La France devrait-elle se rappeler qu’elle a des comptes à rendre, tôt ou tard, aux islamistes d’Hassan Al Banna ?
La marche avance, à son rythme, mais elle avance tout de même. Dans le début des années 2000, il y avait une seule école privée musulmane en France. En 2015, la « Fédération Nationale de l’Enseignement privé Musulman »[13] (FNEM), créée et dirigée par les « frères moujahidouns » de l’UOIF depuis 2014, dénombre trente cinq établissements. La presse de cette semaine révèle la création prochaine d’une cinquantaine d’autres établissements. En quinze ans, l’on est passé d’un seul établissement à plus de quatre-vingt, qui sont, soit en phase projet ou en cours d’exploitation … islamiste !
Complicités Nord-Sud !
Mais l’UOIF, bien qu’elle soit soutenue généreusement par des cheikhs pétrodollars et financée, en partie, par les deniers publics sous couvert de contrats d’association avec l’Etat, cette entité islamiste, très organisée et très active par ailleurs, ne peut strictement rien sans le soutien effectif d’hommes politiques, de gauche comme de droite, et la connivence d’autres acteurs associatifs et médiatiques. Dans le Nord, à Lille, c’est bien la droite de Jean-René Lecerf (UMP) qui déroule le tapis rouge aux qotbistes de l’UOIF. Dans le Sud, au quartier Nord de Marseille, c’est bien la gauche de Samia Ghali (PS) qui passe l’aspirateur[14]. Cette dernière se vante aujourd’hui, sur sa page Facebook d’avoir défendu, au nom de l’égalité et de la diversité, auprès du « Ministère de l’Education Nationale » la demande d’un certain Mohsen Ngazou, de signer le contrat d’association entre l’établissement scolaire Ibn Khaldoun de l’UOIF et l’Etat.
Je ne sais pas si cette élue PS a au moins une idée de ce que représente le directeur de cet établissement privé, Mohsen Ngazou pour ne pas le citer, sur l’échiquier européen et hexagonal des « Frères Musulmans » ? Cumulant, à la fois, plusieurs responsabilités éducatives au sein de l’UOIF, de la « Fédération des Organisations Islamiques d’Europe » (FOIE) à Bruxelles et de la FNEM, ce « frère moudjahid» est aussi l’une des rares « plumes » de la confrérie, surtout en langue arabe, qui diffuse sans gêne l’idéologie d’Hassan Al Banna. Je ne sais pas si l’élue marseillaise a déjà eu l’occasion de le lire, avant de le soutenir auprès du Ministère de l’Education Nationale ! Je la renvoie simplement vers un article, en particulier, publié en mai 2006, en arabe, intitulé : « Les défis éducatifs que rencontrent la jeunesse musulmane en Occident »[15].
Dès l’introduction, la couleur idéologique est affichée. La référence à l’épître qu’Hassan Al Banna avait adressée à la jeunesse est clairement assumée, au mot près, et sans l’ombre d’un doute. Ses références bibliographiques, indiquées en marge de l’article, sont toutes fréristes sauf une : Jocelyne Césari. Les autres sont : Hassan Al Banna, Issam Al Attar, Tariq Ramadan, Kamel Helbawiet Badr Al Mas. Cet article mérite d’être analysé en profondeur. J’y reviendrai, peut-être prochainement. Toutefois, je me permets de citer un seul passage, je traduis : « La base de notre vie, c’est de vivre musulmans et libres. Chaque institution, parmi les institutions musulmanes, n’est qu’un moyen qui doit servir le but visant à permettre aux musulmans d’atteindre le Tamkine, pour qu’ils puissent vivre libres, par la guidance de l’islam » !
Aussi, cette élue PS a-t-elle lu, un autre article en arabe, intitulé : « Dis : Agissez … et ne désespérez pas ! », du même auteur Mohsen Ngazou, paru dans la même revue AL EUROPIYA, numéro 34 en juin 2003 (cf. photo ci après) ? Dès l’introduction de cet article d’exhortation, le ton est donné. Après avoir expliqué les conditions difficiles que subit ladite « Oumma » islamique, « sous l’ombre d’une mondialisation envahissante et d’un matérialisme tyrannique » déplorait-il, il dit avoir trouvé dans le Coran et la sunna du Prophète la promesse divine du … Tamkine !
Pour appuyer son propos, il cita le verset suivant : « Allah a promis à ceux d’entre vous qui ont cru et fait les bonnes œuvres qu’Il leur donnerait la succession sur terre comme Il l’a donné à ceux qui les ont précédés. Il donnerait force et suprématie à leur religion qu’Il a agrée pour eux … » (Coran, 24, 55). Ensuite, l’actuel directeur du « Collège-Lycée Ibn Khaldoun » de Marseille, expliqua, toujours en se basant sur des versets coraniques, le sens donné au concept Tamkine : la force, avoir de l’importance, s’élever de grade et devenir puissant et majestueux, etc. Il détailla ensuite tout un programme d’action, prenant de la « jeunesse » la cible et la matière brute.
Ainsi, les constances idéologiques depuis Hassan Al Banna sont les mêmes. Le projet tamkiniste est toujours le même. Les méthodes s’adaptent. Des alliances incroyables sont désormais scellées. Les « frères » muent. La jeunesse N.T.F. reste la cible privilégiée pour assurer l’avenir de l’islamisme. Des établissements islamistes sont désormais soutenus par les deniers publics. Une part des impôts payés par de simples contribuables tombent, tous les fins de mois, dans des comptes courants de nombreux agents d’Hassan Al Banna.
Enfin, au-delà des aides financiers de l’Etat, l’UOIF compte beaucoup sur des soutiens idéologiques, d’autres acteurs agissant, activement, sur le terrain de la prédication salafiste, qui parlent parfaitement le langage de la jeunesse. Le dernier article de cette série en présentera un cas, qui est loin d’être un cas isolé. Cela permettra au recteur Bernard Toulemonde de diluer un peu son propos, dans l’Express d’hier, je cite : « Il existe une forme de suspicion à l’égard des établissements musulmans. Mais ceux qui demandent à passer sous contrat ne sont pas tenus par des salafistes »[16] .
A vérifier !
[1] Marianne, Dossier : « Les complices de l’islamisme », n°944, du 22 au 28 mai 2015